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Articles avec #mardiconseil catégorie

2024-04-02T06:00:00+02:00

Les filles du chasseur d’ours d’Anneli JORDAHL

Publié par Tlivres
Les filles du chasseur d’ours d’Anneli JORDAHL

Éditions de L’Observatoire

 

Ce roman entre sans conteste dans la catégorie du « Nature writing ». Je ne savais pas bien ce que ce genre nouveau révélait de spécificités avant d’être « Encabanée » par Gabrielle FILTEAU-CHIBA.

 

Maintenant, je sais à quel point vivre en immersion dans la nature fait vibrer tous nos sens !

 

Là, nous partons pour la Finlande à la rencontre d’une fratrie. Ce sont « Les Filles du chasseur d’ours » d’Anneli JORDAHL.

 

Les filles sont au nombre de sept. Elles vénèrent leur père, ce héros, pour ses tableaux de chasse. Leur mère, cette femme qui en l’absence de son mari, doit assurer le bon fonctionnement de la ferme, leur donne une éducation rustre et sans concession. Alors, quand leur père succombe sous les coups de l’ours le plus redoutable de la contrée, elles se retrouvent en perte de repères. Leur mère sombre dans la folie jusqu’à en mourir. C’est là qu’un choix déterminant va orienter la vie des filles, loin de la société, au coeur de la forêt, là où leur père élisait domicile quand il partait chasser.  Sauvageonnes, elles vont s’exercer à vivre de ce que Dame Nature est en mesure de leur offrir, pour le meilleur comme pour le pire.

 

Cette histoire c’est un conte des temps modernes, un récit inventé de toutes pièces par une écrivaine dont je découvre le talent. Si vous avez envie de vous déconnecter de votre réalité, je crois bien que ce livre est pour vous.

 

Il y a des passages avec des descriptions tout à fait exaltantes du rapport du corps à l’eau quand il s’immerge. Vous allez frissonner, de froid, à moins que ça ne soit d’ivresse.

 

Et puis, dans ce roman, il y a la sororité déclinée à l’échelle d’une fratrie de sept filles, sept êtres dont les comportements sont dictés par l’instinct de survie, sept individus aux réflexes primitifs de se défendre, se nourrir, se réchauffer, s’abriter.

 

Mais plus que tout, dans ce roman, ce qui m’a captivée ce sont les aspirations de deux d’entre elles, l’une, Simone, pour la spiritualité l’autre, Elga, pour la littérature.  Il y a quelque chose de transcendant, de l’ordre du dépassement de soi, c’est absolument fascinant.

 

Ce roman, un pavé, en lice pour le Prix des Lectrices Elle, est tout à fait original, une lecture qui relève de l’expérience.

 

Bravo à Anna GIBSON pour la qualité de la traduction. 

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2024-03-26T07:00:00+01:00

Tosca de Murielle SZAC

Publié par Tlivres
Tosca de Murielle SZAC

Éditions Emmanuelle COLLAS

 

Cette nouvelle lecture est une référence du Book club, un roman qui concourt à la mémoire d’un homme qui, menacé de mort, trouvait la force de chanter l’opéra de PUCCINI.

 

Tout commence avec l’arrestation de Juifs par la milice lyonnaise orchestrée par Paul TOUVIER. Chaque fois, des hommes arrivés avec une Traction Avant noire s’invitent dans des familles qui ont pour seul crime d’être Juifs. Français ou étrangers, peu importe, tous sont emmenés, manu militari, vers le peloton d’exécution.

 

Murielle SZAC est journaliste. Depuis le procès de Paul TOUVIER, elle n’a de cesse de vouloir donner un nom à ce jeune homme inconnu, parfois appelé Tosca, fusillé avec six autres hommes au petit matin du 29 juin 1944.

 

Elke nous livre un roman court, poignant, dans lequel elle nous fait partager les dernières heures d’hommes emprisonnés dans un même placard à balai et dont la vie semble peser moins lourd qu’une plume. 

 

La puissance de la plume nous prend à la gorge. A l’image de la chanson de Jean-Paul GOLDMAN, l’écrivaine pose cette question :


Comment se construit-on un destin de héros ou de traître ? P. 38

Portée par l’élan de l’opéra de PUCCINI, Murielle SZAC offre un brillant hommage à ces hommes, et tous les autres.

Quelle plus belle phrase pour résumer la beauté du geste : 


Dans l’obscurité de ce cachot étouffant et surpeuplé, Léo GLASER adresse un merci muet et fervent à tous ces héros de l’ombre. P. 100

Poignant !

Si quelques lectures sont "imposées" cette année avec le Book club, ce roman est hors cycle mais il s'impose, tout simplement.

Retrouvez les références du Book club :

"Le royaume désuni" de Jonathan COE

"Le roitelet" de Jean-François BEAUCHEMIN

"L'autre moitié du monde" de Laurine ROUX

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

 

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le disede Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

"Bakhita" de Véronique OLMI

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2024-03-19T07:00:00+01:00

Bakhita de Véronique OLMI

Publié par Tlivres
Bakhita de Véronique OLMI

Coup de ❤️  pour le roman de Véronique OLMI : « Bakhita » découvert grâce au Book club, bonne pioche. C'est aussi l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'illustratrice, Cristina SAMPAIO.

 

Ce roman, édité chez Albin Michel et maintenant Le livre de poche, lauréat du Prix FNAC 2017, relate la vie d’une femme au destin aussi effroyable que fascinant.

 

À l’âge de 7 ans, dans son village du Darfour, sa soeur, Kishmet, venue rendre visite à ses parents, est razziée. Elle est enlevée par des négriers qui mettent le feu au village pendant que les femmes battent le sorgho et les hommes cueillent les pastèques. Nous sommes dans les années 1870. Ces pratiques sont courantes. D’autres encore sont à l’oeuvre. Celle qui deviendra Bakhita est chargée avec son amie de mener les vaches à la rivière. En chemin, elles rencontrent deux hommes qui guident la plus belle vers un bananier. C’est là que sa vie bascule. Elle est vendue à des négriers musulmans et destinée à l’esclavage. Les femmes, les enfants, sont emprisonnés, ils sont ensuite enchaînés puis emmenés à travers le pays pour rejoindre les grands marchés. Bakhita est achetée à El Obeid, là elle va vivre l’enfer pendant plusieurs années jusqu’à ce que les « propriétaires » en difficultés financières ne décident de vendre ceux qu’ils battent à mort. Bakhita croise le chemin d’un consul italien, Signore Legnani, qui l’achète pour l’affranchir. Commence alors pour elle une nouvelle vie !

 

Ce roman est l’odyssée d’une femme qui aurait pu mourir chaque jour des mauvais traitements qu’elle subissait depuis sa plus tendre enfance. Elle poussera pourtant son dernier souffle à l’âge de 78 ans.

 

La première partie du roman est insupportable d’inhumanité. Elle relate cette page de la grande Histoire de l’Afrique qui torturait ses congénères et marchandait la vie des êtres parmi ses matières premières. Si la littérature évoque la traite négrière transatlantique, je n’avais encore jamais lu sur ce que Tidiane N’DIAYE, anthropologue, dénomme « Le génocide voilé » dans son livre éponyme. C’est rien de moins que l’extermination de tout un peuple subsaharien par les arabo-musulmans qui est abordé dans le roman de Véronique OLMI, qu’elle soit honorée pour le devoir de mémoire auquel elle concourt. 

 

À travers cette biographie, c’est aussi la force de la générosité que l’écrivaine encense. L’existence de Bakhita est marquée par toutes celles à qui elle a tenu la main pour continuer d’avancer, qu’il s’agisse d’enfants comme elle, condamnées à l’esclavage, ou plus tard de ces petites filles orphelines accueillies par les religieuses italiennes. Son corps conservera à jamais les traces des sévices qu’elle a subis, son esprit, lui, l’empreinte des déchirements liés aux séparations.

 

Et puis, il y a la révélation de la foi, religieuse, catholique, comme une nouvelle forme d’espoir dans un pays occidental qu’elle apprend à découvrir. 

 

J’ai été frappée par sa façon singulière de s’approprier le monde, où qu’elle soit, avec qui elle soit, comme un appel aux sens en l’absence de la maîtrise de la langue. 


