Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

2016-08-30T21:11:18+02:00

Treize d’Aurore BEGUE

Publié par Tlivres
Treize d’Aurore BEGUE

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois.

Il y a des lectures qui se suivent et qui se ressemblent. Regardez les couvertures, étranges, non ? Toutes les 2 de bleu vêtues, un titre à l’encre blanche, la mer comme écrin pour une jeune fille à la longue chevelure brune…

Et bien, ce ne sont pas là les seules ressemblances !

Nous sommes toujours en vacances, c’est l’été ! Partons pour la côte méditerranéenne en compagnie d’Alice, la narratrice, Marie, sa sœur aînée, et leurs parents.

Ces vacances estivales, le père, enseignant, en rêve. Depuis plusieurs mois, il ne cesse d’en parler aux filles. Il faut dire que chaque année, la famille prend la route du sud de la France pour aller se ressourcer dans la villa familiale, celle achetée par les grands-parents dans les années 1970. Chaque année, Alice retrouve sa chambre, la chambre bleue. Marie a la rouge et les parents la verte. La blanche est réservée aux invités. Mais comme chaque année, la mère d’Alice et Marie est « fébrile ». Elle redoute les départs, elle n’aime pas faire les valises, elle craint les imprévus, les choses qui ne vont pas comme elle veut. Personne ne sait encore que cette année sera la dernière !

Cette histoire, elle commence avec une affaire de tombe. La narratrice se recueille, elle témoigne de ses états d’âme, ses sensations, ses émotions. Elle se pose une question : « Comment un simple souvenir peut-il faire si mal ? »

Avec ce roman, et à travers les yeux d’Alice, nous allons vivre l’été du drame.

Alice et Marie sont alors deux jeunes filles de 13 et 15 ans. Les vacances d’été, à la mer, dans le sud, c’est la voie de la liberté. A ces âges-là, quand on est une fille, on aspire à des aventures. L’amour est au cœur de toutes les discussions et suscite les premières émotions chez des adolescentes en quête de la 1ère fois. Le jeu, c’est de séduire les garçons. Les filles se font belles, se maquillent, s’habillent de robes légères… C’est là, qu’entre sœurs, va fomenter une pointe de jalousie et de rivalité.


Ma sœur était mon modèle et ma pire ennemie. P. 17

La bataille est rude quand on est 2ème, que l’aînée a une longueur d’avance et vous traite avec dédain. A chacun ses armes, Alice va user de subterfuge pour attirer l’attention d’un homme, d’âge mûr celui-ci. Mais il y a un monde entre les adultes et les adolescents, c’est ce que va apprendre Alice.

Dans ces moments-là, on aurait bien besoin de pouvoir se reposer sur sa mère, mais pour Alice, ce n’est pas possible. Sa mère est bipolaire, tellement instable dans ses humeurs, tellement colérique parfois, qu’elle n’ose pas se confier à cet être fragile qu’un petit rien peut suffire à déstabiliser.


Tous habitués que nous étions, c’était toujours comme un mini tsunami, quelque chose qui arrivait sans que nous comprenions ce qui l’avait déclenché et auquel nous ne pouvions qu’assister, impuissants. P. 29

La relation mère-fille est totalement parasitée par la présence de la maladie. Toute la famille vit au rythme des crises de cette femme que les vacances ne suffisent pas à rassurer. On apprend assez vite le pourquoi de ses maux mais je vous laisse le découvrir au gré de la lecture.

Et puis un jour, ce qui devait arriver arriva, un drame. Là, on ne parle plus d’impuissance mais de culpabilité. La dimension des sentiments est décuplée à l’image de ce que peut éprouver Alice, torturée :


La culpabilité est pernicieuse et ne se laisse pas vraiment apprivoiser : elle ne devient jamais plus légère. Elle est toujours ce tiraillement interne, ce trou béant creusé dans le cœur, ces pensées sans fond s’entremêlant dans le cerveau. P. 61

Comment vivre avec le poids de cette tragédie ? Comment se construire soi-même ? Comment transmettre aux générations suivantes ce patrimoine familial si lourd à porter ?

C’est notamment la question que se pose Alice quand elle porte le regard sur sa propre fille. Doit-elle lui cacher ce passé si douloureux ? Pour la protéger bien sûr !


Lorsqu’elle parle, ensuite, me détaillant sa journée, comment elle a gagné contre les autres filles à la corde à sauter et pourquoi Pablo n’est plus son amoureux, je me dis qu’il y a bien un jour où il faudra que je lui explique.

Qu’elle a le droit d’être au courant, que cela fait partie de son histoire.P. 35

La lecture de « L’heure bleue » puis de « Treize » me laissent sous le choc des effets de la maladie mentale d’une mère sur ses filles, adolescentes. Comment surmonter une jeunesse bafouée et affronter sereinement sa vie d’adulte?

Je suis profondément troublée par le parcours de vie de ces jeunes filles, par ce conflit permanent entre la légèreté de l’adolescence et la violence des effets de la maladie.

Entre Alice de « Treize » et Zoé de « L’heure bleue », il y a tout l’alphabet (je viens de m’en rendre compte !) et pourtant, il semble bien que leur vie tourne autour du M, M comme Maman, M comme Maladie, M comme mentale. Un univers réduit à trois fois rien, une toute petite bulle !

2 romans très émouvants !

Treize d’Aurore BEGUE

Voir les commentaires

2016-08-28T15:47:26+02:00

L’heure bleue d’Elsa VASSEUR

Publié par Tlivres
L’heure bleue d’Elsa VASSEUR

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois.

Il reste encore quelques jours avant la rentrée. Il fait chaud. Je vous propose un départ pour l’île de Dolos en Grèce. Vous m’accompagnez ?

Zoé Imbert, 17 ans, le bac en poche, se voit proposer par une fille du lycée un voyage en Grèce. Là-bas, elle séjournerait en famille, tous frais payés. Une seule contrepartie : s’occuper d’un petit garçon de 5 ans. Zoé voit cette proposition de Lise Stein un peu suspecte, elle n’entretient pas de relation particulière avec elle mais, séduite par la destination et la possibilité de pouvoir s’éloigner un peu de son père, elle l’accepte !

« L’heure bleue », c’est un roman sur la jeunesse, sur l’adolescence, sur l’insouciance et la quête d’amour d’une jeune fille ! C’est aussi un roman sur la souffrance d’un passé trop lourd à porter.

