Quand l’équipe de Vleel propose un Challenge d’hiver et que je ne suis pas à une folie près, j’accepte bien sûr.
Le défi : publier 9 chroniques de livres lus entre le 27 décembre 2022 et le 27 mars 2023.
Si au ski, vous avez différentes couleurs de pistes, là, des catégories
Un livre à lire tout schuss : d’une traite sans s’arrêter
Un titre de livre qui évoque le froid dans sa globalité
Un livre pour se réchauffer pendant l’hiver
Un auteur reçu par Vleel depuis ses débuts en 2020
Un livre d’une maison d’édition reçue par Vleel depuis ses débuts également
Un livre d’un auteur québécois
Un roman graphique ou BD
Un titre de nature writing
Un livre ho! ho! ho!
Pour une mise en jambe, je démarre aujourd’hui avec
Un livre d’un éditeur reçu par Vleel
j’ai choisi les éditions de l’Observatoire que j’aime tant avec mon premier coup de coeur de l’année, « Les Mangeurs de nuit » de Marie CHARREL. C'est mon #mardiconseil.
Nous partons pour le Canada revisiter son Histoire à travers des personnages aussi attachants que mystérieux. Il y a Hannah, une femme qui vit recluse depuis une dizaine d'année dans une maison en haute montagne. Elle porte en elle les traces de sa famille meurtrie par un courant migratoire croyant en l'eldorado mais qui, en posant le pied en terre américaine, révéla à Aika Tamura la grossière erreur de croire en un mariage arrangé. Elle fit partie en 1926 de ces "picture bride", des japonaises qui, en l'absence d'avenir dans leur pays, consentirent à une union sur photographies avec un étranger. Aika n'avait que 17 ans, lui, Kuma, 45. Et puis, il y a Jack, un creekwalker, l'un des 150 hommes recrutés pour veiller sur les cours d'eau et compter les saumons de la Colombie-Britannique. Il passe sa vie avec ses deux chiens. Hannah et Jack ont tous deux été bercés par des contes pour enfants. La réalité s'est chargée de leur faire vivre un tout autre destin.
Cette maison d’édition était au micro de Vleel en août 2020, Dana BURLAC, Directrice, répondait aux questions d’Anthony et les internautes réunis pour l’évènement.
Sur le blog, retrouvez mes lectures (très souvent des coups de ❤️) depuis leur création.
Ce portait est extrait d'une expo en 2022 au Mémorial de la Shoah
Frédéric COUDERC, j'ai découvert votre plume avec "Yonah ou le chant de la mer" aux édiions Héloïse d'Ormesson. C'était il y a trois ans. J'ai rechuté tout récemment avec "Hors d'atteinte" que j'ai eu le plaisir de lire en avant-première. Je remercie les éditions Les Escales.
Quel plaisir de vous voir m'accorder de votre temps précieux pour répondre à quelques-unes de mes questions.
Du roman "Hors d'atteinte", je suis sortie ébranlée. C'est une lecture coup de poing qu'il m'a été particulièrement difficile de résumer. Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots ?
Le roman commence par révéler l’existence d'un Doktor d’Auschwitz au parcours bien plus meurtrier que Mengele : Horst Schumann, un DoKtor SS qui castrait les hommes et stérilisait les femmes au Block 10 du camp d’extermination, hélas aussi responsable de l’assassinat de 15 000 handicapés sous le programme dit Aktion T4. Surtout, par-delà la révélation d’un assassin de masse impuni, à mesure des pages de nombreux personnages fictifs et leur intériorité se révèlent, équilibrant le texte, je crois, entre les veines intimistes et historiques, avec tout au long, une passion amoureuse.
Dans ce roman, qui en réalité est un mixte de tout un tas de genres littéraires, il y a la forme, un livre dans un livre. Vous écrivez l'histoire d'un écrivain, Paul, un personnage de fiction, qui part sur les traces de l'histoire de son grand-père, Viktor, de 92 ans. Vous évoquez le métier d'auteur condamné à vivre des subsides de son inspiration, l'inquiétude de l'écrivain juste avant la parution d'un livre. Que nous dit Paul de vous ?
J'ai consacré deux années à "Hors d’atteinte", du temps long pour choisir le bon dispositif de narration. Je suis convaincu, comme Paul, qu’il ne faut plus entrer dans Auschwitz, qu’écrire le nom suffit, que les élypses et les silences sont plus forts qu’une description forcément obscène, des auteurs anglo-saxons se le permettent, le Tatoueur de Auschwitz, la Bibliothécaire de Auschwitz, à quand la couturière des pyjamas ? C’est dégueulasse, une espèce de filon, pas loin d’une forme de pornographie mémorielle. Bref, Paul est un alias, aussi, et nous partageons cette pudeur à ne pas vouloir banaliser la Shoah. Le Mémorial de la Shoah à Paris m’a bien aidé dans mes réflexions. Paul partage ses doutes avec le lecteur, c’est un type normal, loin des poses des écrivains que l’on croise malheureusement trop souvent dans les salons du livre. Tellement d’auto-proclamés génies sont des êtres humains médiocres, tournés sur leur petit nombril. Je note que ce sont surtout les hommes… Ils font les malins mais la vérité c’est que la plupart des écrivains sont anéantis à la parution de leur livre, effondrés, prêts à mettre la clef sous la porte.
Je l'ai dit, ce roman, il est tantôt un récit de vie avec le témoignage de Génia OBOEUF-GOLDGICHT, tellement bouleversant, tantôt une fiction avec la famille de Viktor. J'avais déjà remarqué votre tendance à vous affranchir des frontières de la littérature dans "Yonah ou le chant de la mer". Est-ce chez vous quelque chose de singulier et naturel ou bien vous contraignez-vous à cette performance ?
C’est assez naturel. Il y a cette idée de créer un tremblement nécessaire entre la réalité et la fiction, au final le pacte avec le lecteur me semble quand même moral puisque les personnages réels et ceux inventés sont précisés. Mais ça n’intervient qu’à la toute fin. En cours de route, j’espère bien qu’on se pose des questions, ainsi c’est une lecture active, avec des tiroirs dans tous les coins.
