Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

2016-11-30T06:40:47+01:00

A la fin le silence de Laurence TARDIEU

Publié par Tlivres

"A la fin le silence", c'est le dernier roman de Laurence TARDIEU, une écrivaine dont je n'avais pas encore découvert la qualité de la plume. Personne n'est parfait !

 

C'est Antigone qui m'a sauvée de ce bien mauvais pas. J'avais effectivement lu sa chronique enthousiaste, le sujet m'avait interpellée, il ne restait plus qu'à passer chez mon libraire préféré... Bon choix assurément !

 

La narratrice vit à Paris. C'est une jeune femme, une écrivaine, une mère aussi. Elle a 2 filles et elle est enceinte de 5 mois quand les attentas de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 ont été commis. C'est aussi la période à laquelle il est envisagé de vendre la maison de famille de Nice, cette maison pleine de souvenirs et qui lui échappe.

 

Ce roman de Laurence TARDIEU nous invite à un voyage intérieur, aux confins du moi, là où les sentiments sont exacerbés. Il explore la place du corps, ses frontières, mais aussi ses sensations, ses réactions, sa capacité à surmonter les événements. Il a le mérite de poser des mots sur le ressenti de cette femme dont le corps devient le réceptacle de ses émotions. Il y a celles qui relèvent du collectif (qui n'a pas été affecté par la violence des faits perpétrés au sein de la rédaction du journal satirique ?), et puis celles qui impactent une famille en particulier et qui prennent une dimension individuelle.

 

Ce roman aborde les liens établis, consciemment ou non, entre une maison de famille et le corps de la narratrice qui l'occupe, les interférences aussi.

 

 


J'ai appris chaque fois à la connaître plus intimement. Au fil du temps, ma peau, mon corps, mon âme se sont attachés à la maison, à force de s'y attacher s'y sont agrégés, à force de s'y agréger s'y sont incorporés. Ses fondations sont devenues une part de mon ossature. J'y ai construit mon espace de sécurité intérieure. P. 28


Il va encore plus loin en mesurant les effets du manque à venir. 


Vendre la maison, c'était perdre ce qui m'ancrait depuis l'enfance. C'était perdre le lieu de mes racines, le lieu des images heureuses - les voix, les corps, les gestes si présents encore là-bas, chaque fois que j'y revenais, de ceux que j'avais aimés et qui n'étaient plus là. P. 17


Avec l'angle des attentats perpétrés le 7 janvier et aussi le 13 novembre 2015, ce roman met en exergue le côté imprévisible de la vie. L'homme est mortel, chacun le sait, mais avec les actes terroristes qui ont frappé la France en son coeur, la fragilité de la vie a pris une dimension toute particulière dans la conscience collective. Il y a un avant et il y aura un après. L'auteure appréhende cette mutation psychique avec beaucoup de finesse et de précision.


Pourtant, comme ces mots-là me faisaient du bien. Je m'y agrippais, je leur étais reconnaissante d'exister. Bien au-delà de l'état de violence extérieure, imprévisible et frappant au hasard, dont ils se faisaient les témoins, ils me permettaient de nommer une partie du magma de sensations dans lequel j'étais empêtrée depuis des mois. P. 97/98

L'écriture de ce roman a une vocation thérapeutique pour la narratrice. Dès les premières lignes, elle nous livre l'objet même de sa démarche, laisser une trace de l'existence de cette maison de famille en voie de disparition. Elle ne soupçonnait pas encore que sa vie à elle serait impactée par des attentats commis tout près de son domicile. Le roman de Laurence TARDIEU repose ainsi sur le parcours, l'itinéraire de cette femme qui, grâce à cet exercice, va s'offrir de nouveaux horizons : 


Il me semble ce matin, alors que j'écris ces dernières lignes, que quelque chose s'est passé, s'est transformé en moi, comme si j'avais effectué une longue, douloureuse, impossible traversée. Je m'apprête à poser le pied sur un nouveau rivage, un rivage dont j'ignorais l'existence avant d'entreprendre ce texte, un rivage où je n'aurais jamais pensé un jour mettre les pieds, en être à vrai dire capable, un rivage sans maison blanche ni odeur de mimosa, un rivage sans nul refuge possible, un rivage sur lequel la folie des hommes peut tout détruire en un instant. P. 169

J'ai été frappée par la ressemblance du propos tenu par Laurence TARDIEU : 


[...] ce qui n'aura pas été écrit tombera dans l'oubli, ce qui n'aura pas été écrit se confondra avec ce qui n'a pas existé. P. 121

avec celui de Gilles MARCHAND dans "Une bouche sans personne" sur cette nécessité d'écrire pour donner corps à des événements et ainsi assurer leur mémoire. Gilles MARCHAND faisait lui-même référence à une citation empruntée au roman « La conscience de Zeno » d’Italo SVEVO :


Les choses que tout le monde ignore et qui ne laissent pas de trace n'existent pas.

