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2021-04-30T11:28:38+02:00

Ce qu’il faut d’air pour voler de Sandrine ROUDEIX

Publié par Tlivres
Ce qu’il faut d’air pour voler de Sandrine ROUDEIX

Ma #vendredilecture est le tout dernier roman de Sandrine ROUDEIX publié aux éditions Le Passage : "Ce qu'il faut d'air pour voler".

Lui a 17 ans et 5 mois. Elle, sa mère, a 43 ans. Elle a quitté son mari il y a une quinzaine d’année. Depuis, il y a eu la garde alternée d’un enfant qu’il est toujours difficile de lâcher. Et ce n’est pas plus facile en grandissant. Il est moins présent et quand il est là, il s’isole. Elle a perdu cette complicité avec l’enfant qu’elle chérissait. Saura-t-elle un jour trouver la sérénité d’une mère accomplie ?

Ce roman familial, c’est la quête incessante de soi. Dès les premières pages, on découvre que la narratrice a toujours vécu dans l’ombre de quelqu'un, son mari d’abord en se fondant dans sa vie à lui, son univers à lui, son enfant ensuite, un garçon petit, devenu grand.

Sandrine ROUDEIX propose l’introspection d’une femme qui, au fil de 219 pages et trois ans tout juste de l’existence de son fils, décrit ses joies, ses peines, depuis qu’elle est devenue mère.

Les questions se font plus cuisantes avec l’adolescence de l’enfant, unique. Les trois années que Sandrine ROUDEIX a choisi d'explorer, sont, pour elle, un véritable chemin de croix. Chaque fois que la mère tend la main, l'adolescent la repousse. A la tendresse des premières années, les caresses, les câlins... succède la violence de la distance, voire de l'absence.


Tu emploies des termes que je ne connais pas et c'est comme si tu me rejetais un peu plus, rompant avec ta langue maternelle pour te créer ta syntaxe à toi. P. 139

Si la garde alternée avait pu la préparer, le vide abyssal est ailleurs. L'adolescence agit comme un miroir pour cette mère qui lit dans les faits et gestes de son fils ses propres causes de fragilités à elle. 

Le cheminement est douloureux. Chaque pas de son fils vers l'autonomie agit chez elle comme le sel de la mer sur une plaie ouverte, ravivant incessamment la blessure, creusant indéfiniment les tissus. Parce qu'enfanter relève du charnel, dans le lien qui unit la mère à son enfant, il y a quelque chose de viscéral, de corporel. C'est là me semble-t-il que se situe la dimension universelle du propos. Si l'instinct maternel est aujourd'hui largement diabolisé, il n'en demeure pas moins qu'une mère (sans doute tout autant qu'un père d'ailleurs) ne regarde pas son enfant (garçon ou fille) s'éloigner pour construire sa vie sans avoir "mal aux tripes". 

Chez cette mère, les actes de résistance relèvent plus de la quête d'un bonheur à deux, d'un amour possessif, d'une certaine forme d'égoïsme au fond.


C'est ton anniversaire. Il y a dix-huit ans, lune pour lune, tu venais au monde. On venait au monde, toi et moi, naissant à tout ou à une partie de ce que l'on est aujourd'hui. P. 177

Si l’allusion est faite à l’héroïne du roman de Laurent MAUVIGNIER « Continuer » qui emmène son fils faire « Une randonnée à cheval au Kirghizistan », il ne s’agit là que d’une bouteille à la mer, une question un instant posée. Vous aurez compris que les deux mères sont aux antipodes l'une de l'autre. Il faut dire que dans "Continuer", l'initiative maternelle relève de l'instinct de survie, il est question de vie ou de mort de l'adolescent. Les enjeux sont diamétralement différents et pourtant, dans les deux cas, il s'agit d'une forme d'amour porté par une mère à son enfant.

Personnellement, je ne me suis pas reconnue dans le portrait de cette femme, une mère épleurée de voir son fils grandir, construire sa vie, se construire.

Je reconnais toutefois le talent de Sandrine ROUDEIX dans le traitement du sujet pour en faire un objet littéraire. Le roman est construit comme un journal intime avec sa chronologie rigoureuse des événements. Il pourrait aussi être une lettre de cette mère adressée à son fils, le jeu de la narration à la deuxième personne du singulier matérialise cette interpellation faite à celui qui occasionne ses déchirements. Ingénieux !

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2021-04-29T19:27:44+02:00

Pour quand tu seras grande de Véronique GALLO

Publié par Tlivres
Pour quand tu seras grande de Véronique GALLO

Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur un roman sorti à l'automne dernier, "Pour quand tu seras grande" de Véronique GALLO publié aux Editions Héloïse d'Ormesson.

Marie est une jeune femme. Elle partage sa vie avec Antoine. C'est la mère de Tom, Jean et Léna de 4 mois. Elle enseigne en collège. Leur couple vit une période difficile depuis le début de cette troisième grossesse. Antoine est distant, il est moins attentionné, rentre de plus en plus tard le soir, s’endort dans la foulée. Les griefs vont aussi bon train quand le matin, il doit assurer la prise en charge de Léna, culpabilisant Marie de tâches domestiques non réalisées. Marie est dépassée par les événements. Elle doit en plus subir les remarques indélicates de sa mère qui lui renvoie qu’à son époque à elle, ça ne serait pas passé comme ça. Marie est la fille de Jacques, médecin à la retraite, qui vient de se suicider. Il s’est pendu sans laisser de mot pour expliquer son geste. Marie est rongée par le mystère qui entoure ce suicide, par des personnes inconnues et très peinées le jour des obsèques. Et puis, un jour, tout bascule.

Le personnage de Marie est particulièrement attachant. J'ai beaucoup aimé l'accompagner dans sa "transfiguration".

Ce roman est troublant et le scénario parfaitement maîtrisé. Je vous le conseille !

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2021-04-28T17:00:00+02:00

Garder le cap de Sempé

Publié par Tlivres
Garder le cap de Sempé

"Garder le cap", il n'a jamais été aussi difficile aujourd'hui de le  faire dans un contexte sanitaire éminemment protocolaire, un contexte économique au bord de l'explosion, un contexte social on ne peut plus déprimant, bref, plus rien ne va... ou presque !

"Garder le cap", c'est aussi le titre d'un très bel album de Sempé publié en 2020 aux éditions DENOEL et Martine GOSSIEUAUX.

Sempé, vous le connaissez bien sûr, c'est l'auteur du Petit Nicolas, c'est l'artiste qui a aussi réalisé de nombreuses couvertures du New Yorker (à ce titre, je vous invite à découvrir la "Cover story : Jean-Jacques Sempé dancers" ; colorées, les illustrations sont juste magnifiques).

Cet album, c'est un très joli cadeau que je savoure comme une douce gourmandise.

A chaque jour (non pas sa peine !), mais sa joie d'un rendez-vous avec un illustrateur au trait riche et fourni, humoristique aussi.

A chaque page (ou double-page) un sujet, traité en général en monochrome (mais pas que), avec ou sans texte d'accompagnement, comme autant de prétextes à méditer. Sempé croque la vie de notre société dans un ton un brin satirique.

Personnellement, j'ai un petit faible pour ce dessin :

Garder le cap de Sempé

ou bien celui-ci :

Garder le cap de Sempé

Bien sûr, avec Sempé, le rire est parfois jaune, il suffit de regarder cette illustration qui représente, pour moi, les effets de l'action de l'homme sur Dame Nature. Et même si l'on peut continuer de s'émerveiller de sa force à "renaître de ses cendres", il n'en demeure pas moins que les effets sont dramatiques... 