D'ailleurs, pouvez-vous nous dire comment vous écrivez ? Est-ce que vous saisissez à la volée toutes les informations qui vous arrivent au moment où vous êtes lancé dans l'écriture d'un roman ou bien l'écriture fait elle suite à la consultation de nombreuses archives et d'un travail studieux de recherche ?
Un peu des deux, mais cette fois-ci, trouver Paul était une bénédiction car, avec lui, j’ai avancé à peu près au même rythme. J’avais Schumann au début mais j’ai partagé ses doutes sur la nécessité d’écrire cette histoire. À quoi bon, un boucher de plus ? Et puis, c’est en voyant la photo de cet homme, tout juste émasculé par ce monstre que, comme Paul, je me suis dit que les victimes me commandaient un livre.
Dans le même ordre d'idée, comment construisez-vous vos personnages ? Je pense à Paul et Viktor bien sûr, mais aussi Vera et Nina... Est-ce que dès le début de l'écriture, vous en connaissez la vie ?
À grands traits, oui, mais les unes et les autres prennent vie, commandent des tours et détours, une forme de magie se met en place.
Dans ce roman, comme dans "Yonah ou le chant de la mer", la grande Histoire est votre terrain de jeu et là, j'avoue que c'est une pure merveille. Vos livres explorent des opérations ou des événements qui ont échappé aux manuels scolaires. Il y a le déminage des plages danoises, les deux éléphants survivants du zoo d'Hagenbeck, le Pont de Hambourg, ce centre d'information britannique où viennent manger les gens, là aussi que s'organise le marché noir. Je pense aussi à l'intervention de Max Warburg. Je pourrais en citer d'autres qui rendent votre livre foisonnant. Comment découvrez-vous toutes ces pépites ? et surtout, comment travaillez-vous pour les organiser pour qu'au final le roman soit accessible à tous ?
Merci !!! Dans l’écriture, il y a surtout une réinvention permanente, je juge une première version plate et travaille une seconde, puis une troisième… Du boulot, donc, car je cherche un effet « montagne russe ». Déjà, il me faut connaître les lieux, voyager, donc, pour chasser les lieux communs et bannir une certaine emphase. Il arrive un moment où il faut mettre la doc de côté, ne surtout pas dépendre de ses sources et archives, sinon ce n’est plus du roman mais une copie de fiche Wikipédia. Ne jamais perdre de vue qu’il y aura bientôt une lectrice ou un lecteur. Au final, j’ai bien enlevé 100 pages de digressions et sources historiques…
Le Covid a un peu faussé les dates, "Hors d’atteinte", c’est en réalité deux ans de travail. Dès le départ je voulais un pavé, j’aurais même pu continuer, le personnage réel est à ce point dingue qu’on peut imaginer, encore de nombreux chapitres. Sa vie au Japon, par exemple, c’est fou ! Sans compter que je parle de ses crimes à Sonnenstein puis Auschwitz. Mais les mois qu’il passe dans le camp de Ravensbruck. Là-aussi, il torture…
Avant de nous quitter, je voudrais revenir sur la forme. Ce roman fait 500 pages. Pas un instant je n'ai voulu le poser. Il est haletant. Comment travaillez-vous le rythme d'un livre ?
Merci encore, c’est tout le pari, et franchement quand on écrit on n'est certain de rien. Sans doute que la faille spatio-temporelle du récit, hier et aujourd’hui, l’Europe et l’Afrique, permet, je crois, de ne pas s’ennuyer. C’est presque deux romans en un. Et des personnages forts, multiples, j’espère, que l’on a envie de suivre…
Est-ce qu'en dehors de l'écriture vous réussissez à lire ? Je crois savoir que vous affectionnez tout particulièrement la plume de Sandrine COLLETTE. Avez-vous des auteurs fétiches ?
Oui, je suis un gros lecteur, pas forcément des chefs-d’œuvre incontestables, mais des textes dont les personnages m’inspirent et me bouleversent. En France, la patronne, pour moi, c’est Virginie Despentes, de loin. J'aime aussi bien Joncourt que Jaenada, mais je place par-dessus tous les auteurs anglo-saxons. Mes découvertes de jeunesse, Scott Fitzgerald, William Styron, Philip Roth, Paul Auster, Joyce Carol Oates, Dona Tart, Jonathan Franzen, James Salter, Denis Lehane, Russel Banks, Jim Harrison, font place chaque année à des nouveaux. Avez-vous lu Mécanique de la chute de Seth Greeland ?
Non... pas encore !
Je vous ai demandé un cliché que vous aviez envie de partager. Vous m'avez transmis une photo de la Baie d'Audierne, près de chez vous, en Bretagne, "des lieux (relativement) hors d'atteinte qui façonnent votre écriture". Merci de nous émerveiller avec ce paysage !
Cette fois, c'est décidé. Il est temps de nous quitter ! Merci, très sincèrement, Frédéric. Je vous souhaite beaucoup de succès avec "Hors d'atteinte".
Je deviens complètement fan de ce genre artistique.
Je trouve que les illustrateurs ont un immense talent pour représenter une situation simplement et remplacer tous les discours.
Là, c'est le bras de fer qui oppose actuellement le gouvernement à la société française à propos de la réforme des retraites.
Ce dessin est la création de Anne DERENNE, une jeune femme qui dessine notamment en partenariat avec Cartooning for Peace. Vous vous souvenez peut-être de cette exposition sur les grilles du Jardin des Plantes et du Musée Pincé à Angers en faveur de l'égalité femmes/hommes.
Mais Anne DERENNE est également dessinatrice pour la jeunesse, un créneau qui m'intéresse de plus en plus. Elle est aussi autrice et alimente un blog !
Bref, Anne DERENNE, c'est une artiste qu'il faut suivre absolument !
Ma poésie du lundi, c’est Frédéric COUDERC qui m’a mise sur la voie dans son dernier roman, « Hors d’atteinte » aux éditions Les Escales.
John DONNE, je ne le connaissais pas. C'était un poète anglais du XVIIème siècle.
J’aime les textes qui évoquent les interactions de l’individu avec un tout plus grand soi, quelque chose de l’ordre de l’humanité, comme le chantait hier Zazie.
A partir d’une citation, j’ai retrouvé le poème en entier.