Cette ressemblance relève-t-elle d'un simple hasard ou bien est-elle la représentation d'une préoccupation émergente des auteurs du 21ème siècle ? Cette question me taraude mais peut-être avez-vous une idée sur le sujet...

 

J'avoue avoir lu ce roman avec beaucoup de plaisir et je crois qu'une prochaine fois, à la Bibliothèque, je passerai avec curiosité dans le rayonnage des T histoire de... Si vous avez d'autres romans de Laurence TARDIEU à me conseiller, je suis preneuse !

 

Voir les commentaires

2016-11-04T20:20:37+01:00

La formidable aventure des 68 premières fois...

Publié par Tlivres

A l'origine, il y a une femme, "L'insatiable", déjà tout un programme !

Et puis, autour d'elle, gravitent quelques bonnes fées...

Ensemble, elles ont eu l'idée de lancer une rentrée littéraire pas comme les autres, et de faire une place aux 1ers romans. Une idée formidable !

En 2015, j'avais laissé passer l'opportunité, craignant de ne pouvoir tenir le rythme.

Et puis, en 2016, je me suis lancée, je m'y suis inscrite et j'ai eu le bonheur de découvrir que j'étais retenue, comme 74 autres doux et dingues de littérature !

Une aventure complètement folle mais tellement riche d'échanges, une aventure humaine, c'est sûr... et puis une aventure littéraire aussi !

La formidable aventure des 68 premières fois...

A la veille de partir en voyage à destination d'une île déserte (et donc de me couper des réseaux sociaux quelques temps !), j'ai eu l'idée de vous faire un premier bilan de mes lectures.

Au compteur : 27 premiers romans, sortis en janvier et septembre 2016, lus et chroniqués !

Il y a des Coups de 

Une bouche sans personne de Gilles MARCHAND

En attendant Bojangles d'Olivier BOURDEAULT

Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

De ce pas de Caroline BROUE

 

 

http://legantetlaplume.canalblog.com/Et puis, il y a des lectures Coup de 

 

 

Source de cette image : legantetlaplume.canalblog.com

 

 

Branques d'Alexandra FRITZ

Jupe et pantalon de Julie MOULIN

 

 

 

Et enfin, il y a tous les autres :

Fils du feu de Guy BOLEY

Lucie ou la vocation de Maëlle GUILLAUD

Bianca de Loulou ROBERT

Vivre près des tilleuls de l’AJAR

Garde-corps de Virginie MARTIN

Un hiver à Sokcho d’Elise SHUA DUSAPIN

Rien que des mots d’Adeline FLEURY

Un grand marin de Catherine POULAIN

Un carré allemand de Jacques RICHARD

Nos frères blessés de Joseph ANDRAS

Treize d'Aurore BEGUE

L’heure bleue d'Elsa VASSEUR

Moro-sphynx de Julie ESTEVE

Alham de Marc TREVIDIC

Notre château d'Emmanuel REGNIEZ

Brillante de Stéphanie DUPAYS

Les brasseurs de la ville d'Evains WECHE

Le monde entier de François BUGEON

Comme neige de Colombe BONCENNE

Les grandes et les petites choses de Rachel KAHN

Une famille normale de Garance MEILLON

 

Un immense MERCI à ces drôles de dames pour leur sélection d'excellents romans et la découverte de nouvelles plumes, hors du commun, qui sauront faire leur place dans l'univers de la littérature c'est sûr !

Voir les commentaires

2016-11-03T07:43:53+01:00

Fils du feu de Guy BOLEY

Publié par Tlivres

Ce  roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

 

Dans la famille, il y a Papa, ferronnier d'art, Maman, lavandière, et 2 garçons, l'un est devenu peintre, c'est le narrateur. Il se remémore le travail de ses parents, les conditions difficiles dans lesquelles chacun menait sa tâche à bien, mais aussi la vie de famille, riche, chaleureuse. Et puis, il y a eu ce drame, le décès de son frère. Avec le deuil, c'est toute la famille qui va exploser et chacun va devoir trouver une nouvelle voie...