 

Et puis, impossible de vous abandonner sans cette image qui, avouons-le, nous fait rêver à notre vie d'avant... tous agglutinés sur un même banc, ça deviendrait presque une bouffée d'oxygène, non ?

Un grand merci à la délicate attention qui m'a fait ce joli cadeau, "Intensive love" !

Avec "Boulevard Paris 13" de Mehdi BEN CHEIK, je suis comblée en beaux livres cette année.

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2021-04-27T06:00:00+02:00

Les hommes blessés à mort crient de Jeanne HEON-CANONNE

Publié par Tlivres
Les hommes blessés à mort crient de Jeanne HEON-CANONNE

Hier, je vous parlais de l'exposition installée sur le Boulevard de la Résistance et de la Déportation juste devant l'Hôtel de Ville, exposition honorant 22 hommes et femmes dont le destin fut malheureusement tragique.

Je me suis souvenue d'un livre sur l'une des femmes dont le visage et le parcours sont exposés, Jeanne HEON-CANONNE.

C'est Aude LE CORFF dans  "L'importunqui m'avait mise sur la voie.

Vous savez à quel point j'aime les romans historiques, mais là, il s'agit d'un livre un peu particulier. Il s'agit du récit de l'itinéraire de cette femme remarquable dans un témoignage intitulé "Les hommes blessés à mort crient" et dans lequel figure une Lettre-préface d'Albert Camus. 

Tout commence le 20 juin 1944, le jour de leur arrestation, celle de son mari et de Jeanne HEON-CANONNE, tous deux médecins installés près de la Gare. Ils ont récemment transféré leur cabinet à leur domicile, Rue Paul Bert à Angers. Ils ont 3 enfants, elle est enceinte de 3 mois. Ils sont emprisonnés par la Police Allemande. Ils sont séparés et plongés dans un univers de torture. Alors qu'ils découvrent les messages écrits sur les murs de la Prison d'Angers par leurs précédents occupants, qu'ils entendent les cris de ceux qui subissent les pires châtiments, Jeanne HEON-CANONNE écrit :


Il faudra jusqu'à la mort protéger les camarades en liberté pour leur permettre de continuer le travail, même si je dois perdre Michel... P. 27


Pour moi, une seule ligne de conduite : tenir tête, résister à la terreur, résister à l'intimidation, résister à la panique, résister au désespoir, surtout résister au règlement. Veiller chaque jour à accomplir un acte positif de résistance, pour convaincre l'ennemi qu'il peut asservir nos corps, mais que nos esprits demeurent libres. P. 46

Son mari est soupçonné de participer au réseau des Cheminots Résistants, d'avoir fait évader des officiers des Hôpitaux d'Angers, des centaines de familles juives, de rédiger de faux certificats pour empêcher les transferts vers l'Allemagne...

Elle puise sa force dans la foi religieuse.

Elle craint plus que tout que la Gestapo s'en prenne à ses enfants. La Libération approche, elle craint que les Allemands ne se vengent sur leurs familles.

Ce documentaire, mon #mardiconseil, je ne peux que vous inviter à le lire.

 

Parce que, d'abord, c'est un très beau témoignage, intime dédié à ses enfants (Danielle, François, Annette), qui a trouvé la voie de la publication chez les éditions Regard et Voir et qui permet aujourd'hui de rendre hommage à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont lutté, se sont battus contre l'occupant, au péril parfois de leur vie et de celle de leurs proches.

Quelle abnégation ! Quand je lis ce type de témoignage, je ne peux m'empêcher de penser à la chanson de Jean-Jacques GOLDMAN : "Né en 17 à Leidenstadt". Moi qui est mariée, moi qui est 2 enfants, qu'aurais-je fais si j'avais été à sa place ?

Parce ce que, outre la présentation de ces hommes et de ces femmes, ce témoignage brosse le portrait de toute une région sous l'occupation. Découvrir l'Histoire qui s'est passée dans les rues d'Angers, de Saumur, sur les bords de Loire... me touchent profondément. Ce sont des lieux où j'aime me promener et je découvre, au gré de cette lecture, une page insoupçonnée.

Parce ce qu'enfin, nous ne savons malheureusement pas de quoi sera fait notre avenir... 

Je vous propose de terminer avec une citation d'Albert CAMUS, la 1ère phrase de sa Lettre-préface : "


Je n'ai pas besoin de vous dire que la vérité, quand elle a malheureusement ce visage-là, ne peut s'aborder ni se quitter sans la plus sincère des compassions. P. 7

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2021-04-26T20:04:37+02:00

Regards sur Angers

Publié par Tlivres
Regards sur Angers

Puisque les Musées sont fermés, les expositions prennent leur aise sur l'espace public pour notre plus grand plaisir, surtout quand il s'agit de concourir à la mémoire d'hommes et de femmes qui se sont battus pour notre liberté.

Ma #lundioeuvredart, c'est en réalité 22 visages, 22 portraits d'Angevin.e.s, succinctement brossés, mais qui ont ce mérite d'interpeller le passant, d'évoquer des souvenirs, vieux de 76 ans, de (re)connaître des personnes qui auraient pu être vous, qui auraient pu être moi, autant de destins à la fin tragique.

Les femmes y prennent toute leur place. Jeanne LETOURNEAU, Anne-Marie BAUDIN, Madeleine ALLAIS, Marie-Amélie CAMBELL, Jeanne HEON-CANONNE... et beaucoup d'autres encore.

Si vous êtes de passage sur Angers, faites le détour par le Boulevard de la Résistance et de la Déportation, tout un symbole.

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2021-04-25T06:00:00+02:00

La chanson de Prévert de Serge GAINSBOURG revisitée par Michel GONDRY

Publié par Tlivres

Vous avez peut-être eu connaissance de la toute nouvelle réalisation de Michel GONDRY, un clip officiel de "La chanson de Prévert" revisitée en hommage à Serge GAINSBOURG, décédé il y a 30 ans.

Les paroles de "La chanson de Prévert" ne cessent de m'émerveiller...

Oh je voudrais tant que tu te souviennes
Cette chanson était la tienne
C'était ta préférée, je crois
Qu'elle est de Prévert et Kosma

Et chaque fois les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir

Avec d'autres bien sûr je m'abandonne
Mais leur chanson est monotone
Et peu à peu je m'indiffère
À cela il n'est rien à faire

Car chaque fois les feuilles mortes
Te rappellent à mon souvenir
Jour après jour, les amours mortes
N'en finissent pas de mourir

Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence
Passe l'automne, vienne l'hiver
Et que la chanson de Prévert

Cette chanson, les feuilles mortes
S'efface de mon souvenir
Et ce jour là, mes amours mortes
En auront fini de mourir

Et ce jour là, mes amours mortes
En auront fini de mourir

quant au clip, je le trouve très réussi.

J'en fais ma "chansondudimanche. Vous aimez ?

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2021-04-24T06:00:00+02:00

Le Mal-épris de Bénédicte SOYMIER

Publié par Tlivres
Le Mal-épris de Bénédicte SOYMIER

Le bal des 68 se poursuit. Après :

"Les monstres de Charles ROUX"

"Le sanctuaire" de Laurine ROUX"

"Over the rainbow" de Constance JOLY

"Avant le jour" de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

tous en piste pour "Le Mal-épris" de Bénédicte SOYMIER, accompagné par 

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Paul est un homme au corps rebutant, un vieux garçon de 45 ans, un parfait employé de La Poste dont il tient l'agence avec rigueur. Il a deux soeurs, Emilie et Rachel, qu'il a pour partie élevées. Il a un frère aussi. Il vit dans un appartement d'une petite résidence. Ses plus proches voisins, un jeune couple déménage. Il laisse place à Mylène, une jeune femme en pleurs. Paul soupçonne une rupture amoureuse. Il commence à l'observer par le filtre de son judas, noter tout ce qu'il sait d'elle dans un petit carnet, tout neuf, acheté rien que pour cet objet. Paul va commencer à rythmer sa vie sur celle de Mylène, l'attendre dans le hall pour ouvrir sa boîte aux lettres en même temps qu'elle, la frôler, s'enivrer de son parfum, et puis, un premier mot va sortir de sa bouche, une phrase aussi, une invitation à boire un verre, chez lui...
 
