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2017-02-28T20:35:48+01:00

Article 353 du Code Pénal de Tanguy VIEL

Publié par Tlivres
Article 353 du Code Pénal de Tanguy VIEL

Editions de Minuit

Et bien, je vais terminer un mois de février on ne peut plus riche et en beauté s'il vous plaît. Un petit clin d'oeil à Joëlle qui m'a permis de découvrir la plume de Tanguy VIEL !

Allez, partons en mer ! Kermeur est sur un bateau, un autre homme tombe à l'eau. Qu'est-ce qui se passe ? Vous connaissez l'histoire ? Et bien non ! Celle de Kermeur, vous ne la connaissez pas encore ! Kermeur décide de rebrousser son chemin. Il rentre au port, puis à la maison. Le lendemain matin, le corps du pêcheur est retrouvé, il est mort. Rapidement, les services de police débarquent chez Kermeur. Il est emmené chez le juge. Là s'ouvre un huit clos qui va nous emmener jusqu'à la toute dernière page du livre !

Ce roman, c'est un véritable tour de force, un livre où l'échange se focalise entre Kermeur et le juge. Tout se passe dans le bureau du juge. Nul besoin pour Tanguy VIEL d'un décor plus étoffé pour permettre au lecteur et à la lectrice de s'évader !

Lentement, Kermeur va expliquer les motifs de son geste, il va dérouler en réalité le fil de sa vie. C'est une véritable introspection qui va être menée de bout en bout avec une chute que je ne vous raconte pas mais qui relève d'un certain talent, je dois bien l'avouer.

Kermeur, avec beaucoup de lucidité, va faire le diagnostic d'un point de rupture dans son existence :


Il y a toujours cela, un jour et une heure où les choses basculent et alors on ne peut plus faire comme si - je veux dire, comme si ça n'avait pas eu lieu. P. 130

J'ai particulièrement aimé la relation père-fils explorée finement dans ce roman. 


Erwan, en grandissant, il était du genre nerveux. A lui vous n'auriez pas enlevé les menottes. Il vous aurait déjà sauté au cou trois fois pour vous étrangler - comme quoi on n'est pas toujours les mêmes, les pères et les fils, et si j'ai compris quelque chose dans cette histoire, c'est bien qu'il y ait un moment vos enfants, ils ne sont pas le prolongement de vous. P. 120

C'est la détresse d'un homme qui m'a profondément bouleversée. A chaque page son lot d'émotion devant un homme dont la vie s'écroule lentement et inexorablement. Pour reprendre l'image d'un bateau, cet homme est en plein naufrage, il ne cherche pas à sauver  sa peau, non, il ne se fait aucune illusion sur son sort, les preuves sont accablantes et l'acte prémédité. Et pourtant, des images le ravissent encore, celle d'une cohésion, d'une harmonie :


Ce soir-là, j'ai eu le sentiment que tout s'enveloppait d'un seul et lent mouvement, comme un tissu très serré dont on ne verrait plus les mailles, à cause de la façon dont ses paroles ont fini par sédimenter comme des alluvions au fond d'un fleuve." P. 67

La plume de Tanguy VIEL, je ne la connaissais pas, elle m'a littéralement transportée. Les phrases longues, les métaphores, je me suis laissée portée avec le plus grand plaisir par cette prose d'une qualité remarquable. Lisez un peu cette phrase : 


C'est une drôle d'affaire, la pensée, n'est-ce pas ? Ce n'est pas qu'il y ait long en distance du cerveau vers les lèvres mais quelquefois quand même ça peut vous paraître des kilomètres, que le trajet pour une phrase, ce serait comme traverser un territoire en guerre avec un sac de cailloux sur l'épaule, au point qu'à un moment la pensée pourtant ferme et solide et ruminée cent fois, elle préfère se retrancher comme derrière des sacs de sable. P. 70

Je referme ce livre avec un certain enchantement et la volonté de replonger au plus vite dans les eaux sombres de l'univers de Tanguy VIEL.

 

Je découvre que je ne suis pas la seule à lui reconnaître de grandes qualités puisqu'il fait partie des 10 romans sélectionnés pour l'édition 2017 du Festival des Etonnants voyageurs de Saint-Malo ! 

Article 353 du Code Pénal de Tanguy VIEL

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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2017-02-27T07:45:07+01:00

Ne parle pas aux inconnus de Sandra REINFLET

Publié par Tlivres
Ne parle pas aux inconnus de Sandra REINFLET

Le mois de février risque bien d'être marqué par des lectures coup de poing. Jamais 2 sans 3, voici le 3ème uppercut de la série.


Ce roman fait partie de la toute nouvelle sélection des 68 premières fois, et oui, l'édition 2017 est bien là avec son lot de très belles surprises ! Voici un 1er roman qui laisse augurer un très bel avenir à son auteure.


Nous sommes à la fin de l'année scolaire, Camille décroche son bac avec mention. La voilà libérée de la pression de l'examen, mais ce n'est pas la même chose pour son amie, Eva, d'origine polonaise. Avec cette jeune fille, la relation entretenue est amoureuse. Depuis cette soirée de résultats où la musique a résonné, l'alcool a coulé, les esprits se sont libérés, le sexe s'est invité, Camille n'a plus revu Eva. D'ailleurs, les volets de sa maison sont clos. Où est-elle ? Que fait-elle ? Pourquoi ne répond-elle plus aux sms ? aux appels téléphoniques ? Pourquoi ne montre-t-elle plus signe de vie ? Et sa famille, où est-elle ? Les effets de la soirée bien arrosée effacés, la pillule du lendemain avalée, Camille essaie de se raisonner, Eva sera là pour le rattrapage du bac programmé dans une dizaine de jours. Elle essaie ne pas céder à la pression des parents qui parlent de repos pour mieux affronter le job d'été, de cet enfermement qu'ils lui préconisent depuis son plus jeune âge. Elle a été élevée avec cette phrase mille fois répétée : "Ne parle pas aux inconnus". Mais voilà, le jour du rattrapage arrive, Eva n'est toujours pas de retour, Camille n'en peut plus, elle décide de tout quitter, ses parents, sa soeur, ce pays. Elle part à la recherche d'Eva qui représente toute sa vie, une nouvelle histoire commence alors...


