La rentrée littéraire de janvier se décline aussi en version poche.
Après
Et toujours les Forêts de Sandrine COLLETTE
place à
La femme révélée de Gaëlle NOHANT.
Eliza Bergman est née en 1919. Elevée à Hyde Park, enfant, elle se souvient de toutes ses promenades avec son père dans des quartiers défavorisés. Il était médecin, reconverti dans la recherche en sociologie à l’université de Chicago, et aimait faire découvrir à sa fille la diversité des hommes. A 31 ans, elle laisse son fils, Martin, alors âgé de 8 ans, et quitte précipitamment les Etats-Unis à destination de la France. Armée de son Rolleiflex, son seul effet personnel, et devenue Violet, elle immortalise le tout Paris des années 1950. C'est là qu'elle va lentement se (RE)construire, au gré des rencontres, des relations d'amitié, d'amour aussi, qu'elle va savamment tisser entre authenticité et imposture. Comme une funambule sur son fil, elle va éprouver le jeu de l'équilibre pour mieux savourer les joies de sa liberté retrouvée et aller jusqu'au bout de ses convictions pour peut-être, un jour, retrouver son pays, ses racines.
Cette lecture m'a captivée par l'entrée en matière, artistique. Le Rolleiflex est à lui seul un personnage. Créé en 1929, c'est le nec plus ultra des appareils, aujourd'hui encore largement plébiscité. Avec lui, c'est le pouvoir de l'oeil qu'elle va explorer. Gaëlle NOHANT nous fait ainsi entrer dans le monde de la photographie, cette discipline qui permet de porter un regard singulier sur le monde.
Le simple fait d'armer le Rolleiflex permet de se distancier du monde, de faire ce pas de côté, de s'en extraire pour mieux le regarder, l'ausculter, l'examiner.
C'est par cette voie que l'écrivaine aborde la condition féminine, celle des années 1920-1930 aux Etats-Unis et 1950-1960 en France. Dès les origines, il y a cette enfant née dans un univers familial bourgeois, promise à un bel avenir au bras d'un homme fortuné, quel plus beau cliché ? Et puis, il y a cette destinée empreinte d'humanité, entre le Jardins du Luxembourg et Aubervilliers. L'écrivaine brosse des portraits de femmes hauts en couleur, non pas qu'elle cache leurs faiblesses et leurs fragilités, loin s'en faut, mais c'est dans leur force et leurs convictions qu'elles rayonnent.
Je ne vous en dirais pas plus parce que c'est là aussi le charme de ce roman mais Eliza devenue Violet a un dessein. Certains évoqueraient son histoire sur fond d'abandon, elle, non !
Avec cette fresque, il est question de transmission, de mémoire. Gaëlle NOHANT explore aussi l'Histoire de Chicago des années 1960-1970, l'assassinat de Martin LUTHER KING, les émeutes qui ont suivi, les violences faites aux Noirs, l'injustice, le racisme...
La plume de Gaëlle NOHANT est absolument magnifique. D'une profonde sensibilité, elle est presque cinématographique. Tout au long de cette lecture, j'ai eu l'impression de regarder un film défiler sous mes yeux. Et puis, elle a cette capacité à embrasser cinquante ans de l'Histoire transatlantique, naviguant entre fiction et réalité, par la voie de personnages extrêmement attachants, la garantie d'un immense talent.