Vous comprendrez que je n'aille pas plus loin. Le décor est planté, tous les ingrédients rassemblés pour que le MAL fasse son petit bonhomme de chemin. 
 
De Bénédicte SOYMIER, je connaissais le blog "Au fil des livres" sur lequel elle partage les chroniques de ses lectures. Grâce aux 68 Premières fois et ce premier roman, j'ai découvert la puissance de la plume, chapeau !
 
Si le sujet des violences conjugales transcende aujourd'hui tous les genres littéraires, voire artistiques, et l'on ne peut que s'en féliciter, une manière de les dénoncer, il est à craindre le livre de trop. En tant qu'écrivain.e, s'y aventurer relève déjà du défi, alors pour une écriture en herbe imaginez... mais les éditions Calmann Levy lui ont fait confiance, et elles ont eu terriblement raison
 
"Le Mal-épris", c'est l'exploration du MAL dans ce qu'il a de plus machiavélique.
 
Il y a d'abord les comportements MALsains de Paul. Tout commence avec ce regard posé sur Mylène, par simple curiosité. Qui n'a pas porté un semblant d'intérêt à ses nouveaux voisins ? Oui, mais quand la curiosité vous prend dans sa nasse et qu'elle devient progressivement une attention, un désir, une obsession, là, danger ! Bénédicte SOYMIER décrit avec minutie les impacts sur l'esprit de son Paul. La vue de cette femme le hante, le tourmente, le rend malade. Quant au corps, là, c'est encore une autre dimension. Le charnel s'emballe, le lubrique devient irrésistible, le lascif impérieux, la simple vue de cette femme (et puis d'une autre) lui fait perdre la raison.


Il a oublié le parfum de l'amour, les frissons et l'envie, il ne sait plus, ni dans son corps, ni dans sa tête, ça lui échappe, mais il devine - la boule serrée sous son sternum, gonflée ou dégonflée au rythme des rencontres, la moiteur de ses paumes, les doigts gourds, frottés sur ses cuisses, et son coeur qui palpite, pressions, rétractations, le pouls heurté, au cou et aux poignets, qui file sous les tissus et pulse jusqu'aux oreilles. P. 24

Ce qui m'a obsédée (moi aussi) dans cette lecture, c'est la spirale infernale dans laquelle est tombé le personnage principal de ce premier roman. Bénédicte SOYMIER décrit avec minutie la lente mais irréversible trajectoire vers la violence. Si elle n'essaie pas d'excuser le bourreau (elle le dit très bien elle-même dans la vidéo des 68 Premières fois #3 - que je vous invite à regarder bien sûr), elle en dévoile les fractures.

Parce que Paul, c'est un MALaimé. Cette condition, il la traîne depuis sa plus tendre enfance. Alors, en vieillissant, avec la solitude comme boulet, les choses ne vont pas s'arranger. 


Il est ce que l'enfance a fait de lui, une histoire d'adultes défaillants et malfaisants, le produit de sa mère et de son père, le frère des petits, l'amant de Léa, le rejet de Mylène, il est ce qu'il n'a jamais voulu être, il est ce dont il veut s'affranchir pour vivre libre, l'esprit clair. P. 184

Sous la plume de Bénédicte SOYMIER, la psychologie du personnage est ciselée, tranchante, elle va MALmener. Mais ce n'est pas sur les faits de violence que l'écrivaine va insister. Bien sûr, elle va les décrire, mais le plus puissant est ailleurs, il est dans l'effet miroir de parcours chahutés. Jamais le proverbe "Qui se ressemble s'assemble" n'a été aussi bien illustré. Après Mylène, c'est Angélique qui trouve sa place dans un scénario sournois.


Lui dire son chagrin et la honte qu'il reçoit en miroir, son passé à l'épaule. P. 130

Parce que l'Homme est faible, dans sa médiocrité, son déshonneur, sa déchéance, il va trouver plus faible que soi. Il y a un rapport dominé/dominant absolument saisissant. Tout est affaire de profil en réalité !

Quant à la question qui tue :


Est-ce qu'on traine ses gènes malgré tout ? P. 130

Ce roman, certes il traite des violences conjugales, comme beaucoup d'autres, tellement d'autres. Mais celui-là est différent et ce qui fait principalement sa singularité, c'est le jeu de l'écriture. Bénédicte SOYMIER m'a foudroyée. A peine l'avais-je ouvert, à peine avais-je commencer à lire les premières pages que je me suis retrouvée piégée, sous l'emprise d'une plume. Si elle doute encore de la force de son propos, qu'elle soit rassurée, le talent est là !

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2021-04-23T06:00:00+02:00

La trajectoire de l'aigle de Nolwenn LE BLEVENNEC

Publié par Tlivres
La trajectoire de l'aigle de Nolwenn LE BLEVENNEC

Ma #vendredilecture est un premier roman découvert sur les conseils d'Hélène, "La trajectoire de l'aigle" de Nolwenn LE BLEVENNEC chez Gallimard.

En 2009, la narratrice a 26 ans quand elle rencontre Igor, de vingt ans son aîné. Avec lui, elle a deux enfants. Elle passe sa vie de journaliste à courir, son organisation est top chrono pour réussir à mener de front vie professionnelle et vie de famille jusqu'au jour où elle décide de s'attarder au travail et de boire un verre avec des collègues. Là, elle rencontre Joseph. Elle tombe sous le charme de cet homme. Il a son âge. Là commence une toute nouvelle histoire !

Ce roman, par la voie d'une expérience singulière, donne une dimension universelle à l'adultère en décryptant minutieusement son mécanisme.

Si la tragédie classique se divise en cinq actes, le théâtre moderne, lui, opte généralement pour quatre.

C'est dans cette composition que Nolwenn LE BLEVENNEC va progressivement dévoiler les rouages d'une liaison amoureuse, hors mariage, celle qui stimule, celle qui excite. Pourquoi ? Parce qu'elle brave l'interdit bien sûr.

Si le sujet est digne de la comédie de boulevard, l'écrivaine en fait tout un roman.

Le propos oscille entre humour et autodérision. Dès les premières pages, l'écrivaine donne le ton :


Moi il faut imaginer le tremblement cumulé des mains de tous les pensionnaires d'un EHPAD pour comprendre ce qu'il se passait à l'intérieur de mon corps. P. 39

En creusant la métaphore de "La trajectoire de l'aigle", Nolween LE BLEVENNEC nous propose une envolée lyrique, de quoi rire (ou pleurer).

Ce roman, c'est une manière originale de prendre de la hauteur, de regarder l'Homme dans ce qu'il a de plus faible. Faute avouée à demi pardonnée, non ?

De l'histoire, je n'en garderai pas un souvenir impérissable mais de "La trajectoire de l'aigle" peut-être. Les personnages ont défilé sous mes yeux, je crois que je pourrais les mettre en scène !

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2021-04-22T06:00:00+02:00

Le Stradivarius de Goebbels de Yoann IACONO

Publié par Tlivres
Le Stradivarius de Goebbels de Yoann IACONO

Ma #jeudicitation est l'occasion de revenir sur mon premier coup de coeur de l'année, "Le Stradivarius de Goebbels" de Yoann IACONO publié aux éditions Slatkine et Compagnie.