Ce roman, quand on est mère, que l'on a une fille en plus, c'est une claque magistrale. Je me souviens très bien de celle reçue de Delphine BERTHOLON avec "Les corps inutiles". D'ailleurs, c'est très drôle, je viens de relire ma chronique d'avril 2016 et j'emploie rigoureusement les mêmes termes pour qualifier ce coup de poing dont j'ai encore du mal à me relever, comme quoi, la sensibilité doit être dans la même veine !


A la lecture de ce roman, je sors profondément marquée par la prise de conscience des effets induits par une éducation qui laisserait à penser que derrière chaque être humain un mal sommeille. L'instinct de protection porté assez naturellement à notre progéniture ne reviendrait-il pas à lui faire craindre l'Autre ? Camille illustre parfaitement cette jeunesse qui a grandi avec le syndrome d'enfants disparus, enlevés, violés... A trop vouloir protéger nos chères têtes blondes, ne risquerions-nous pas de leur en faire perdre le sens de l'altérité ? L'écrivaine prend le parti opposé avec des rencontres masculines qu'elle veut attentionnées tout au long de l'itinéraire de Camille de Thionville en Lorraine à Melike en Pologne.


Ce qui m'a beaucoup touchée une nouvelle fois, ce sont les émotions exacerbées de l'adolescence. Les doutes, l'inquiétude, l'angoisse... prennent une dimension décuplée. Alors, quand il s'agit de relations amoureuses, il est assez facile d'imaginer à quel point la découverte du corps et de son intimité peuvent déstabiliser. Là aussi, Sandra REINFLET décide d'emprunter des sentiers non balisés. Elle prend le chemin de l'homosexualité, celui sur lequel encore peu d'écrivain.e.s se sont engagé.e.s. Le propos donne à réfléchir. Cette citation montre bien la confusion des genres (et je pèse mes mots) et à quel point il peut être parfois difficile de mettre des mots :


Ma mère veut mon bien. En sanglotant sur mon lit, elle se demande ce qu'elle a foiré. Ce qui m'a manqué pour que je sois déséquilibrée. Dé-sé-qui-li-brée. C'est le mot qu'elle utilise. P. 107

Quand, à 18 ans, on ne parle pas du bac ni d'amour, de quoi parle-t-on ? Et bien d'orientation professionnelle bien sûr. Là encore, l'auteure se plaît à explorer une voie qui, auprès des parents comme des institutions, n'a pas bonne presse, celle de l'art. Camille, elle, se plaît à dessiner. Pourra-t-elle en faire son métier ? C'est bien mal connaître ses parents encore que... les choses pourraient bien évoluer ! J'ai adoré cette parenthèse offerte avec le festival d'Angoulême.


Sandra REINFLET nous brosse le portrait d'une certaine jeunesse qui compose aujourd'hui notre société, elle en décrit son mal-être mais n'en fait pas quelque chose de rédhibitoire. Ce roman est profondément porteur d'espoir. Il suffit d'explorer la relation mère-fille pour s'en convaincre. Engagée douloureusement, elle va s'apaiser avec le temps. Je crois que c'est ce qui m'a finalement le plus plu dans ce roman initiatique, c'est le fait de pouvoir partir en se disant que plus rien ne pas et revenir en appréciant la valeur de chaque instant comme s'il était le dernier. Sandra REINFLET puise dans l'acte de résister de Camille une capacité à rebondir :


Non, je veux le voir, pour me rappeler qu'il faut désobéïr. Pour me souvenir qu'on est tous des boutures et que nos racines peuvent repousser n'importe où. P. 295

Un mot enfin sur la plume de l'écrivaine et la forme narrative. Sandra REINFLET utilise la 2ème personne du singulier. Camille s'adresse effectivement à Eva qu'elle interroge sur les motifs de son absence. Mais, au fur et à mesure que l'on tourne les pages, ce recours au "tu" interpelle aussi le lecteur, la lectrice. Procédé très ingénieux ! Antigone, j'ai bien pensé à toi en lisant ce roman, je pensais qu'il s'agissait de l'un de tes billets ! Cette forme pourrait bien être suffisamment rare pour être remarquée !


C'est un magnifique roman dont la lecture m'a mise chaos. Pour certain.e.s, le sujet est assez banal, une jeunesse qui étouffe et qui aspire à une plus grande liberté, n'est-ce-pas l'essence même de la jeunesse, mais c'est ce qu'en a fait Sandra REINFLET  qui est tout à fait exceptionnel.

 

Principe de suspension de Vanessa Bamberger *****

Les parapluies d'Erik Satie de Stéphanie Kalfon ****

Presque ensemble de Marjorie Philibert ***

La téméraire de Marine Westphal *****

La sonate oubliée de Christiana Moreau ****

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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2017-02-23T18:39:10+01:00

La mélodie du passé de Hans MEYER ZU DUTTINGDORF

Publié par Tlivres
La mélodie du passé de Hans MEYER ZU DUTTINGDORF

Editions Les Escales


Ce roman, ma fille me l'avait conseillé depuis longtemps, je me suis laissée tenter et c'est un coup de coeur.