Avec le personnage de Zoé, le lecteur part en voyage à la découverte d’un nouveau territoire, la Grèce, d’un nouvel environnement familial, les Stein font partie de ces familles riches qui disposent d’un patrimoine qu’ils font fructifier dans le monde de l’art New-Yorkais. C’est en réalité le parcours initiatique d’une adolescente qui ouvre les yeux sur le monde, sur un autre monde que celui qu’elle côtoie depuis sa tendre enfance. Et si les 2 étaient finalement liés ?

Là où Elsa VASSEUR a du talent, c’est que, de 2 trajectoires, elle arrive à n’en faire plus qu’une. Zoé arrive bien sûr avec ses effets personnels dans sa valise mais aussi son passé, son histoire familiale, ses secrets…

Dès le début du roman, le prologue nous fait part d’une histoire familiale douloureuse. Nous ne savons pas tout bien sûr mais nous soupçonnons une maladie mentale de Giulia, la mère de Zoé, et d’un drame qui a vraisemblablement emmené avec lui Nino, son petit frère. Zoé n’avait alors que 7 ans. En acceptant la proposition de ce séjour sous le soleil, Zoé pouvait-elle imaginer qu’il ferait resurgir de déchirants souvenirs ?

Ce roman aborde le sujet de la construction des jeunes femmes. Une adolescente peut-elle s’émanciper de son passé ? Peut-elle se libérer de ce sentiment de culpabilité qui la hante depuis ce terrible drame ? Peut-elle décider de faire ce qu’elle veut de sa vie ?

Avec le personnage de Zoé, Elsa VASSEUR essaie de répondre à toutes ces questions.

A cet âge-là, l’amour et la sexualité occupent une place toute particulière, faisant des 1ères fois un véritable défi à relever pour pouvoir accéder à une certaine normalité. Zoé est une jeune fille en quête d’une histoire d’amour, une vraie. Alors quand un homme semble lui porter un peu d’attention, semble la comprendre, la tentation est grande. Malheureusement, l’amitié comme l’amour peuvent se révéler bien cruels et bafouer ce qui paraissait être le plus précieux. Sur fond de tromperie et de lâcheté, Zoé va devoir assumer son tout nouveau statut de femme pour peut-être un jour pouvoir dire qu’il s’agissait d’une erreur de jeunesse…

A côté de l’adolescente, il y a un monde d’adultes. Zoé a quitté son père le temps d’une parenthèse estivale. A peine arrivée en Grèce, elle en découvre d’autres. Certains qu’elle apprécie immédiatement, d’autres qu’elle aimerait découvrir (le verbe « aimer » prend ici un sens tout particulier), d’autres encore dont elle reconnaît très vite les symptômes…

La jeune écrivaine aborde effectivement la maladie mentale, celle d’une jeune mère de famille que la vie semble avoir tout donné. Très vite, Zoé repère la singularité de Rose qui apparaît dans l’univers de la jeune fille comme le reflet dans un miroir de l’image de sa mère, Giulia. Personnellement, j’ai été profondément touchée par leur regard vide, cette absence psychique de femmes pourtant présentes, en chair et en os. Malgré des maris attentionnés, de jeunes enfants attachants, l’essentiel semble manquer à leur existence. Si les patientes en connaissent les contours, l’entourage proche, lui, peine à répondre à la question du pourquoi, c’est là sa plus lourde tâche.

J’ai passé un bon moment de lecture avec ce 1er roman d’Elsa VASSEUR.

Dès les premières pages, le suspense est installé, seul l’épilogue en viendra à bout, bravo pour ce coup de maître ! Pour autant, je pense que le roman aurait pu encore gagner en qualité. Explorer la maladie mentale de deux femmes tellement semblables présente un risque élevé de redondance. J’y ai parfois eu l’impression de déjà lu.

Quant à l’écriture, elle est fluide et soignée. Pour autant, quand je consulte les notes prises au fil de la lecture, je me rends compte que je n’ai finalement repéré que 2 citations. Dommage ! Elsa VASSEUR a pourtant du talent, elle sait pouvoir être poétique si j’en crois sa description de la tristesse :


La tristesse a une date de péremption. Comme le bonheur, c’est un sentiment entier, organique, qu’il faut saisir au bon moment afin d’en conserver la fraîcheur intacte. P. 239

Malheureusement, je n’en ai pas relevé assez pour que cette plume reste gravée dans ma mémoire.

J’arrive à la fin de la sélection des 68 premières fois de la rentrée littéraire de janvier. « L’heure bleue » n’entrera donc pas dans le cercle très fermé de mes 3 chouchous !

L’heure bleue d’Elsa VASSEUR

Voir les commentaires

2016-08-21T11:50:11+02:00

Quand le diable sortit de la salle de bain de Sophie DIVRY

Publié par Tlivres
Quand le diable sortit de la salle de bain de Sophie DIVRY

Là, pas de 1er roman mais le 4ème d’une écrivaine que je n’avais pas encore repérée, Sophie DIVRY.

C’est en fait la couverture rouge qui a capté mon regard. Comme quoi, il n’y a pas de petit détail pour convoiter l’attention du lecteur qui sommeille en nous !

J’ai feuilleté les premières pages et j’y ai découvert une petite annotation : « Roman improvisé, interruptif et pas sérieux. » Je crois que c’est le « pas sérieux » qui m’a convaincue de le prendre. Je ne pouvais résister à une parenthèse un peu déjantée après quelques lectures récentes d’une profonde tristesse et d’une grande gravité. J’ai bien fait, ce roman est truculent !

Sophie est une jeune femme, elle habite Lyon. Elle cherche un emploi et parallèlement écrit un roman.


Pendant une certaine période de ma vie, j’ai vu mon revenu divisé par trois et mon appartement passer de quatre-vingt à douze mètres carrés. P. 15

Sophie va nous faire découvrir (pour celles et ceux qui ont la chance de ne pas l’avoir vécu) les préoccupations d’une demandeuse d’emploi qui se bat avec les quelques euros qui restent encore disponibles sur son compte en banque. Son allocation Pôle Emploi est bloquée dans l’attente de la production d’un bulletin de salaire pour une pige de misère et là, tout s’enchaîne, le rappel d’EDF…

Le sujet est sensible, il aurait pu être plombant !

Mais là, pas du tout. Sophie DIVRY (tient, elle a le même prénom que la narratrice !) a choisi de le traiter avec ironie, dérision et humour.

