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Articles avec #mardiconseil catégorie

2025-01-14T07:00:00+01:00

Élu domicile de Catherine MALARD

Publié par Tlivres
Élu domicile de Catherine MALARD
 
De Catherine MALARD, j'avais déjà lu "En Compagnie des Indes".
 
Il n'aura suffit que d'un signe de l'autrice pour que je replonge avec son tout dernier roman, "Élu domicile".
 
Constance rêve de vivre au bord de l'eau. Sur les conseils d'une amie, elle visite une maison donnant sur La Loire. Elle en tombe immédiatement amoureuse et ne tarde pas à signer la promesse d'achat. Sa fille de 8 ans, Elsa, est loin de s'imaginer vivre dans cette masure. Quant à la mère de Constance, elle a plus d'une critique dans son sac ! Ce projet pourrait bien tomber à l'eau, à moins que Constance ne décide de rester maître à bord et de poursuive son dessein, coûte que coûte...
 
Ce roman, c'est bien sûr la découverte du monde de l'immobilier et de ses codes, son vocabulaire, ses règles. Pour qui est néophyte dans le domaine, acheter une maison nécessite d'une acculturation au sujet. Constance s'y plie pourtant.
 
À travers l'acte d'achat de Constance, c'est aussi la perception pour son entourage de quelque chose de presque irrationnel. Acquérir une vieille maison relève tout simplement de la folie. Qu'il s'agisse de la jeune génération dont le modèle de maison ne coïncide pas avec celui de Constance comme de la génération des parents qui imaginent ce projet impossible à réaliser, qui plus est, seule ! Je me suis indignée de voir cette mère, une femme, aussi peu scrupuleuse de ce que sa fille pourrait réaliser.
 
Mais ce qui m'a beaucoup plus intéressée dans ce roman c'est la découverte d'une caverne d'Ali Baba par Constance. Imaginez, une maison remplie de vieilleries, de bibelots, des étoffes, comme autant d'objets porteurs d'un brin d'histoire. Pour la médiatrice culturelle, il s'agit là d'un formidable terrain de jeu.
 
Et puis il y a cette rencontre avec une toile de Paul KLEE, "Ad Parnassum", une oeuvre réalisée en 1932 par le peintre allemand. Catherine MALARD nous propose de nous pencher sur cette création pointilliste, une toile de l'artiste surréaliste, professeur au Bauhaus.
 
"Élu domicile" est un court roman, presque une nouvelle, la chute est tragique.
 
Comme j'ai aimé retrouver la plume de Catherine MALARD, cette amoureuse des mots qui en joue. En la lisant, j'avais presque l'impression de l'entendre parler. Si vous connaissez sa verve et son humour (cf les rencontres littéraires de l'association Bouillon de cube), laissez-vous séduire, plongez ! Pour les autres, réjouissez-vous, partez à sa découverte, c'est une très belle lecture.

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2025-01-07T07:00:00+01:00

Le Bouquiniste Mendel de Stefan ZWEIG

Publié par Tlivres
Le Bouquiniste Mendel de Stefan ZWEIG
 
Traduction de Manfred SCHENKER
 
Nouvelle bonne pioche du Book club, "Le Bouquiniste Mendel" de Stefan ZWEIG. De l'auteur, je me souvenais de la "Lettre d'une inconnue".
 
 
Au café Gluck de Vienne, un fidèle client y travaille, un bouquiniste, Jakob Mendel, un homme qui voue aux livres toute sa vie, une vie faite d'abnégation, une vie coupée du monde alors qu'il grouille tout autour de lui, une vie que rien, sauf la guerre, ne saurait entraver.
 
Stefan ZWEIG nous livre une nouvelle, un texte court, écrit à la première personne du singulier, dont on pourrait supposer qu'il s'agit d'un récrit autobiographique.
 
Homme de lettres, Stefan ZWEIG voue une admiration sans limite au bouquiniste qui revêt, par sa capacité à s'isoler du monde grâce aux livres, une dimension surnaturelle, mi homme mi dieu. Il nous décrit comme un état supérieur, celui de la contemplation, un exercice de concentration auquel l'être humain ne peut accéder qu'avec une discipline d'ascète.

Si les livres ont ce pouvoir d'évasion sur le bouquiniste Mendel, il y a une autre finalité que veut traiter Stefan ZWEIG, celle de la postérité.


A quoi bon vivre, si le vent sur nos talons efface toute trace de notre passage ? P. 38

 
Mais cette existence, aussi profonde et mystique soit-elle, ne saurait être épargnée par l'ignominie de la guerre. Stefan ZWEIG écrit cette nouvelle à la fin des années 1920, un texte qui sera publié en 1935 dans un recueil intitulé "La Peur" réunissant six de ses nouvelles.
 
Il y a cette impitoyable machine lancée par l'homme, plus destructrice que tout, une menace y compris sur les intellectuels auxquels il s'identifie. Stefan ZWEIG a bien conscience de la puissance de la guerre y compris contre le savoir. Il y a dans ce texte une telle indignation de l'auteur que nous ne pouvons, avec du recul, qu'imaginer le destin de l'écrivain lui-même...
 
Ce qui m'a profondément touchée dans cette nouvelle, c'est la cohabitation de deux mondes parallèles. Peut-être vous êtes vous déjà fait cette réflexion, captivé.e par une lecture, de ne plus vous sentir ancré.e dans la réalité. Là, l'auteur force le trait pour en faire un objet littéraire. 
 
Et puis, un sujet que je crois récurrent chez Stefan ZWEIG, c'est la mémoire, le pouvoir fascinant qu'elle a d'enregistrer des connaissances comme le bouquiniste Mendel le réussit très bien, véritable encyclopédie, et sa partie mystérieuse aussi, celle qui fait que des souvenirs s'évaporent...


J'étais agacé, comme nous le sommes toujours à chaque fois qu'une quelconque défaillance nous fait constater l'insuffisance et l'imperfection de nos capacités mentales. Mais je ne renonçais pas à l'espoir de pouvoir encore reconquérir ce souvenir. Je le savais bien, il me suffisait de trouver un minuscule hameçon, car ma mémoire est si étrange, bonne et mauvaise à la foi, têtue, capricieuse, puis à nouveau incroyablement fidèle ! P. 19

Cette nouvelle est terriblement poignante, elle est empreinte de désespoir sur la dimension humaine comparée à un "microbe". Quant aux livres...

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2024-12-24T07:00:00+01:00

Le Bal de Diane PEYLIN

Publié par Tlivres
Le Bal de Diane PEYLIN

Editions Héloïse D'Ormesson

 

Ce roman familial, un cadeau de la maison d'édition, dormait depuis quelques temps déjà dans la bibliothèque et puis là, à la veille de partir en vacances, je l'ai choisi, c'est une pépite.

 

Rosa vit dans la Villa des Ronces près d'Aubenas en Ardèche. Elle reçoit pour l'été l'un de ses fils, Robin, avec sa femme, Suzanne, et leur fille Jeanne. Chaque été depuis 17 ans, ils fêtent l'anniversaire d'Alexandre, le mari de Rosa. Cet anniversaire est un peu particulier puisqu'Alexandre n'est pas là. Il avait assuré à Rosa qu'il était immortel alors la famille continue d'honorer l'homme fantasque qu'il était, clown de profession, mais cette année pourrait être celle de trop. En pleine canicule, les esprits s'échauffent, le verbe est haut... toutes les conditions sont réunies pour que les mots soient enfin prononcés, des mots explosifs, pour le pire... à moins que ça ne soit pour le meilleur !

 

Je ne connaissais pas encore la plume de Diane PEYLIN, elle est juste sublime. L'écrivaine a ce talent d'aborder la vie avec poésie. 

 

Dans le huis-clos de cette villa transmise de mère en fille depuis quatre générations, c'est Rosa qui est aux commandes. Cette femme de 70 ans passés rayonne. Elle est à la fois mère, belle-mère, grand-mère. J'ai aimé ce personnage généreux, à l'écoute de chacun, disponible. Dans sa cuisine, dans son jardin, elle incarne une certaine forme de plénitude. 


Ce qu'elle recherche Rosa, c'est une paix intérieure. Sans attente particulière si ce n'est une sensation d'harmonie, une connexion immédiate et dénuée d'intérêt avec l'univers. Rien de prétentieux. Rien de vain. Une simple disponibilité. Non contrainte. Un état. Être là. Dans ce parfum de verdure discret, dans cette lumière derrière les nuages, dans ces racines sous les feuilles, dans ces rivières souterraines. Être là, dans ce souffle d'air imperceptible, respiration de ceux qui ne respirent plus. P. 75-76

Face à elle, un microcosme familial en souffrance. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus pour ne pas déflorer l'histoire.

 

Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est le présent, cette manière d'aborder la vie en se délectant du moment. Le fil de la vie se tisse au ralenti comme une bouffée d'air dans nos existences chahutées par un rythme effréné.


Fixer ces instants. Les regarder avec insistance et non pas vouloir les maintenir. Seulement être là. Avec eux. Ne pas passer à côté. Ne pas les banaliser. Faire de ces petites choses des événements extraordinaires. P. 92

Diane PEYLIN excelle dans les descriptions éminemment sensorielles. J'ai touché, vu, entendu, senti, goûté. Les scènes ont défilé sous mes yeux, elles se sont imprimées dans mon esprit. J'ai savouré cette lecture et le contact tout particulier à la nature.

 

Après "L'art de l'esprit joyeux" d'Alexandre JOLIEN et Laurent JOUVET, puis "Smoothie" de Stéphanie GLASSEY, "Le bal" s'inscrit dans la lignée d'une sage philosophie, savourer chaque instant. Quelle plus belle manière d'aborder une nouvelle année...

 

Retrouvez toutes les chroniques des livres des éditions Héloïse d'ORMESSON présents sur la photo :

 

 

Lucie ou la vocation de Maëlle GUILLAUD
Baisers de collection d'Annabelle COMBES
Les bleus étaient verts d'Alain JASPARD
Pleurer des rivières d'Alain JASPARD
Pour quand tu seras grande de Véronique GALLO
Yonah ou le chant de la mer de Frédéric COUDERC
Le Monde qui reste de Pierre VERGELY
Les Murmures de la terre de Véronique BIEFNOT
Une princesse modèle de David BRUNAT
Ma double vie avec Chagall de Caroline GRIMM
Avant elle de Johanna KRAWCZYK

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2024-12-17T07:00:00+01:00

Les yeux de Mona de Thomas SCHLESSER

Publié par Tlivres
Les yeux de Mona de Thomas SCHLESSER

Albin Michel

 

Coup de ❤️ pour ce roman de Thomas SCHLESSER, historien de l'art, la découverte d'une nouvelle plume qui n'en est pas à son coup d'essai. Merveilleuse nouvelle, je vais pouvoir me délecter d'autres ouvrages, des romans comme "Les yeux de Mona", des essais aussi.