Après "Par amour" de Valérie TONG CUONG, je rechute avec une épopée familiale, romanesque, à travers les territoires, toujours sur fond de 2de guerre mondiale. 


Christina est une journaliste berlinoise. Elle est en plein déménagement, sa mère est récemment décédée d'un cancer, elle doit vider son logement des derniers meubles. Les déménageurs lui remettent une photo trouvée à l'arrière d'une commode, elle représente  4 musiciens, des joueurs de tango de Buenos Aires, avec une annotation en Sütterlin au dos : " Le bandonéon porte ma vie. E." Alors que Christina, exténuée par les derniers événements, amorce son deuil, elle voit sa curiosité piquée par cette photo. Sa relation de couple avec Bernd s'étiole avec les années, son mari la soutient pourtant dans la quête qu'elle engage. Madame Müller, la voisine, donne à Christina les informations qui la feront basculer dans l'aventure. Christina s'envole pour Buenos Aires à la recherche de ses origines. Une toute nouvelle histoire commence !


Je ne vous l'ai pas caché, ce roman est un véritable coup de coeur.


J'ai été totalement transportée par la quête menée par cette jeune femme privée de l'histoire de sa famille. Je me suis prise d'empathie pour ce personnage et c'est avec un immense plaisir que je l'ai accompagné de l'Allemagne à l'Argentine. Ce roman est très imprégné d'humanisme, Christina  fait de magnifiques rencontres et mesure à quel point les relations humaines méritent d'être vécues.


Les gens étaient passionnants, pour peu que l'on prenne la peine de s'intéresser à eux. P. 24

J'ai adoré aussi explorer le tango, ce genre musical des gens populaires, ses vibrations, sa sensualité... et quand il s'agit d'allier la danse à une passion amoureuse qui relève de l'impossible, alors là, je craque !


Ce qui m'a profondément intéressée, c'est aussi cette page de l'Histoire entretenue entre les 2 pays pendant la 2de guerre mondiale. Séduite par le registre des romans historiques, j'ai été particulièrement sensible à la prise de position de l'Argentine vis-à -vis de l'Allemagne. J'étais assez loin d'imaginer que l'Amérique du Sud s'était invitée de cette manière dans le conflit.
Outre l'histoire, il y a aussi la géographie. Quel bonheur d'accompagner Christina en Argentine, d'y découvrir la beauté de la côte et de l'océan :


La fascination que nous éprouvons en regardant la mer est peut être celle de l'éternité, du cycle infini du temps.La mer est un perpétuel recommencement. Le jeu de cache cache entre marée basse et haute, l'eau qui s'évapore et retombe en pluie, la vie marine avec ce qui naît et ce qui meurt, ce qui mange et est mangé. P. 347

Enfin, je voudrais terminer ce billet avec le personnage d'Emma. Il est de ces femmes avides d'émancipation que j'affectionne particulièrement de côtoyer. Imaginez, une jeune femme allemande convainc ses parents de suivre un Argentin dont elle est tombée subitement et follement amoureuse. Elle va embarquer sur un paquebot alors que le monde panse encore ses plaies du naufrage du Titanic. Nous sommes de surcroît dans les années 1940. Alors qu'aujourd'hui, le monde est notre jardin et que des millions d'images transitent entre les territoires, Emma ne pouvait à l'époque n'avoir qu'une vision bien floue du pays vers lequel elle se destinait. Elle ne manquera pas, non plus, d'imposer sa vision de la condition de femme quitte à heurter son mari et sa belle-mère éminemment autoritaire.  


Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sinon qu'il s'agit d'un véritable page-turner. Une fois la lecture engagée, impossible de l'arrêter.


J'allais oublier, il s'agit d'un 1er roman, et oui, toujours ! Celui-là présente une particularité, il a été écrit à 4 mains, Hans MEYER ZU DUTTINGDORF mais aussi Juan CARLOS RISSO, son compagnon. Ils partagent eux-mêmes leur existence entre l'Allemagne et l'Argentine, de quoi susciter assez naturellement l'envie d'écrire une épopée qui se déroule dans ces 2 pays qu'ils connaissent si bien.


Je remercie vivement ma fille de m'avoir conseillé cette lecture. J'en veux bien d'autres !

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2017-02-22T13:47:01+01:00

De vives voix de Gaëlle JOSSE

Publié par Tlivres
De vives voix de Gaëlle JOSSE

Le temps qu'il fait Editions


Commencer une oeuvre (parce que c'est bien de ce dont il s'agit) de Gaëlle JOSSE est toujours un moment singulier, à l'image d'un moment de bonheur, fugace mais intense, qui exige une certaine disponibilité pour être apprécié. Chaque mot est pesé, il convient de savourer chacun individuellement et son rapport aux autres collectivement.


J'ai lu tous les romans de Gaëlle JOSSE (quand on aime on ne compte pas !), mais là, il s'agit d'un livre inclassable, de ceux qui ont une forme originale. Jusqu'où ira cette écrivaine ? Pour notre plus grand plaisir bien sûr !


Là, il s'agit de mettre des mots sur des tonalités, un exercice périlleux surmonté en beauté.


Tout commence avec cette citation de Joseph JOUBERT : "Ferme les yeux et tu verras".


Elle m'a rappelée une expérience vécue personnellement au Musée des Beaux Arts d'Angers, une visite et la contemplation d'une oeuvre picturale avec les yeux bandés. Reposant exclusivement sur les propos du conférencier, le cerveau prend le relais,visualise le sujet représenté, sa composition, ses plans, ses nuances... Le masque retiré, quelle surprise de découvrir un tracé et des couleurs extrêmement proches de ceux imaginés.