 

Guy BOLEY a cette plume remarquable qui donne une dimension hautement romanesque à des scènes de vie quotidienne. Moi qui appréhendais d'entrer dans une forge, j'ai pris plaisir à la découvrir. Quant au travail des lavandières, alors là, il excelle...

 

 


Je l'aimais bien, ce monde féminin de linge et de lingerie, ce monde clos de buée, ces grosses cuves à eau où l'on bouillait, brassait, touillait les draps, ces baquets de lavage où se mêlaient cendre et suif, ces maelströms de lin, de couleurs ou d'écru, ces cotons qui cloquaient, ces bulles de savon, l'odeur des lessives, la torsion des mains, la sueur des femmes, ce linge que l'on battait comme on fesse un vaurien, que l'on secouait dans de grands claquements, et la beauté sans nom de leurs drapés flamands quand on les laissait choir. P. 47/48


Mais Guy BOLEY, c'est un nostalgique, autant il aime à décrire avec moult détails l'artisanat, autant il donne de sérieux coups de griffes à notre monde moderne régit par la consommation :


Les petits riens aux petits riens s'additionnent, faisant mourir les mondes, périr les civilisations : on tourne en rond avec l'automobile comme tournent les moines sur le pavé des cloîtres, on pilonne les livres en massacrant les mots derrière le noir et blanc d'un écran de télé qui a cependant l'élégance de se nommer encore Radiotéléviseur, histoire de faire croire que la parole est reine, alors qu'elle est déjà condamnée, mise en joue par ces réclames naïves, aux tons pastels, qui deviendront de la pub et régiront le monde. P. 90


Et puis, progressivement, il va se concentrer sur son narrateur, faire abstraction de l'environnement pour se focaliser sur ses peines, la profondeur de ce personnage affecté par le décès de son frère au point de s'en rendre malade et de devoir réapprendre à aimer la vie. C'est la peinture qui va le sauver, l'art-thérapie va faire son œuvre et lui permettre de toucher du doigt toute la sensibilité d'une toile :

 


Peindre cet enfant si joliment chantant que toute sa vie il demeura, afin qu'une fois la toile achevée, on puisse non seulement lire tout cela sur son visage, mais aussi entendre les craquements de son coeur tourmenté et de son corps d'écorché, sinon il n'y a aucune raison de le portraiturer, autant contempler une photographie. P. 142

 

Voir les commentaires

2016-11-02T22:36:52+01:00

L'insouciance de Karine TUIL

Publié par Tlivres
L'insouciance de Karine TUIL

Karine TUIL, je ne connaissais pas encore sa plume, et bien, je crois que je vais en devenir une inconditionnelle !

 
Comment dire... elle est exceptionnelle, haletante, grisante à l'envi !
 
Je vous explique :
 
Romain Roller est militaire de carrière, comme son père et son grand père. Il mène régulièrement des opérations extérieures. Après la Côte d'Ivoire, Centrafrique, c'est en Afghanistan qu'il est parti avec ses hommes. Il est sur le chemin du retour. 3 jours de sas de fin de mission sont organisés par l'Armée Française sur l'île de Chypre dans un hôtel 5 étoiles. Il est tétanisé par le retour. Il va croiser le chemin de Marion, une journaliste.
 
François Vély, lui, est PDG d'une firme de téléphonie, il représente la 10ème fortune de France. Il a quitté sa femme pour une autre. Son épouse ne supporte pas l'idée d'un quelconque mariage, elle se suicide en se défenestrant sous les yeux de leur fils, Thibault. Le jeune homme ne s'en est jamais remis. Il a choisi sa voie, celle de la religion juive, peut être un retour aux sources...
 
Osman Diboula, enfin, est Conseiller du Gouvernement à la Jeunesse. Né de parents ivoiriens arrivés en France dans les années 60, il fut le leader des mouvements d'émancipation des banlieues. Repéré par les politiques, il se laisse séduire par les affres du pouvoir. Tout se passe très bien jusqu'au jour où il ne supporte pas plaisanterie d'un pair autour de ses origines. Sa réaction lui vaut une mise au placard par le Président.
 