Ce premier roman est absolument passionnant.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Felix Sitterlin, le narrateur, est Trompettiste classique. Il fut formé au Conservatoire de Paris. À partir de 1938, il intègre la brigade de musique des gardiens de la paix et prendra part à l’insurrection populaire pour reprendre la Préfecture de Police de Paris. Le 12 janvier 1945, il est chargé par le Préfet Luizet de retrouver le Stradivarius du neveu de Monsieur Braun, Juif, ami du Général De Gaulle. Et s’il s’agissait de celui offert par Goebbels le 22 février 1943 à la jeune Nejiko SUWA, prodige japonaise, comme un acte politique pour sceller l’union du régime nazi avec le Japon, les premiers exterminant les Juifs, les seconds les Chinois. Après un enseignement reçu auprès de sa tante Anna, arrivée de Russie, Nejiko évolue auprès de grands maîtres mais son Stradivarius lui résiste. D’où peut bien venir son incapacité à maîtriser parfaitement l’instrument. Certains luthiers affirment que les violons ont de la mémoire ? Et si Nejiko avait intérêt à connaître l’histoire du sien...

Sous la plume de l’écrivain, Nejiko SUWA devient un personnage de roman. Entre sa vie à Paris, son retour à Berlin, son emprisonnement aux Etats-Unis... c’est une épopée tout à fait fascinante que nous relate l’auteur qui ne se contente pas seulement des années 1940 mais nous propose d’accompagner Nejiko Suwa tout au long de sa vie. C’est dans les journaux intimes de la musicienne qu’il va glaner une multitude de détails pour reconstituer le fil de son existence.

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2021-04-21T06:00:00+02:00

Vert samba de Charles AUBERT

Publié par Tlivres
Vert samba de Charles AUBERT

Slatkine et Cie

Depuis le #GrandPrixdesLectricesElle 2019, j'ai pris régulièrement l'habitude de lire des romans policiers et j'avoue que ce registre me plaît beaucoup. C'est d'autant plus vrai quand ils me permettent de découvrir des maisons d'éditions, à commencer par Slatkine et Cie.

Vous vous souvenez peut-être de mon premier coup de coeur de l'année, "Le Stradivarius de Goebbels" de Yoan IACONO. C'était un roman de cette maison. Je poursuis donc aujourd'hui avec "Vert samba" de Charles AUBERT, l'occasion de découvrir aussi l'auteur.

Niels Hogan, le narrateur, a quitté son job de directeur commercial à Paris pour se lancer dans la fabrication de leurres pour la pêche dans le sud de la France. Il découvre les plaisirs d'une cabane implantée au bord d'une lagune, l'étang de Thau. C'est là qu'il s'offre quelques petits plaisirs, comme la préparation du thé dans les règles de l'art. C'est là aussi qu'il redécouvre les plaisirs de l'amour. Il a rencontré  Lizzie, journaliste d'investigation et associée avec Vincent dans le cadre du Cormoran Inquirer, une femme qui l'émerveille. Mais depuis quelques temps, les choses ne tournent plus tout à fait rond. Son père montre quelques fragilités, le laissant à penser à la maladie d'Alzheimer. Niels est inquiet. Et puis, il y a la découverte du cadavre d'un ostréiculteur, la mort de cet homme dans des conditions mystérieuses trouble les relations avec Nora, la Directrice d'un établissement pour travailleurs handicapés. En tirant le fil, Lizzie embarque Niels dans son enquête, menée parallèlement à celle de la police, pilotée par Malkovitch, et c'est bientôt toute la pelote qui vient, mais là, danger !

Ce roman policier est une réussite.

D'abord, parce que l'intrigue est parfaitement menée. Jusqu'à la fin du livre, je suis restée suspendue aux indices savamment distribués par Charles AUBERT.

Et puis, il y a les personnages, des êtres que l'on a tout de suite envie d'aimer, des hommes et des femmes, bons, semble-t-il, des êtres attachants, quoi !

Mais encore, ce roman est un véritable jeu de dominos, à chaque pièce son décor, son histoire, ses secrets. 

Il y a le monde des gitans, excusez moi, des manouches. Si une allusion est faite au proverbe "N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures", souvenez-vous, Paola PIGANI en a fait un livre. Là, Charles AUBERT en profite pour concourir à la mémoire d'un boxeur, Johann RUKELI TROLLMAN dont le combat gagné en 1933 en Allemagne a dû être rejoué au motif qu'il exerçait une pratique sportive de dégénéré. L'homme s'était présenté, fariné de blanc un pied de nez aux critères de la race aryenne. Sur le ring, il s'était collé les bras au corps et avait encaissé les coups jusqu'au K.O., un acte incroyable de résistance au régime nazi qui malheureusement, aura raison de lui quelques années plus tard.

Il y a celui de l'ESAT (Etablissement et Service d'Aide par le Travail) avec un être tout à fait EXTRAordinaire. Il porte le prénom de Tao et un fardeau lourd sur ses tendres épaules. Il souffre de prosopagnosie, cette pathologie qui vous empêche de reconnaître les visages. Il y a des passages d'une profonde tendresse.

 

Il a aussi l'univers politique. Charles AUBERT a eu la très bonne idée de nous emmener sur la voie de l'extrême droite avec un groupe d'hommes dont le passé est plus que douteux.

Le tout servi par une plume haletante, empreinte d'une formidable douceur.

Si j'ai aimé la découverte de la cérémonie du thé, j'ai aussi beaucoup apprécié de m'initier à l'art japonais du Kintsugi, cette façon de réparer la porcelaine en soulignant  d'or les fêlures et les ébréchures, original, non ?

Et puis, en guise d'introduction pour chacun des chapitres, un haïku. Ils sont tous très beaux mais j'avoue que j'ai un faible pour celui-ci :

"Que mon visage

Qui a vu les fleurs de cerisier

Soit frappé par l'obscurité"

de Fura MAEDA

Que c'est délicat !

Vert samba est un excellent roman policier. Je vous le conseille absolument.

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2021-04-20T06:00:00+02:00

Batailles de Alexia STRESI

Publié par Tlivres
Batailles de Alexia STRESI

Mon #Mardiconseil, c'est un coup de coeur (vous avez reconnu l'oeuvre de Marie MONRIBOT bien sûr), "Batailles" de Alexia STRESI.

Je ne connaissais pas encore cette plume. Alexia STRESI est l'autrice de "Looping" sorti en 2017, lauréat du Grand Prix de l'Héroïne Madame Figaro. J'avais laissé passé son premier roman, Lecteurs.com et les éditions Stock ont fait le reste. Un très grand merci pour ce joli cadeau.

Rose est sage-femme. Un jour, elle va rendre visite à sa mère et là, oh surprise. Elle découvre qu'elle n'habite plus dans son logement. Elle va voir la gardienne de la résidence qui lui remet une enveloppe laissée à son nom. Nous sommes en 2003. Sa mère est partie et souhaite que sa fille ne la recherche pas. Elle lui annonce qu'elle reviendra vite. Sous le choc, Rose tente de poursuivre sa vie mais il devient rapidement impossible pour elle de continuer à donner naissance à des bébés, et de nouveaux parents. Elle se réorientera professionnellement et deviendra cuisinière. Elle rencontrera Rémi. Ensemble, ils auront deux filles, Asia et India. Et puis, dix ans après, elle est interpellée par la mort d'un enfant de 15 à 18 mois de type africain, découvert mort sur la place de Berck sur Mer. Elle se joint à la marche funèbre. Cet événement va réveiller l'envie irrépressible de Rose de connaître ses origines. Là commence une toute nouvelle histoire...