Elle ne comprend pas la phrase, elle comprend le sentiment. Et c’est comme ça que dorénavant elle avancera dans la vie. Reliée aux autres par l’intuition, ce qui émane d’eux elle le sentira par la voix, le pas, le regard, un geste parfois. P. 53

Malgré les apprentissages aux couvents, Bakhita rencontrera toute sa vie des difficultés dans l’expression orale et la lecture. 

 

Parce que le hasard des lectures construit parfois des ponts en littérature. Comme chez  « Oma », il y a chez Bakhita la force de l’humour. Quelle plus belle distinction !


[…] ils donnent à la honte un peu de dignité. Bakhita apprend cela, qu’elle gardera toute sa vie comme une dernière élégance : l’humour, une façon de signifier sa présence, et sa tendresse aussi. P. 46

Vous ne le savez peut-être pas encore mais Bakhita est cette femme béatifiée et canonisée par le Pape Jean Paul II. Elle est déclarée sainte en 2000.

 

Ce roman historique est absolument prodigieux. Il rend grâce à une femme remarquable de bonté qui honore tout un peuple. 

 

Je ne connaissais pas encore la plume de Véronique OLMI, elle est juste captivante. Mon #Mardiconseil est un coup de ❤️

Retrouvez les références du Book club :

Le royaume désuni de Jonathan COE

Le roitelet de Jean-François BEAUCHEMIN

"L'autre moitié du monde" de Laurine ROUX

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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2024-03-12T07:00:00+01:00

Ce que je sais de toi d’Eric CHACOUR

Publié par Tlivres
Ce que je sais de toi d’Eric CHACOUR

Éditions Philippe REY

 

Les premiers romans sont comme autant d’espoirs de renouveau. C’est un peu comme le printemps et toutes ses promesses… de beaux jours, de belles fleurs, de beaux fruits, de beaux arbres… 

 

Dès sa sortie en librairie en septembre 2023, « Ce que je sais de toi » d’Eric CHACOUR fut plébiscité. Il n’aura fallu qu’un passage à la Librairie L’Étincelle pour qu’il rejoigne ma PAL.

 

Nous partons pour Le Caire. Nous sommes en 1961. Deux enfants, un garçon de 12 ans. Tarek, une fille de 2 ans de moins, Nesrine, se promènent en ville en famille. Il y a un premier échange autour d’une voiture, puis d’un métier. Assez naturellement, l’aîné qui porte les mêmes initiales que son père, sera médecin comme lui. D’une banale discussion se concrétise un destin au sein de cette famille levantine, elle fait partie de la communauté des Chawams, des Chrétiens, des hommes et des femmes occidentalisés, des francophones. C’est dans ce microcosme égyptien que se construit Tarek. À la mort de son père en 1974, il a 25 ans. Il prend e relève de son père dans sa clinique. Mais ça ne saurait lui suffire.

 

 

Ce roman m’a happée dès les premières pages. C’est un excellent premier roman, j’ai vibré. Je ne suis d’ailleurs pas la seule puisqu’il a été honoré de très beaux prix littéraires, le Prix Première Plume (après Anthony PASSERON pour « Les enfants endormis »,  Victoria MAS pour « Le bal des folles », Adeline DIEUDENNE de pour « La vraie vie », Caroline LAURENT et Evelyne PISIER pour « Et soudain, la liberté ») et le Prix Femina des Lycéens. Qui disait que les jeunes ne lisent plus et qu’ils n’ont pas de goût ?

 

Dans ce roman, il y a le portrait dressé d’une Egypte plurielle, celle de cette communauté levantine, celle des bidonvilles (l’occasion d’un petit clin d’œil à Soeur Emmanuelle qui s’était installée là-bas et a beaucoup apporté à la population du  Moqattam), celle encore d’un pays dont le déclin est annoncé. Nombreux seront ceux à quitter le territoire notamment pour le Canada. Eric CHACOUR a puisé dans son histoire personnelle pour en dessiner les contours.

 

Comme j’ai aimé le traitement de la langue et ce qu’elle véhicule avec elle.


Ce langage semblait appartenir au monde des adultes, un continent lointain qu’il te restait à découvrir. Tu ignorais si l’on y échouait un jour, sans s’en apercevoir, pour trop avoir laissé l’enfance dériver, ou s’il s’agissait de terres qui se conquièrent dans la souffrance. P. 16

Et puis, il y a l’amour, lui aussi pluriel. Il y a celui, conventionnel, de Tarek avec Mira, une jeune femme avec qui il a passé de nombreuses années, cette histoire était écrite. Et puis, il en est une autre qui va faire exploser tous les carcans, celui des classes sociales, celui de la sexualité. A l’heure où Eric DUPONT-MORETTI présente les excuses de la France auprès des homosexuels discriminés de 1942 à 1982, il est d’autres territoires dans lesquels l’homosexualité est interdite.

 

Enfin, il y a la narration, parfaitement maîtrisée. Tout commence avec la 2ème personne du singulier, de quoi interpeller le lecteur, le prendre à témoin, le questionner. Lui, qu’en aurait-il pensé ? Comment aurait-il agit ? Pour la suite, vous comprendrez que sa lecture s’impose…

 

La plume d’Eric CHACOUR est absolument magnifique, à la fois grave et poétique, tellement captivante. J’ai savouré ce roman qui va rester longtemps gravé dans ma mémoire, comme ce chocolat, une délicate attention de petit Papa Noël. Je ne connaissais pas le concept « Le chocolat de poche ». L’essayer c’est l’adopter 😉

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2024-01-09T07:00:00+01:00

Plexiglas d’Antoine PHILIAS

Publié par Tlivres
Plexiglas d’Antoine PHILIAS

Ce roman fait partie des « lectures imposées » du Book club. Après 

« Perspective(s) » de Laurent BINET

« Humus » de Gaspard KOENIG (lu un peu avant la sélection)

« Le grand secours » de Thomas B. REVERDY

place à Plexiglas d’Antoine PHILIAS aux éditions Asphalte.

 

Nous voilà arrivés à Cholet avec Elliot, un jeune homme de retour de Rennes. Ses dernières années ont été partagées entre beuveries et petits jobs. Il se rapproche de sa soeur jumelle, Raf, qui habite à La Séguinière. Elle est coiffeuse à domicile et vit avec Jonas depuis une dizaine d’années. Lui travaille chez Leroy Merlin. Leurs parents sont séparés. De passage au Balto, le bar tabac de la galerie commerciale, il rencontre Lulu, la soixantaine, caissière chez Carrefour. Elle vit seule. Elle est syndiquée et fit partie du mouvement des gilets jaunes. Son fils est parti étudier à Paris. Au fil des rencontres dans ce lieu si ordinaire, une relation va se tisser entre lui et elle. On pourrait dire qu’ils sont différents, ils ont finalement tant en commun. 

 

Ce roman social s’échelonne sur une année, du 1er janvier 2020 au 31 décembre suivant. Vous l’aurez compris, Plexiglas fait référence au système de protection mis en place pour se protéger de la prolifération du Covid19. Avec son second roman, Antoine PHILIAS met sous les projecteurs les métiers dits essentiels, ceux qui ne s’arrêteront pas de travailler pendant le confinement, ceux qui besogneront pendant que les autres profiteront de 2 mois de vacances, au soleil, tous frais payés.

 

Certains ne changeraient pourtant pour rien au monde…


Mais tout l'or du monde ne le ferait pas abandonner son équipe. Encore moins maintenant, avec tout ce qu'ils traversent ensemble. Une aventure humaine qui ne peut exister dans les hautes sphères, Charles les a suffisamment fréquentées pour le savoir. Il se trouve exactement là où il doit se trouver. P. 101

Ce roman, c’est celui des emplois « au service de » qui exigent disponibilité et bienveillance mais qui ne sont pas suffisrémunérés, cantonnant toute une classe sociale dans un microcosme, une sphère de la société avec ses codes, sa langue, ses horaires… obligeant les uns et les autres à se marier ensemble pour faire des enfants qui eux, peut-être comme Hugo, le fils de Lulu, feront barrage au déterminisme social, sans oublier pour autant leurs origines.


Podcast sur les oreilles, assis trop près d'un passager à la toux inquiétante, Hugo se dira, quand même, ça fait toujours du bien ces mini-retours au bercail [...]. P. 138

Ce roman dresse le portrait d’une société de consommation. L’auteur nous fait des listes infinies de marques qui composent notre environnement du XXIÈME siècle. A travers eux, c’est tout le système économique qu’il dénonce.
 

Il évoque aussi le numérique qui envahit la vie des gens, les conditions d’accueil en EHPAD…

 

Tout est fait pour créer l’illusion mais quand on gratte le vernis, la réalité est loin d’être belle.

 

Ce roman m’a beaucoup rappelé la BD d’Antoine DAVODEAU, « Les mauvaises gens » qui se passent aussi dans Les Mauges. Les personnages sont attachants, tellement humains.

 

Antoine PHILIAS nous livre une satire de notre société qui fait grincer les dents. Le style de son écriture, vif et acéré, rend le propos cinglant.


[...] survivre d'abord, sortir du merdier ensuite. P. 149

C’est sombre, c’est étouffant. De là à dire qu’il soit militant, il n’y a qu’un pas. On referme le livre avec une cruelle envie de descendre dans la rue et crier ! 

Le travail d’Elizabeth GASKELL a été honorée au XXIème siècle pour « ses descriptions industrielles inédites » d’un Manchester disparu (XIXème). Souhaitons les deux, que le travail d’Antoine PHILIAS soit apprécié comme celui d’un témoin d’une période dictée par les canons de l’économie capitaliste et que ce système disparaisse !

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2024-01-02T07:00:00+01:00

L'enfant dans le taxi de Sylvain PRUDHOMME

Publié par Tlivres
L'enfant dans le taxi de Sylvain PRUDHOMME

Les éditions de Minuit

 

Sylvain PRUDHOMME, je l’avais découvert avec « Par les routes », Prix Femina 2019, un roman intimiste qui m’avait troublée. 

 

Et puis, il y a eu cette rencontre dédicace organisée par l’association Les Bouillons dans les Bibliothèques Municipales d’Angers. Je suis tombée sous le charme de son nouveau roman, "L'enfant dans le taxi". C'est mon #mardiconseil.

 

Tout commence avec une rencontre en terrain hostile. Une femme, une Allemande, un homme, un Français. Nous sommes en 1944. C’est la fin de la guerre. Lui, Malusci est un soldat d’occupation. Il est hébergé dans la ferme de ses parents à elle, près du Lac de Constance. A la sépulture de Malusci, Franz, son gendre, évoque avec Simon, son petit-fils, le secret de famille autour d’un enfant né de cette union, M.. Il aurait plus de 70 ans aujourd’hui. Il n’en faudra pas plus pour que Simon, en pleine séparation avec A. après 20 ans de vie commune, ne reprenne ses recherches. Il est encore loin d’imaginer où tout ça va le mener !

 

Ce roman est d’une profonde sensibilité. Comme j’ai aimé retrouver cette plume dans laquelle chaque mot est savamment pesé.


C’est un roman familial qui explore les relations, les jeux de rôles entre les uns et les autres, les choses révélées et celles cachées.


Puisque depuis toujours dans l’ordre des familles le crime c’est de parler, jamais de se taire. P. 20

Il y a des coups de théâtre aussi. Que dire de la grand-mère qui interdit à son petit-fils de mener l'enquête ? Elle ressemble à la sienne d'ailleurs. Cette histoire, c'est un peu celle de l'auteur...

 

Ce roman touche du doigt la quête et le poids des origines. M., Comme 400 000 enfants, est né d’une relation entre une Allemande et un Français. De l’autre côté du Rhin, les êtres n’étaient pas plus tolérants à l’égard de celles qui se donnaient à l’ennemi, pas sous le joug des armes, non, mais par amour.

 

Les personnages sont très romanesques. Ils sont tellement attachants.

 

Et puis, des pages de la grande Histoire de France s’invitent dans celle d’une famille largement inspirée de celle de l’écrivain. Il n'y a pas que la fin de la seconde guerre mondiale, non. Il y a aussi la guerre d'Algérie.

 

Chez Sylvain PRUDHOMME, il y a encore cette manière, à l’oral comme à l’écrit, d’effleurer les événements et de générer, comme les ronds dans l’eau, des effets collatéraux d’une puissance rare. A bien le regarder lors de cette soirée, à bien l'écouter aussi, l'homme a un je ne sais quoi de Patrick MODIANO. Toutes les interprétations que vous pouvez lui suggérez résonnent comme autant de possibles.


Que je voulais que ma vie soit toujours faite de ça : de moments ouverts, remplis d’interrogation, de vertige. P. 176

Le tout est rythmé par une plume singulière avec une ponctuation réduite à sa portion congrue, une écriture dans laquelle le souffle de la lecture prend tout son sens. A charge de celle et celui qui découvrent le récit de lui donner la lenteur ou l’élan qu’ils souhaitent. Les mots sont tendres et émouvants, empreints de poésie. L’auteur est empathique. 

 

C'est un nouveau roman très réussi aux éditions de Minuit, une première pour lui, pas la dernière c’est certain !

 

#lenfantdansletaxi #sylvainprudhomme #roman #histoire #origines #guerre

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2023-10-03T05:00:00+02:00

Avant la forêt de Julia COLIN

Publié par Tlivres
Avant la forêt de Julia COLIN

Dans cette rentrée littéraire, place à un conte des temps modernes, « Avant la forêt » de Julia COLIN.

 

Tout commence dans un contexte de fin du monde. Le réchauffement climatique n’est plus une perspective mais une réalité, les cultures grillent sur pied sous l’effet des 50 degrés, la pénurie d’essence oblige les véhicules automobiles à s’arrêter sur le bord des routes, le manque de médicaments condamne les populations aux épidémies. Elie et ses parents, comme la famille de Calme, décident de quitter Paris en quête d’un lieu plus supportable. A Lyon, un terrible accident laisse Calme orpheline, elle est prise en charge par la famille d’Elie qui poursuit son exil. Elle refuse le joug de la mafia marseillaise et s’installe finalement dans la vallée de Marat où les parents de Calme étaient propriétaires d’un lopin de terre. Là, les hommes et les femmes font communauté, ils s’entraident, ils troquent leurs ressources pour subsister. Sous l’autorité d’un maire et d’une milice, « exister » a-t-il encore un sens ?

 

Notre monde prêt à basculer dans quelque chose d’apocalyptique inspire la littérature. A travers des personnages de fiction qui ressemblent à des gens ordinaires, Julia COLIN nous offre sa vision, une dystopie. 

 

L’Homme serait-il un loup pour l’homme ? Julia COLIN revisite la comédie Asinaria de Plaute quelques 2000 ans après sa création. L’écrivaine projette le regard de celui qui a sur les inconnus qui arrivent en quête d’un monde meilleur. C’est le sort qui sera réservé demain aux réfugiés climatiques. Comment nous comporterons-nous ? Allons-nous ériger des murs pour s’en protéger et installer des congénères, armés, pour les faire respecter ? Ce roman est bien plus philosophique qu’il n’y paraît. Aucun doute, il est bien publié Aux Forges de Vulcain dont le dessein est de « changer la figure du monde ». 

 

En attendant l’invasion, il faut bien répondre à ses besoins vitaux, manger, dormir, s’abriter, se protéger du froid. La vie quotidienne ne saurait puiser dans ses seules ressources  pour s’assurer un avenir. C’est là que l’administration et la politique prennent le pouvoir pour le meilleur, comme pour le pire. A travers Enric, le maire, et Saule, la cheffe de la milice qui n’est autre que sa fille, Julia COLIN met le doigt sur ce qui fait mal, une autorité dans les mains d’une seule  famille qui joue de ses capacités à choisir de ce qui est bon pour tous. Elle révèle les limites de l’exercice ! 


Dans les dictatures aussi, ça arrive que les gens se portent bien. Ça ne veut pas dire qu’ils sont heureux. À Marseille, on vivait sous le contrôle de la Mafia, on était en sécurité, on mangeait à notre faim. Ça ne les a pas empêchés de me tabasser parce que je refusais leurs interdictions. P. 199-200

Dans un contexte d’écoanxiété, l’autrice nous ouvre une voie… mystérieuse et puise dans les légendes pour donner à la nature des pouvoirs fantastiques mais là, je ne vous en dirais pas plus.


Au début, il ne perçut que les sons habituels : le grincement des branches, le chant d’un oiseau, les bourrasques du vent. Mais, en se concentrant davantage, il crut percevoir, timide mais joyeuse, une nouvelle voix inconnue qui chantait sa joie d’être au monde. P. 206

Ce premier roman est parfaitement réussi. Il est servi par une très belle plume avec des personnages attachants, le tout dans un rythme captivant. C’est une expérience littéraire aussi, à la croisée de différents  chemins. Il fallait oser le sujet, il fallait oser la forme aussi. Pari réussi.

 

Publicité. Livre offert par la maison d’édition. 

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2023-09-26T05:30:00+02:00

Rocky, dernier rivage de Thomas GUNZIG

Publié par Tlivres
Rocky, dernier rivage de Thomas GUNZIG

Au Diable Vauvert

 

Il y a 5 ans, Fred et sa famille, Hélène sa femme, Alexandre et Jeanne ses enfants, sont venus s’installer sur cette île située dans l’Atlantique, à 600 km d’autres terres, une île privée pour se protéger des effets du réchauffement climatique. Ces jours derniers, il ressent une colère l’animer. Plutôt que la révéler à ceux qu’il aime, il préfère s’isoler. S’il n’était que le seul…

 

Ce roman, c’est une lecture coup de 🥊, le premier conseil de Sophie de la toute nouvelle Librairie L’Étincelle installée 65 rue Beaurepaire sur Angers. 

 

 

 

De ce roman, je ne vais pas vous en dire long. En fait, une fois n’est pas coutume, je vous en livre sa 4ème de couverture : 


Parfois, dans ces moments, quand il avait pris un verre de vin et qu’une légère ivresse arrondissait les angles de son esprit, il oubliait que le monde avait disparu.

Cette citation est parfaitement inoffensive. Elle ne dévoile rien de la substantifique moelle de ce roman, ou si peu.

 

Thomas GUNZIG, dont je ne connaissais pas la plume (honte sur moi, il est prolifique et en tous genres littéraires), nous propose une dystopie. Vous ne rêvez pas. Ça se passe « aujourd’hui » !

 

La prose, orchestrée en trois partie, nous offre le regard croisé des quatre personnages principaux du roman. Tout à tour, le lecteur met la focale sur l’un d’entre eux, se nourrit de son histoire personnelle, prend la mesure de son dessein, le tout dans un contexte de grande vulnérabilité dans lequel les proches peuvent représenter la plus grande des menaces. 

 

Le rythme est haletant, c’est au péril de leur vie !


Il fut envahi par un sentiment d’urgence poussé par une force impérieuse venue du fond de son ventre. P. 311

Non, je ne mettrai pas les mots sur cette histoire, loin de moi d’idée de vous la dévoiler ! Sophie m’a dit : « Il est dans le top 3 de cette rentrée littéraire ! » 😉 Suivez le conseil de cette libraire, sortez des sentiers battus, laissez votre curiosité faire le reste, succombez !

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2023-09-19T19:48:08+02:00

Perspective(s) de Laurent BINET

Publié par Tlivres
Perspective(s) de Laurent BINET

Vous aimez la peinture ? Celle de La Renaissance en particulier ? Vous pourriez bien aimer le dernier roman de Laurent BINET, « Perspective(s) » aux éditions Grasset.

 

Nous sommes en 1557 à Florence. Jacopo PONTORMO, peintre de la cité, réalise une commande dans le choeur de l’église San Lorenzo. Il est découvert mort au pied de sa fresque en cours de réalisation. Une partie semble avoir été modifiée. L’artiste a-t-il été tué ? S’est-il suicidé ? Tout ça est très mystérieux. La famille MEDICIS règne sur le territoire. Le Duc demande à Agnello BRONZINO, l’apprenti de feu PONTORMO, d’achever la création. Eléonore de Tomède son épouse, entend également entrer dans la danse pour orienter le travail et conformer l’oeuvre aux canons de la peinture du moment. Dès lors, tous les coups sont permis.

 

L’originalité de ce roman, c’est d’abord sa forme : un échange de correspondances datant de 1557-1558. Si le roman épistolaire concerne souvent 2 protagonistes se répondant au gré de leurs envies, là, l’écriture est au service de plusieurs personnages, de quoi révéler tout un tas de secrets si peu bien gardés !

 

Et puis, il l’est aussi sur le fond. Laurent BINET choisit d’explorer la mort mystérieuse d’un peintre de la Renaissance, Jacopo PONTORMO, l’artiste en charge de la réalisation d’une fresque dans le choeur de l’église de San Lorenzo de Florence. Il y a déjà consacré 11 ans de sa vie, à l’abri des regards, enfin presque.

 

Le tout est servi par une plume haletante. Les tribulations de la famille de MÉDICIS ne manquent pas de fourberie, rendant l’itinéraire de chacun des plus dangereux. Laurent BINET en fait un formidable terrain de jeu, romanesque à souhait. 

 

Comme j’ai aimé replonger dans la Renaissance, cette période d’effervescence artistique, y revisiter les canons de la peinture et croiser Michel-Ange en personne. 

 

Ce roman historique est un petit bijou de cette rentrée littéraire, qu’on se le dise !


Nous, femmes, sommes les pièces qu’on déplace sur l’échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur, assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. P. 85

Laurent BINET en fait un formidable terrain de jeu, romanesque à souhait. 

 

Comme j’ai aimé replonger dans la Renaissance, cette période d’effervescence artistique, y revisiter les canons de la peinture et croiser Michel-Ange en personne. 

 

Ce roman historique est un petit bijou de cette rentrée littéraire, qu’on se le dise !

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2023-09-12T17:00:00+02:00

Le royaume désuni de Jonathan COE

Publié par Tlivres
Le royaume désuni de Jonathan COE

Traduit de l’anglais par Marguerite CAPELLE

Gallimard

 

Quel plaisir de retrouver la plume de Jonathan COE, un formidable conteur. En introduction, un arbre généalogique pour tracer la descendance familiale, c'est dire si la plongée dans l'intime va être foisonnante.

Tout commence à Bournville, un petit village près de Birmingham, connu pour son usine de production de chocolat Cadbury. Elle date de l’époque où l’industrie constitue la locomotive du développement urbain. Avec sa construction et sa croissance, se déploient des logements pour les familles des salariés, des équipements publics pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants sur le territoire. Mary Clarke rencontre Geoffrey Lamb. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants...

Loin du conte de fée en réalité, ils n’eurent que 3 enfants, 3 garçons. Mais c'est largement suffisant pour un écrivain comme Jonathan COE à l'imagination débordante pour construire un récit rocambolesque à l’envi. Les personnages sont profondément attachants, les émotions à fleur de peau.


Geoffrey pleure comme un bébé. Les larmes jaillissent de son corps : les larmes qu’il n’a jamais versées pour son père, ni pour sa mère ; les larmes que rien d’autre, rien de tout ce qui a pu leur arriver, à lui, à Mary ou à ses enfants, n’a jamais réussi à lui tirer en soixante-dix ans. P. 399

  

Et puis, à travers eux, cette famille qui pourrait être vos amis, vos voisins, Jonathan COE brosse le portrait de l’Angleterre sur plusieurs décennies pour terminer en 2020 avec l’épidémie du coronavirus.

Il y a notamment ce savoureux passage sur l'avènement de la télévision dans les foyers, une petite révolution. Nous étions à l'époque où le petit écran favorisait les liens sociaux ! Incroyable, non ? 

Et puis, il y a cette fameuse histoire du chocolat Cadbury, la marque ancestrale de ces gourmandises que l'on a tous savouré à un moment ou un autre de notre vie. Mais le couperet tombe, la Communauté Européenne retoque le trésor culinaire anglais en raison des matières grasses végétales ajoutées. L'Europe est formelle, un authentique chocolat repose sur l'exclusivité du cacao comme composant, de quoi semer le trouble entre les différents pays, les rigoristes et les laxistes. Le sujet défraye la chronique. C'est l'occasion de découvrir notamment le rôle des lobbyistes présents à Bruxelles.

Mais les Anglais ne seraient rien sans la famille royale. Souvenez-vous, il y a eu le couronnement de la reine et puis, le décès accidentel de Lady Diana, véritable tragédie pour un peuple fidèle à sa monarchie.

Le tout est bien sûr servi par une plume pleine de fantaisie, teintée d’humour quand il ne s'agit pas d’ironie, cette signature so british. Les anecdotes sont croustillantes, le propos succulent. Il y a des passages d'extase totale.

  


Les quatre musiciens sourient et se regardent, repus d’émotion, légèrement incrédules à l’idée d’être arrivés à la fin de l’oeuvre, comme si le voyage avait duré des mois et des années plutôt que les cinquante-cinq minutes qui viennent en réalité de s’écouler. P. 393

Avec ce roman dont le personnage de Mary est largement inspiré par sa propre mère, l’auteur concourt à la mémoire de notre société moderne. Il assure la postérité des années 1945 à nos jours. Les protocoles sanitaires liés au Covid, c’était hier, on les oublierait presque. Ce roman, c’est une trace laissée par plusieurs générations pour ne pas tomber dans les oubliettes.

Ce roman se savoure avec du très bon chocolat, un incontournable of course !

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2023-04-25T06:00:00+02:00

L'autre moitié du monde de Laurine ROUX

Publié par Tlivres
L'autre moitié du monde de Laurine ROUX

Les éditions du Sonneur

 

Nouvelle référence du Book club, une lecture coup de poing, un bijou de Laurine ROUX. J’ai découvert cette écrivaine avec les 68 Premières fois avec son second roman « Le sanctuaire ». Là, avec « L’autre moitié du monde » toujours aux éditions du Sonneur, Laurine Roux confirme son talent dans l’écriture de romans.

 

Nous partons pour le delta de l’Èbre en Espagne, au sud de la Catalogne. Nous sommes dans les années 1930. Une marquise est propriétaire des rizières dans lesquelles elle exploite des paysans, les condamne à l’esclavage. Pilar, cuisinière, n’est pas mieux traitée. Son corps porte l’empreinte des sales mains de Carlos, le fils de la marquise. Heureusement, elle sait pouvoir compter sur la force et l’énergie de sa fille, sauvageonne, qui sait tirer profit de la nature comme personne. Mais les bouches à nourrir échauffent les esprits des hommes qui commencent à se regrouper pour défendre leurs droits. Quand une enfant est retrouvée pendue à un arbre, le corps à moitié déchiquetée par des charognards, c’en est trop. L’heure de la rébellion a sonné !

 

Ce roman dresse le portrait d’un territoire. Laurine ROUX nous livre de magnifiques descriptions d’une nature fertile et nourricière. Elle est magnifiée dans ce qu’elle propose de plus poétique.


Une sarcelle d’hiver. Peu après, une rainette pointe à travers les lentilles d’eau. Le marais reprend vie. Bientôt, la surface du bassin se fait piste de bal. Irisations vertes, turquoises, trait de khôl, mouvements gracieux - immersion, demi-tour, piqué -, les corps valsent. P. 158

On pourrait s’en émerveiller jusqu’à la fin de nos jours s’il n’y avait cette volonté irrépressible de l’être humain d’asservir son prochain, dominer les plus faibles que soi. En Espagne, il y a eu l’Inquisition emmenée par Torquemada. Les Juifs furent convertis en marranes, les  Maures en morisques. Et puis, dans le delta de l’Èbre, c’est notamment là que des hommes et des femmes se révoltèrent. A travers des itinéraires de fiction, l’écrivaine relate les différentes étapes du soulèvement. 

 

Et puis, dans ce roman, il y a des personnages profondément attachants, des beaux personnages féminins, des résistantes. Il y a Pilar, il y a Soledad, il y a Toya. Toya, la fille de Pilar, mesure dès sa plus petite enfance le poids de l’injustice. Elle en fera son credo, à la vie à la mort.

 

Il y a encore la puissance de la communauté, la force d’un groupe d’hommes et de femmes soudés par la violence des évènements. La fraternité devient une évidence. 


A trop appuyer sur leur échine, elle a redressé leurs têtes. P. 84

Il y a enfin un livre rendu haletant par l’arrivée de Luz, une jeune femme d’aujourd’hui appelée à remplacer son compagnon dans le delta pour répertorier la faune et la flore des zones humides. Dès lors, tout peut arriver. 

 

Ce livre historique est très romanesque. La guerre civile espagnole comme toile de fond permet à Laurine ROUX d’explorer un nouveau type de roman. Elle le fait avec brio. Bravo !

Retrouvez toutes les références du Book club :

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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2023-04-18T17:51:06+02:00

Fuir l'Eden d'Olivier DORCHAMPS

Publié par Tlivres
Fuir l'Eden d'Olivier DORCHAMPS

Editions Pocket

Ce roman, c'est d'abord une rencontre organisée dans le cadre du Prix du Roman Cezam 2023 avec une soirée passée à la Bibliothèque Nelson Mandela d'Angers, un très beau moment comme peut les offrir la littérature.

Olivier DORCHAMPS, j'avais fait connaissance avec sa plume grâce aux 68 Premières fois, l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'équipe. Il était alors question de son premier roman : "Ceux que je suis" aux éditions Finitude, un bijou.

J'attendais donc avec impatience de pouvoir le retrouver avec "Fuir l'Eden", déjà lauréat du Prix des Lecteurs de la Maison du Livre, du Prix Louis GUILLOUX, du Prix des Jeunes – Alain SPIESS. C'est une nouvelle fois un roman où l'humain prend toute sa place.

L’Eden, c'est le doux nom (à mourir de rire… jaune) donné à deux immeubles, une tour et une barre, classés auprès du Fonds Mondial pour les Monuments en Grande-Bretagne. L'Eden, c'est l'illustration de ce qu'a pu produire le mouvement architectural du brutalisme en termes de construction de l'après-guerre, pour le meilleur... comme pour le pire. Derrière les intentions de professionnels du bâtiment habitent des hommes et des femmes. Adam sait bien ce qu'il en est. Il aura bientôt 18 ans. Il est né dans un environnement familial violent rongé par l'alcoolisme du père et les violences conjugales. Sa mère a fui, le laissant avec Lauren, sa petite soeur, dans les griffes de l'ogre. Heureusement, leur grand-mère est venue à leur secours pour sauver ce qui pouvait l'être, leur corps et leur âme !

Ce roman, c'est d'abord un procès fait à ces constructeurs qui imaginent, sur plan, des lieux de vie qui n'ont absolument rien d'humains. Là où les hommes et les femmes aspirent à trouver un cocon, on leur offre des lieux tout justes à photographier pour des touristes avides de découvrir la trace d’un grand nom du monde de l’architecture.

La trace, elle, marque au fer rouge celles et ceux qui y habitent. Dis moi où tu vis, je te dirai qui tu es. L’Eden, qui n’a rien d’un coin de paradis, accueille des familles qui accumulent les fractures (sociales, financières…).

J'ai personnellement été profondément touchée par l'itinéraire de cette famille, une jeune femme qui donne naissance à Adam alors qu'elle n'a que 17 ans, un compagnon alcoolique, un projet immobilier qui sera la ruine du couple.


Non, personne ne lui avait jamais dévoilé que devenir une femme signifiait saigner tout sa vie. P. 65

Le personnage d'Adam est profondément émouvant. Il donne à voir ce que l’humain peut trouver de ressources pour se sortir d’une situation de crise. Il s’est fait protecteur de sa sœur jusqu'à lui imaginer une histoire... un conte de fée.


Claire a raison, certains moments méritent de ne pas finir noyés au milieu de centaine de photos. Ils nous appartiennent et se fondent doucement dans nos mémoires. Et il suffit de fermer les yeux pour les revisiter. P. 204

Cette maturité précoce, la charge mentale qui a pesé sur ses épaules, sont autant de cailloux dans sa chaussure le rendant un jour incapable de marcher.

Et puis, il y a cette formidable histoire avec une femme âgée, une professeure d'université, non-voyante, qui demande qu'on lui lise des livres à domicile.


Les livres permettent de mieux vivre et la vie, de mieux lire. C’est une question d’équilibre. P. 178

Je ne vous en dirai pas plus, juste que des bouffées d’air comme celle-ci, Olivier DORCHAMPS vous en réserve quelques unes.

Enfin, ce roman ne serait pas ce qu’il est sans une pointe de suspense. Autour d’une histoire d’amour impossible tourne en boucle un jeune homme assoiffé de liberté !

A la question des bibliothécaire d’une qualité qu’il pourrait revendiquer, Olivier DORCHAMPS répond : « l’altruisme ». Loin de lui l’idée de se targuer d’un trait de caractère que l’on ne retrouverait pas dans sa prose. Laissez-vous porter par sa sensibilité hors pair. Si l’homme aime à concourir à la mémoire d’une société bien mal en point, il croit aussi profondément en l’avenir de l’humanité. Dans un ciel fait de grisaille, lui sait faire la place à des rayons de soleil et dessiner des arcs-en-ciel !

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2023-04-11T06:59:58+02:00

Massif d’Alain GIORGETTI

Publié par Tlivres
Massif d’Alain GIORGETTI

 

Alma éditeur

 

D’Alain GIORGETTI, j’avais lu son premier roman, « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes », un coup de ❤️

 

Il nous revient avec « Massif », une lecture coup de poing.

 

Nicolas est divorcé. Sa vie est en lambeaux. Il décide d’aller se ressourcer en forêt. Il flâne et longe une clôture. À son extrémité, presque naturellement, il escalade le rocher qui lui permet d’accéder à un autre espace. Il ne sait pas encore qu’il s’agit d’une propriété privée très bien gardée par une chienne qui ne va pas hésiter à lui planter ses crocs dans le bras. Derrière Lana, une femme, Hélène. Il est subjugué par sa beauté et foudroyé par la passion amoureuse. Une nouvelle page de sa vie reste à écrire, pour le meilleur, à moins que ça ne soit pour le pire !

 

Ce roman commence avec une scène de chaos, je vous en livrerai prochainement les premières lignes, elles sont tout à fait saisissantes. À partir de là, tout peut arriver. Vous naviguez à vue. Ce roman est un thriller psychologique parfaitement réussi.

 

Comme j’ai aimé ces passages où Alain GIORGETTI sublime la nature. Il nous livre des pages éminemment sensorielles. J’ai humé les parfums, j’ai frissonné de l’humidité des sous-bois, j’ai écouté les chants des oiseaux, j’ai vibré quoi !

 

Il y a aussi des pages d’une profonde beauté pour décrire le sentiment amoureux et l’amour, quelle merveille !


Je crois que le baiser, l’art du baiser est à placer au sommet de la pyramide des gestes amoureux. Comme premier abord, comme première ouverture, comme premier voyage dans le corps de l’autre, ce que j’ai ressenti à cet instant précis s’est renouvelé chaque fois. Supérieurement. Délicieusement. Miraculeusement chaque fois entre ses bras. P. 57-58

Et puis, il y a le rapport à l’art. J’ai été fascinée par la révélation, dans la création, d’une autre dimension de la personnalité que celle de la vie quotidienne, que celle dévoilée aux proches, un peu comme si un être nouveau émergeait, une forme de (re)naissance.


C’est beau, Nicolas, avait dit Sarah lors de ma première exposition quelques années auparavant. C’est toujours beau ce que tu fais, un peu trop beau, même. Mais tu n’y es pas, Nicolas ! Je ne sais pas comment dire. Ce n’est pas complètement toi. P. 53

Mais ce livre ne serait rien sans la tragédie qui traverse l’ensemble du roman. Là je ne vous dirai rien 🤐

 

La plume d'Alain GIORGETTI est ciselée, les personnages puissants, l'histoire glaçante.

 

Lisez « Massif » et on en reparle !

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2023-03-28T19:27:14+02:00

Dictionnaire Marguerite YOURCENAR

Publié par Tlivres
Dictionnaire Marguerite YOURCENAR

Mon  #Mardiconseil c’est un livre découvert grâce à Masse Critique, l’occasion de remercier Babelio et les éditions Honoré CHAMPION de ce cadeau.

Dans ce livre, dirigé et préfacé par Bruno BLANCKEMAN, vous trouverez tout ce que vous avez toujours voulu savoir de Marguerite YOURCENAR. Elle est née à Bruxelles en 1903. Elle s’installe aux Etats-Unis en 1939 et devient citoyenne américaine à partir de 1947. Elle meurt à Bar Harbor en 1987.

Femme de lettres, elle est la première femme élue par l’Académie française le 6 mars 1980.

Yourcenar est en réalité l’anagramme de son nom de famille, de Crayencour. Elle y a supprimé la particule (elle mépris l’aristocratie) et le c en doublon. Elle n'a que 16 ans quand elle l'impose à tous. 

Comme tout dictionnaire, c’est un abécédaire qui est décliné.

Tout commence par la définition telle qu’elle aurait pu être écrite par Marguerite YOURCENAR et puis, viennent les illustrations du concept à travers les oeuvres de l’autrice.

Je vous propose « Blues et gospels », le titre d’un recueil de textes illustrés avec des clichés de Jerry WILSON. Il y est évoqué son rapport à la condition noire. Grace FRICK, originaire du Missouri, la sensibilise au sujet. Marguerite YOURCENAR commence à partir de 1950 à collectionner des textes d’archives. Après le décès de sa compagne, elle continuera de visiter les états du sud américain et fera connaissance avec nombre de chanteurs et musiciens noirs. Elle leur dédiera ce livre.

Et puis, l’écologie. L’écrivaine s’est intéressée très tôt au mouvement. Elle s’inspire des propos notamment de Rachel CARLSON aux Etats-Unis. Elle portera une attention toute particulière aux arbres et aux animaux. Elle lèguera une grande partie de son patrimoine au World Wild Life Fund.


J’aime aussi tout particulièrementd la « peinture ». « Pour elle, la peinture est bien plus qu’une référence culturelle. Il s’agit d’une expérience générale du monde qui part de l’image et la dépasse amplement. La peinture est une école de sensations, un guide pour appréhender la réalité. » P. 615

Ce livre, c'est une compilation des oeuvres de l'écrivainte et poétesse, un peu comme un coffre à trésor que vous aimerez garder près de vous, y plonger ponctuellement et savourer l'oeuvre de cette grande dame de la littérature. Avouons que l'opération #marsaufeminin a encore aujourd'hui beaucoup de cachet. Le propos est lumineux et inspirant !

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2023-03-21T21:50:11+01:00

Requiem Poème sans héros et autres poèmes de Anna AKHMATOVA

Publié par Tlivres
Requiem Poème sans héros et autres poèmes de Anna AKHMATOVA

Gallimard

Anna AKHMATOVA (pseudo de Anna GORENKO), je l’ai découverte avec « L’Archiviste » d’Alexandra KOSZELYK. C’est une poétesse qui, pendant 20 ans, est allée faire la file d’attente d’une prison en quête de son fils.

 

Et là, en ouvrant le recueil de poésie de Diglee, "Je serai le feu", que vois-je ? Un texte d'Anna AKHMATOVA.

 

Je cherche quelques informations sur cette poétesse et découvre qu'elle est née à Odessa le 11 juin 1889 et décédée le 5 mars 1966.

 

Je lis que cette femme, née dans un milieu bourgeois, a fait l'objet de persécutions du régime stalinien à partir de 1917. 

 

Assoiffée de liberté, rebelle, définie comme réactionnaire par le parti au pouvoir, elle choisira de rester sur la terre qui l’a vue naître. 

 

Elle résistera par ses vers, parfois lus devant ses amis et appris pendant la nuit, brûlés au petit jour pour ne laisser aucune trace compromettante.

 

J'aime les femmes fortes, les femmes qui défendent des causes communes.

 

Et puis, je voue une admiration sans borne aux femmes qui résistent avec leur crayon, qui écrivent pour dénoncer, qui décrivent avec leurs mots l'ignominie des hommes qui continue de sévir.

 

Alors quitte à présenter sa poésie, autant proposer un recueil complet : « Requiem Poème sans héros et autres poèmes » dont la structuration varie dans le temps :


Mais il faut noter que, dès ses débuts, elle n’a cessé d’une édition à l’autre, de remanier ses recueils : l’ordre des poèmes, leur groupement en cycles, tout était sujet à changer. P. 12

Pourquoi ? Pour déjouer les affres du pouvoir qui cherche dans ses écrits ce qui pourrait la faire tomber. Il la condamnera dans les années 1920 puis en 1946. 

 

Ce livre regorge de poèmes, des courts, des longs. Je pourrais vous en citer tant… mais il me semble que celui-là s’impose de lui-même aujourd’hui :


Printemps. Le matin est ivre de soleil,
Plus net le parfum des roses sur la terrasse,
Le ciel a plus d’éclat qu’une faïence bleue.
Le cahier est relié en maroquin très souple,
J’y lis ses stances et des élégies,
Qui furent écrites pour ma grand-mère.

Je vois le chemin jusqu’à la grille, les bornes
Se détachent en blanc sur l’émeraude du gazon.
Oh ! Ce coeur est plein d’un amour exquis, aveugle.
Et quelle joie ! Ces couleurs dans les massifs,
Et dans le ciel le cri aigu du corbeau noir,
La voûte du cellier au profond de l’allée.

Ces quelques lignes sont extraites du Chapitre « Tromperie » dédié à M.A. ZMUNCHILLA. Nous sommes en 1912.

 

En naviguant sur internet, j’en ai trouvé une version animée…

Avec ce recueil, je coche la case 4 du challenge #marsaufeminin de Flo and Books, j’assure la mémoire d’une poétesse 🙌

 

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2023-03-14T07:00:00+01:00

Le Grand Saut de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Le Grand Saut de Thibault BERARD

Editions de L’Observatoire

 

Thibault BERARD, je l’ai découvert avec les 68 Premières fois avec son premier roman "Il est juste que les forts soient frappés", un titre qui bat tous les records en version hashtag. Cette autofiction m’a fait vivre un ascenseur émotionnel, un énorme coup de ❤️

 

Et puis il y a eu "Les enfants véritables", un nouveau coup de ❤️ pour un roman différent, toujours inspiré pour partie de sa vie personnelle mais dans un parfait équilibre avec des personnages créés de toutes pièces par un écrivain de talent.

 

Là, avec « Le Grand Saut », 3ème roman publié aux éditions de L’Observatoire que je remercie pour le joli cadeau, le romancier laisse libre cours à son imagination, c’est un bijou.

 

Léonard, un vieux monsieur tombe dans sa cuisine, il meurt. Son avatar vient le visiter et lui rappelle tous les moments de sa vie, les bons, les plus difficiles. Enfant, il a toujours voulu être poète. Après des études littéraires, il a rencontré Lize dont il est tombé fou amoureux. Et puis, il y a eu la vie de couple rongée par les contraintes quotidiennes. Dans une autre maison, se produit un autre drame. La petite Zoé vit actuellement avec son Papa. Sa Maman est hospitalisée, la fillette ne peut aller la voir. Mais pourquoi est-elle dans cet état insupportable ? Que lui est-il arrivé ? Puisque son père ne lui délivre aucun indice, Zoé va lancer elle-même son enquête. Elle pourrait bien découvrir un secret pas si bien gardé !

 

Quel plaisir de retrouver la plume de Thibault BERARD, ses mots sont d’une éblouissante tendresse, les phrases délicates et le propos fantaisiste. L’écrivain nous livre un nouveau roman intimiste construit autour de deux huis-clos et des destins qui pourraient finir par se croiser sous le jeu de l’écriture. 

 

Le titre m’a interpellée. J’ai ainsi cherché dans le dictionnaire la signification de l’expression « Faire le grand saut ».

 

Il y a le sens propre. Ça veut dire mourir. Mais ne craignez rien, avec Thibault BERARD, la mort prend une dimension d'un nouveau genre, un brin fantasque. Quelle formidable idée que cet avatar ! 

 

Et puis il y a le sens figuré ! « Faire le grand saut », ça veut dire aussi faire un changement important, réaliser quelque chose longtemps hésité. Je dois dire que j'ai aimé l’instant de rupture de ce roman, le moment où le vernis craquelle pour laisser place à l’authenticité de l’oeuvre. Impossible de vous en dire plus sans spolier l’histoire. Et je m’en voudrais de rompre avec l’ambiance mystérieuse entre rêves et réalité, chimères et raison, savamment nourrie par l’auteur.

 

Je voudrais juste vous dire que la petite Zoé m’a profondément émue et sa mère bouleversée.


En fait, elle a envie de faire exactement le contraire de s’aérer : elle veut s’enfouir comme une taupe dans les vieux souvenirs, en respirer la poussière douce et chaude à s’en brûler les poumons. Elle veut rentrer sous la terre de sa mère et s’y blottir. P. 73

 

Le sens figuré va bien aussi avec la démarche de Thibault BERARD, qui trouve dans l’imagination le loisir de se développer, tout en beauté.

 

Je voudrais aussi saluer la qualité de la première de couverture, un bon moyen d’illustrer #marsaufeminin. La photographie de Fabrice DURAND représente des garçons sur un plongeoir de bord de mer et une fille, en plein saut. Quelle plus belle invitation à se réaliser !

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2023-03-07T07:00:00+01:00

Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Publié par Tlivres
Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Au Book club circulent mille et une références, même des essais.

Place aujourd'hui au livre "Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde", aux éditions Allary, de Lauren BASTIDE, journaliste, que vous connaissez peut-être déjà avec le podcast "La Poudre".

Dès les premières pages, l'écrivaine nous livre son dessein :


Dans Futur.es, je vais suggérer que le féminisme peut sauver ce monde qui est en train de brûler sous nos yeux. P. 14

Ce livre, mon #mardiconseil, est à découvrir pour plusieurs raisons.

D'abord, il a le mérite de poser le regard d'une jeune femme, contemporaine, sur la société. Si on a l'habitude de ressasser les propos des féministes des siècles passés, il est aussi important, je crois, de se confronter aux jeunes générations et au féminisme d'aujourd'hui pour en mesurer toute son ambition. Je me souviens il n'y a pas très longtemps du roman de Wendy DELORME, "Viendra le temps du feu", qui m'avait déjà mis sur la voie.

Et puis, lire Lauren BASTIDE, c'est aussi s'approprier des concepts sociétaux d'aujourd'hui comme le cisgenre qui, dans le Petit Robert, désigne "une personne dont l'identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance", par opposition aux trans.

J'y ai découvert aussi le "plafond de mère". J'avais connaissance du plafond de verre généralement utilisé dans le monde professionnel pour décrire ce niveau au-dessous duquel sont cantonnées certaines catégories de la population en lien avec les discriminations dont elles sont victimes. Là, on parle spécifiquement des femmes. La notion a été inventée par Marlène SCHIAPPA, fondatrice de l'Association Maman travaille. Elle englobe tout ce qui entrave la vie professionnelle des femmes et la carrière des mères. 

J'ai pu encore y explorer le "care" et son histoire. Vous en avez peut-être entendu parler au moment du confinement lié au covid19. Les femmes auraient cette capacité, plus que les autres, de porter attention à l'autre. C'est ce qui les prédestinerait aux métiers du soin notamment. Parce que tout s'explique (humour bien sûr) !

Il y a encore le rapport à la sexualité qui conditionnerait le rôle et la position des femmes dans l'organisation de la société. A bas l'hétérosexualité qui l'asservit. Peut-être.

Mais, plus que tout, ce qui m'a intéressé, ce sont les perspectives d'avenir. La planète souffre du réchauffement climatique, l'humanité est menacée, comment résister ?

Lauren BASTIDE revient sur la genèse de l'écoféminisme formulé pour la première fois par Françoise D'EAUBONNE en 1974, il y a une cinquantaine d'année déjà. C'est le croisement des termes écologie et féminisme. Et si la protection de l'environnement passait par une régulation des naissances, et donc, l'émancipation des femmes par la réappropriation de leur corps...

De tout ce que j'ai lu, de toutes les références citées, je retiendrai cette phrase :


Il y a un fil rouge entre tous les courants de pensée féministes, aussi variés soient-ils : une volonté de regarder le monde depuis un point de vue radicalement différent. P. 22

Le féminisme, c'est ce pas de côté. Et en cela, le propos de Lauren BASTIDE est profondément inspirant.

"Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde" me permet de cocher une seconde case du challenge #marsaufeminin initié par Floandbooks

Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

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2023-02-28T08:13:40+01:00

Ceci n'est pas un fait divers de Philippe BESSON

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Ceci n'est pas un fait divers de Philippe BESSON

Dans le cadre du #challengedelhiver de Vleel, je fais mon petit bonhomme de chemin.

Après

Un livre d’un éditeur reçu par Vleel : "Les Mangeurs de nuit" de Marie CHARREL

Un roman graphique ou BD : "La dernière reine" de Jean-Marc ROCHETTE

 

Un auteur reçu par Vleel depuis ses débuts en 2020 : "Les Enfants endormis" d'Anthony PASSERON

Un livre de nature writing : "Encabanée" de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

place aujourd'hui à 

Un livre ho! ho! ho!

j'ai choisi "Ceci n'est pas un fait divers" de Philippe BESSON aux Editions Julliard. C'est mon #mardiconseil.

Ce roman, c'est une indignation, il pourrait résonner comme : oh! oh! oh! Stop maintenant !

Cécile Morand, c’est un peu l’enfant de Blanquefort, une commune de Gironde. Elle est née dans les années 1970. Ses parents étaient buralistes. Quand sa mère est décédée prématurément d’un cancer foudroyant, c’est Cécile, âgée alors de 18 ans, qui lui a succédé. Et puis, il y a eu cette rencontre avec Franck à l’entrée d’une discothèque, la soirée passée ensemble, une nuit d’amour, une grossesse. Ils ont emménagé ensemble. Ils ont eu un garçon, de 19 ans aujourd’hui, entré à l’Opéra de Paris. Il a quitté le foyer depuis 5 ans pour réaliser son rêve. Et puis, ils ont eu une fille, Léa, 13 ans. Seule Léa est témoin des disputes familiales, jusqu’au jour où, Léa appelle son frère : « Papa vient de tuer Maman ».

L’affaire est grave. Philippe BESSON s’inspire d’une histoire vraie qui lui a été rapportée par un jeune homme rencontré lors d’une dédicace et qui, après plusieurs mois, lui a délivré cette même phrase.

Ce qui m’a particulièrement fasciné dans ce roman, c’est l’angle d’attaque de Philippe BESSON. Il dédie son roman tout entier à l'exploration de la vie après l'instant de rupture, ce moment qui rend les êtres vulnérables, fragiles, sans repère. 

Ce roman est aussi porteur d'un message d'indignation, oui.

Philippe BESSON dénonce les rouages de la justice qui ne manqueront pas de vous offusquer j'en suis persuadée. C'est effectivement ce que l'Etat français réserve aujourd’hui aux enfants de femmes victimes de féminicide ! Nous sommes en 2023, il est temps, je crois, de dire stop. Si loin de l'auteur le souhait de militer, il n'en demeure pas moins que son livre dévoile des faits, il pose les mots sur ce qui existe aujourd'hui, libre à chacun de se les approprier pour agir. Ce roman relève pour moi de l’acte politique.

Si vous connaissez Philippe BESSON, vous prendrez plaisir à retrouver sa plume, une certaine sensibilité qui agit comme sa signature.

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Ceci n'est pas un fait divers de Philippe BESSON

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2023-02-21T07:00:00+01:00

Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

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Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

Les challenges littéraires ont du bon, celui d'aller en librairie en quête de la lecture qui remplira la case convoitée. 

Pour le Challenge de l'hiver organisé par l'équipe de Vleel, je suis partie en quête d'un nature writing et j'ai trouvé "Encabanée", le premier roman de Gabrielle FILTEAU-CHIBA, édité initialement chez Gallimard et désormais disponible chez Folio.

Anouk a 25 ans. Après avoir lu "Kamouraska" de Anne HEBERT, elle décide de quitter Montréal pour partir à la découverte de cette région du Bas-Saint Laurent au Québec. Elle choisit de partir en hiver, cette saison si hostile pour se confronter à dame Nature. Son objectif : survivre, seule. Côté solitude, elle n'est pas au bout de ses surprises mais là commence une autre histoire !

 « Encabanée », c’est un roman autobiographique de Gabrielle FILTEAU-CHIBA, construit comme un journal intime qui se déroulerait du 2 au 10 janvier. C'était il y a 4 ou 5 ans. Il s’achèvera en apothéose. 

Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous livre son parcours initiatique dans un environnement enneigé que la température très froide suffit à geler. Dès lors, elle doit faire oeuvre d'ingéniosité pour assurer une chaleur suffisante dans l'antre de bois qui l'accueille. Ses connaissances et ses expériences personnelles deviennent les clés de sa réussite. 


J’ai appris à tâtons les secrets des essences. Le bouleau à papier attise les flammes, l’épinette sert de petit bois d’allumage, et l’érable donne de longues bouffées de chaleur qui me font rêver aux sources thermales des Rocheuses. P. 23

Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous offre un premier roman comme une bouffée d’air frais vers un avenir meilleur. C'est à 25 ans qu'elle a tout plaqué. Elle incarne donc cette jeune génération qui rêve d'un environnement naturel préservé et d'un mode de vie réduit à l'essentiel. Mais existe-t-il encore aujourd'hui sur la planète un lieu vierge de l'empreinte de l'Homme ? 

Et puis, ce roman est fait de toutes ces petites choses qui sont autant de pépites, à l’image des dessins (la jeune femme est aussi illustratrice) et puis, le glossaire d’expressions québécoises dont l’autrice est une fervente défenseuse : une « chaise berceuse » pour dire un fauteuil à bascule, joli, non ? Et puis « cogner des clous » pour piquer du nez, pas mal non plus !

Enfin, celles et ceux qui passent leur journée à écrire des listes s'y retrouveront aussi. Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous dévoile quelques un de ces voeux les plus chers, en fonction de ses humeurs.

Les phrases sont courtes, elles témoignent de la vivacité d'esprit de la jeune femme comme autant de pensées brèves et éphémères, la plume est fraîche et inspirante. Me voilà revigorée grâce à l'équipe de Vleel !

Retrouvez les autres livres du #challengedelhiver

Un livre d'un éditeur reçu par Vleel : 

Les éditions de l'Observatoire avec "Les Mangeurs de nuit" de Marie CHARREL

Un roman graphique ou BD :

"La dernière reine" de Jean-Marc ROCHETTE

Un auteur reçu par Vleel depuis ses débuts en 2020 :

Anthony PASSERON avec "Les Enfants endormis"

Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

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2023-02-07T20:00:49+01:00

L’heure des oiseaux de Maud SIMONNOT

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L’heure des oiseaux de Maud SIMONNOT

Editions de L’Observatoire

Nouvelle référence du Book club, lecture coup de poing, rien de moins !

Ce roman est un brin mystérieux, il est aussi profondément troublant.

Il y a Lily, une enfant accueillie à l’orphelinat de l’île de Jersey, une terre anglo-normande. Elle porte une attention toute particulière à un enfant, le Petit. Tous deux essaient de se protéger des coups, mais, dans les années 1900, la maison de dieu se révèle des plus violentes. En 2008, une découverte macabre met en émoi la population de l'île. La narratrice, une ornithologue, a tout intérêt, des dizaines d’années après, à faire la lumière sur les détails de la tragédie. Une nouvelle page de l'Histoire s'ouvre alors !

Vous vous souvenez peut-être du livre de Michel JEAN, « Maikan » largement plébiscité par l'équipe de Vleel. Il dénonçait alors les sévices et autres mauvais traitement sur des enfants amérindiens retirés de leur famille par des religieux catholiques pour les éduquer, les civiliser, les assimiler. Là nous sommes dans la même veine, les petites victimes sont les enfants de familles pauvres. Honte sur l’Eglise. Maud SIMONNOT nous livre un roman engagé. Elle dénonce les faits et tous ceux qui savaient mais ont laissé faire. Elle concourt à la mémoire des disparus.


Les habitants d’aujourd’hui, eux, ne pouvaient être comptables de crimes anciens, cependant ils étaient complices en continuant de se taire. P. 38

Maud SIMONNOT évoque l’amnésie post-traumatique, la douleur et le déchirement de ceux qui sont marqués à jamais par une enfance maltraitée.

Dans la prose de l’écrivaine, il y a aussi de magnifiques descriptions de la faune et de la flore. L’île de Jersey est aussi appelée l’île aux oiseaux. Elle en compterait pas moins de 300 espèces. Maud SIMONNOT rend hommage à Olivier MESSIAEN, ornithologue et rythmicien, et sa femme Yvonne LORIOD.

À travers le personnage de Lily, l’autrice évoque la puissance de la nature, sa capacité à ressourcer l'Homme.


Lily sent que l’arbre est le centre vivant d’un cercle invisible qui la protège. P. 62

Le jeu de la narration, les chapitres courts... sont autant d'éléments qui renforcent le pouvoir des mots de Maud SIMONNOT. La plume est ciselée, les personnages écorchés. Coup de maître, chapeau !

Retrouvez les références du Book club :

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 
 
"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS
"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL
 
 "Les enfants sont rois" de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer" de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

 

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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