Le ton est donné et transpire tant dans la prose que dans la forme du roman, des pictogrammes lancés à la volée, des dessins composés de texte, un texte à découper ( je me suis retenue , il s’agit d’un livre de la Bibliothèque, et par ailleurs, son contenu n’est pas à mettre dans toutes les mains, rendez-vous pages 254 à 256 pour les curieux !), et puis, un bonus, comme dans les DVD. Cette pratique est peu courante en littérature et pourtant, c’est un vrai plus, imprimé sur feuillets rouges s’il vous plaît. Tout commence avec les références littéraires employées, très bonne idée. Ensuite, l’auteure nous dévoile quelques passages coupés et termine avec sa lettre de candidature à la responsable de la résidence De Pure Fiction où elle y dévoile sa « note d’intention », le pourquoi du livre. Franchement, c’est à ne pas manquer !

Mais revenons au sujet !

Sophie nous décrit les tribulations d’une chômeuse.

Elle nous parle de cette obsession de manger. Alors qu’il ne lui reste plus que quelques euros pour survivre les 10 prochains jours, elle se concentre sur ce besoin vital. Et alors que lorsque nous pouvons subvenir à nos besoins, manger n’est plus une priorité, pour la narratrice, et comme certainement pour de nombreuses personnes vivant dans la misère, la faim devient permanente et donc la principale ennemie. Sophie ne pense plus qu’à ça au risque de laisser son estomac s’exprimer chaque heure, chaque minute, chaque seconde, et de sauter sur le premier plat qui se présente comme une affamée !


Je n’ai plus faim de toute façon, dis-je hypocritement en vidant un bon tiers du saladier […]. P. 67

Quant à respecter les conseils de santé publique : « manger 5 fruits et légumes par jour », on en est bien loin. D’ailleurs, c’est une citation de George ORWELL qui figure en introduction de ce roman et qui est largement illustrée avec le propos de Sophie DIVRY, assurément de quoi méditer…


Quand vous êtes chômeur, c’est-à-dire mal nourri, ennuyé, assailli de tracas et de misères de toutes sortes, vous n’avez aucune envie de manger sainement. Ce qu’il vous faut, c’est quelque chose qui ait « un peu de goût ».

Lorsque vous êtes pauvre, la vie quotidienne devient un combat. Et pour l’affronter, il est parfois des personnages qui vous aident à garder la tête haute.

C’est le cas par exemple de Fernande, cette femme investie dans les associations, qui ouvre sa porte, sert un repas, dépanne, et offre un moment de complicité qui donne un peu de baume au cœur, histoire de garder un peu de dignité humaine.

C’est aussi la relation à la mère. J’ai été très émue de lire le passage sur les retrouvailles de Sophie avec sa mère, les moments de complicité, de bien-être ensemble tout simplement. Et puis, il y a les échanges avec des paroles chaleureuses, réconfortantes, mais aussi celles plus crues, plus réalistes, pas toujours faciles à entendre. Une mère reste une mère !


J’avais un refuge où mon cœur se restaurait ; la vraie misère, c’est de n’avoir nulle part nulle mère, nul endroit où reposer sa tête. P. 182

J’ai beaucoup aimé aussi bien sûr ce passage sur l’évolution de la mère, sa capacité à faire évoluer son point de vue…

Etre pauvre engendre des conditions de vie singulières, là où les risques sont grands, c’est quand elle dure dans le temps :


Etre pauvre un an, c’est difficile mais on s’adapte. On est même fier de montrer qu’on peut s’en sortir. Etre pauvre deux ans, c’est être assigné à résidence, mais le pli est pris, on se trouve plutôt bien dans son petit réduit. Etre pauvre trois ans et toutes les années qui suivent, c’est voir sa garde-robe tomber en ruine, perdre ses amis, ne plus savoir ce qu’est s’amuser, ne plus aller voter, ne plus distinguer ce qui pourrait vous aider. P. 88

Ce roman, c’est une prise de conscience sur certains sujets, c’est un roman qui fait avancer, mais avec beaucoup de tact. On peut sans doute rire de tout, nul doute que notre mémoire saura enregistrer ce qui lui semble préférable.

Découvrez-le, on en reparle sur la toile !

Voir les commentaires

2016-08-18T06:00:11+02:00

Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Publié par Tlivres
Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

C'est la 100ème chronique de la catégorie "Mes lectures" sur le blog, ça se fête non ? Et en beauté s'il vous plaît, avec un coup de cœur ! Encore un 1er roman qui fait partie de la sélection des 68 premières fois.

L’histoire se passe en Tchécoslovaquie. Magdalena est une jeune femme, elle est employée avec Jan dans une ferme. Sa mère, Marie, découvre très vite la grossesse de sa fille. Elle est gynécologue et sait très bien repérer les signes avant-coureurs chez une femme. Magdalena n’est pas mariée, nous sommes dans les 1940. Elle décide de garder l’enfant. Il est le fruit d’une nuit d’amour avec le fils du patron, Josef, étudiant à Vienne. Ça sera un bâtard, comme elle !

Je ne vous en dit pas plus sur ce roman particulièrement dense sinon que :

Ce roman est dédié aux femmes, à une lignée de femmes dont les vies sont chahutées par les hommes.

Depuis Marie, en passant par Magdalena, Libuse et Eva, ce sont 4 générations de femmes qui sont embrassées par ces « Giboulées de soleil », et pas n’importe quelles femmes… des femmes qui ont de la personnalité, des femmes qui revendiquent la liberté.


Je voudrais que ma fille puisse aussi faire son choix, qu’on ne lui impose pas celui des autres. P. 118

La liberté de mettre au monde un enfant de père inconnu aussi ! Elles le font au nom de l’amour. La relation, aussi fugace soit-elle, mérite le respect. Quand certains y voient une malédiction, elles l’affichent comme une certaine identité familiale et en sont fières. Chapeau !

Ce roman, c’est l’Histoire d’une nation, celle de la Tchécoslovaquie depuis sa création jusque dans les années 1980. Il y a l’annexion nazie et la répartition des territoires, il y a la montée du communisme avec le transfert des propriétés, la création des coopératives, et enfin l’hégémonie soviétique.

Ce roman parle de la mémoire, des souvenirs, du poids des secrets, des non-dits.


Je voudrais pouvoir raconter à ma fille une belle histoire d’amour, aussi courte qu’elle ait été. Parce que c’est ça que je vais faire, parler à ma fille, tout lui dire, lui conter ma nuit, décrire son père, le nommer. Il faut qu’elle sache. Ce sont les blancs dans nos vies qui nous font souffrir, je le sais. P. 91/92

Et pour que la mémoire se perpétue, il faut des passeurs, des personnes qui acceptent de jouer le rôle de relais :


Si la dame ne nous avait pas parlé de lui, il serait totalement mort, et il serait mort le jour de sa mort à elle, définitivement, irrémédiablement. Pour la première fois, j’ai ressenti physiquement le poids de la mémoire. P. 267/268

Ce roman parle du pouvoir des rêves. Ces femmes avaient une vie difficile mais elles avaient aussi cette capacité à s’en émanciper pour s’offrir d’autres horizons…


Rêver transforme une femme de presque soixante ans avec un derrière et un foulard sur la tête en une jeune femme belle, les yeux pleins d’étoiles qui s’illuminent plus fort que celles accrochées dans le ciel d’une nuit sans lune. P. 136/137

Ce roman fait enfin la part belle à l’art.