Ce roman, je m'y suis plongée sans connaître le sujet. Dès les premières pages, il m'a happée. Il faut dire que Alexia STRESI sait très bien planter le décor, enfin, plusieurs décors en réalité. Elle va savamment mêler deux histoires qui a priori n'ont rien à voir l'une avec l'autre et pourtant...

La quête des origines est un sujet qui me fascine. Les romans, mais aussi la vie, me montrent chaque jour qu'il est des instants où le fait de savoir d'où l'on vient devient une nécessité, qui plus est lorsque l'histoire est ponctuée de silences, lorsque les familles ploient sous le poids de secrets, et ce n'est pas l'écrivaine qui me démentira.


Le passé n'aime pas qu'on le néglige. Arrivera toujours le moment où il se mettra à suinter. P. 194

Et puis, ce qui me captive plus encore, c'est quand la grande Histoire vient percuter la petite. La famille de Rose aurait pu rester dans le champ de la fiction, de l'imaginaire, mais Alexia STRESI a décidé de lui donner une autre portée, une dimension nationale. Les faits remontent aux années 1962-1984. Ils relèvent de la compétence de Michel DEBRE, alors Député de l'île de la Réunion. L'écrivaine relate rien de moins qu'une déportation, le déplacement de plus de 2000 enfants. Je ne vous en dis pas plus, juste que ce livre est à partager sans modération parce que la littérature a ce pouvoir de mettre en exergue des événements passés inaperçus dans l'enseignement académique. Je ne pouvais d'ailleurs pas l'apprendre à l'école puisqu'ils se déroulaient au moment même où j'étais sur les bancs. Aujourd'hui, il est temps d'en parler. Je me souviens de la citation de Simone DE BEAUVOIR : "Nommer c'est dévoiler, dévoiler c'est agir". Imaginez, des hommes et des femmes supportent encore aujourd'hui le fardeau de leur passé et puis, vous savez, ce n'est pas quand leur génération qu'il disparaîtra, non, il ne fera que décupler avec les années parce qu'il y a de la revendication là dessous.

Quand Rose échange avec sa belle-mère. 


Elle aussi ne se sent juive qu'en face des antisémites. P. 143

Alors quand il est en plus question de la couleur de peau, vous pouvez imaginer à quel point les hommes et les femmes ont besoin de savoir qui ils sont ? d'où ils viennent ? pour assumer leur condition et retrouver leur dignité.

Ce roman, c'est une bombe... à retardements. Outre le sujet (impossible de vous en dire plus au risque de spolier le livre tout entier), c'est la manière de l'écrire qui fait boum, boum, boum, et boum. J'ai noté dans mon petit carnet les coups de tonnerre. Il y a un premier impact page 110, et puis 244-245, ensuite le rythme s'accélère, pages 254 et 262. Alexia STRESI orchestre d'une main de maître l'intrigue, le tout dans une plume profondément humaine. J'en ai la chair de poule rien que d'y penser.

Ce roman, ne passez pas à côté.

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2021-04-19T17:34:16+02:00

Portrait d'une fille de Gela SEKSZTAJN

Publié par Tlivres
Portrait d'une fille de Gela SEKSZTAJN

Les anniversaires permettent de célébrer des événements, ils sont aussi le moment de se souvenir.

Le 19 avril 1943 est une date mémorable pour le peuple juif, il s'agit du début du soulèvement du Ghetto de Varsovie en Pologne. Ce ghetto fut incendié à la suite d'une rébellion des Juifs qui s'opposèrent aux ordres de Jürgen STROOP. Cet acte de résistance coûta la vie à 13 000 personnes.

En littérature, il est notamment abordé dans "Ghetto intérieur" de Santiago H. AMIGORENA et "Partages" de Gwenaëlle AUBRY.

En peinture, il peut l'être par le biais des toiles peintes par Gela SEKSZTAJN (ou SECKSTEIN). "Portrait d'une fille" est ma #lundioeuvredart.

Gela SEKSZTAJN, avec son mari, était investie en faveur de la vie culturelle du ghetto et du système de sécurité sociale juive. Cette oeuvre fait partie des Archives RINGELBLUM, des documents rassemblés par un historien, Emmanuel RINGELBLUM, qui travaillait avec un groupe d'hommes et de femmes, Oyneg Shabbos, à la capitalisation de dessins, journaux, affiches... témoignant de la vie dans le ghetto.

Les Archives RINGELBLUM ont été constituées entre 1940 et 1943. Enterrées dans le sol, elles furent retrouvées à la fin de la seconde guerre mondiale et sont aujourd'hui conservées à l'Institut d'histoire juive.

Ces informations, je les ai glanées sur l'appli DailyArt. Peut-être connaissez-vous le principe... chaque jour une oeuvre d'art est mise à l'honneur avec quelques explications. C'est un très bon moyen de s'initier à des genres artistiques méconnus, c'est aussi le moyen de concourir au devoir de mémoire parce qu'il est important de ne pas oublier notre Histoire. 

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2021-04-17T06:00:00+02:00

Les monstres de Charles ROUX

Publié par Tlivres
Les monstres de Charles ROUX

Les éditions Rivage

Les romans des 68, ils arrivent par la poste ou bien circulent « sous le manteau » entre angevin.e.s averti.e.s. Je ne connais rien de leurs sujets, ni des auteurs.rices qui les ont écrits (quoi de plus normal quand il s’agit de promo-romancier.e.s !). J’aime laisser les fées faire leur choix dans la rentrée littéraire et m’offrir le plaisir de marcher dans leurs pas.

Je ne lis pas non plus les 4èmes de couvertures depuis 2, 3, peut-être 4 années. Si avec « Les monstres » de Charles ROUX, j’avais décidé de faire une exception, my god, quel sacrilège !

Ce roman, si vous ne l’avez pas encore lu, d’abord, réjouissez-vous. Et puis, dites-vous que le jeu en vaut la chandelle.

Pour celles et ceux qui me connaissent (bien), vous vous dites que cette chronique ne me ressemble pas, que je tourne autour du pot (et quel pot ? Le chaudron d’une sorcière peut-être... qui sait ?) et vous avez sacrément raison. 

Je me la joue un peu à la Charles ROUX... mais la différence entre lui et moi, c’est que lui a du talent ! Avec presque rien, il vous dit presque tout ! Je sors de plus de 600 pages dont je me suis délectée. Ce roman, c’est une prouesse littéraire. Donc...

Je vous présente David, un homme, un mari, un père de famille, un businessman à qui tout réussit. Il vit dans le luxe, il brille, il rayonne. Il s’offre des orgies la nuit, fume, boit, se drogue et trompe sa femme, bref, il brûle la chandelle par les deux bouts, au risque de se brûler les doigts ! Et puis, il y a Alice, une femme ordinaire, célibataire endurcie, professeure d’histoire, qui mène une vie fade, sans excès, sans fioriture. Elle craint la nuit plus que tout. Au coucher du soleil, elle baisse les volets et ferme les rideaux. Elle vit recluse. Tout juste si elle s’offre une petite fantaisie, celle d’essayer de donner corps à une boule d’argile. Ses premières créations sont ramassées dans une boîte. Alice l’avoue, elle n’a pas de talent. Et pourtant... Enfin, il y a Dominique, un homme le jour, une femme la nuit. Dominique joue avec les codes, les apparences. La réussite est venue à lui, il est aujourd’hui propriétaire d’un cabinet de curiosités, il est à la tête de tout un tas de collections aussi hétéroclites qu’extravagantes. Il gère un restaurant d’une douzaine de couverts. Allez, à table !

Charles ROUX nous a cuisiné un festin.

En amuse-bouche, le jeu de l’écriture.  L’écrivain, par un stratagème tout à fait EXTRAordinaire et un peu de poudre de Perlimpinpin, va rebattre l’ensemble des cartes. Je ne vous en dis pas plus sauf que les petits fours sont succulents.

En entrée, Les personnages. J’y reviens. Charles ROUX en fait une approche psychologique ciselée. Si l’écrivain en écrit des pages sur ce qui fait d’eux ce qu’ils sont, tels qu’ils s’affichent aux autres, vous comprendrez qu’il prenne un temps insoupçonné à gratter le vernis d’un tableau trop bien brossé jusqu’à le faire craqueler. Là, plus rien ne peut lui résister. J’ai adoré.

Pour le plat de résistance (qui porte très bien son nom !), le jeu de la narration. Il est, lui aussi, époustouflant. Je ne vous ai pas tout dit. Il y a un personnage supplémentaire, une petite voix qui tutoie David, vouvoie Alice, et prend de la distance vis-à-vis de Dominique. Le travesti, elle regarde son jeu et le relate, pour en faire... un roman ! Loin de me désarçonner, ce plat, je l’ai savouré.

 

Pour le plateau de fromage, Charles ROUX a vu grand avec « Les monstres ». Il y en a pour tous les goûts : le golem, le zombie, le wendigo, la sorcière, le démon... bref, vous aurez le choix !
 
En dessert, le café est gourmand avec une grande diversité de desserts en version mignardises. 


J’ai beaucoup aimé le rapport au temps, nos souvenirs, notre mémoire...


Les atmosphères, hein, pas les moindres détails bien sûr, car ces fils qui te relient à un passé lointain se sont emmêlés. Trop nombreux, trop semblables, trop abimés, ils se sont mués en une boule impossible à détricoter. P. 284

et la longue réflexion autour de l’avenir des cabinets de curiosités, ces témoins de temps révolus. La page 121 (notamment) est remarquable. On pourrait élargir le sujet aux musées, bref, à tout ce qui raconte notre Histoire. À une autre échelle, il y a ce rapport qu'entretient l'individu au matériel. Les objets, les vêtements, les meubles de décoration... Charles ROUX nous offre de quoi méditer sur les reliques de nos petites histoires.

"Les monstres", c'est un roman social pour ce qu’il dit de notre monde moderne, un univers de la banque axé exclusivement sur les objectifs, l’occasion de pressuriser ses salariés sans modération, le monde de l’enseignement dans lequel des hommes et des femmes arrivent par défaut comme la voie royale de celles et ceux qui ont fait des études universitaires sans orientation claire. Il y a aussi la révélation de la solitude dans laquelle vivent beaucoup aujourd’hui, en particulier dans la capitale, là où l’urbanisme confine ses habitants dans quelques mètres carrés seulement, là où les transports circulent dans des galeries souterraines...

Le sujet des transgenres est aussi abordé à travers le portrait de Dominique. Derrière le cliché des paillettes et de la scène, d’autres réalités se cachent, celles de la vie quotidienne, de son identité, mais aussi des sujets éthiques autour de la mutation biologique.

Plus globalement, "Les monstres" est un roman qui interroge notre rapport à la norme. Il nous propose de faire le pas de côté. C’est de la magie, du surnaturel, appelez ça comme vous voulez, mais moi, j’ai succombé.

Et puis, l'écrivain explore le mensonge et là, l'approche est remarquable.

Le repas aurait pu être horrible comme on suppose que « Les monstres » le soient, il est en réalité profondément jubilatoire. C’est un hymne à l’authenticité, sa vraie personnalité, son « moi », c’est une ode à la liberté, une invitation à s’émanciper de nos enveloppes, nos apparences, pour, plus que vivre, EXISTER.

Dans une plume foisonnante, Charles ROUX invite ses personnages à porter leurs plus beaux habits. Il nous offre, à nous, un repas fastueux. 

Pour terminer en beauté, place au bal des 68. Pour la 11ème danse, un petit morceau de rap, ça vous dit ?

Retrouvez les autres romans de cette sélection 2021 :

"Le sanctuaire" de Laurine ROUX"

"Over the rainbow" de Constance JOLY

"Avant le jour" de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

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2021-04-16T06:00:00+02:00

Un jour ce sera vide de Hugo LINDENBERG

Publié par Tlivres
Un jour ce sera vide de Hugo LINDENBERG

Christian BOURGOIS Editeur

Il y a eu cette soirée « Varions Les Éditions en Live » (Vleel) organisée par Anthony connu sous le doux nom de serial_lecteur_nyctalope avec Clément RIBES, Directeur de la maison d'édition, et puis cet échange avec Hélène. A chaque livre son histoire...

Un jeune garçon de 10 ans passe l’été chez sa grand-mère. Chaque jour, il joue sur cette même plage normande. Alors qu’il s’amuse à gratter une méduse avec un bâton, Baptiste s’invite à ses côtés. Il lui demande de la tuer !

Dans les romans, ce que j’aime, c’est l’instant de rupture. Là, un premier intervient très vite dans la prose de Hugo LINDENBERG, primo-romancier. 

Dans ce roman familial, j'ai adoré les passages autour de la relation que lie la grand-mère à son petit fils. Lui, lui voue un immense amour :


Mais je peux encore étirer le moment, l’observer, à condition de ne pas faire trop de bruit. C’est ma manière à moi de l’aimer. P. 59

Le regard qu'il porte sur cette femme est ingénu mais une relation s'établit à deux. Ce roman, plus globalement, c'est une manière d'approcher la grand-maternité et de la magnifier dans ce qu'elle a de plus sincère, de plus vrai, de plus beau.

Et puis, vous l’avez compris, il y aura un avant et un après cet été là. L’écrivain nous invite à passer deux mois dans la vie d’un enfant qui va vivre un parcours initiatique en vitesse accélérée. Cet été là, c'est le champ de tous les possibles qui s'offre à lui.

C'est là qu'il va découvrir la puissance de l’amitié avec Baptiste, faire des premières expériences, inoubliables.


Chaque seconde nous rapproche du moment où il faudra dévoiler plus de soi qu’on ne voudrait. P. 14

J'ai aimé décrypter le regard porté aux autres et la potentielle adoration qu'ils génèrent. Qui n’a jamais envié un.e plus grand.e que soi, qui n’a jamais sublimé la famille d’un.e autre, l’imaginant plus ci, plus ça, idéale quoi ! Je suis toujours fascinée par ce qui emporte l’adhésion au modèle ou au contraire la rébellion. Qu'est-ce qui fait qu'un enfant, confronté à des réalités autres que la sienne, finit par se dire que sa famille c'est la meilleure, ou au contraire, la pire ?

Et puis, ce qui m'interpelle toujours, c’est la juxtaposition de la sphère de l’intime avec celle publique, ce jeu de l'alternance de l’intérieur et de l’extérieur. Ce qui est acceptable à la maison, à l’abri des regards, devient l’objet de la honte sous le regard des autres, dehors, sur la plage. Comment un enfant appréhende-t-il les choses ? Comment se construit-il entre ces deux univers qui, tous deux, le happent à n'en plus finir ?

Dans ce roman, beaucoup de questions sont posées. Hugo LINDENBERG choisit de partager une certaine vision du monde par le filtre des yeux d’un enfant. La narration à la première personne du singulier, dans ce cadre précis, est loin d’être facile tant le risque de tomber dans la mièvrerie est grand. Mais là, la magie a opéré. J’ai aimé retrouver l’innocence des jeunes pousses, oublier qui je suis pour me laisser porter par la candeur des apprentissages.

La plume est belle. Ce premier roman est très réussi.

Merci Hélène ! Nul doute que lors de notre prochain book club, il sera évoqué...

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2021-04-15T16:45:00+02:00

Rescapée du goulag chinois de Gulbahar HAITIWAJI et Rozenn MORGAT

Publié par Tlivres
Rescapée du goulag chinois de Gulbahar HAITIWAJI et Rozenn MORGAT

Ma #citationdujeudi est extraite d'un récit de vie, celui de Gulbahar HAITIWAJI, co-écrit avec Rozenn MORGAT, journaliste, intitulé : "Rescapée du goulag chinois".

Gulbahar HAITIWAJI a une cinquantaine d’année. Elle est née au Xinjiang, un territoire qui fait trois fois la France, sous régime chinois. Elle est mariée avec Kerim HAITIWAJI. Elle est mère de deux filles. Mari et femme travaillent pour la Compagnie du pétrole et puis un jour, en 2002, Kerim décide de quitter le pays. Il ne supporte plus les humiliations. Il part seul à destination de Paris. Il y découvre la misère des exilés, la vie des sans papier, les petits boulots, et puis un jour, il obtient le statut de réfugié. Gulbahar et ses filles quittent le pays à leur tour. Nous sommes en 2006. Ils habitent dans un appartement de Boulogne. Lui est taxi chez Über, elle travaille dans une cantine. Un jour, en 2016, elle reçoit un appel téléphonique. Elle doit retourner au Xinjiang pour régler des démarches administratives en lien avec sa retraite. Méfiante, elle redoute d’y retourner. Kerim la rassure, elle fera l’aller-retour, elle en profitera pour voir sa mère, ses soeurs. Quand elle met les pieds sur le tarmac, c’est un tout autre scénario qui se joue. Elle est conduite au commissariat, interrogée, emprisonnée.

 

Si le titre dévoile l’issue, il n’en demeure pas moins que le récit est rythmé et saisissant. Je me suis retrouvée happée par l’autobiographie de cette femme, de cette page de sa vie absolument ahurissante, inimaginable pour un occidental qui jouit des droits de l’Homme reconnus par l’Organisation dés Nations Unies, celle-là même qui a condamné en 2018 les camps de redressement des Ouïghours du Xinjiang.
 
Ce livre est à diffuser sans modération pour que la communauté internationale s’empare du sujet et qu’un jour justice soit faite aux Ouïghours, que leur langue, leurs traditions, leur culture... puissent être protégées et revendiquées pour leur singularité, que ces hommes et ces femmes puissent accéder aux droits fondamentaux, tout simplement !

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2021-04-12T20:03:22+02:00

Ascension de l'esprit de Vladimir KUSH

Publié par Tlivres
Ascension de l'esprit de Vladimir KUSH

Ma #lundioeuvredart est une création de Vladimir KUSH.

Cet artiste, vous l'avez peut-être découvert en naviguant sur le compte d'Eliane. Avec "Ensemble pour toujours", elle a su capter mon attention. Bien lui en a pris ! J'ai depuis surfé sur le web avec un plaisir non dissimulé.

Cet homme, né en 1965, a à son actif non seulement un nombre incalculable d'oeuvres mais aussi des toiles et sculptures tout à fait fascinantes.

Dans un registre surréaliste, il lie et met en scène bien souvent les différentes registres du vivant, le règne animal, le monde végétal et l'homme. Les créations sont foisonnantes et donnent à méditer.

Là, j'ai choisi une oeuvre un peu originale, très en lien avec la thématique du blog bien sûr.

Intitulée "Ascension de l'esprit", elle représente un livre, objet du savoir, dont les pages servent d'escalier à l'homme, une plume à la main (référence à l'écriture), qui les monte dans la perspective d'un idéal, Icare de Léonard DE VINCI.

Cette oeuvre, je la trouve très poétique, mais aussi inspirante et pleine d'espoir. Avouons que dans ces temps chahutés, elle met un peu de baume au coeur, non ?

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2021-04-10T06:00:00+02:00

le Sanctuaire de Laurine ROUX

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le Sanctuaire de Laurine ROUX

Les éditions du Sonneur

Signer avec les 68, c’est accepter de sortir des sentiers battus, quitter sa zone de confort et se laisser porter par la promesse de découvrir un certain registre de la littérature. le Sanctuaire a n’en pas douter illustre parfaitement cette expérience littéraire.

Papa, Maman, June et Gemma, la narratrice, vivent dans une cabane dans la montagne, loin des hommes, qui seraient tous morts, loin des oiseaux qui transmettraient un virus. C’est dans ce refuge que la famille organise sa survie. Le père part ponctuellement quelques jours. Gemma chasse, le petit comme le gros gibier, au couteau ou au tir à l’arc. A force de flirter avec l’interdit, Gemma découvre le plaisir de le défier... à ses risques et périls.

le Sanctuaire, second roman de Laurine ROUX, est un conte des temps modernes. S’il n’avait été écrit avant la pandémie de la covid19, le propos aurait à n’en pas douter trouvé sa source dans la période que nous traversons. Il est question d’un virus transmis à l’homme par l’animal, de confinement, d’instinct de survie, de besoins primaires et de biens essentiels. Le texte érige les limites géographiques du sanctuaire, jolie métaphore pour illustrer les limites psychologiques incarnées par le conte, entre fiction et réalité, mort et vie, personnages imaginaires et vivants, sauvages et hommes civilisés, croyances et faits...

C'est une allégorie de la caverne de Platon et Socrate, celle-là même qui opposait le bien et le mal.

Il est question aussi d’apprentissage. Loin de la modernité, de la ville et de la société de consommation, l’homo sapiens du XXIème siècle s'isole en pleine nature pour y puiser de la force.


La matinée est encore fraîche mais le soleil rôtit la crête des conifères ; ses rayons lardent mon visage, je me love dans leur moelleux. P. 109

D'ailleurs, il est dédié "Au petit peuple de Walden junior". Walden ou la Vie dans les bois, c'était un récit de Henry DAVID THOREAU, un pamphlet publié au XIXème siècle. On est tout à fait dans cette dimension avec "le Sanctuaire" de Laurine ROUX.

L'homo sapiens, donc, se recentre sur ses besoins vitaux, dormir et manger. Le père enseigne la chasse à ses filles de façon autoritaire. Ce roman devient un précis philosophique à moins qu’il ne soit en réalité un acte politique. Il puise dans les concepts du survivalisme qui mise sur l’effondrement du monde et la survie du genre humain, isolé, armé.

La boucle ne serait pas bouclée sans la fusion de l’homme avec le règne animal. Il y a des passages absolument fascinants sur la communication avec l’aigle.  

Enfin, terminons avec la qualité de la plume de Laurine ROUX. L’intrigue est parfaitement maîtrisée et le propos audacieux. Cette lecture, c’est assurément un moment hors du temps, et tout en poésie s'il vous plaît.


Le futur était à l’image de ces boîtes colorées : une succession de jours qui, chacun, recelait une promesse de bonheur. Il suffisait d’ouvrir le couvercle. P. 27

Retrouvez les autres romans de cette sélection 2021 :

"Over the rainbow" de Constance JOLY

"Avant le jour" de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

Le bal des 68 se poursuit. J'invite Christophe MAE et sa "Nature" pour la 10ème danse, laissez-vous enivrer...

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2021-04-08T18:08:38+02:00

La dixième muse d'Alexandra KOSZELYK

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La dixième muse d'Alexandra KOSZELYK

Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur un très beau roman de la rentrée littéraire de janvier 2021 : "La dixième muse" d'Alexandra KOSZELYK Aux Forges de Vulcain.

Je vous livre quelques mots de l'histoire :

Florent est un jeune homme, amoureux de Louise. Il est appelé par son ami Philippe à l’accompagner dans une mission... un peu spéciale ! Ils arrivent au cimetière du Père Lachaise. Pour Florent, c’est la déferlante de souvenirs douloureux. Son père est décédé il y a six mois. Il se retrouve, un instant, devant la tombe de Guillaume APOLLINAIRE. Il n’en faudra pas plus pour qu’il fasse le lien avec ses études. Il sort d'une Agrégation d’allemand et consacre sa vie à une nouvelle année de formation. Il choisit donc d'explorer la vie du poète, Guillaume APOLLINAIRE, cet écrivain du 20ème siècle, né d'une mère expatriée de Pologne, sans famille, sans argent, contrainte de vendre son corps pour survivre. Cet enfant dont elle ne connaît pas le père lui pose plus de problème qu'il ne lui apporte de plaisir. Guillaume est élevé dans l'absence totale d'amour maternel. Devenu grand, il fréquente des femmes, artistes. On se souvient de Marie LAURENCIN avec qui il partage sa vie cinq années durant. Il vivra aussi quelques années avec son frère, Albert, à Stavelot. Il mourut aux côtés de son dernier amour, Jacqueline Kolb, sa dixième muse. Florent, au fur et à mesure de ses études, s'approprie la vie de l'artiste, l'apprivoise lentement mais sûrement, au point de la faire sienne. Bercé par un souffle d'illusions, il navigue bientôt entre rêve et réalité, c'est une nouvelle page de sa vie, personnelle celle-là, qu'il est en train d'écrire.

Outre le fait de (re)partir sur les traces de Guillaume APOLLINAIRE, le plus intéressant, sincèrement, c'est la construction narrative et l’imbroglio savamment construit par l’écrivaine.

Ce roman, c’est en réalité deux histoires liées l’une à l’autre par le jeu de l’écriture, celle de Florent, celle de Guillaume.

Et puis, c’est une alternance entre deux époques, l’une présente, l’autre passée.

Enfin, cerise sur le gâteau, ce roman c’est un voyage entre rêve et réalité. J’avoue que j’ai lâché prise et me suis laissée porter par le doux effet de balancier et la démarche engagée de l’écrivaine.

Chapeau !

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2021-04-05T18:54:11+02:00

De génération en génération de Bruce KREBS

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De génération en génération de Bruce KREBS

Profiter d'un long week-end avant une nouvelle vague de confinement, déambuler dans les rues de La Rochelle sous un ciel bleu et un soleil de plomb, et découvrir une oeuvre en bronze réalisée par Bruce KREBS : "De génération en génération", c'est ma #lundioeuvredart.

Ce panneau fixé au mur des remparts est tout à fait fascinant.

Cette création date de 1999.

Si vous ne lui accordez qu'un regard furtif, vous y verrez des têtes de nombreux personnages.

Mais, si vous lui portez une plus grande attention (n'hésitez pas à zoomer sur la photo), vous découvrirez alors que chez certains le sommet du crâne est remplacé par un livre, donnant l'impression que celui qui surplombe lit à livre ouvert dans l'esprit de celui qui lui est inférieur. C'est le sens de la création "De génération en génération" qui donne à voir la transmission de la mémoire entre les hommes.

Et puis, il y a ceux qui ne veulent pas voir. Certains personnages se cachent les yeux et alors, plus rien n'est pareil. Des visages sont fendus en deux, d'autres se désagrègent.

J'aime profondément le sens de cette sculpture. Vous pouvez allez plus loin dans sa découverte en surfant sur le site de l'artiste.

 

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2021-04-03T06:00:00+02:00

Over the rainbow de Constance JOLY

Publié par Tlivres
Over the rainbow de Constance JOLY

"Over the rainbow", c'est le titre d'une chanson écrite par Edgar YIPSEL HARBURG pour Judy GARLAND en 1939, reprise plus récemment par Israel "IZ" Kamakawiwoʻole's Platinum. 

Pour la 9ème danse de l'édition 2021 du bal des 68 Premières fois

"Over the rainbow", c'est aussi le titre du second roman de Constance JOLY publié chez Flammarion. Vous vous souvenez peut-être comme moi de son premier "Le matin est un tigre"... Si la complicité fusionnelle d'une mère et sa fille était le coeur du sujet, là, c'est un tout autre duo que va explorer Constance JOLY.

L'écrivaine puise dans ses souvenirs...

Jacques est né à Nice. Il a un petit frère, Bertrand un brin différent. Scandale, un dimanche, quand la famille rentre plus tôt que prévu à la maison après une promenade, Bertrand est découvert dans un lit avec un homme, noir. Sa punition, un exil en Guadeloupe, loin des yeux, loin du coeur. Mais avant le départ, il y a des mots qui claquent. "Ce n'est pas moi le plus pédé des deux" ! Les deux garçons de la famille seraient-ils homosexuels ? Le ver est dans le fruit et même si Jacques va engager une vie de couple avec Lucie à Paris, dans un logement situé près de la Closerie des Lilas, avoir une fille, Constance, il n'en demeure pas moins que le professeur de littérature italienne lutte contre son désir. En 1976, il part avec Ivan. La mère de Constance, désespérée, fait une tentative de suicide. Dès lors, plus rien ne sera pareil pour la petite fille sur la photo de la première de couverture.

Ce roman d'auto fiction, c'est une formidable preuve d'amour d'une fille à son père. Il est singulier dans ce qu'il découvre de l'intimité d'un noyau familial. Sous la plume de Constance JOLY, le père devient personnage de roman avec tout ce que cela recouvre de beau, séduisant, charmant, de triste aussi. L’écrivaine décrit très joliment sa démarche...


J’ai l’impression de tricoter à grosses mailles en écrivant pour te sortir de l’ombre. P. 37

Ce roman, c'est aussi celui d'une époque, les années sida. Je découvre que je suis née la même année que Constance JOLY et que ses références font rejaillir mes propres souvenirs. Jamais je n'oublierais bien sûr le baiser de Clémentine CELARIE à un malade du sida sur un plateau de télévision, vous aussi, non ? Et même si Constance JOLY ne n’évoque pas cet événement en particulier, ce qu'elle décline tout au long du roman, c'est cette époque contaminée par un virus sexuellement transmissible, c'est cette époque où la jeunesse portée par un élan de liberté est freinée dans son élan amoureux. Elle doit "sortir couvert". Aujourd'hui, on le fait aussi, mais différemment.

Avec le sida, c’est aussi la focale mise sur l’homosexualité, masculine. Par le jeu de l’écriture, Constance JOLY restaure la beauté d’une relation amoureuse. Qu’il s’agisse d’une relation homme femme ou homme homme, rien ne change, la passion vous vrille toujours les tripes, c’est le corps qui parle et nous enivre de jouissance...


Tu comprends ce qu’être heureux veut dire. Tu le comprends dans les fibres de ton corps, qui s’épanouit largement, comme s’il occupait plus d’espace à l’intérieur. P. 72

J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir la plume profonde et sensible de Constance JOLY. Elle brosse un très beau portrait d’un homme aujourd’hui disparu. Le voilà éternel !
 
Retrouvez les autres romans de cette sélection 2021 :

« Avant le jour » de Madeline ROTH

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

Vous prendrez bien quelques notes de musique avant de me quitter ! Si la playlist de Constance JOLY est foisonnante, je ne retiendrais qu’un titre, allez, dansez maintenant... 

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