 

Cette publication, c'est aussi l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'illustratrice, Cristina SAMPAIO.

 

Mais revenons à ce qui m'a séduit.

 

Une enfant, Mona, de l'âge de 10 ans, est victime d'une cécité, aussi brève qu'intense. Sa mère, Camille, la quarantaine, l'emmène consulter un ophtalmologue chez qui des visites régulières seront programmées. Le père, Paul, accueille Mona dans sa brocante, un véritable coffre à trésors que la petite fille s'évertue à découvrir. Lorsque des séances chez un pédopsychiatre sont envisagées, le grand-père maternel de Mona se propose de prendre en charge l'enfant, sous réserve que les parents ne l'interrogent jamais sur les séances en question. Alors commence une vie clandestine, le grand-père substitue à la visite du thérapeute l'exploration, chaque mercredi après-midi, d'une oeuvre d'art. Il en a prévu 52 pour couvrir une année entière, de quoi s'offrir quelques séances de médiation culturelle hors du commun. 

 

Dans ce roman, il y a tout ce que j'aime.

 

D'abord, l'art. Au fil de 52 créations, je me suis délectée des enseignements du grand-père de Mona pour revisiter certains mouvements et explorer des oeuvres que je ne connaissais pas encore, ou si peu. Quelle plus séduisante initiative que de proposer à sa petite-fille d'apprécier la beauté !

 

Sur la forme, vous aurez bien sûr reconnu le regard de "La jeune fille à la perle" de VERMEER sur la première de couverture. Vous aurez tout le loisir de l'ouvrir et la déplier pour y découvrir les 52 oeuvres d'art, principalement des toiles mais aussi des sculptures. Ingénieux !

 

Toujours sur la forme, le roman est construit en trois parties pour représenter trois grandes périodes de l'Histoire de l'art incarnées par trois sites, trois musées : Le Louvre, Orsay et Beaubourg.

 

Et puis, il y a une histoire familiale avec quelques failles et un terrible secret. Les personnages sont profondément attachants. Ils pourraient être vous, moi, nous. Je me suis surprise à mille et une reprises à m'identifier à ce grand-père dans ce qu'il a de profondément généreux. La transmission par la voie de la grand-parentalité est absolument fascinante. Comme j'ai aimé tous ces passages de très grande complicité partagés avec sa petite-fille.

 

Et encore, l'approche du regard, cette capacité à observer, contempler, analyser. Si la vie d'aujourd'hui nous amène à vivre tout vite et intensément, cette lecture nous invite à prendre le temps, celui de regarder une oeuvre d'art pendant une vingtaine de minutes, s'abstenant de tout commentaire, pour s'en imprégner, pour voir tout simplement. C'est une très belle leçon de vie qui peut être déclinée dans d'autres registres que l'art. 

 

Le suspense enfin. Mona a bien compris que l'accès à l'information lui était interdit à propos de sa grand-mère. Elle va en faire son cheval de bataille, ce qui va rythmer le roman, tout comme les séances chez l'ophtalmo dont on ne peut présumer de l'issue. Il y a une urgence à dénouer les fils de ces deux existences.

 

Bref, ce roman est absolument parfait. C'est mon #mardiconseil.

 

J'ai déjà hâte de retrouver la plume de Thomas SCHLESSER !

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2024-12-03T07:44:13+01:00

Je suis Iranienne de Mona JAFARIAN

Publié par Tlivres
Je suis Iranienne de Mona JAFARIAN

Cette lecture m'a été proposée par les éditions  de L'Observatoire que je tiens à remercier tout particulièrement.

"Je suis Iranienne" relève d'une action militante de Mona JAFARIAN, elle-même Franco-Iranienne et co-fondatrice du collectif Femme Azadi à la suite de la mort de Mahsa AMINI, cette jeune femme, étudiante de 22 ans   décédée à Téhéran quelques jours après son arrestation par la Police des Moeurs pour le port de vêtements inappropriés.

Quelques cheveux dépassant d'un voile ne sauraient engendrer un tel déferlement de violence de la part des mollahs, les gardiens du régime de Khameini. Cette fois, c'en est trop. Les femmes descendent dans la rue, les hommes ne tarderont pas à suivre, pour manifester contre cette dictature.

Cette lecture intervient quelques jours après avoir lu dans la presse que les mollahs interdisent désormais aux femmes de parler entre elles. Ils détruisent ainsi le terreau de toute démocratie. Il ne leur restait plus que cette liberté-là !

Comme je viens de l'évoquer, habituellement, les informations nous parviennent grâce aux journaux. On y parle des femmes. L'initiative de Mona JAFARIAN est troublante, avec Parissa, Mina, Sepideh, Mahnaz, Farahnaz, Elham, Sarah, Marjane, Azadeh, Baran, Ghazal et Kamelia, elle incarne le mouvement.

 

Pourquoi les citer chacune ? 

✊ Parce que ce sont des héroïnes du quotidien que le régime ne saurait faire taire. 

✊ Parce que ce sont des femmes qui descendent dans la rue pour faire tomber le régime. 

✊ Parce qu'elles se savent les cibles des mollahs mais décident pourtant de se battre, à la vie à la mort. Elles risquent d'être arrêtées à chaque instant, violées, torturées, tuées. 

Avec ce livre, Mona JAFARIAN personnifie le combat et ça change tout. Là, plus aucune frontière entre nous !

Les témoignages de ces 12 femmes sont des trésors... de guerre, des propos tenus dans la clandestinité pour informer le monde entier des violences qu'elles subissent. Violences, le mot, même au pluriel, n'est rien à côté de ce qu'elles endurent de la part des hommes. Des hommes, comment pourrions-nous imaginer les appeler encore des hommes ?

Ces récits de vie sont absolument effarants, quel déchaînement de haine ! 

Mais là où la force se dégage, c'est dans le courage, l'abnégation de Parissa, Mina, Sepideh, Mahnaz, Farahnaz, Elham, Sarah, Marjane, Azadeh, Baran, Ghazal et Kamelia.


Cette jeunesse iranienne est un phare dans l'obscurantisme qui gangrène le monde. P. 91

Parce qu'elles ont besoin de nous pour continuer de RÉSISTER, ce livre devient une arme à portée de nos mains.

Je vous invite à le lire pour les mettre dans la lumière, leur assurer notre soutien. Affaire de sororité ? Qui sait ? Elles scandent ce slogan "Femme Vie Liberté". Je plaiderai plutôt en la faveur d'une affaire d'humanité .

C'est mon #Mardiconseil.

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2024-11-19T20:56:30+01:00

L'art de l'esprit joyeux d'Alexandre JOLIEN et Laurent JOUVET

Publié par Tlivres
L'art de l'esprit joyeux d'Alexandre JOLIEN et Laurent JOUVET

Almora éditions

Ce livre a sa petite histoire. Je m'en suis saisie dans le labyrinthe de la Librairie LHERIAU menant à la dédicace d'Alice ZENITER pour son dernier roman, "Frapper l'épopée". Quelle belle idée !

J'aurais pu choisir un roman de la rentrée littéraire mais Alexandre JOLLIEN me fascine.

J'ai lu de lui "Eloge de la faiblesse" et puis chaque fois que je pense à lui, c'est dans la première et la dernière scènes du film dans lequel il joue avec Bernard CAMPAN, "Presque", elles donnent à voir une telle liberté, une telle insouciance et un tel lâcher prise. Pour autant, ne croyez pas que ça soit plus facile pour lui que pour les autres !

D'ailleurs, c'est après avoir traversé l'une des périodes les plus noires, hanté par ses peurs, qu'Alexandre JOLLIEN s'est mis à converser avec Laurent JOUVET. Il faut dire que ces derniers temps, sa femme Corinne avait choisi de lui lire les sermons de maître ECKHART, un moine dominicain allemand, ceux-là mêmes traduits par Laurent JOUVET.

S'ils ont été pour lui une sorte de bouée de sauvetage pour ce qu'ils recouvraient de spiritualité, il n'en demeurait pas moins que certains de leurs contours demeuraient pour lui encore mystérieux.

C'est l'objet même de ce livre, le croisement du regard d'un philosophe avec celui d'un mystique sur ces textes rédigés au XIIIème siècle.

Structuré comme une conversation, le livre donne lieu à des échanges sur les différences entre la spiritualité et la religion par exemple, ou encore la pitié et la compassion...


...] mais il y a Spinoza qui distingue deux trucs : la pitié et la compassion. Dans la pitié, ce qui est premier, c'est la tristesse. On a de la tristesse de voir l'autre souffrir et on tombe dans la pitié. La compassion, au contraire, ce qui est premier, c'est l'amour, l'amour comme moteur. P. 178

À travers de nombreuses références et citations littéraires, les deux hommes nous donnent les clés de compréhension de ce qu'est cet art de l'esprit joyeux.

Si la spiritualité est universelle et accessible à tous d'après Laurent JOUVET, elle relève toutefois d'un effort individuel pour se désidentifier, se débarrasser de tout ce qui nous conditionne, tout ce qui nous détermine. Au panier la mauvaise conscience, la honte et la culpabilité, il s'agit s'obstacles à surmonter pour atteindre le fond du fond.

Ce livre est passionnant. Le ton est fin et délicat, bienveillant et attentionné, plein d'humour et lumineux, de quoi vous mettre en joie !

Ce #mardiconseil, c'est l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'un des followers assidus du blog, il suffit parfois d'une rencontre pour se (re)connecter !

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2024-10-08T20:08:43+02:00

Frapper l'épopée d'Alice ZENITER

Publié par Tlivres
Frapper l'épopée d'Alice ZENITER

Flammarion

Il y a parfois des envies irréprescibles de lire un livre. C'est exactement ce que j'ai ressenti après avoir écouté l'interview d'Alice ZENITER au micro de Mathilde SERRELL sur France Inter le 5 septembre.

À peine sortie du travail, je filais en librairie (l'occasion d'un petit clin d'oeil à Sonia chez Contact) acheter l'objet tant convoité : "Frapper l'épopée", roman publié chez Flammarion dans le cadre de cette rentrée littéraire de septembre.

Je le résume en quelques mots.

Tass vit à Paris avec Thomas depuis une dizaine d'années. Ils s'étaient rencontrés à l'Université, tous deux suivaient des études de journalisme. Leur relation amoureuse périclite. L'un attendant que l'autre quitte sa terre d'origine pour adopter la sienne mais avouons qu'entre la métropole et la Nouvelle Calédonie, le choix relève du déchirement. Tass décide de quitter Thomas pour retourner s'installer à Nouméa où elle va enseigner le français dans un lycée technologique. Là s'écrit une nouvelle page de la vie de Tass, imprégnée de tout ce que ses ancêtres ont pu lui léguer à travers les générations.

Ce roman, c'est d'abord celui écrit par une autrice de talent. D'Alice ZENITER j'avais lu "L'art de perdre", Prix Goncourt des Lycéens 2017, Prix Littéraire du Monde 2017, Prix Landerneau 2017... Je me faisais un plaisir de retrouver sa plume.

Et puis, il y a la grande Histoire. J'étais loin d'imaginer que cette terre fut un jour destinée, comme Cayenne en Guyane, à recevoir les bagnards pour qu'ils mettent en pratique une économie agricole auto-suffisante, voire rentable pour l'État français. Nous devons cette initiative à Louis-Napoléon Bonaparte. Nous sommes alors à la fin du XIXème siècle, la colonisation bat son plein. C'est comme ça que des citoyens d'Algérie vont s'y retrouver... à l'image d'Areski. Alice ZENITER concourt à la mémoire de ces hommes, et ces femmes (l'occasion d'un petit clin d'oeil à Louise MICHEL, anarchiste, emprisonnée sur cette terre), arrivés sur le Caillou, condamnés à y demeurer, pour certains, à perpétuité.


Devant la tombe, c'est elle qui se fait happer par 1944, elle qui se tient dans le temps de l'autre. C'est la même chose devant la carcasse de l'avion un peu plus loin. 1942, 1944, ce ne sont pas des années perdues dans le passé. Elles sont là, mêlées à la terre et aux plantes. P. 165

Il y a encore ce regard porté sur le présent.

Si Alice ZENITER écrit ce roman quelques années avant les émeutes du printemps 2024, il fait pourtant écho aux atermoiements d'une jeunesse portant le fardeau de ses origines.

À travers le regard du mouvement indépendantiste en faveur d'une "empathie violente" sont évoqués les chefs d'accusation des colonisateurs, la spoliation de leurs biens, la discrimination du peuple autochtone au profit du blanc, de l'occidental, du sachant, du violent... avec cette revanche à prendre !

Moins révolutionnaire mais tout autant déchirée, il y a aussi cette jeunesse qui quitte sa terre natale pour aller étudier en Métropole, un voyage de 20 000 km, un véritable déracinement. Ni la cuisine, ni la nature (les oiseaux, les plantes...), ni les parfums n'ont de commune mesure. Avec le personnage de Tass, Alice ZENITER révèle ce mal-être, cette incapacité à s'adapter, à se sentir parfaitement chez soi.


[...] chez elle, c'est le Pacifique, c'est le Sud. Elle n'a jamais eu l'impression d'être à sa place de l'autre côté. P. 13

Il y a enfin l'itinéraire de jumeaux, disparus mystérieusement. Ils incarnent peut-être encore une autre frange de cette jeunesse d'aujourd'hui, mais là, pas un mot. C'est là que l'écrivaine puise le ressort du roman et en fait un véritable page-turner.

Alice ZENITER a ce talent de semer des petits cailloux au fil de la narration, abordant une foule de sujets comme celui de la maternité. Là aussi, il y aurait tant à dire... de ces femmes kanaks qui résistèrent à leur manière à donner une descendance aux colons. Mesdames, que vous soyez honorées de vos actes.

Ce roman est fascinant, parfaitement orchestré, navigant en eau claires... et troubles (un brin onirique et fantastique...). C'est une pépite, c'est mon #Mardiconseil !

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2024-05-28T17:00:00+02:00

La pesée des âmes de Pascal MANOUKIAN

Publié par Tlivres
La pesée des âmes de Pascal MANOUKIAN

Aux éditions Erick BONNIER


Pascal MANOUKIAN nous revient avec un roman haletant sur les traces laissées par l’histoire contemporaine de la guerre en Syrie. Souvenez-vous, c’était en 2016. Alep affrontait les bombardements russes, enfin, dans sa partie Est, là où fomentait la rébellion.  C’est là-bas qu’Ernest est parti. Il est grand reporter dans les pays en guerre. Son père l’était avant lui. Il est décédé quand Ernest n’avait alors que 8 ans. Ernest laisse sa compagne, Louise, se morfondre sur son destin. Elle subit ses absences, les périodes sans nouvelles et s’interroge sur son avenir. Quelle vie familiale peut-elle envisager avec lui ? Parallèlement, leur entreprise à tous les deux est en cours de rachat par un industriel, une nouvelle approche est en train de révolutionner le monde du journalisme, mêlant à l'envi l'information, la désinformation, la mésinformation... Tous les coups sont permis dès lors qu'il s'agit d'argent. Ernest et Louise continuent pourtant, coûte que coûte, de mener leur combat, celui de la loyauté.

J’ai eu le privilège de lire ce roman en avant-première, un cadeau de l’auteur que je tiens à remercier personnellement.

Ce roman, c'est une lecture coup de poing, de celles que l’on n’oublie pas, marquée à jamais par les soubresauts de la guerre, le stress traumatique, les moments de ferveur aussi.

Roman historique me direz-vous ? C'en est un, oui, mais le voyage dans le temps sera de courte durée. Un simple regard dans le rétroviseur et nous y sommes. Les événements datent de 2016 avec le siège d'Alep en juillet, la reprise de la ville par Damas et le cessez le feu en décembre. C'était il y a 8 ans, ils continuent pourtant d'alimenter les actualités.

J'ai été bouleversée par les bombardements russes venus prêter main forte à Bachar AL ASSAD pour en finir avec les insurgés. Là, ce sont les civils qui sont les premières victimes. Peu importe à celui au pouvoir de voir une partie de la ville d'Alep réduite à des bâtiments soufflés et ses habitants assoiffés, affamés, privés des services de santé. 


Aujourd’hui les médecins ne s’occupent plus que des blessés. Toutes les autres maladies sont devenues orphelines. Les mots lui arrachent le coeur. P. 199

Tous sont promis à mourir. Quelle ignominie !

Pascal MANOUKIAN concourt à la mémoire de ce qui s'est passé à Alep pour ne jamais oublier. Si les faits sont bien réels, malheureusement, l'écrivain choisit d'incarner le propos avec des personnages de fiction profondément attachants, des individus qui pourraient être vous, moi, nous. 

Je me suis battue aux côtés d'Ernest. Dans les galeries souterraines syriennes, j'ai ressenti dans ma chair les soubresauts de la guerre. Le roman prend une dimension sensorielle, vous allez vibrer. A travers l'itinéraire d'Ernest, son irrépressible besoin de repartir, toujours, je me suis remémorée les propos tenus par Sorj CHALANDON lors d’un festival du Scoop à Angers. 


Il a besoin d’ordre et de calme avant le chaos. C’est la raison pour laquelle chaque chose a sa place dans son sac à dos noir, toujours le même. P. 13

Je me suis découvert une âme de guerrière aussi avec Louise. Dans un monde professionnel dicté par les enjeux économiques, la rationalisation des moyens, les licenciements massifs... elle tente de lutter avec les moyens à sa disposition contre un système tout entier.

Tous deux s'inscrivent dans un mouvement de résistance, l'un pour capter les images et collecter des témoignages du terrain, il en va de la fiabilité et de l'authenticité, l'autre en bout de chaîne pour l'exploitation de ces données, il en va de la sincérité. Comment traiter d'un sujet aussi tragique que la guerre sans instrumentaliser l'opinion ?

Comme j'ai aimé revisiter les règles du journalisme et du monde de l'information à un moment où elles sont plus que jamais exposées à être bafouées.


L’immédiateté étouffe la réflexion à la vitesse des réseaux. P. 81

Pascal MANOUKIAN nous replonge dans les années 1975 avec le père d'Ernest et les carnets de chacune de ses expéditions laissés à la postérité.

Il nous livre un roman foisonnant avec autant de parenthèses que de parcours. Le propos est profondément pluriel, interculturel, empreint d'une telle humanité. Quant à la chute, je ne l'ai pas vue venir, c'est une petite bombe.

C'est un excellent roman.

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2024-05-21T06:00:00+02:00

Le rouge et le blanc d’Harold COBERT

Publié par Tlivres
Le rouge et le blanc d’Harold COBERT

Vous aimez les romans historiques foisonnants ? J'ai quelque chose pour vous ! Mon #Mardiconseil c'est "Le rouge et le blanc" de Harold COBERT aux éditions Les Escales que je remercie tout particulièrement pour ce joli cadeau.

 

Tout commence au sein d'une famille aristocratique en 1914 en Russie. Les deux frères incarnent des idéologies divergentes. Il y a Alexeï, l'aîné, lui est dans le mimétisme, il copie les stratégies capitalistes de son père. Et puis, il y a Ivan, le rebelle, celui qui porte haut et fort des idées communistes. Il intègrera les Cadets de Saint-Petersbourg, ses parents souhaitant le remettre dans le rang. Mais, il en faudrait plus arrêter le jeune homme au dessein anarchiste. Plus que le déchirement d'une famille, c'est celui de tout un pays qui s'offre à nous, la révolution est à l'oeuvre. Suivront d'autres évènements, mondiaux ceux-là, qui obligeront chacun à choisir son camp, à la vie, à la mort.

 

Je ne connaissais pas encore la plume d'Harold COBERT, c'est celle d'un formidable conteur. Elle est tentaculaire, haletante et pleine de suspense.

 

Je me suis délectée de cette fresque qui embrasse une centaine d'années. Je l'ai vécue au rythme effréné de la course du monde. Tous les grands évènements y sont relatés à travers les itinéraires d'activistes politiques, des personnages de fiction hauts en couleur.


À mesure qu’il relatait les événements avec la sécheresse d’un procès verbal, il fut surpris de ressentir un sentiment d’irréalité devant les faits qu’il consignait alors qu’il les avait soufferts dans les moindres replis de sa chair. P. 274

J'avoue que le personnage féminin m'a particulièrement fascinée. Natalia, la fille de la gouvernante des deux garçons avec qui elle a été élevée, joue le chaud et le froid. Le puissant régime au pouvoir pipe les dés et rebat inlassablement les cartes de la loyauté. Natalia m'a tantôt subjuguée, tantôt effrayée. Elle se hisse allègrement sur la première marche du podium.

 

Harold COBERT réussit plus généralement à humaniser un propos qui aurait pu rester à distance des hommes et des femmes qui ont concouru à la grande Histoire. Prodigieux !

 

Les 500 pages regorgent de références et nous offrent un roman captivant. C'est une très belle opportunité de revisiter les grandes décisions politiques du siècle dernier qui continuent d'irriguer le monde d'aujourd'hui. J'ai été frappée par la course à la maîtrise de l'arme nucléaire. C'est glaçant.

 

Je sors k.o. de cette lecture coup de poing avec une chute époustouflante. Défi relevé, chapeau.

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2024-04-02T06:00:00+02:00

Les filles du chasseur d’ours d’Anneli JORDAHL

Publié par Tlivres
Les filles du chasseur d’ours d’Anneli JORDAHL

Éditions de L’Observatoire

 

Ce roman entre sans conteste dans la catégorie du « Nature writing ». Je ne savais pas bien ce que ce genre nouveau révélait de spécificités avant d’être « Encabanée » par Gabrielle FILTEAU-CHIBA.

 

Maintenant, je sais à quel point vivre en immersion dans la nature fait vibrer tous nos sens !

 

Là, nous partons pour la Finlande à la rencontre d’une fratrie. Ce sont « Les Filles du chasseur d’ours » d’Anneli JORDAHL.

 

Les filles sont au nombre de sept. Elles vénèrent leur père, ce héros, pour ses tableaux de chasse. Leur mère, cette femme qui en l’absence de son mari, doit assurer le bon fonctionnement de la ferme, leur donne une éducation rustre et sans concession. Alors, quand leur père succombe sous les coups de l’ours le plus redoutable de la contrée, elles se retrouvent en perte de repères. Leur mère sombre dans la folie jusqu’à en mourir. C’est là qu’un choix déterminant va orienter la vie des filles, loin de la société, au coeur de la forêt, là où leur père élisait domicile quand il partait chasser.  Sauvageonnes, elles vont s’exercer à vivre de ce que Dame Nature est en mesure de leur offrir, pour le meilleur comme pour le pire.

 

Cette histoire c’est un conte des temps modernes, un récit inventé de toutes pièces par une écrivaine dont je découvre le talent. Si vous avez envie de vous déconnecter de votre réalité, je crois bien que ce livre est pour vous.

 

Il y a des passages avec des descriptions tout à fait exaltantes du rapport du corps à l’eau quand il s’immerge. Vous allez frissonner, de froid, à moins que ça ne soit d’ivresse.

 

Et puis, dans ce roman, il y a la sororité déclinée à l’échelle d’une fratrie de sept filles, sept êtres dont les comportements sont dictés par l’instinct de survie, sept individus aux réflexes primitifs de se défendre, se nourrir, se réchauffer, s’abriter.

 

Mais plus que tout, dans ce roman, ce qui m’a captivée ce sont les aspirations de deux d’entre elles, l’une, Simone, pour la spiritualité l’autre, Elga, pour la littérature.  Il y a quelque chose de transcendant, de l’ordre du dépassement de soi, c’est absolument fascinant.

 

Ce roman, un pavé, en lice pour le Prix des Lectrices Elle, est tout à fait original, une lecture qui relève de l’expérience.

 

Bravo à Anna GIBSON pour la qualité de la traduction. 

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2024-03-26T07:00:00+01:00

Tosca de Murielle SZAC

Publié par Tlivres
Tosca de Murielle SZAC

Éditions Emmanuelle COLLAS

 

Cette nouvelle lecture est une référence du Book club, un roman qui concourt à la mémoire d’un homme qui, menacé de mort, trouvait la force de chanter l’opéra de PUCCINI.

 

Tout commence avec l’arrestation de Juifs par la milice lyonnaise orchestrée par Paul TOUVIER. Chaque fois, des hommes arrivés avec une Traction Avant noire s’invitent dans des familles qui ont pour seul crime d’être Juifs. Français ou étrangers, peu importe, tous sont emmenés, manu militari, vers le peloton d’exécution.

 

Murielle SZAC est journaliste. Depuis le procès de Paul TOUVIER, elle n’a de cesse de vouloir donner un nom à ce jeune homme inconnu, parfois appelé Tosca, fusillé avec six autres hommes au petit matin du 29 juin 1944.

 

Elke nous livre un roman court, poignant, dans lequel elle nous fait partager les dernières heures d’hommes emprisonnés dans un même placard à balai et dont la vie semble peser moins lourd qu’une plume. 

 

La puissance de la plume nous prend à la gorge. A l’image de la chanson de Jean-Paul GOLDMAN, l’écrivaine pose cette question :


Comment se construit-on un destin de héros ou de traître ? P. 38

Portée par l’élan de l’opéra de PUCCINI, Murielle SZAC offre un brillant hommage à ces hommes, et tous les autres.

Quelle plus belle phrase pour résumer la beauté du geste : 


Dans l’obscurité de ce cachot étouffant et surpeuplé, Léo GLASER adresse un merci muet et fervent à tous ces héros de l’ombre. P. 100

Poignant !

Si quelques lectures sont "imposées" cette année avec le Book club, ce roman est hors cycle mais il s'impose, tout simplement.

Retrouvez les références du Book club :

"Le royaume désuni" de Jonathan COE

"Le roitelet" de Jean-François BEAUCHEMIN

"L'autre moitié du monde" de Laurine ROUX

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

 

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le disede Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

"Bakhita" de Véronique OLMI

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2024-03-19T07:00:00+01:00

Bakhita de Véronique OLMI

Publié par Tlivres
Bakhita de Véronique OLMI

Coup de ❤️  pour le roman de Véronique OLMI : « Bakhita » découvert grâce au Book club, bonne pioche. C'est aussi l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'illustratrice, Cristina SAMPAIO.

 

Ce roman, édité chez Albin Michel et maintenant Le livre de poche, lauréat du Prix FNAC 2017, relate la vie d’une femme au destin aussi effroyable que fascinant.

 

À l’âge de 7 ans, dans son village du Darfour, sa soeur, Kishmet, venue rendre visite à ses parents, est razziée. Elle est enlevée par des négriers qui mettent le feu au village pendant que les femmes battent le sorgho et les hommes cueillent les pastèques. Nous sommes dans les années 1870. Ces pratiques sont courantes. D’autres encore sont à l’oeuvre. Celle qui deviendra Bakhita est chargée avec son amie de mener les vaches à la rivière. En chemin, elles rencontrent deux hommes qui guident la plus belle vers un bananier. C’est là que sa vie bascule. Elle est vendue à des négriers musulmans et destinée à l’esclavage. Les femmes, les enfants, sont emprisonnés, ils sont ensuite enchaînés puis emmenés à travers le pays pour rejoindre les grands marchés. Bakhita est achetée à El Obeid, là elle va vivre l’enfer pendant plusieurs années jusqu’à ce que les « propriétaires » en difficultés financières ne décident de vendre ceux qu’ils battent à mort. Bakhita croise le chemin d’un consul italien, Signore Legnani, qui l’achète pour l’affranchir. Commence alors pour elle une nouvelle vie !

 

Ce roman est l’odyssée d’une femme qui aurait pu mourir chaque jour des mauvais traitements qu’elle subissait depuis sa plus tendre enfance. Elle poussera pourtant son dernier souffle à l’âge de 78 ans.

 

La première partie du roman est insupportable d’inhumanité. Elle relate cette page de la grande Histoire de l’Afrique qui torturait ses congénères et marchandait la vie des êtres parmi ses matières premières. Si la littérature évoque la traite négrière transatlantique, je n’avais encore jamais lu sur ce que Tidiane N’DIAYE, anthropologue, dénomme « Le génocide voilé » dans son livre éponyme. C’est rien de moins que l’extermination de tout un peuple subsaharien par les arabo-musulmans qui est abordé dans le roman de Véronique OLMI, qu’elle soit honorée pour le devoir de mémoire auquel elle concourt. 

 

À travers cette biographie, c’est aussi la force de la générosité que l’écrivaine encense. L’existence de Bakhita est marquée par toutes celles à qui elle a tenu la main pour continuer d’avancer, qu’il s’agisse d’enfants comme elle, condamnées à l’esclavage, ou plus tard de ces petites filles orphelines accueillies par les religieuses italiennes. Son corps conservera à jamais les traces des sévices qu’elle a subis, son esprit, lui, l’empreinte des déchirements liés aux séparations.

 

Et puis, il y a la révélation de la foi, religieuse, catholique, comme une nouvelle forme d’espoir dans un pays occidental qu’elle apprend à découvrir. 

 

J’ai été frappée par sa façon singulière de s’approprier le monde, où qu’elle soit, avec qui elle soit, comme un appel aux sens en l’absence de la maîtrise de la langue. 


Elle ne comprend pas la phrase, elle comprend le sentiment. Et c’est comme ça que dorénavant elle avancera dans la vie. Reliée aux autres par l’intuition, ce qui émane d’eux elle le sentira par la voix, le pas, le regard, un geste parfois. P. 53

Malgré les apprentissages aux couvents, Bakhita rencontrera toute sa vie des difficultés dans l’expression orale et la lecture. 

 

Parce que le hasard des lectures construit parfois des ponts en littérature. Comme chez  « Oma », il y a chez Bakhita la force de l’humour. Quelle plus belle distinction !


[…] ils donnent à la honte un peu de dignité. Bakhita apprend cela, qu’elle gardera toute sa vie comme une dernière élégance : l’humour, une façon de signifier sa présence, et sa tendresse aussi. P. 46

Vous ne le savez peut-être pas encore mais Bakhita est cette femme béatifiée et canonisée par le Pape Jean Paul II. Elle est déclarée sainte en 2000.

 

Ce roman historique est absolument prodigieux. Il rend grâce à une femme remarquable de bonté qui honore tout un peuple. 

 

Je ne connaissais pas encore la plume de Véronique OLMI, elle est juste captivante. Mon #Mardiconseil est un coup de ❤️

Retrouvez les références du Book club :

Le royaume désuni de Jonathan COE

Le roitelet de Jean-François BEAUCHEMIN

"L'autre moitié du monde" de Laurine ROUX

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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