Il y a celui de la broderie qui y est abordé avec raffinement. Encore une affaire de femmes et tellement haute en couleurs !

Et il y la littérature. Il y a cette référence à l’œuvre d’Alexandre DUMAS « La Dame aux camélias », et puis, la bibliothèque de Madame Gabriela, un petit coin de paradis dans lequel chacun voudrait pouvoir s’y faire une place !


Les deux pièces que la dame occupait débordaient de livres, si bien que pour nous asseoir il fallait libérer les deux chaises en construisant de nouvelles piles de livres sous la fenêtre, après avoir poussé de nombreuses autres pour faire de la place. P. 265

Je peux vous assurer également que ce roman est le fruit d’une plume remarquable. Il l’est d’autant plus qu’il est écrit en français par une écrivaine d’origine tchèque. Une magnifique prouesse quand on voit la qualité de la prose. Elle justifie ainsi sa démarche : « Je ne pouvais exprimer qu’en français ce qui reste indicible dans ma langue maternelle. » Et elle le fait avec talent, chaque mot est posé, ce qui donne au propos une très grande profondeur.

Si j’avais conservé ce livre, je crois qu’il aurait fait partie de ces livres hérissons, de ceux qui regorgent de marque-pages comme autant de citations que je voudrais garder en mémoire. Il est truffé de petites perles sur les femmes, le bonheur, la normalité…

A bien y regarder, la lecture de ce roman a été pour moi un moment de grâce comme Lenka HORNAKOVA-CIVADE les décrit si bien :


Les moments de grâce sont de cette nature, furtifs, insaisissables. Il faut avoir foi en eux, et en leur existence, si brève qu’elle laisse une trace amère dans tout le corps. Cette sensation, cette nostalgie est bien la preuve de leur existence. P. 15

Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

C’est un coup de cœur quoi ! Je suis déjà nostalgique de devoir le laisser repartir…

Giboulées de soleil de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Voir les commentaires

2016-08-17T06:31:18+02:00

Moro-sphinx de Julie ESTEVE

Publié par Tlivres
Moro-sphinx de Julie ESTEVE

Lola est une jeune femme. Sa mère est morte dans un accident de la circulation, elle a fini sa vie sous une voiture. Depuis, son père sombre dans l’alcool. Elle, elle a choisi sa voie. Le sexe. Le sexe avec n’importe qui, n’importe où et n’importe comment. Elle joue avec les hommes. Il y a ceux avec qui il n'y aura pas de lendemain, et puis il y a ceux qui s’inscrivent dans la durée, des réguliers, mais elle n'a jamais plus que quelques minutes à leur accorder. Nombreux sont ceux qui se succèdent sur une même journée. Elle trouve que ce n’est ni bien ni mal, elle ne juge pas, elle fait, c’est tout. Avant de se séparer d’un homme toutefois, elle se voue à un petit rituel, celui de lui couper un ongle, elle en fait la collection. Le bocal dans lequel elle les conserve n’est pas encore plein !

C’est un roman d’une profonde tristesse.

Lola est malheureuse, elle souffre terriblement de l’absence de sa mère depuis sa plus tendre enfance. Sa mère lui manque.


Il lit derrière le visage encombré de Lola le deuil qui se cache. Le personnage qu’elle a créé pour lui échapper. P. 66

Dans le chagrin, certains mettent fin à leurs jours, d’autres boivent, d’autres encore se droguent. Elle, elle consomme les hommes. Elle s’habille de jupes courtes et autres robes fendues, de fourrure et bas résille, elle se maquille à outrance pour attirer leur regard.

A l’image du moro-sphinx, cet insecte qui a donné son nom au roman et qui possède une très longue trompe pour butiner les fleurs.

Lola, elle, ce sont les hommes qu’elle butine. Elle use et abuse de son corps comme d’une arme. Pas de plaisir, pas de sentiment, pas d’argent non plus, les 2 parties sont consentantes.

Bien sûr, il ne s’agit là que d’une comédie. Derrière ce personnage sommeille une petite fille qui s’attendrit sur son serpent en peluche dès qu’elle retrouve l’intimité de son appartement.

Et quand un homme s’attache à elle et envisage la vie à deux, c’est une toute autre histoire.

Le personnage de Lola me rappelle celui de Clémence dans « Les corps inutiles » de Delphine BERTHOLON. Les deux jeunes femmes choisissent de cracher sur la société, et sur les hommes en particulier, en jouant avec leur corps.

Certes, il y a le personnage de cette jeune femme, mais il y a aussi tous les autres, tous ceux qu’elle côtoie, dans les bars, dans la rue, partout où des êtres seuls, désoeuvrés, peuvent se croiser. Il y a une phrase d’une très grande poésie mais ô combien dramatique :


Patron de bar, c’est prenant. Ses voyages, c’est des bouches, des yeux, des mains, des rides, des poils, des cheveux, des jambes, des bras. C’est de grands espaces de détresse, des terrains vagues, des marécages. C’est beaucoup de bruit pour rire, hurler, se plaindre. C’est des horizons qui s’envoient en l’air et puis soudain qui s’effondrent. P. 65

Ce roman, c’est en fait le portrait d’une certaine société d’aujourd’hui, celle qui sombre dans l’isolement, celle qui vit dans la misère sociale, humaine, physique… celle qui perd toute sa dignité.

Pas un brin d’humanité dans ce 1er roman de Julie ESTEVE mais d’une profondeur terrifiante.

Encore une découverte grâce aux 68 premières fois, celle-ci laisse un goût amer !