Je le trouve si juste et si beau. Vous comprendrez que je ne puisse passer à côté de ce partage 😉
Il y a cette magnifique photo d'une femme, elle, perchée sur un mirador, à l'ombre d'un parapluie noir, sur fond bleu, un ciel légèrement tacheté de blanc, le visage de profil, regardant au loin. Dans ses mains, un journal. Et puis, ses bottines jaunes, j'adore !
C'est cette photo qui orne le nouvel album de l'artiste sorti en 2022, "Aile-p".
Parmi les 8 titres, ma #chansondudimanche, c'est "Lève-toi".
En plus de la voix si singulière de la chanteuse, autrice, compositrice, interprète, j'y ai trouvé des notes de musique, énergiques et vibrantes.
Et puis, il y a les paroles, bien sûr, une invitation à RESISTER. Zazie a l'habitude des choses en grand, elle convoque l'humanité, rien de moins !
Sors de ta torpeur, il est temps
Je crains que nos cœurs n'en aient plus pour longtemps
Avant que nos rêves ne s'en relèvent pas
Lève-toi
Avant que nos rêves ne s'en relèvent pas
Humanité
Lève-toi
Lève-toi
Relève-toi
Soulève-toi
Humanité
Mon humanité
Reviens-moi
Reviens-moi
Humanité
Les paroles des chansons de Zazie ont cet élan militant. Et parce que les arts résonnent entre eux, ce n'est pas Alexandra KOSZELYK qui me démentira, je voudrais faire un clin d'oeil à Nathalie RHEIMS. Si elle vénère les chansons engagées des années 1950-1960, avouons que "Lève-toi" à de quoi faire aimer le XXIème siècle, aussi !
Parce que je ne lis plus jamais les quatrièmes de couvertures, je vous propose les premières lignes du premier roman d'Anthony PASSERON, "Les Enfants endormis" aux éditions Globe.
Il y a cette famille d’artisans bouchers, de pères en fils, des gens connus de tout le village, des gens qui se tuent au travail. Alors, quand le fils aîné, Désiré, se destine à des études, un nouvel élan souffle sur la lignée. C’est le fils cadet qui, lui, sera soumis à la relève, lui n’aura pas le choix de son avenir professionnel. Mais avec les études, Désiré découvre la vie en ville. Il côtoie des jeunes qui n’ont que faire du modèle ancestral. Ce qu’ils veulent, eux, c’est vivre. Dès lors, ils repoussent les limites, bravent tous les dangers. Désiré lâche l’école. Direction Amsterdam. Quand il en reviendra, plus rien ne sera pareil. La drogue fait partie de sa vie, la drogue dure, l’héroïne. Il se pique, lui et ses amis de l’époque. Ils partagent les mêmes seringues, celles-là mêmes qui véhiculent le VIH. Mais le virus est à cette époque loin d’être maîtrisé. Ce ne sont que les balbutiements de la recherche médicale dans le domaine, le début d’un des plus grands combats scientifiques du XXème siècle.
Le primo-romancier, Anthony PASSERON, a un talent fou.
Il réussit à mêler habilement la fiction et la réalité.
Il nous offre un double regard avec la dimension micro pour l'exploration de l'intimité d'une famille "ordinaire", la sienne, et la dimension macro, celle de l'univers de la recherche en prise avec l'épidémie du sida.
Anthony PASSERON nous livre un roman social, de ceux qui témoignent d'une époque. J'y ai retrouvé mille et un détails de cette période comme autant de souvenirs familiaux, télévisuels aussi. Le témoignage, c'est ce qui explique la démarche de l'écrivain :
Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. P. 11
Il concourt à la mémoire de son oncle, Désiré, sa femme et sa fille.
Il honore aussi Willy ROZENBAUM, l'épidémiologiste qui a été le premier à faire le rapprochement entre :
une maladie très rare du système pulmonaire survenue chez un sujet jeune, homosexuel, qui n'a aucune raison d'être immunodéprimé. Tout est là, devant ses yeux. C'est la même affection, une maladie quasi éradiquée, qui vient d'être observée chez six patients, cinq Américains et, désormais, un Français. P. 17
Il s'est battu corps et âme pour fédérer des chercheurs, emporter l'adhésion des Américains pour faire cause commune. Il a payé de sa personne, devenu paria de l'hôpital Claude-Bernard comme ses patients. Il est aussi passé à côté du Prix Nobel de Médecine 2008 décerné à Françoise BARRE-SINOUSSI et Luc MONTAGNIER pour "leurs découvertes du virus de l'immunodéficience humaine (VIH)". Non pas qu'eux déméritaient, non. Ils faisaient partie comme Willy ROZENBAUM de celles et ceux qui menaient le combat contre cette terrible maladie depuis l'origine. Simplement, ils auraient pu être trois ! Anthony PASSERON relate son parcours, il célèbre le médecin français, qu'il soit loué pour sa démarche littéraire.
Sa plume est prometteuse. Je ne suis pas la seule à le dire ! Le roman "Les Enfants endormis" est lauréat du Prix Wepler 2022 et du Prix Première Plume 2022.
Tout commence avec une scène de chaos, un bal du 14 juillet qui devient un bain de sang. Abel Bac voit ses nuits régulièrement perturbées par le même cauchemar. Quatre nuits par semaines, il donne libre cours à ses insomnies, se lève, s'habille et part déambuler dans les rues de Paris jusqu’à se perdre, jubile, et rentre. Abel Bac est flic, enfin, était. Il a été suspendu de ses fonctions il y a 8 jours. Il était lieutenant de police à la 1ère DPJ de Paris. Ses journées, il les passe seul, il s'occupe de ses quatre-vingt treize orchidées qu’il soigne avec une attention toute particulière. Et puis, comme personne ne le visite jamais... enfin, visitait, parce que la nuit dernière, la voisine du dessus, ivre morte, s'est trompée d'appartement. Cette intrusion dans son intimité le fait vaciller. Et puis, il y a ce journal, trouvé sur son paillasson, chaque jour, relatant la découverte d'un cheval blanc dans une bibliothèque de Beaubourg. Etrange, non ?
Dans le titre, "Artifices", il y a "Art". Une nouvelle fois, il est au coeur de l'histoire contée par Claire BEREST. Elle elle emprunte la voie de la performance, en référence à l'artiste Marina ABRAMOVIC, pour explorer les formes d’expressions artistiques contemporaines.
Et puis, il y a des personnages construits avec une incroyable minutie. L'autrice imagine des êtres torturés par des drames familiaux, hantés par les fantômes des disparus, des êtres poussés à changer d'identité.
Dans une plume énergique et haletante, Claire BEREST dévoile des liens restés dans l'ombre et gardés secrets. Si la vie ressemble parfois à un jeu, il n'y a que l'écrivaine qui en connaisse toutes les cartes. Suspens assuré !
Ce que j'aime avec Claire BEREST, c'est que rien n'est jamais laissé au hasard, pas même les prénoms des personnages, savamment choisis.
L'écrivaine montre son talent dans un registre littéraire très codifié. Elle nous livre un véritable page-turner.
Ma #Vendredilecture, c'est un roman sorti très récemment en librairie : "Hors d'atteinte" de Frédéric COUDERC, une lecture coup de poing. Je remercie tout spécialement les éditions Les Escales qui m'ont permis de le lire en avant-première.
Paul est écriviain. Son père est décédé quand il était adolescent. Son grand-père, Viktor Breitner, est sa seule famille. Il vit à Blankenese, un quartier donnant sur l’Elbe, à Hambourg. A 92 ans, le vieillard est victime d'une attaque cérébrale qui le fait tomber dans la dépendance. Paul, qui s'est toujours intéressé à l'histoire de son grand-père sans jamais obtenir de confidences, décide de mener l'enquête. Il découvre un lien établi avec un criminel nazi, Horst SCHUMANN, mais lequel ? Son grand-père a-t-il participé aux crimes de guerre ? Dès lors, pour l'écrivain comme le petit-fils, impossible de résister à la tentation. Paul Breitner ne sait pas encore que ses découvertes vont bouleverser sa vie.
Ce roman historique, vous vous dites peut-être, encore un sur la Shoah. Et bien, le livre refermé, je peux vous dire qu'il s'agit d'un roman très original et qu'il mérite vraiment d'être lu.
D'abord, il y a le procédé narratif, ce roman, c'est un livre dans un livre, le livre que Paul souhaite écrire sur la vie de son grand-père trouve sa place dans le roman qu'écrit Frédéric COUDERC. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. J'ai lu de lui "Yonah ou le chant de la mer" aux éditions Héloïse d'Ormesson. Il évoquait alors le conflit israelo-palestinien et s'inspirait d'une histoire vraie, celle d'Abie NATHAN impliqué dans Voice of peace. Il concourait au devoir de mémoire. Frédéric COUDERC est dans la même démarche, là, à ceci près que le personnage historique qu'il va approcher est loin d'être recommandable.
Il y a donc un personnage. A l'organisation de l'extermination massive des Juifs, tziganes et autres personnes que les nazis estimaient être des dégénérés, il y avait des hommes. Si beaucoup se sont expatriés, notamment en Amérique du Sud, d'autres ont pris la direction de l'Afrique. De tous, certains ont été retrouvés et présentés à la justice pour être jugés, d'autres comme Horst SCHUMANN réussiront toujours à passer à travers les mailles du filet. Alors, à défaut d'un jugement rendu par les organisations internationales, c'est Frédéric COUDERC qui va s'y consacrer et croyez-moi, Horst SCHUMANN, vous ne l'oublierez jamais.
Et puis, il y a ces différentes pages de la grande Histoire que je ne connaissais pas encore. L'écrivain réussit à travers l'itinéraire de Viktor à nous emmener sur les côtés danoises, et puis à Sonnenstein, là où le régime nazi faisait ses armes.
Le témoignage de Génia OBOEUF-GOLDGICHT, survivante du camp de Birkenau, est bouleversant.
J’ai essayé pendant des années, mais non, je ne trouve pas le vocabulaire. Je comprends très bien le suicide de Primo Levi. Il a dû se poser cette question que je me pose encore ; comment ça a été possible, comment expliquer des trains entiers avec des populations entières, dont il ne reste plus de traces, avec cette rapidité, cette industrialisation, cette organisation ? P. 292
Il y a encore l'histoire de la famille Breitner, des personnages de fiction, une famille attachante aux destins meurtris par la seconde guerre mondiale. Comme j'ai aimé accompagner Viktor sur les traces de sa soeur, Vera, morte à l'âge de 12 ans, une enfant qui aimait passionnément la musique, le piano.
Le tout est porté par une plume qui lie allègrement la fiction et la réalité. Elle se joue des codes et navigue entre les registres, le romanesque, l'enquête, le récit historique, le témoignage. Frédéric COUDERC confirme son talent dans le genre. Chapeau !
La narratrice, Nathalie RHEIMS voue une passion aux mots. Au lycée, elle aspire à des cours de théâtre. Quand son père lui lance le défi :
"Si tu réussis à entrer au Conservatoire, je t'autorise à arrêter le lycée."
elle redouble d’effort. Elle se souviendra toujours de cette audition rue Blanche. Ils étaient 600, ils finiront à 17, elle en fera partie. Avec cette activité professionnelle, c'est un peu comme tisser le fil d'une nouvelle vie, plus rien ne se passera comme avant. Elle va entrer dans un nouvel univers, celui de la scène, d'une vie nocturne, de la fréquentation d'hommes et de femmes célèbres. Et puis, alors qu'elle joue un petit rôle dans "La Mante Polaire" aux côtés de la grande Maria CASARÈS dans le rôle principal, Christiane, une figurante, lui présente l'homme (secret de polichinelle, il figure sur la première de couverture, c'est Marcel MOULOUDJI) qui va bouleverser sa vie. Elle a 18 ans, lui 37 ans de plus. Dès lors commence une folle histoire d'amour.
Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est plus que tout l'amour des mots !
Nathalie RHEIMS évoque cette jeunesse éprise de textes qui n'en a que faire de la mode, des Beatles qui révolutionnent la musique, non, elle, ce qui l'émerveille, ce sont les paroles des chansons des années 1950-1960, des chansons engagées. Et puis, il y a le théâtre, et enfin la poésie. Elle évoque à qui veut l'entendre Jacques PREVERT et son recueil "Paroles". De là à plonger elle-même dans le registre de l'écriture, il n'y a qu'un pas.
Ce roman, je vous en parle parce que la plume est magnifique, les phrases éminemment romanesques et d'une profonde sensibilité.
Je découvre qu'il s'agit du 23ème livre de Nathalie RHEIMS. Que de réjouissances à venir en retrouvant ses mots.
Nouvelle découverte de mes cadeaux de Noël conseillés par l’équipe de la librairie Richer, merci ! Le premier roman d’Anthony PASSERON, « Les Enfants endormis » aux éditions Globe est absolument fascinant.
Il y a cette famille d’artisans bouchers, de pères en fils, des gens connus de tout le village, des gens qui se tuent au travail. Alors, quand le fils aîné, Désiré, se destine à des études, un nouvel élan souffle sur la lignée. C’est le fils cadet qui, lui, sera soumis à la relève, lui n’aura pas le choix de son avenir professionnel. Mais avec les études, Désiré découvre la vie en ville. Il côtoie des jeunes qui n’ont que faire du modèle ancestral. Ce qu’ils veulent, eux, c’est vivre. Dès lors, ils repoussent les limites, bravent tous les dangers. Désiré lâche l’école. Direction Amsterdam. Quand il en reviendra, plus rien ne sera pareil. La drogue fait partie de sa vie, la drogue dure, l’héroïne. Il se pique, lui et ses amis de l’époque. Ils partagent les mêmes seringues, celles-là mêmes qui véhiculent le VIH. Mais le virus est à cette époque loin d’être maîtrisé. Ce ne sont que les balbutiements de la recherche médicale dans le domaine, le début d’un des plus grands combats scientifiques du XXème siècle.
Ce roman, c’est d’abord un roman social, celui d’une époque, les années 1980 à 2000. Il y a la vie du village rythmée par celle des commerces dont le modèle économique se perpétue depuis la nuit des temps, le modèle familial agit, lui, comme un déterminisme sur tous.
C’était souvent le cas dans les fratries de la vallée, le premier des garçons était plus choyé que les autres, il bénéficiait d’un statut à part, comme si l’attention exclusive qu’on lui avait portée avant l’arrivée de ses frères et soeurs ne s’était jamais dissipée. Emile reproduisait simplement le modèle de ses parents. P. 45
La révolte de 68 a pourtant commencé à l’égratigner. Avec les années 1980, le baccalauréat se veut porteur d’espoir, celui d’une nouvelle ascension sociale. Les parents en rêvent mais leurs adolescents peinent à franchir la frontière entre les classes sociales.
Notre démarche, nos manières, notre vocabulaire et nos expressions, tout finissait par nous trahir. P. 118
Derrière le rêve, la réalité, le drame humain de cette époque, les années sida. Anthony PASSERON brosse avec sensibilité le portrait de sa famille meurtrie, à jamais hantée par « Les enfants endormis ».
Jeune encore, je me souviendrai toujours de ces visages émaciés sur l’écran de télé, de corps décharnés rongés par le virus.
Anthony PASSERON relate l’histoire contemporaine de la recherche médicale, la concurrence entre les chercheurs, les pays aussi. Il dénonce l’inégalité financière entre les laboratoires. L’auteur rend hommage à Willy ROZENBAUM, infectiologue, qui a fait preuve d’une incroyable ténacité pour sortir de l’approche réductrice des 4 « H », les « héroïnomanes, homosexuels, hémophiles, Haïtiens ».
J’ai été frappée par le parallélisme établi entre cette famille et la recherche, toutes deux confrontées à l’omerta, le regard de la société porté sur les victimes de l’épidémie, des parias.
Que la démarche d’Anthony PASSERON soit louée.
Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. P. 11
Ce premier roman est on ne peut plus prometteur, la plume est brillante, la construction ingénieuse, le propos puissant.
Ma #lundioeuvredart, c'est une sculpture que les Angevins connaissent bien pour l'admirer au coeur du Jardin des Plantes.
Cette "Nymphe surprise" est une création de 1884 réalisée par Mathurin MOREAU, un artiste dijonnais qui s'est fait une place dans cette discipline avec des sculptures figuratives.
Cette nymphe, je la trouve magnifique.
D'abord, il y a le matériau, blanc, qui donne à voir la candeur.
Et puis, il y a cette posture un brin ingénue avec "ce sein que je ne saurais voir", le visage légèrement de profil, le chignon soigné, la main gauche délicatement relevée.
Cette représentation d'une divinité fait référence à la mythologique et honore la nature.
Avouons que son écrin, même s'il est le fait de l'Homme, lui va à ravir, l'ensemble étant si soigné et délicat.
Si vous passez par-là, n'hésitez pas à aller la saluer !
Ma poésie du lundi, c'est un poème écrit par Lessia UKRAÏNKA, "L'espérance" en 1880.
Ce texte, elle l'a écrit quand elle avait 9 ans en souvenir de sa tante déportée en Sibérie par les tsaristes.
Ce poème, c'est Alexandra KOSZELYK qui m'a mise sur la voie avec son dernier roman « L’Archiviste » qui assure la postérité d'artistes ukrainiens, des peintres, des hommes et des femmes de lettres... un acte militant alors que la guerre continue de sévir.
Elle consacre à la poétesse tout un chapitre du roman. Elle lui donne ainsi de la voix.
Née dans un milieu d'intellectuels, la jeune femme, malade de la tuberculose, fait ses apprentissages seule, loin des bancs de l'école. Elle apprendra ainsi à parler une douzaine de langues étrangères et fera montre d'une très grande maturité d'esprit.
Elle deviendra écrivaine et traductrice.
Elle s'engagera aussi politiquement et militera pour le féminisme.
Ma #chansondudimanche est extraite du dernier album de Stromae sorti en mars 2022 : "Multitude".
Le 8ème titre de l’album de Stromae s'intitule "Riez".
De tous temps, les rêves ont fait l’objet d’études, l’Homme s’évertuant à en décrypter les mystères. L’artiste belge, lui, a son avis sur la question. Nos rêvent en disent long sur notre catégorie sociale. Vous savez, cette hiérarchie de la société. Et bien, plus vous êtes élevés, plus vous voyez grand, plus vous voyez loin, alors que ceux qui sont en bas de l’échelle, rêvent de petits riens du quotidien, des petits riens qui sont tout, la satisfaction des besoins vitaux, pouvoir manger par exemple.
Et pour porter les mots, hauts et forts, une voix, reconnaissable entre toutes.
Quant au rythme et aux tonalités, c’est toute une histoire. Allez, maintenant, écoutez !
Parce que je ne lis plus jamais les quatrièmes de couvertures, je vous propose les premieres lignes du livre de Lola LAFON, « Quand tu écouteras cette chanson » dans la Collection "Ma nuit au musée" des éditions Stock.
Lola LAFON a choisi un lieu sur lequel la Shoah a marqué son empreinte comme le tatouage sur le bras gauche des hommes et des femmes, juifs, dans les camps de concentration. L'Annexe du Musée est le lieu où la famille Frank a vécu clandestinement pendant 25 mois, 40 mètres carré pour 760 jours de survie, à l'abri des regards et des oreilles du peuple hollandais, lui, qui, en 1940, capitule et s'astreint à appliquer les mesures anti-juives. Otto et son épouse Edith, Margot et Anne leur deux filles, hébergeront quatre autres des leurs jusqu'au 4 août 1944, ce jour où la Gestapo accède au troisième étage de l'immeuble de bureaux d'Opekta.
Le temps d'une nuit, Lola LAFON, l'écrivaine de talent, va cohabiter avec une absente, celle qui a fait de l'écriture son alliée pour s'évader de ces 40 mètres carrés, celle dont le texte a depuis été spolié à des fins commerciales et politiques. Abject ! A travers ce récit, Lola LAFON s'attache à restituer l'authenticité de la prose de la jeune adolescente pour en assurer la postérité.
L'écrivaine explore au scalpel le sujet de l'identité et philosophe autour du rôle et du pouvoir de l'écriture.
La plume est profondément émouvante. Elle vous serre le coeur du mal qui ronge les générations, de l'ignominie humaine qui fait front. Quant à dire plus jamais ça, la chute est foudroyante.
S'il n'était qu'un brin d'espoir, retenons que l’appartement des Frank de Merwedeplein soit devenu un lieu de résidence d'écrivains persécutés, un lieu de création, un lieu de vie, quoi !
"Quand tu écouteras cette chanson" est lauréat du Prix Décembre 2022 et du Prix Les Inrockuptibles.
La rentrée littéraire, ça se passe aussi en poche. Le roman de Jón KALMAN STEFÁNSSON, « Ton absence n’est que ténèbres » vient de sortir chez Folio.
L’histoire se passe dans un fjord islandais, un lieu au bout du monde, un lieu au climat hostile, mais les oiseaux, eux, ne s’y trompent pas. Sur le chemin de leur migration, ils s'y arrêtent comme cet homme qui a perdu la mémoire. Après une rencontre mystérieuse à l’église, il est invité par une jeune femme à déjeuner sur la tombe de sa mère Aldís, une femme lumineuse qui, dans sa jeunesse, avait fait la connaissance avec Haraldur par le plus grand des hasards. Elle partait en week-end avec son fiancé. En chemin, ils subirent une crevaison. Ils se rendirent dans la première ferme des environs pour demander de l’aide. C’est là qu’elle croisa le regard du jeune paysan qu’elle ne pourra plus jamais oublier. Rentrée chez ses parents, elle fera une modeste valise, prendra le car pour vouer sa vie à cet inconnu. Ainsi va la vie. L’homme amnésique découvre ainsi Rúna, profondément triste du décès de sa mère. Il faut dire qu’elle est morte dans un accident de voiture. Rúna, après une thèse en histoire de la philosophie, avait décidé de rentrer chez ses parents. Alors qu’elle conduisait la voiture sur une route verglacée, sa mère, sur le siège passager, riant aux éclats avec son mari assis à l’arrière, avait fait une cabriole pour l’embrasser. Le talon de sa chaussure était venu blesser Rúna à l’œil. Elle avait alors perdu le contrôle du véhicule. Sa mère était morte sur le coup, son père resté tétraplégique, ainsi va la vie, à moins que ça ne soit une affaire de destin…
Jón KALMAN STEFÁNSSON est un formidable conteur, un exceptionnel romancier.
Je me suis laissée porter par des destins tragiques, des vies d’amour et de labeur, au rythme d’une playlist incommensurable. Bod DYLAN, Léonard COHEN, Nas, Damien RICE, Nick CAVE, John LENNON, Regina SPEKTOR, Elle FITZGERALD, Cure, et bien d'autres encore, nourrissent le propos d'émouvantes mélodies.
Ce roman, c’est aussi celui d’une nature sublime, de celle qui vous ferait prendre un billet d’avion sans réfléchir.
Vous l’aurez compris, Jón KALMAN STEFÁNSSON nous livre un nouveau roman éblouissant. La plume est belle, fluide, talentueuse.
La narratrice, Nathalie RHEIMS voue une passion aux mots. Au lycée, elle aspire à des cours de théâtre. Quand son père lui lance le défi :
Si tu réussis à entrer au Conservatoire, je t'autorise à arrêter le lycée.
elle redouble d’effort. Elle se souviendra toujours de cette audition rue Blanche. Ils étaient 600, ils finiront à 17, elle en fera partie. Avec cette activité professionnelle, c'est un peu comme tisser le fil d'une nouvelle vie, plus rien ne se passera comme avant. Elle va entrer dans un nouvel univers, celui de la scène, d'une vie nocturne, de la fréquentation d'hommes et de femmes célèbres. Et puis, alors qu'elle joue un petit rôle dans "La Mante Polaire" aux côtés de la grande Maria CASARÈS dans le rôle principal, Christiane, une figurante, lui présente l'homme (secret de polichinelle, il figure sur la première de couverture, c'est Marcel MOULOUDJI) qui va bouleverser sa vie. Elle a 18 ans, lui 37 ans de plus. Dès lors commence une folle histoire d'amour.
Je ne suis pas une fan des autofictions mais je remercie les éditions Léo SCHEER de m'avoir permis de lire "Au long des jours", il se révèle être un très joli cadeau.
Je ne suis pas une fan des petits secrets des "people", mais comme je ne connaissais pas Nathalie RHEIMS avant, j'avoue, j'étais loin d'imaginer ce qui m'attendait et c'est très bien ainsi, c'est en réalité le meilleur qu'il puisse m'arriver.
Ce roman, parce que c'est un roman, je l'ai lu comme un roman.
Ce qui m'a séduit, c'est le parcours initiatique d'une jeune fille avec tout ce que cela recouvre de grisant et hasardeux. N'est-ce pas quand nous sommes jeunes que nous bravons tous les dangers ? Elle vit ses premières aventures dans beaucoup de domaines, dont le théâtre. Là, j'avoue avoir été piquée. Je me souviens très bien avoir accompagné une cousine de quelques années mon aînée qui suivait des cours de théâtre avec le rêve d'en faire carrière. Tout ce que relate Nathalie RHEIMS, je l'ai vécu, cette jeunesse éprise des mots qui n'en a que faire de la mode, des Beatles qui révolutionnent la musique, non, elle, ce qui l'émerveille, ce sont les titres des chansons des années 1950-1960.
J'avais fini par le considérer, contrairement aux idées toutes faites, comme un art majeur, parmi les plus difficiles, car il fallait, pour une chanson réussie, la conjonction miraculeuse d'un texte, d'une mélodie, la personnalité et la voix d'un interprète, le tout ramassé en un temps très court.
En moins de trois minutes, une chanson devait raconter une histoire, au même titre qu'un roman, une pièce de théâtre ou un film, et laisser, à celui qui l'écoutait, un souvenir indélébile.
Dès lors, Nathalie RHEIMS nous livre mille et une références de chansons et de poèmes. Parce que Nathalie RHEIMS est follement amoureuse d'un homme qui a vécu sa jeunesse dans les années 1930-1940, elle décrit l'effervescence artistique de l'époque, le bouillonnement intellectuel qui fait vibrer le tout Paris, les cercles très prisés du groupe Octobre,
C’était à la fois un laboratoire de l’avant-garde, un club de rencontre et un hôtel de secours pour les miséreux. p. 47
du clan Sartre. Comme j'ai aimé là aussi la voir nous citer des poèmes inoubliables de Jacques PREVERT et autres grands hommes de lettres, militants aussi.
Outre l'amour des mots, il y a l'amour porté à un homme. Nathalie RHEIMS décrit la passion amoureuse dans ce qu'elle a de plus enivrant. Cette histoire, c'est celle d'une jeune fille en fleur séduite par un homme qui accumule les conquêtes féminines. Il est marié, il va contraindre son amante à une relation clandestine. Nathalie RHEIMS va vivre cette page de sa vie entre parenthèses. Elle n'a alors personne avec qui la partager. Sa mère, son frère et sa soeur, se sont envolés du nid familial. Elle vit sous le même toit d'un père, lui aussi volage.
Ce roman, je vous en parle parce que la plume est magnifique, les phrases éminemment poétiques et d'une profonde sensibilité.
Peu importe les origines et le statut social de Nathalie RHEIMS et Marcel MOULOUDJI, au fond. Non, peu importe puisqu'il s'agit là du talent d'écrivaine dont je veux parler. Je découvre qu'il s'agit de son 23ème livre, que de réjouissances à venir de retrouver ses mots.
Mais si vous, votre intérêt se porte sur la connaissance d'une page de la vie de célébrités. C'est votre choix, je le respecte. Commencez donc alors par écouter le chanteur fredonner "Au long des jours". Le titre du roman est aussi celui de l'une de ses chansons !
Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur un premier roman exquis, "La sauvagière" de Corinne MOREL DARLEUX aux Éditions Dalva.
Il y a dans ce conte onirique un rapport au corps tout à fait exceptionnel. Meurtri par l’accident, endolori, ankylosé, il cherche la voie d’une SURvie. On mesure à travers le personnage de fiction de la narratrice dont on ne connaît ni le nom ni les origines qu’un corps, la chair, les organes… ont leur propre rythme, leur propre existence. Ne parlons-nous pas de mort cérébrale ? Ce premier roman, c’est une invitation à faire une pause, se recentrer sur son corps, y puiser la lumière, l’énergie, la vie, quoi !
Et puis, comme le laisse préfigurer la citation, il y a la force de l’environnement, une nature profonde, la forêt, les montagnes, une forme de refuge, autant d’éléments propices à la reconstruction psychique.
Comme j’ai aimé que l’écrivaine aille puiser dans une autre langue que la nôtre pour y trouver un terme tellement approprié pour décrire ce que le vent peut apporter de puissant, de force et d’allégresse…
Ce roman, c’est encore une invitation à observer et se nourrir de ce qu’ils peuvent nous apporter de réconfort, une certaine forme de substitut à la frénésie qui nous entoure. Ils ont cette sensibilité qui permet à l’individu de prendre conscience de son humilité. S’il s’agissait là d’une voie pour sauver l’humanité…
Ce premier roman écrit dans une plume poétique, délicate et sensuelle, nous propose de faire corps avec la nature, d’entrer en fusion avec ce qu’elle a de vivant. Le dessin de la première de couverture, sublime, une oeuvre d’art réalisée par Pedro TAPA, le dévoile à elle seule. « La sauvagière » est « À découvrir », je confirme !
Coup de ❤️ pour cette BD, "La dernière reine" de Jean-Marc ROCHETTE aux éditions Casterman, un très joli cadeau du Père Noël conseillé par la Librairie Richer, merci !
Tout commence à la prison de Grenoble, la demande de grâce d'Edouard Roux vient d'être rejetée.
Qu'a fait cet homme ?
Jean-Marc ROCHETTE va remonter aux origines. Sa mère, Marie, élève seule son fils de père inconnu. A l'école, c'est le bouc-émissaire, lui, le garçon roux. En 1917, il est accueilli à l'hôpital de Troyes, c'est un survivant de la première guerre mondiale, survivant, mais à quel prix ! Une gueule cassée. Il écrit à sa mère pour lui dire tout son amour mais qu'il ne reviendra jamais. Elle décède dans les années 1920. Etienne est rongé par les regrets et la vie qu'il passe sous un "voile", il sombre dans l'alcool. Alors qu'un jour un enfant l'aide à mettre la clé dans la serrure de sa porte, il lui raconte que son oncle est comme lui et qu'il va voir une femme sur Paris. Elle répare les visages. Avec Jeanne Sauvage, c'est une nouvelle vie qui commence.
Vous l'aurez compris, cette BD est ancrée dans la grande Histoire. Jean-Marc ROCHETTE ne se contente pas de la première guerre mondiale. A travers le passé du Vercors, il va remonter beaucoup plus loin, 100 000 ans avant Jésus Christ, quand le monde animal était encore sauvage.
Cette BD, c'est le récit de la déchéance du règne animal, la chasse organisée pour manger, d'abord, pour réparer les faits d'armes des animaux ensuite, pour les immortaliser enfin, empaillés dans des musées. La BD relève d'un acte militant en faveur de la préservation des espèces, elle résonne comme le dernier cri, celui qui marque la fin ! "La dernière reine" rend hommage au dernier ours tué par un berger en 1838 dans le Vercors, le coup de grâce.
Et puis, il y a l'art. Derrière Jeanne Sauvage se cache Jane POUPELET qui fit l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, l'Académie Julian de Paris aussi. Cette femme est sculptrice animalière. Elle fréquente RODIN, BOURDELLE, et fait partie du Groupe des Douze. C'est une femme moderne qui va se consacrer dans les années 14-18 à la réalisation de masques, en cuir, pour redonner un peu de dignité à ces hommes revenus de la guerre avec un visage en lambeaux. A chaque homme son masque, l'objet unique comme sait l'être la création artistique.
Mais l'Homme ne saurait se contenter du beau et du bien. Outre qu'il s'attache à dominer le monde animal, perturber l'équilibre naturel et nuire à la biodiversité en plantant ses arbres à planches, encore s'attaque-t-il à ses semblables. Il est un loup pour l'Homme, il ne supporte pas la différence. Depuis cette fille-mère en passant par l'enfant roux jusqu'à l'homme au visage masqué ou encore cette femme artiste venant perturber un univers misogyne, il fait feu de tout bois. Il est viscéralement mauvais.
Les planches sont aussi sombres et violentes que la première de couverture est claire et porteuse d'espoir avec cet ours au sommet d'une montagne enneigée sous un ciel bleu. De la pureté s'en dégage, une image immaculée pour témoigner du passé. A l'intérieur, le graphisme est balafré, comme notre humanité.
Le scénario a de quoi vous désespérer un homme. Jean-Marc ROCHETTE, l'auteur de cette BD, marqué par l'affaire Bastien VIVES, a décidé de se retirer du monde et trouver refuge dans les montagnes qui lui sont chères. "La dernière reine" sera aussi sa dernière BD, une oeuvre d'art à part entière.
Ma #mercrediBD est un coup de ❤️, l'occasion d'un petit clin d'oeil àAleksandra SOBOL.
Je ne suis d'ailleurs pas la seule à le dire, c'est
Ma #lundioeuvredart c'est une nouvelle fois du street art, "Itinéraire", une fresque réalisée par l'artiste Rast à Morlaix, le portrait d'un vieux capitaine.
Quand ma belle-fille part en escapade, elle me rapporte des pépites. J'adore !
De son week-end à Rennes, elle est revenue avec un guide conseillé par la librairie Le Failler : "Street art, arts urbains en Bretagne" aux éditions Ouest France, un ouvrage réalisé par Violaine PONDARD, publié en 2020, le premier d'une série. Joli cadeau de Noël !
C'est donc dans la multitude d'oeuvres que j'ai repéré le travail de Rast, un portraitiste qui a l'habitude de réaliser des créations monumentales, là, 12 mètres par 6 mètres.
Cette fresque, je l'aime pour ce qu'elle témoigne des hommes de la mer. Nous sommes à Morlaix, une commune de Bretagne située au nord-est du Finistère. Le vieux capitaine est représenté avec tous les accessoires cultes : la casquette de marin, l'anneau à l'oreille, la barbe grise, la pipe, la chevalière...
Je l'aime aussi pour la manière qu'a Rast de peindre les visages des hommes, des femmes, des yeux lumineux qui donnent à voir leur sympathie, leur générosité, leur chaleur humaine. Il peint assurément de belles personnes.
Et puis, il y a encore le tracé des rides, la signature de l'artiste. Il vous suffira d'aller naviguer sur son compte Instagram pour vous en convaincre.
Cette fresque, peut-être n'existe-t-elle plus... Vous le savez, le street art est un art éphémère, un art de rue qui n'a pas vocation à vivre dans le temps. Là, son avenir était encore plus compromis compte tenu de l'immeuble sur lequel elle fut réalisée et qui affichait une fissure importante. Il faisait même à l'époque l'objet d'un avis de destruction imminente. Les habitants de Morlaix pourront peut-être nous en dire plus...
Il est d'autant plus important, je trouve, d'immortaliser les créations artistiques comme le fait joliment Violaine PONDARD.
Ma poésie du lundi, c'est un texte extrait du recueil "Les contemplations" de Victor HUGO : "Demain, dès l'aube...".
Avant de vous parler du texte lui-même, je voudrais vous parler du pourquoi ce texte.
La citation d'Alexandra KOSZELYK extraite de son dernier roman, «L’Archiviste», n'a jamais autant pris son sens.
Je vous dis tout !
Vous savez que Rebecca MENZONI anime depuis septembre 2022 l'émission Totemic sur France Inter du lundi au vendredi, une émission qui fait suite à Boomerang d'Augustin TRAPENARD.
Je suis restée fidèle au créneau, enfin presque, vive les podcasts.
Le 6 janvier dernier, j'écoutais l'interview de Marina FOÏS et en fin d'émission, pour la carte blanche, l'actrice lut le poème de Victor HUGO. En entendant la phrase,
"Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit."
mon sang n'a fait qu'un tour. Immédiatement, a résonné le titre du dernier roman "Et mes jours seront comme tes nuits" de Maëlle GUILLAUD publié aux Editions Héloïse d’ORMESSON, une lecture coup de poing. L'autrice m'a révélé depuis qu'elle s'en était bien inspirée.
Alors, convaincus ? Un art en éclaire toujours un autre !
Donc, place aujourd'hui à Victor HUGO avec "Demain, dès l'aube..." de 1856, un hymne à l'amour porté par un père à sa fille, un père endeuillé, sa fille, Léopoldine, est décédée dans un accident en 1843.
Ce texte, dans la bouche de Marina FOÏS, prend une dimension toute singulière. La comédienne termine effectivement sa lecture en larmes.
En ce début de semaine, loin de moi l'idée de vous faire pleurer, mais plutôt celle de vous émouvoir...