Karine TUIL est une écrivaine ambitieuse. Alors qu'un seul sujet pourrait à lui seul constituer la trame d'un roman, elle choisit d'en aborder trois et pas des moindres. L'état de déchéance psychique des soldats revenus d'Afghanistan, le phénomène de radicalisation religieuse des jeunes et enfin la place du politique sont disséqués au gré des 524 pages de son tout dernier roman.
 
Comme vous l'imaginez, le fond est particulièrement dense et laisse présumer de nombreuses recherches de l'auteure en amont. Un travail certainement faramineux et rigoureux pour en arriver à cette justesse dans le propos. 
 
Mais Karine TUIL va encore plus loin. Elle nous propose un roman dans une plume fluide qui s'inscrit totalement dans le registre du thriller psychologique. Elle nous brosse le portrait de trois hommes d'influence pourtant en chute libre, en proie à l'angoisse, au désarroi, faisant toucher du doigt la fragilité humaine.
 
Et quand la passion amoureuse s'invite à la table des protagonistes... je ne vous en dis pas plus mais vous promets quelques soubresauts !
 
Je tiens à remercier très sincèrement l'équipe de PriceMinister Rakuten qui m'a permis de découvrir ce magnifique roman dans les cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire. J'attends déjà l'édition 2017 !

Voir les commentaires

2016-11-02T21:12:40+01:00

Le carré des Allemands de Jacques RICHARD

Publié par Tlivres

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

C’est un roman relativement court mais qui sait se faire une place dans la cour des grands !

Un homme part sur les traces de son père, sur fond de 2de guerre mondiale mais pas que. Il cherche à comprendre sa fuite, son histoire...

Il est emprisonné par un secret de famille très bien gardé...

 

Le carré des Allemands de Jacques RICHARD


Nous sommes dans un jeu de miroirs, de fragments où personne ne se voit tout entier. Mais à tenir les autres à distance, c’est moi-même que j’enferme. Les autres sont mes barreaux. P 15

Il joue en permanence avec le « je », le « moi », « l’autre », les « autres », à chaque fois c’est tout un univers qu’il mobilise. Il aborde l’interculturalité dans toutes ses dimensions...


Etre un autre. Tous ceux que j’ai été, que je ne serai pas et tous ceux que je suis. Etre un autre. Etre Noir comme un roi, être Arabe par amour, Juif six millions de fois. Etre une femme qu’on aime ou une qu’on lapide, être un autre et connaître chacun de tous les autres à l’intérieur de moi, chacun de tous les moi à l’intérieur de l’autre. P 30

Dans cette prose, il y a le poids de l’absence, l’incommensurable vide laissé par celui qui n’est plus là !


On ne sait pas ce que font ceux qui ne sont pas là. Moins encore ce qu’ils sont. Ceux qui vivent sous nos yeux, déjà, nous sont si mystérieux, tellement indéchiffrables. C’est sans doute cela qui nous les rend précieux. P 57

Et puis, il y a le pourquoi de la fuite, le fait que l’histoire de chacun contribue à la grande Histoire :


Le crime était collectif, mais chacun l’a commis seul. Chacun s’est trouvé tout seul avant, pendant et après. Tout seul avec ce qui s’est passé, tout seul devant l’horreur. On est aussi seul quand on la commet que quand on la subit. Histoire d’un criminel de guerre. P 89

Enfin, ce sentiment de culpabilité, de responsabilité des ascendants pour les actes commis par les générations passées...


On se tait moins de n’avoir rien à dire que de n’avoir pas les mots. Pas d’issue là non plus. Chaque jour un peu plus les mots nous font défaut. Je cherche les miens. Je n’en trouve pas pour dire que même si je n’ai rien fait je ne suis pas innocent. Un sentiment permanent d’être en tort sans savoir de quoi. Né dans une prison dont je suis le détenu et le gardien. Tous les autres sont les barreaux. Interdit de vie. P 103

Il faut dire que tout avait commencé avec cette citation de Madeleine NATANSON : « La souillure d’une génération atteint les survivants d’une marque de malheur et d’indicible culpabilité. »

La boucle est bouclée et en beauté s’il vous plaît !

L’écriture, je dois bien l’avouer, est au début surprenante. Je pourrais même la qualifier d’exigeante ! Elle nécessite de se laisser lentement apprivoiser mais quand le lâcher-prise fait son oeuvre, ce roman devient un petit bijou de la littérature.

Assurément, le nom de cet auteur est à conserver précieusement dans nos tablettes !

Voir les commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog