Vanessa SCHNEIDER nous livre ses confessions dans « Tu t’appelais Maria Schneider », un document qu’elle voue à la mémoire de sa cousine, décédée à l’âge de 58 ans. Après une enfance marquée par des relations difficiles avec sa mère, elle est accueillie par les parents de l’auteure. Des premiers liens s’établissent quand elle est adolescente avec son père naturel, Daniel Gélin. Il fait découvrir à sa fille le monde du cinéma et la vie de saltimbanque, le monde de la nuit, des discothèques. Maria fait connaissance avec Alain Delon qui lui obtient un rôle de figurante dans Madly de Roger Kahane sorti en 1969. Puis, le rôle de sa vie lui est proposé par Bernardo Bertolucci. Elle tourne une scène d’amour avec Marlon Brando. Le réalisateur et l’acteur décident de faire un pas de côté par rapport au scénario. Pour donner au film son caractère sulfureux, ils ont l’idée d’ajouter à la scène sexuelle une sodomie. La vie personnelle et professionnelle de Maria ne s’en remettront pas. Le film fait polémique, en France, il est interdit aux moins de 18 ans, dans le monde entier, le « Dernier tango à Paris » défraie la chronique.
Avec ce livre, entre récit et roman mon coeur balance, l’auteure tient un engagement, celui pris enfant quand elle découvre que la pochette, dans laquelle elle classe tous les articles de presse qui parlent de sa cousine, a disparu de la maison de campagne familiale. Un jour, elle écrira sur Maria Schneider. Le livre commence avec son décès. Elle a 58 ans. C’est là que Vanessa SCHNEIDER se lance.
L’objet littéraire est engagé et parfaitement assumé. Restaurer l’image d’une actrice déchue n’est pas une mince affaire. Alors que malheureusement, le personnage n’est que souffrance, Vanessa SCHNEIDER réussit à le traiter avec pudeur et sensibilité. La jeune fille brade une mère qui ne l’aime pas pour un père attentionné mais dont la vie est empreinte du show-biz. Commence alors pour elle une toute nouvelle vie qu’elle croit bien sûr meilleure que la précédente mais qui l’expose à des risques insoupçonnés. Sa jeunesse et son isolement la rendent d’autant plus vulnérable.
Elle découvre le monde du cinéma dont elle ne connaît pas les codes, elle côtoie des stars (son propre père, Alain Delon, Brigitte Bardot), découvre la reconnaissance, des personnes qui lui font confiance, une première dans sa vie de femme.
Nous sommes au lendemain des événements de 1968. Le slogan « il est interdit d’interdire » a largement fait son chemin, il n’en faut pas plus pour séduire une jeune fille de 18 ans en quête de liberté. La sexualité se débride, les corps s’émancipent. Vanessa SCHNEIDER dénonce les rouages d’une industrie du cinéma qui est aussi une affaire de mode, elle tient compte des évolutions sociétales, les devance parfois. Avec ce film, le réalisateur est prêt à tout pour faire du buzz (nous n’avions pas encore les réseaux sociaux mais les excès existaient déjà !). Maria Schneider est purement et simplement instrumentalisée par une machinerie qui la dépasse totalement. Elle va payer le prix le plus cher qu’il soit, une atteinte à son intégrité, une humiliation et la perte de sa dignité. Je ne peux m’empêcher de mettre en relation cette scène qui a maintenant une cinquantaine d’années avec celles tournées maintenant. Ce livre a aussi le mérite de nous faire réfléchir sur ce que nous voulons pour notre société. Qu’est-ce que nous sommes prêts à accepter pour nos enfants, nos petits-enfants ?
J’ai été profondément touchée par le destin de cette femme. Son existence a été marquée par de profondes souffrances, elle dira pourtant d’elle-même : « J’ai eu une belle vie ».
J’ai aussi beaucoup aimé le jeu de la narration à la deuxième personne du singulier. C’est un peu comme si Maria vivait toujours et que sa cousine s’entretenait avec elle. Vanessa SCHNEIDER use d’un procédé littéraire ingénieux pour faire entrer le lecteur dans l’intimité d’une famille meurtrie par les blessures transmises de mère en fille comme une malédiction entre des générations de femmes.
Un récit poignant.
Merci au jury Elle de septembre pour le Grand Prix des Lectrices 2019. A défaut, je pense que je serai passée à côté !