Moro-sphinx de Julie ESTEVE

Voir les commentaires

2016-08-12T12:13:07+02:00

Ahlam de Marc TREVIDIC

Publié par Tlivres
Ahlam de Marc TREVIDIC

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

En route pour la Tunisie ! Fahrat et Nora forment un jeune couple tunisien. Lui est pêcheur, elle est professeure de français. De ce mariage d’amour naissent 2 enfants : Issam un garçon et Ahlam une fille. Paul Arezzo, lui, est un peintre français à succès. Il vit un chagrin d’amour et souffre d’un manque d’inspiration. Il avait séjourné en Tunisie à l’âge de 9 ans, il décide d’y revenir pour retrouver la voie de la création. Il s’installe dans un hôtel de Kerkennah. Après quelques semaines, la lente réappropriation de son art est engagée. Il se met à peindre tous les paysages de la région et décide de varier les approches en regardant la ville à partir de la mer. Il s’oriente vers Fahrat à qui il demande de l’embarquer. Fahrat accepte, une relation d’amitié s’instaure rapidement avec toute la famille qui bientôt va sombrer dans le déchirement avec la mort de Nora suite à une leucémie fulgurante. Paul, qui a accompagné Nora en France pour y recevoir les meilleurs traitements possibles et en l’absence de visas pour mari et enfants, se sent investi d’une toute nouvelle responsabilité à l’égard de la famille de Fahrat. Il décide de s’installer définitivement en Tunisie et de prendre en charge l’éducation artistique des 2 enfants chez qui il repère du talent, chez Issam pour la peinture et chez Ahlam pour la musique. Les enfants grandissent et se retrouvent au coeur de la révolution culturelle tunisienne, pour le meilleur et pour le pire.

Ce roman, je l’ai abordé par la voie artistique. Il faut dire que j’avais été conditionnée par ce que j’avais pu entendre lors d’un Café Littéraire et c’est d’ailleurs ce qui transparaît dans les quelques lignes de présentation que je viens de rédiger.

Marc TREVIDIC, connu pour être un juge anti-terroriste, est un fin connaisseur en matière d’art. J’ai pris beaucoup de plaisir à me laisser porter par son écriture pour accompagner le peintre dans sa reconquête de l’art et les 2 enfants dans leur apprentissage. L’auteur aurait pu choisir de se focaliser sur une discipline mais cela aurait été sans doute trop simple. Il explore donc, et il le fait subtilement, le mariage audacieux des 2 disciplines artistiques, la musique et la peinture. Tout au long du roman, ce duo constitue un fil rouge autour duquel les personnages gravitent, par 2 et en alternance, sans jamais perdre son lecteur.

C’est là sans doute le 1er indice d’un parcours de grand écrivain promis à Marc TREVIDIC. Le 2ème concerne son approche des mots et là, j’avoue m’être laissée séduire par plusieurs passages que j’ai trouvés très beaux :


Les mots avaient leur poésie, leur couleur et leur musique. [...] Des mots magiques, des mots en rythme, des mots colorés, des mots sombres, des blancs, des silences, des temps, des reprises, des souffles, des nuances, des chuchotements. P. 71

Mais, et il y a un mais, ce roman c’est aussi la jeunesse chahutée de 2 tunisiens, garçon et fille, et puis une révolution culturelle de tout un pays avec le printemps arabe.

Nous sommes au coeur de l’histoire contemporaine, retracée depuis les années 2000, avec quelque chose qui ressemble cruellement aux attentats qui frappent la France depuis janvier 2015. Marc TREVIDIC aurait pu glisser quelques éléments de connaissance sur le sujet pour construire son roman, mais en réalité, il s’est comporté, je pense, comme un expert qui relate chronologiquement les événements avec une rigueur telle que j’ai cru parcourir un temps un article journalistique. J’ai dû me faire violence, sans jeu de mot aucun, pour passer ce cap et terminer ma lecture. Sur le fond, je pense que je n’étais pas disposée à lire sur le sujet, notre vie aujourd’hui est malheureusement rythmée par les événements terroristes et les actualités en boucle ne cessent de relate des faits toujours plus macabres. Et sur la forme, ce mélange des genres littéraires me perturbe et me déplaît. En réalité, le sujet est vraiment traité dans le 2ème tiers du livre.

Mais, à bien y réfléchir, ce roman est lauréat du Prix 2016 Maison de la Presse. Je ne dois donc pas être la seule à le penser !

Un mot sur le parcours de ces 2 jeunes qui chacun tente de trouver ses repères. A la lecture de ce roman, on se rend vraiment compte du lien entre les fragilités de chacun, ses émotions, et sa prise de position sur des sujets d’ordre politique. La jeune fille suit la voie de sa maman dans l’émancipation des femmes et les revendications au titre des droits des femmes. Le garçon, à l’image de l’actualité, va suivre le chemin de la radicalisation et se rapprocher des jihadistes pour trouver la sienne. Marc TREVIDIC décrit parfaitement le processus du jeune qui progressivement choisit de rompre avec son environnement familial pour devenir ce qu’il appelle une machine :


La machine qui parlait n’avait pas d’émotions ou les cachait soigneusement. P. 170

Heureusement que je suis allée jusqu’à la dernière ligne avec une chute très bien menée qui me permet de garder un avis plutôt bienveillant à l’égard de ce 1er roman axé sur la fascination :


[…] Issam m’a parlé de l’amour de la peinture que tu lui avais transmis. Il m’a dit exactement la même chose. Il m’a parlé du nom des couleurs et de la fascination que ces mots provoquaient en lui, des images éblouissantes qu’elles faisaient naître. Crois-tu que la religion soit parvenue à le fasciner davantage ? P. 277

Je crois que je vais attendre avec impatience le 2ème de Marc TREVIDIC.

En attendant, et puisque l’opportunité de calendrier m’enest donnée, si vous êtes sur Paris et que l’art en Tunisie vous intéresse, rendez-vous à L’Institut des Cultures d’Islam pour voir l’exposition Effervescence qui se termine le 14 août prochain et qui donne à voir "le contexte de mutation et de maturation que traverse actuellement la Tunisie."

Ahlam de Marc TREVIDIC

Voir les commentaires

2016-08-11T11:14:55+02:00

Facteur pour femmes de Didier QUELLA-GUYOT et Sébastien MORICE

Publié par Tlivres
Facteur pour femmes de Didier QUELLA-GUYOT et Sébastien MORICE

J’ai suivi les avis de Sabine, Noukette, Krol... et j’ai bien fait !

Après un Océan d’amour de LUPANO et PANACCIONE me voilà de retour en Bretagne.

Enfin… presque !

Comme le précise Sébastien MORICE en préambule, « ne cherchez pas cette île sur une carte, vous ne la trouverez pas. Pourtant elle existe bel et bien. Elle est dans ma tête, dans mes souvenirs. »

Cette BD est inspirée des nombreuses excursions réalisées par l’illustrateur avec son père dans cette région, en quête de poissons à pêcher et autres crustacés à ramasser.