Cet exercice m'a permis de mesurer à quel point la concentration peut pallier un manque sensoriel, une véritable révélation !


Et bien, c'est un peu ce que nous propose Gaëlle JOSSE, une immersion au pays de la voix !


Alors, quand la vie est trépidante, faite d'urgences, parasitée par un bruit ambiant permanent, appréhender son environnement devient un véritable effort. Gaëlle JOSSE nous invite pourtant à le faire au quotidien. 


Pourquoi donc ? Et bien, parce que 


Dans toutes les voix offertes, je ne cherche qu'à percevoir le monde qui bat, qui roule, qui tourne comme il peut. Et dans ces voix, à écouter la vie. P. 12

Vous voilà averti.e.s ! Comme je l'écrivais en début de chronique, cette lecture va nécessiter une disponibilité entière alors, choisissez votre moment pour l'aborder.


Mais qu'est ce que la voix ? Comment la percevons-nous ? Quels sont ses effets sur nous ?
Autant de questions auxquelles Gaëlle JOSSE va tenter de répondre au gré de situations glanées dans la vie quotidienne.


Mon émerveillement a commencé dès "L'avant lire" avec l'évocation de la toute première voix perçue, entendue, écoutée, celle de la mère pour l'embryon tout au long de la maternité. Et si le lien indéfectible qui unissait mère et enfants s'expliquait par la voix et non, comme souvent évoqué, par la chair ?


Il a touché son apogée avec ce rapport à l'autre, à l'étranger plus encore :


Parfois l'accent est indéfinissable, c'est un fort accent étranger, comme on dit dans certains romans. Ce n'est pas l'accent qui est indéfinissable, c'est nous qui ne savons pas reconnaître la langue dont il habite le souvenir et qui en sommes étrangers. P. 69

Une citation à méditer tout particulièrement dans le contexte politique que nous connaissons !


Ce livre de Gaëlle JOSSE, en fait, je crois qu'il va trouver toute sa place dans le salon, bien en vu, pour pouvoir s'y replonger régulièrement, histoire de se remémorer cette nécessité à écouter la voix des autres et à mesurer les impacts de la sienne sur les autres !


N'oubliez pas ce livre, que je déclare de référence, nous aide à "percevoir le monde" et à en comprendre les mécanismes, qu'on se le dise !

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2017-02-19T16:07:35+01:00

Tropique de la violence de Nathacha APPANAH

Publié par Tlivres
Tropique de la violence de Nathacha APPANAH

La plume de cette jeune écrivaine, je l'avais découverte avec Dernier frère, une lecture qui m'avait bouleversée à l'époque.


Avec "Tropique de la violence", Nathacha APPANAH confirme la puissance de son écriture

 

Tout commence avec Marie, cette jeune femme qui, à 23 ans, décide de quitter son univers familial. Elle se forme au métier d'infirmière. Elle trouve un emploi. Elle va rencontrer un homme Chamsidine. Il l'aime, elle l'aime. Ils se marient et vivent à Mayotte. Les années passent, le projet d'avoir un enfant se fait grandissant, mais voilà, chaque mois, les sempiternelles traces de sang lui montrent que ça ne sera pas encore pour ce mois-ci. Cham quitte sa femme pour une autre. Marie se morfond dans son chagrin jusqu'au jour où une jeune femme arrivée avec les kwassas sanitaires, ces bateaux chargés de transporter depuis Anjouan les malades, les femmes enceintes, les personnes âgées... tout ceux dont la santé est en danger. Marie est là, elle l'accueille. Dans ses bras, un tout petit enfant, emmailloté, à l'image d'une momie. L'enfant ouvre les yeux, il a un oeil noir et un oeil vert. Au début, Marie craint qu'il ne soit aveugle. Mais non, la réalité, c'est qu'il est porteur de malédiction. La mère fuit, abandonnant son enfant aux bons soins de Marie. Là commence alors pour cette femme une toute nouvelle vie.


Les premières pages de ce roman sont vertigineuses. Ainsi se déroulent rapidement les événements les plus marquants de la vie de Marie jusqu'au jour où elle se retrouve avec cet enfant dans les bras. Que va-t-elle en faire ? Impossible de vous le dévoiler bien sûr... je vous laisse le découvrir au gré de votre lecture !


Dans ce roman, il est question  de l'exil, de ces hommes et de ces femmes qui, un jour, quittent leur terre d'origine pour en adopter une autre. Au fil des siècles, au gré des territoires atteints et des objectifs poursuivis, le vocabulaire s'adapte, les noms des embarcations changent, les statuts des immigrés aussi. La langue française offre un vocabulaire riche, diversifié, pour traduire chacune des réalités.

Tropique de la violence de Nathacha APPANAH

Avec l'exemple de Moïse, ce garçon né ailleurs, élevé ici, Nathacha APPANAH montre bien à quel point les origines sont irrépressibles et posent problème notamment à l'adolescence, cette période des questionnements. Alors, quand il s'agit de vivre sa jeunesse aux côtés d'une partie de la société désoeuvrée, oisive, plongée dans la précarité et la délinquance, comment faire pour ne pas s'y mêler ? L'écrivaine donne à voir une réalité méconnue et pourtant authentique de l'île de Mayotte, celle des mineurs isolés étrangers. En 2015, le défenseur des droits tirait la sonnette d'alarme sur cette population évaluée à 3000 individus. Ils viennent des Comores et de l'Afrique de l'Est, cette migration entretient une pression forte sur ce territoire français.


Pour autant, ces jeunes qui peuvent devenir des délinquants, des voleurs voire des assassins, sont pluriels. Nathacha APPANAH montre à quel point il s'agit d'individus aux multitudes facettes :


Je voudrais lui dire que je ne suis pas qu'un assassin, que j'ai été un garçon qui lisait des livres, qui écoutait de la musique, qui était un as du Lego, je voudrais lui dire que je n'ai pas su lutter contre Bruce, que j'ai été lâche et bête, que la peur m'a paralysée pendant des mois. P. 39

Face aux difficultés rencontrées, des associations se mobilisent bien sûr. Avec le personnage de Stéphane, Nathacha APPANAH fait un focus sur la volonté d'adultes de s'impliquer pour sauver cette jeunesse en difficulté mais c'est sans compter les freins notamment culturels de cette jeunesse elle-même. Ce qui pourrait paraître une bonne idée est finalement réduit à néant. La situation malheureusement apparaît comme sans issue. L'évolution ne passera-t-elle pas finalement par les jeunes eux-mêmes. Il y a ce proverbe qui me taraude : "On ne peut faire le bonheur des gens malgré eux". 


Encore faudrait-il que cette jeunesse ait conscience d'un autre possible mais à bien y regarder, ne puise-t-elle tout simplement pas son bonheur dans sa propre condition ?

 


Et moi, Moïse, j'ai quatorze ans, je fume, je bois, je chante et je danse avec les copains, je n'ai pas de passé, pas d'avenir, je suis heureux. P. 78

Ce jeune homme exprime individuellement ce besoin de se ressourcer dans ses souvenirs, l'image d'un livre qu'il affectionne tout particulièrement fera plaisir aux lecteurs et lectrices que vous êtes bien sûr :


[...] que les mots de ce livre que je connaissais par coeur étaient comme comme une prière que je disais et redisais, et peut-être que personne ne m'entendait, peut-être que ça ne servait à rien mais qu'importe. Ouvrir ce livre c'était comme ouvrir ma propre vie, cette petite vie de rien du tout sur cette île, et j'y retrouvais Marie, la maison et c'était la seule façon que j'avais trouvée pour ne pas devenir fou, pour ne pas oublier le petit garçon que j'avais été. P. 126/127

Si les bienfaits des livres restait encore à démontrer,  c'est désormais chose faite !


En refermant ce magnifique roman signé d'une écrivaine talentueuse, je me dis une nouvelle fois que les hommes ne naissent pas tous égaux sur cette terre. Nathacha APPANAH en fait d'ailleurs sa conclusion :


[...] et ils pourraient vivre dans un endroit appelé Tahiti, dans un endroit appelé Poitiers, dans un endroit appelé Montréal et ils seraient certainement différents. P. 148

Ce roman est sombre, il fait état d'une situation grave, mais il reste toujours agréable à lire, grâce à la très belle plume de l'écrivaine, c'est certain, mais aussi vraisemblablement en lien avec sa forme. Roman chorale, la parole est alternativement donnée à Marie (la jeune infirmière), Moïse (l'adolescent emprisonné pour un crime qu'il a commis), Bruce (le leader de cette population de jeunes délinquants), Olivier (policier), Stéphane (bénévole associatif), un processus ingénieux qui permet à chacun de se construire sa propre idée du sujet.


Comme beaucoup de blogueurs et blogueuses, et devant la richesse de ce roman, je m'interroge sur le fait qu'il soit passé à côté des sélections des prix littéraires 2016. Heureusement, des jeunes (tiens donc !) ont su reconnaître ses qualités, il est lauréat du Prix Femina des Lycéens 2016. Bravo à eux d'avoir été aussi fins chroniqueurs !

 

Pour moi, ce roman entre dans ces lectures coup de poing. 2ème uppercut en 1 semaine !

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2017-02-13T18:23:53+01:00

Olympe de GOUGES selon CATEL et BOCQUET

Publié par Tlivres
Olympe de GOUGES selon CATEL et BOCQUET

Olympe de GOUGES, je connaissais d'elle sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne de 1791, je connaissais ses combats féministes et sa triste fin, mais il ne s'agit là en réalité que de quelques éléments de sa vie qui ne sauraient représenter à eux-seuls un itinéraire remarquable.

CATEL et BOCQUET se sont attachés à la  réalisation d'une biographie à la hauteur du personnage.

Olympe de GOUGES est en réalité née Marie GOUZE. Elle se marie toute jeune, elle a un fils Pierre. Il faut dire qu'à l'époque la condition féminine se résumait bien souvent aux missions de mère et femme de maison.

 

Lors de la crue du Tarn, son mari participe aux opérations de sauvetage. Quelques jours plus tard, il s'éteint. Marie n'a alors que 18 ans, elle est déjà veuve.

Très sensible aux écrits des grands hommes (Voltaire, Rousseau...), elle revendique sa liberté et refuse un nouveau mariage. Elle décide de se faire appeler Olympe de GOUGES, une toute nouvelle vie commence alors pour elle.

Elle entretient une relation amoureuse avec un homme qui la comprend et la considère en tant que femme, un statut moderne pour l'époque.

 

Il imagine un contrat sur la base d'un emprunt fictif pour assurer l'avenir d'Olympe et son fils.

Parallèlement, Olympe de GOUGES se rebelle contre la condition des noirs, l'esclavage, elle revendique un traitement égalitaire, c'est d'ailleurs son 1er combat qui lui donnera ensuite l'idée de défendre les femmes.

 

Avide de culture et notamment de théâtre, Olympe écrit. Grâce à son réseau de connaissances établi dans le milieu, elle réussit à faire jouer sa pièce "Zamore et Mirza" à la Comédie Française. Les deux personnages principaux sont des fugitifs noirs.

S'en suit une large polémique, ses propos révolutionnaires faillirent lui coûter la vie, ça ne sera finalement que partie remise.

 

Son combat personnel est porté par l'émulation des grandes découvertes, ainsi assiste-t-on au 1er vol d'une montgolfière... 

 

mais il intervient aussi dans un contexte historique singulier, le peuple est affamé et les femmes prennent la tête des revendications en organisant une marche qui les conduira à Versailles !

 

Olympe de GOUGES écrit alors sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, un texte très avant-gardiste qu'elle remet à Madame La Princesse de Lamballe.

 

Elle fera le pas de trop. Sa critique de Robespierre aura raison d'elle. Emprisonnée elle continuera pourtant d'écrire ! 

 

Elle sera guillotinée en novembre 1793.

Ce roman graphique est une véritable pépite.

D'abord, il rend hommage à une grande dame du 18ème siècle, l'une de ces femmes qui faisaient de l'égalité le combat de leur vie. La composition de cette biographie est assurée avec brio, de nombreuses références viennent étayer le propos et le réseau de relations d'Olympe de GOUGES est recomposé avec minutie, chacun pourra y puiser des portraits d'hommes et de femmes qui ont marqué cette époque.

Et puis, sur la forme, il est aussi à saluer. Le graphisme en monochrome se suffit à lui-même, les textes et leur police de caractères permettent de lire ce gros volume quasiment d'une traite.

Cette BD, c'est la 2ème du genre que je me plais à savourer. J'avais pris un énorme plaisir à découvrir la vie de Joséphine BAKER, j'ai replongé avec tout autant d'enthousiasme dans la collection Casterman écritures pour explorer l'itinéraire d'Olympe de GOUGES.

En refermant le 2ème volume de la collection, je me fais la réflexion que ces femmes étaient nées bâtardes toutes les 2, qu'elles furent élevées par des mères libertines toutes les 2. De là à y voir une forme d'éducation propice à mener des combats d'intérêt général, il n'y a qu'un pas... que je ne franchirai pas ! Vous, si ? 

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2017-02-12T16:25:47+01:00

La téméraire de Marine WESTPHAL

Publié par Tlivres
La téméraire de Marine WESTPHAL

Il est des livres comme ça, qui s'imposent totalement à vous.


J'avais lu une excellente chronique qui avait attisé mes convoitises sur ce premier roman de Marine WESTPHAL, celle de L'ivresse littéraire. Et puis il y a eu la Masse Critique de Babelio, et puis encore, Netgalley
et enfin Les 68 premières fois édition 2017 !

Impossible de passer à côté et au final, une lecture coup de poing, de celles qui vous marquent à jamais.


Je vous explique :


Bartolomeo, dit Lo Meo, a 58 ans. Il est victime d'un accident vasculaire cérébral. C'est lui qui occupe désormais le lit médicalisé installé dans le salon. Sali, sa femme, veille sur lui, nuit et jour. Elle se fait assister d'une infirmière pour la toilette quotidienne, la toilette de Lo Meo. La sienne, elle l'oublie. Cette femme, mariée depuis 36 ans, s'oublie. Elle n'a qu'un seul but, accompagner son mari jusque dans les derniers instants. Non, en fait, elle en a un autre, lumineux, mais c'est une toute autre histoire. 


Cette situation, n'importe qui peut la vivre, aujourd'hui, demain. Un AVC a cette caractéristique d'être brutal, imprévisible, et de réduire parfois à néant les facultés encore disponibles l'instant d'avant. En une minute, que dis-je, en une seconde, le caillot de sang bouche une artère et c'est fini, ou presque. Certains comme Lo Meo sont maintenus en vie, coûte que coûte. Avec ce roman, Marine WESTPHAL, infirmière, donne à voir les conséquences d'un AVC sur toute une famille, l'épouse, et les enfants aussi.


Marine WESTPHAL évoque la mort bien sûr, mais pas n'importe laquelle, celle prévisible qui tarde à venir.

 


Car il est une chose plus pénible encore que d'apprendre la mort d'un être aimé, c'est de l'attendre. P. 51

J'ai été profondément touchée par le chaos mis dans cette maison, un peu comme si la mort dévastait tout sur son chemin, réorganisait physiquement cette intimité en déplaçant le mobilier et laissant apparaître les plus grandes fragilités à qui pénètre dans cet antre familial. Il y a une affaire de territoire et d'appropriation jusqu'à en dévoyer les usages ordinaires.


Le sujet est grave, le contexte glauque, la famille en perte de repères, oui, mais il y a aussi ce projet fou d'une femme "téméraire", et là, rien ne saurait l'arrêter :

 


Car elle avait un but, un incroyable objectif qui mobilisait toutes ses pensées et des forces : ne pas le laisser crever là, lui qui aimait tant l'impolitesse du vent et les grands espaces. P. 73

Et puis, il y a aussi l'éloge de la contemplation, cette posture qui nécessite du temps pour s'imprégner de ce qui nous entoure, source de plaisir. Nous vivons dans un monde où tout va vite, les messages électroniques suscitent l'urgence y compris pour de banales affaires. Et là, il y a un arrêt sur image, une pause !


L'immobilité est perçue comme une perte de temps, ceux qui se pressent ont peur et ratent tout de la beauté du monde. Sous nos yeux, en permanence des chefs-d'oeuvre animés, des ballets de feuilles mortes, rouquines sylphides, des nuages qui se déploient en éventail. P. 89

Le corps occupe une dimension toute particulière dans ce roman de Marine WESTPHAL. J'ai été particulièrement sensible au passage relatif à son apaisement, au lâcher prise, au moment de répit enfin accordé, comme un soulagement, une accalmie, le calme après la tornade :


Le sommeil, l'abandon total, est venu cette nuit, il a répondu à l'appel de la maison des Gravielle et retrouvé le chemin. Il s'est emparé de Sali, sans prévenir, comme d'un sac de jouets préférés. Ils ont déambulé un moment ensemble, ça faisait longtemps, elle en avait oublié la tiédeur de son souffle et son ventre tout mou. Au lever du jour, il l'a flanquée sur le matelas et elle a atterri comme ça, il n'a pas eu le temps de la remettre en place : les bras ouverts, un corps déplié qui se découvre, un coeur qui s'étire. P. 135/136.

Ce roman est pour moi une lecture coup de poing. J'ai toujours du mal à parler de coup de coeur quand je sors sonnée d'une lecture. J'ai pris un uppercut qui m'a laissée chaos. La respiration coupée ne m'a pas permis de m'émouvoir, dans quelques jours peut-être, ou bien quelques semaines, ou encore quelques mois... Cette lecture nécessite de maturer. Je sais déjà qu'elle ne va pas manquer de me hanter !


La plume de Marine WESTPHAL, vous l'aurez compris, est sans concession. Les phrases sont courtes, cinglantes, les mots sont acérés, tranchants.

 

Cette jeune écrivaine a du talent, c'est certain. Sa sélection dans le cadre des 68 premières fois en atteste, non ?

 

La téméraire de Marine WESTPHAL

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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2017-02-06T19:05:36+01:00

Par amour de Valérie TONG CUONG

Publié par Tlivres

 

Editions Lattes

Je vais me livrer à un exercice difficile : chroniquer un coup de coeur. Je ne sais pas si vous ressentez la même chose, mais moi, lorsqu'il s'agit d'un coup de coeur, je crains toujours de ne pas être à la hauteur de la qualité de la prose de l'auteure et là, avouez qu'il s'agit d'une plume remarquable.


Valérie TONG CUONG, ce n'est pas une découverte pour moi, j'ai déjà lu de cette écrivaine : "L'ardoise magique", "Pardonnable impardonnable". Ces deux romans ont laissé en moi une empreinte indélébile je crois. Je me souviens des histoires comme si je les avais lues hier, c'est un signe. "Par amour" m'a envoûtée tout autant. D'ailleurs, j'étais prévenue, et vous aussi le serez, avec cette citation qui apparaît dans les toutes premières pages de Julien GUILLEMARD : "C'est à nous d'entrer en lice, avec notre plume la plus acérée au service d'une encre indélébile. Contre les guerres."

 

Tiens, tiens, indélébile, un mot qui prend tout son sens avec ce roman. Je vous explique.


Nous sommes le 10 juin 1940, le décor est planté avec la toute première phrase, une phrase choc :


Dès que maman a poussé la porte, j'ai compris que cette journée serait différente des autres.

Cette manière d'entrer en matière est la signature de Valérie TONG CUONG, cette écrivaine a le talent, en quelques mots, de vous prendre à la gorge et de ne plus vous lâcher !


Lucie est une petite fille, elle a un frère, Jean. Les deux enfants sont élevés par leur mère, Emélie, depuis le départ au front, il y a 9 mois, de leur père. Il n'est rentré qu'une fois. Les enfants côtoient leurs cousins, Joseph et Martine. Leur mère, Muguette, est la soeur d'Emélie. Son mari, Joffre, est également parti au front. Les 2 familles vivent au Havre, ville soumise à un tout récent ordre d'évacuation. Les femmes n'ont pas le choix, elles doivent assurer "l'exode" de leurs familles. Elles vont ainsi prendre la route de Lisieux, puis celle d'Alençon. Elles n'iront jamais jusqu'à destination en raison de l'armistice signé par le Maréchal Pétain avec l'occupant. De retour à la maison, elles reprennent leur vie quotidienne mais rapidement, tout va changer avec la réquisition de l'école du village par les Allemands, celle-là même où sont domiciliés Emélie et Joffre, lui y était employé comme Chef cuisinier.


Valérie TONG CUONG nous plonge dans l'intimité de cette famille depuis les premiers jours de la 2de guerre mondiale jusqu'en août 1945. Elle a choisi le roman chorale, cette forme littéraire ô combien délicate mais tellement réussie. C'est avec les yeux de Lucie, puis de Muguette, d'Emélie et les autres que nous allons vivre cette aventure. Tantôt enfant, tantôt mère de famille devenue cheffe de famille le temps des événements, nous allons aborder les faits par le filtre de différents regards, de quoi nourrir ses réflexions personnelles à bien des égards.


Il suffit de lire le passage dédié à l'embarquement des familles :

 


Le jour s'est levé et, enfin, notre tour est venu. Nous sommes montés sur le bac en silence, craignant à chaque pas qu'un incident ne survienne et n'annule notre traversée tant attendue, à la fois euphoriques à l'idée d'échapper au pire et déchirés de culpabilité, puisqu'il fallait bien laisser derrière nous, acculés à la berge, une marée d'autres malheureux, vieillards, harrassés, mères isolées et chargées de nouveau nés, familles trop nombreuses qui refusaient d'être séparées. P. 45/46

pour imaginer les sentiments partagés de tous ces migrants qui quittent aujourd'hui leur pays en guerre pour un univers qu'ils pensent meilleur, au péril de leur vie bien souvent et aux dépens d'autres populations restées à terre.


J'ai été profondément touchée par les mouvements d'évacuation des enfants. Quand on est mère, impossible de ne pas se projeter dans ce  type de situation !

Je ne soupçonnais absolument pas cette page de notre Histoire avec le départ de nombreux enfants pour les terres algériennes notamment, l'occasion pour l'écrivaine d'évoquer la guerre en terres méditerranéennes, ce n'est pas si fréquent. Cette parenthèse lui a donné également l'occasion d'évoquer les conditions de vie des juifs. Là-bas, ils n'étaient pas mieux traités, une simple abrogation du Décret Crémieux conféra à 110 000 d'entre eux le statut d'indigènes ! 


C'est l'Histoire aussi d'une ville tout entière qui est abordée : Le Havre, dont on découvre les origines familiales de Valérie TONG CUONG. Je me souviens très bien de ce roman de Anthony DOERR "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" qui relatait l'Histoire de Saint-Malo à la même période. Nul doute que je me souviendrais très longtemps des images du Havre qui me hantent déjà !


Ce roman revêt, vous l'aurez compris, une dimension historique. Il suffit de consulter les nombreuses références citées dans la bibliographie pour s'en convaincre. A souligner d'ailleurs le travail monumental réalisé par Valérie TONG CUONG pour collecter toutes ces données et les capitaliser au service d'une épopée familiale tenue de bout en bout par une main de maître.


Nous le savons bien, chaque page de notre Histoire ne serait rien sans toutes ces histoires individuelles, familiales, de personnes ordinaires qui, un jour, ont dû choisir leur camp. Valérie TONG CUONG dresse un magnifique portrait de femmes sur qui reposait la survie de leur progéniture. J'ai particulièrement aimé ce passage : 

 


Au dernier instant de mon existence sur cette terre, quand défileront les événements qui auront soulevé la peine ou la joie dans mon coeur de mère et dans mon coeur de femme, le bonheur éprouvé plus tard devant mes enfants mordant dans du pain chaud dansera par-dessus tous les autres, j'en suis sûre. P. 54

Quand malheureusement, elles tombaient malades, c'était un tout autre combat qu'elles avaient à livrer !


J'ai pensé aux bombardements, ces bombes dont j'avais presque oublié l'existence parce que ici, au sanatorium, nous menions notre propre guerre avec nos propres armes, parce que l'envahisseur n'avait ni nationalité ni uniforme, mais qu'il était partout, si petit qu'il fallait un microscope pour le débusquer et si retors qu'il nous occupait à plein temps. P. 243/244

Une question me taraude toujours dans ces circonstances : comment chacun faisait-il pour continuer à se battre, lutter contre les ennemis et affronter les événements ? Valérie TONG CUONG nous propose quelques éléments de réponse :


[...] il fallait apprendre à aimer vivre, et vivre pour aimer. P. 348

Quant au titre du roman : "Par amour", il ne pouvait être plus adapté à ce flot de sentiments qui surgit tel un raz-de-marée, à la vie, à la mort.

 

Un incontournable de cette rentrée littéraire de janvier 2017, assurément !

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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2017-02-05T21:11:48+01:00

15 jours pour les différences au Trois Mâts

Publié par Tlivres

Il y a des expositions de grands Musées parisiens que j'apprécie de visiter lors de mes escapades dans la Capitale, et puis, il y a des expositions en Maisons de Quartier qui présentent aussi une richesse indéniable.

J'ai récemment découvert celle installée au Trois Mâts sur le quartier des Justices à Angers installée dans le cadre des "15 jours pour les différences", un rendez-vous désormais régulier.

Conçue par "Carrefour des Sciences et des Arts" et "Science Animation" sur une idée de la "Société Méridionale de spéléologie et de préhistoire", elle se décompose en quelques panneaux qui ne manquent pas de nous donner l'occasion de méditer sur nos origines, à l'image de celui-ci...

15 jours pour les différences au Trois Mâts

A bien y regarder, nous nous ressemblons plus que nous ne nous différencions !

Cette exposition se marie allègrement à des espaces plus intimistes pour laisser place à des causeries sur des sujets aussi divers que le handicap et la parentalité, les préjugés... Une sorte de café philo, quoi !

15 jours pour les différences au Trois Mâts

Impossible de ne pas faire un clin d'oeil à cette école des paysages d'Angers qui a joliment végétalisé du mobilier de jardin, une idée originale qui, j'en suis persuadée, vous donnera quelques envies de s'y installer avec un bon roman !

15 jours pour les différences au Trois Mâts

Retrouvez l'intégralité du programme proposé jusqu'au 11 février. 

Maintenant, à vous de jouer !

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2017-02-02T09:07:35+01:00

Aujourd'hui, c'est ma Friendsday, c'est la vôtre en fait !

Publié par Tlivres

T Livres T Arts se met en 4 pour vous honorer... visualisez la vidéo, c'est de la dynamite !

Très belle journée mes ami.e.s, je vous like !

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2017-02-01T21:42:10+01:00

Quand un mois laisse sa place à un autre...

Publié par Tlivres
Quand un mois laisse sa place à un autre...

Le mois de janvier a été particulièrement riche avec de très belles découvertes :

* La rentrée n'aura pas lieu

   de Stéphane BENHAMOU (68 premières fois) ****

* La société du mystère

   de Dominique FERNANDEZ ****

* Celui-là est mon frère

   de Marie BARTHELET (68 premières fois) ****

* Une vie entière

   de Robert SEETHALER (Prix du roman Cezam) **

* Joséphine Baker

   par CATEL et BOCQUET *****

* L'abandon des prétentions

   de Blandine RINKEL ****

* Petit pays

   de Gaël FAYE ****

* Ida

   de Chloé CRUCHAUDET ****

C'est toujours un plaisir de regarder sa PAL dans l'espoir de grands moments d'évasion à venir !

Quand un mois laisse sa place à un autre...

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