Editions de Minuit
Et bien, je vais terminer un mois de février on ne peut plus riche et en beauté s'il vous plaît. Un petit clin d'oeil à Joëlle qui m'a permis de découvrir la plume de Tanguy VIEL !
Allez, partons en mer ! Kermeur est sur un bateau, un autre homme tombe à l'eau. Qu'est-ce qui se passe ? Vous connaissez l'histoire ? Et bien non ! Celle de Kermeur, vous ne la connaissez pas encore ! Kermeur décide de rebrousser son chemin. Il rentre au port, puis à la maison. Le lendemain matin, le corps du pêcheur est retrouvé, il est mort. Rapidement, les services de police débarquent chez Kermeur. Il est emmené chez le juge. Là s'ouvre un huit clos qui va nous emmener jusqu'à la toute dernière page du livre !
Ce roman, c'est un véritable tour de force, un livre où l'échange se focalise entre Kermeur et le juge. Tout se passe dans le bureau du juge. Nul besoin pour Tanguy VIEL d'un décor plus étoffé pour permettre au lecteur et à la lectrice de s'évader !
Lentement, Kermeur va expliquer les motifs de son geste, il va dérouler en réalité le fil de sa vie. C'est une véritable introspection qui va être menée de bout en bout avec une chute que je ne vous raconte pas mais qui relève d'un certain talent, je dois bien l'avouer.
Kermeur, avec beaucoup de lucidité, va faire le diagnostic d'un point de rupture dans son existence :
Il y a toujours cela, un jour et une heure où les choses basculent et alors on ne peut plus faire comme si - je veux dire, comme si ça n'avait pas eu lieu. P. 130
J'ai particulièrement aimé la relation père-fils explorée finement dans ce roman.
Erwan, en grandissant, il était du genre nerveux. A lui vous n'auriez pas enlevé les menottes. Il vous aurait déjà sauté au cou trois fois pour vous étrangler - comme quoi on n'est pas toujours les mêmes, les pères et les fils, et si j'ai compris quelque chose dans cette histoire, c'est bien qu'il y ait un moment vos enfants, ils ne sont pas le prolongement de vous. P. 120
C'est la détresse d'un homme qui m'a profondément bouleversée. A chaque page son lot d'émotion devant un homme dont la vie s'écroule lentement et inexorablement. Pour reprendre l'image d'un bateau, cet homme est en plein naufrage, il ne cherche pas à sauver sa peau, non, il ne se fait aucune illusion sur son sort, les preuves sont accablantes et l'acte prémédité. Et pourtant, des images le ravissent encore, celle d'une cohésion, d'une harmonie :
Ce soir-là, j'ai eu le sentiment que tout s'enveloppait d'un seul et lent mouvement, comme un tissu très serré dont on ne verrait plus les mailles, à cause de la façon dont ses paroles ont fini par sédimenter comme des alluvions au fond d'un fleuve." P. 67
La plume de Tanguy VIEL, je ne la connaissais pas, elle m'a littéralement transportée. Les phrases longues, les métaphores, je me suis laissée portée avec le plus grand plaisir par cette prose d'une qualité remarquable. Lisez un peu cette phrase :
C'est une drôle d'affaire, la pensée, n'est-ce pas ? Ce n'est pas qu'il y ait long en distance du cerveau vers les lèvres mais quelquefois quand même ça peut vous paraître des kilomètres, que le trajet pour une phrase, ce serait comme traverser un territoire en guerre avec un sac de cailloux sur l'épaule, au point qu'à un moment la pensée pourtant ferme et solide et ruminée cent fois, elle préfère se retrancher comme derrière des sacs de sable. P. 70
Je referme ce livre avec un certain enchantement et la volonté de replonger au plus vite dans les eaux sombres de l'univers de Tanguy VIEL.
Je découvre que je ne suis pas la seule à lui reconnaître de grandes qualités puisqu'il fait partie des 10 romans sélectionnés pour l'édition 2017 du Festival des Etonnants voyageurs de Saint-Malo !
Cette lecture participe au Challenge de
la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 !