Pour le scénario, c’est Didier QUELLA-GUYOT qui s’y est attelé et il n’a pas manqué d’imagination. Il s’est même laissé un peu aller…

Tout se passe sur fond de 1ère guerre mondiale. Les hommes de l’île prennent connaissance de l’ordre de mobilisation générale, seuls les handicapés en seront exonérés, à l’image de Maël au pied-bot. Alors que les femmes s’organisent pour assurer les travaux du quotidien, Maël, lui, va se voir confier une mission, celle de distribuer le courrier ! A vélo, il parcourt l’île pour remettre les précieuses lettres arrivées du front aux femmes esseulées. Il va s’accommoder de quelques réalités… et se retrouver bien malgré lui dans des situations particulièrement délicates. Son parcours initiatique est engagé !

Cet album est tout simplement superbe. Le graphisme y est fin et les personnages très expressifs. Le sujet est grave mais les couleurs sont chaudes. Le ton est joyeux et les personnages attachants. Les bulles y sont complétées par du texte en majuscule, ce qui facilite sa lecture (j’avoue être délicate avec la police de caractère employée !).

C’est un album très émouvant, il est gai, lumineux, drôle, tendre, généreux, triste, audacieux, loufoque… et plus encore ! J’ai passé un très agréable moment à découvrir cette BD et je compte bien ne pas en rester là !

Les 2 compères, Didier QUELLA-GUYOT et Sébastien MORICE, n'en sont pas à leur première collaboration. Je viens de découvrir sur la toile Papeete qui aborde la même période mais dans un tout autre environnement puisque l’histoire se passe à Tahiti. Il y a eu également Boitelle et le café colonies, une adaptation de la nouvelle de Guy de MAUPASSANT. Vous les connaissez peut-être ?

De mon côté, je crois que je vais retourner faire un petit tour au rayon BD de ma Bibliothèque préférée…

Facteur pour femmes de Didier QUELLA-GUYOT et Sébastien MORICE
Facteur pour femmes de Didier QUELLA-GUYOT et Sébastien MORICE

Voir les commentaires

2016-08-06T18:20:13+02:00

Notre Château d’Emmanuel REGNIEZ

Publié par Tlivres
Notre Château d’Emmanuel REGNIEZ

Ce roman fait partie la sélection des 68 premières fois

Il y a eu un roman désopilant : « Jupe et pantalon » de Julie MOULIN

Il y a eu un roman extravagant : « En attendant Bojangles » d’Olivier BOURDEAUT

Il y a désormais un roman hallucinant !

Octave et Véra sont frère et sœur. Ils sont orphelins depuis une vingtaine d’années, leurs parents sont décédés dans un accident de la route. Depuis, ils vivent dans une demeure qu’ils appellent « Notre Château », bien légué à leur père. Octave et Véra y vivent reclus et passent leurs journées à lire, sauf le jeudi où là, un autre rituel se met en place. Alors que leur vie est réglée comme du papier à musique pourrait-on dire, voilà que survient un événement extraordinaire : « Le jeudi 31 mars à 14H32, j’ai vu ma sœur dans le bus n° 39 qui va de la Gare à la Cité des 3 Fontaines, en passant par l’Hôtel de Ville. Je vais tout de suite dire quelque chose : ma sœur ne prend jamais le bus, ma sœur ne va jamais en ville. » Il n’en faudra pas plus pour que le château de cartes ne s’écroule !

A l’image de cet extrait de la page 13, tout le roman tourne autour d’une organisation minutieusement paramétrée de la vie de ces 2 personnages que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Chronométré à la minute et composé de nombreuses répétitions au mot près, ce petit air maniaco-dépressif en fait assurément l’un des incontournables de cette sélection !

Ce roman, aussi court soit-il, n’en présente pas moins d’attrait.

Tout d’abord, il a l’originalité de convoquer différentes disciplines artistiques :

  • La musique avec des extraits de partitions en introduction et conclusion,
  • La photographie avec les clichés réalisés par Thomas EAKINS (1844-1916) et présentés en fin de roman, Emmanuel REGNIEZ écrit d’ailleurs : « en finissant d’écrire Notre Château et ce fut comme une révélation » !
  • La peinture avec une très belle définition je trouve de l’artiste de ce domaine :


Il faut beaucoup d’art et de compréhension de la nature pour être un peintre. […] Le vrai peintre possède une sorte de vision qui transforme ses modèles, ou qui fait surgir, du monde spectral dans lequel il vit, quelque chose d’équivalent à un décor véritable. P. 64

  • Et enfin la littérature. Et alors là, pour les doux et dingues de l’aventure des 68 premières fois, le sujet devrait faire écho avec quelques menus plaisirs du lecteur qui se cache en vous.

Que pensez-vous de ce petit passage ?


Une maison qui contient beaucoup de livres est une maison ouverte au monde, est une maison qui laisse entrer le monde. Chaque livre qui entre est un fragment du monde extérieur et, tel un puzzle, quand nous posons ensuite le livre dans les rayons de Notre Bibliothèque, nous recomposons le monde, un monde à notre image, à notre pensée. P. 39

J’ai adoré le passage sur le choix des livres que réalise Véra et les termes employés :


Le mercredi soir, elle me prépare une liste de quatre ou cinq livres qu’elle désire, me dit-elle, ardemment lire. J’aime bien quand elle insiste sur le ardemment. P. 15

Je crois que l’adverbe « ardemment » est très bien choisi et révèle à quel point la tentation d’un livre peut être forte ! Je crois savoir que vous aussi vous souffrez de ce mal !

Ensuite, il s’agit d’un roman qui traite d’un sujet particulièrement sensible, celui du deuil. Et là, j’avoue que l’écrivain, Emmanuel REGNIEZ, le fait avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse. Il aborde notamment la question de la rupture liée à un accident et de ses conséquences sur ceux qui restent :


La vie avec nos parents était une vie faite d’éclats de rire, la vie avec nos parents était une vie insouciante, la vie avec nos parents était une vie comme on peut en rêver. Et le rêve s’est brisé net un jour avec ce terrible accident de voiture. Et de ce rêve nous portons la nostalgie ; comme si nous avions été chassés, Véra et moi, d’un vert paradis. Nous n’essayons pas de le recréer, nous savons que c’est impossible, nous n’essayons pas de le recréer, nous n’en avons pas la force. P. 84

Ce paragraphe m’a éclairée sur la démarche de l’écrivain en faisant le parallèle avec la phrase livrée, l’air de rien, en avant-propos :


Je soigne ma nostalgie en me racontant des histoires qui pourraient me faire peur.

Il aborde bien sûr le poids des souvenirs et cette impossibilité à s’en émanciper :


Ces souvenirs qui refusent de regagner leur rive. Ces souvenirs qui refusent d’être tranquillement là où ils devraient être. Ces souvenirs qui continuent à être si présents. […] J’aurais tellement voulu oublier, tout oublier. Faire une croix. Tracer un trait. Mais c’est impossible. Mais je n’y arrive pas. P. 110

Mais plus que tout, ce roman est construit autour d’une énigme qu’il convient d’élucider au plus vite. Je me suis prise au jeu et je ne l’ai lâché que tard dans la nuit, impossible de l’abandonner avant d’avoir atteint la page 141 ! Emmanuel REGNIEZ a beaucoup de talent. Le scénario est très bien construit, je pense qu’il ferait d’ailleurs un excellent film si j’en crois toutes les images que j’ai désormais en tête et qui risquent bien de m’accompagner longtemps… pour mon plus grand plaisir !

Un grand moment d’évasion au cœur de la littérature !

Notre Château d’Emmanuel REGNIEZ

Voir les commentaires

2016-08-05T16:41:33+02:00

Brillante de Stéphanie DUPAYS

Publié par Tlivres
Brillante de Stéphanie DUPAYS

Sans aucune transition avec le roman d’Evains WECHE, « Les brasseurs de la ville », et c’est tout le charme des 68 premières fois !

Alors que la vie en Haïti repose sur la satisfaction de besoins vitaux, en France, dans certains milieux parisiens, le luxe y est roi !

Lisez plutôt :


Excellente soirée, madame, excellente soirée, monsieur !" Claire et Antonin avancent du bon côté de la barrière que le vigile ouvre pour eux. Claire est fière de sentir sur elle les regards des badauds qui ralentissent le pas devant le Centre Pompidou. Tout privilège suscite chez ceux qui en sont exclus l'envie d'y accéder. C'est la base du marketing, créer le désir de faire partie du club. Aujourd'hui, c'est sa soirée, seules les jeunes recrues les plus performantes sont conviées au cocktail concluant l'assemblée générale de Nutribel. P. 9

Claire fait partie de ces heureuses recrues, pour le meilleur et pour le pire.

Tout commence avec le meilleur bien sûr ! Claire surfe sur une vague favorable. Du point de vue professionnel, elle occupe un emploi digne des élèves sortis des grandes écoles dans le domaine du marketing. Elle est en osmose avec sa supérieure hiérarchique qui voit en elle un bon élément. Elle pilote un projet qui lui apporte la reconnaissance de ses collègues, de l’entreprise en général, et bien au-delà. Dans sa vie privée, tout se passe également dans le meilleur des mondes. Elle la partage avec un jeune homme dont la carrière est égalementflorissante, dans le domaine du trading. Leur appartement parisien est digne des magazines de décoration et ils fréquentent les meilleurs restaurants de la capitale. Rien n’est trop beau pour ce couple au sommet de sa gloire. Mais, voilà, les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ! Le succès sera-t-pérenne ?

C’est à cette question qu’essaie de répondre Stéphanie DUPAYS.

L’écrivaine brosse le portrait d’une certaine jeunesse française, parisienne, qui brille dans les salons. Ce microcosme respecte des codes, ceux de la perfection et donc de l’apparence.

Quelques principes fondamentaux s’appliquent :

* Rien ne doit être laissé au hasard, dans la vie professionnelle comme dans la vie privée, en commençant par la tenue vestimentaire, en passant par la présence sur les événements pour assurer sa visibilité jusqu’à la qualité irréprochable des diaporamas des réunions de travail. Il faut


Toujours tout contrôler. P. 11

Pour être apprécié(e) de ses pairs, il faut pouvoir être reconnu(e) :


Devant elle, les deux cents plus hauts managers de Nutribel. Ils ont tous un air de famille. Les gens finissent par se ressembler à force de vouloir les mêmes choses, de vivre dans le même environnement, de se conformer au même modèle. P. 19

* Etre en réseau en permanence, il convient d’échanger, de partager, les données mais aussi les coordonnées pour élargir le cercle des « amis »

* Communiquer avec des modalités adaptées pour aller toujours plus vite...


Tout autour, les doigts crépitent sur les claviers des smartphones. L'homme s'est adapté au produit. Le petit clavier rendant l'écriture inconfortable, les phrases se sont raccourcies, la pensée simplifiée, la ponctuation oubliée, le sens surligné grâce aux smileys. La brièveté est devenue un signe de pouvoir. Plus le temps de développer un raisonnement et de s'encombrer de formules de politesse, on est trop occupés pour ça. P. 26

J’avoue trouver cette citation particulièrement juste et adaptée, non seulement dans le milieu socio-professionnel approché par Stéphanie DUPAYS mais bien par tous, de tous âges, et dans le monde entier ! Il semble bien que les comportements du 21ème siècle évoluent dans le même sens. Il est peut-être temps d’avoir peur !

Et comme dans toute société, il y a des droits et des devoirs !

Il est par exemple proscrit d’avouer une quelconque faiblesse, dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle. Impossible de partager ses peines, ses doutes, ses pertes de confiance. Seuls les résultats, et encore favorables, peuvent et doivent être divulgués.


Demander l'aide d'une amie consisterait à reconnaître qu'il y a un problème. Elle préfère faire semblant. P. 84

Autant la communication est reine quand il s’agit d’épater, de séduire, de briller, autant elle devient un interdit quand le vernis commence à craqueler. Les subtilités de langage deviennent une priorité majeure :


Parler est risqué, parler révèlerait l'écart entre le discours obligé et les mots qu'elle voudrait prononcer. P. 84

Je vous évoquais le meilleur, mais finalement c'est peut-être le pire, chacun jugera...

Ce portrait ne m’a pas séduite. J’avais déjà un a priori avec la photo de couverture : des talons aiguille rouges, entrée très stéréotypée s’il en est une de la réussite professionnelle des femmes. Le titre n’est pas venu me rassurer, un peu trop bling bling pour être vrai ! Quant à la chute, j’ai trouvé qu’elle manquait un peu de caractère, à l’image de cette jeune femme prête à tout pour sauver les apparences. Ce cercle restreint de privilégiés angoissés par la perte de leur notoriété m’a agacée même si je reconnais qu’il puisse exister et qu’il puisse générer des nuits sans sommeil pour celles et ceux qui le vivent. J’ai trouvé globalement ce roman un peu facile et sans aucune originalité.

Par contre, j’ai apprécié les quelques sursauts, très rares et très brefs, trop à mon goût, en faveur de la culture. J’ai aimé cette parenthèse que Claire s’est offerte en tout début de roman avec une déambulation au Musée Pompidou pour apprécier les toiles à sa portée :


Claire s'assoit, ses chaussures lui font moins mal ainsi, elle plonge dans le bleu du tableau. Elle est seule dans la salle. Antonin a raison, ils sont tous en train de réseauter en bas. La contemplation l'apaise et la lave de tout le stress de la journée et des dernières semaines. P. 17

Il y en a eu une autre en faveur de la littérature et de son pouvoir sur les individus mais là, on commence à être déjà loin !


L'écriture hypnotise comme lorsque, enfant, elle s'immergeait dans un roman, sourde aux bruits du monde et insensible à la famille qui s'agitait autour d'elle. P. 145

En dehors de ces 2 passages auxquels j’ai été particulièrement sensible, et malgré une écriture fluide, je n’ai malheureusement pas trouvé dans ce roman quelque chose qui lui assure une petite place dans ma mémoire. Il manque de brillance justement, de cachet, de prestance, de personnalité, de caractère, quoi !

Brillante de Stéphanie DUPAYS

Voir les commentaires

2016-08-01T10:54:08+02:00

Le Violoniste de Mechtild BORRMANN

Publié par Tlivres
Le Violoniste de Mechtild BORRMANN

Traduit de l’Allemand par Sylvie ROUSSEL

Quand je passe au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, soit j’arrive avec ma liste de références et force est de constater que je repars frustrée de ne pas avoir trouvé LE livre qu’il me manquait, soit je passe à proximité sans aucune prétention, histoire de me laisser séduire par les romans qui y reposent et c’est souvent là que j’y fais de bonnes pioches !

C’est comme ça que j’ai mis la main sur « Le Violoniste » de Mechtild BORRMANN, un petit bijou.

La couverture de ce roman ne me disait rien et pourtant… Aifelle ALLAIS en avait une très belle critique, mais faute avouée à demi pardonnée, non ?

1948, Moscou, Ilioucha Grenko, célèbre violoniste, sort d’un concert sous les applaudissements du public. Il vient d’y réaliser une magnifique prestation avec le stradivarius qui appartient à sa famille depuis 5 générations. Il est alors arrêté et transféré au siège du KGB. Commencent les mauvais traitements, depuis l’humiliation jusqu’à la torture. Après quelques jours, le parti lui propose de signer des aveux pour préserver la vie saine et sauve de son épouse, Galina, et de leurs 2 garçons, Pavel et Ossip âgés respectivement de 3 ans et 1 an. Il est condamné à 20 ans de goulag. Sa femme est également arrêtée. Elle est déportée à Karaganda au Kazakhstan.

Ce roman est une petite perle.

Historique, il relate une nouvelle fois les pratiques d’interrogation des services de renseignement russes et les actes de torture auxquels notamment les artistes étaient soumis. Ceux qui ont le pouvoir ont droit de vie et de mort sur les citoyens qualifiés d’ennemis du peuple. Entre machination et réalité, ceux qui sont poursuivis n’ont pas la moindre chance d’échapper aux camps de travail, au climat hostile, aux mauvais traitements, voire à la mort. Ce n’est pas le premier roman que je lis sur le sujet bien sûr. Il m’a rappelé « Alexis Vassilkov ou la vie tumultueuse du fils de Maupassant »

Mais ce roman est bien plus que ça.

Tout au long des 241 pages, c’est l’instinct de survie qui prévaut. Alors que les conditions de vie sont empreintes d’une telle violence, n’importe quel individu pourrait imaginer y mettre fin avec le peu de moyens laissés encore à sa disposition, mais l’homme a ce sursaut et cet ultime espoir qu’un jour meilleur viendra.


Dans les jours qui suivirent, il aurait voulu mourir, pourtant il dévorait le bouillon et le pain comme si la seule chose qui lui importât était de rester en vie. P. 64

Et là, l’égalité entre hommes et femmes semble parfaite. Galina fera tout ce qui sera en son pouvoir pour sauver sa progéniture dont la vie semble si fragile.

Cette formidable envie de vivre les fait avancer. Ils se laissent porter par les émotions qui entre hier et aujourd’hui constituent le ciment de leur existence. Alors qu’Ilioucha est menacé de mort…


Il éprouvait la même détermination que lorsqu’il montait autrefois sur scène, dans une existence antérieure très lointaine. P. 209

L’homme dispose d’une formidable capacité d’adaptation tout en restant lui-même. Passé et présent ne font plus qu’un.

Et puis, il y a la place de la culture, le pouvoir de la littérature ! Alors même que la satisfaction des besoins vitaux devient l’unique priorité, quelques moments d’évasion, aussi fugaces soient-ils, offrent une parenthèse dans ce monde de brutes.


Guerchov l’enchantait en lui contant avec une ferveur communicative les romans et les drames des grands auteurs et en lui récitant des poèmes qui le bouleversaient. P. 82

C’est aussi la force des origines.


Il toucha à peine à son assiette : l’idée de ne rien savoir de ses origines et d’avoir vécu avec une version erronée de son histoire l’ébranlait profondément. P. 99

Le Violoniste de Mechtild BORRMANN

C’est notamment là que l’ingéniosité et le talent de Mechtild BORRMANN font mouche !

Les vies d’Ilioucha et de Galina auraient pu être relatées en trouvant leur place dans une unique tranche de l’histoire de la Russie. Mais le procédé aurait été certainement trop facile pour cette jeune romancière qui fait entrer dans le jeu de la littérature leur petit-fils, Sacha. Il soupçonne un passé plus complexe qu’il n’y paraît. S’ouvrent alors des voyages dans le temps, entre les années 1950 et aujourd’hui, entre des territoires, la Russie bien sûr mais aussi l’Allemagne. Tout ceci est rédigé dans une écriture très fluide. Sa plume m’a beaucoup rappelé celle de Leif DAVIDSEN.

Construit comme un roman policier, « Le Violoniste » donne lieu à une enquête savamment menée avec un suspens comme j’aime. Il n’en fallait pas plus pour me séduire, voire plus…

Vous qui me connaissez bien maintenant, vous savez que l’équation qui fait appel à plusieurs inconnues : une page de l’Histoire, l’art, la psychologie de personnages hauts en couleur et un rythme frénétique donnent souvent pour résultat un coup de cœur. Ça se vérifie encore aujourd’hui, c’est presque mathématique !

Et je crois que je ne suis pas la seule à l'avoir apprécié... Il s'agissait du lauréat du Grand Prix des Lectrices Elle 2015 dans la catégorie Policier, vous ne pouvez plus passer à côté !

Voir les commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog