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2017-11-27T21:56:46+01:00

L'ordre du jour de Eric VUILLARD

Publié par Tlivres
L'ordre du jour de Eric VUILLARD

Actes Sud


Il est de ces livres qui vous glacent le sang. Nous voudrions qu'ils soient un roman, mais il s'agit d'un récit, plus effrayants encore. L'ordre du jour de Eric VUILLARD fait partie de ceux-là.


Je vous en dis quelques mots.


Nous sommes le 20 février 1933, les plus grandes firmes allemandes sont représentées. 24 hommes sont réunis au Reichstag à l'initiative de son Président, Hermann Goering. Hitler y tient un discours en la faveur d'un modèle économique solide et stable. Il n'en faudra pas plus pour que toutes ces puissances industrielles apportent leur soutien financier à la cause nazie. Cinq ans plus tard, les panzers allemands envahissent l'Autriche. Les médias véhiculent des images d'une foule en liesse, honorant le Führer. Quand une machine de guerre prend appui sur la fourberie des hommes...


Ce récit est une petite bombe, à retardement. La littérature est aujourd'hui très prolifique sur la seconde guerre mondiale mais je n'avais pas encore lu de récit sur ces années noires de notre Histoire. Avec "L'ordre du jour", Eric VUILLARD montre à quel point il paraît simple de duper les plus grand de ce monde, pour le meilleur et pour le pire bien sûr. Puisant sa source dans des faits réels, méconnus du grand public, l'écrivain fait une démonstration implacable de médiocrité humaine.


[...] toutes les misères ont pour chef-lieu l'âme humaine. P. 106

Eric VUILLARD est concis, direct, incisif. En 150 pages seulement, il témoigne d'un passé très lourd à porter. Trop, il ne semble pas puisque toutes ces grandes entreprises sont encore présentes sur le marché aujourd'hui. 


Dans une plume acérée, l'auteur réécrit l'Histoire pour ouvrir les yeux de celles et ceux qui accepteront de regarder la réalité en face. Dans un roman, elle pourrait paraître grostesque. Dans un récit, elle devient redoutable et menaçante. Assurément, il s'agit d'une lecture nécessaire.


C'est parce que 
 


La littérature permet tout, dit-on. P. 12

que le jury du Prix Goncourt s'est autorisé à sacraliser un récit hors du commun, de ceux qu'il est impossible d'oublier après les avoir refermés.

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2017-11-23T22:53:18+01:00

Nos richesses de Kaouther ADIMI

Publié par Tlivres
Nos richesses de Kaouther ADIMI

Editions Seuil


Il y a des périodes comme ça où tous les livres me transportent, m'émeuvent, me bouleversent, m'ébranlent,     me chavirent, me secouent, me touchent... je voudrais que ça ne s'arrête jamais. Je passe du coup de coeur au roman 5*, c'est un réel bonheur.


Si maintenant, je me refuse à lire la 4ème de couverture et préfère me laisser porter par un titre, le nom d'un(e) auteur(e), les avis d'ami(e)s, de libraires... là, je dois bien le dire, il m'aurait été difficile de passer à côté de tout ce qui a été dit ces derniers jours sur le roman lauréat du Prix Renaudot des Lycéens 2017. "Nos richesses" est partout dans les médias, Kaouther ADIMI aussi, elle vient de recevoir le Prix du Style 2017 (souvenez-vous l'année dernière c'était Négar DJAVADI pour "Désorientale" publié aux éditions Liana Levi !).


Je vous en dis quelques mots.


Nous sommes en 1936, en Algérie. Edmond Charlot a 21 ans. Il rentre tout juste de Paris où il a terminé ses études. Il réalise son rêve d'ouvrir une librairie de prêt, un peu à l'image de celle que tenait Adrienne Monnier dans la capitale. Elle s'appellera "Les Vraies Richesses, il empreinte à Jean Giono le titre de l'un de ses romans. Très vite, des intellectuels s'y retrouvent, y lisent, y écrivent. La Maison d'édition Charlot ne tarde pas à se lancer, elle publie les premiers écrits d'Albert Camus, "L'Envers et l'Endroit". D'autres écrivains seront portés par l'élan de la maison, Henri Boscot, Emmanuel Roblès, Jules Roy, et bien d'autres encore. Mais la guerre gronde, elle mobilise les hommes. Et puis, il y a cette page douloureuse aussi de l'Histoire de l'Algérie. Bientôt le papier vient à manquer et c'est tout l'équilibre financier de l'entreprise qui est compromis. Ryad a une vingtaine d'années, lui aussi, quand il pose le pied sur le sol d'Alger. Il est étudiant. Il arrive de Paris pour réaliser un stage. Il a pour mission de repeindre la librairie, les beignets succéderont bientôt aux livres. Il va lentement découvrir le passé de ce haut lieu de la littérature, et plus encore.


Ce roman est une pépite, un coup de coeur. 


D'abord, ce roman, c'est un lieu, c'est une adresse : 2 rue Hamini, ex rue Charras. C'est là qu'ont ouvert le 3 novembre 1936  "Les Vraies Richesses", une librairie de prêt. Edmond Charlot avait une idée très précise de ce qu'il souhaitait : 
 


C'est-à-dire une librairie qui vendrait du neuf et de l'ancien, ferait du prêt d'ouvrages et qui ne serait pas juste un commerce mais un lieu de rencontres et de lecture. Un lieu d'amitié en quelque sorte avec, en plus, une notion méditerranéenne : faire venir des écrivains et des lecteurs de tous les pays de la Méditerranée sans distinction de langue ou de religion, des gens d'ici, de cette terre, de cette mer, s'opposer surtout aux algérianistes. Aller au-delà ! P. 31

Edmond Charlot était un homme qui aimait la littérature, le monde des livres, de la création littéraire et artistique et ce, depuis sa plus tendre enfance. Il faut dire qu'il était à bonne école, son père était directeur d'un service chez Hachette. Ce roman, vous le comprendrez, c'est un petit jubilé de références. Si vous n'aviez plus rien à lire, je crois que vous allez pouvoir y glaner quelques conseils de lectures ! 


Ce roman, ce sont ensuite des hommes, de lettres en particulier. Edmond Charlot jouait à merveille ce rôle de passeur. 


Moi, j'aime publier, collectionner, faire découvrir, créer du lien par les arts ! P. 102

Son antre accueillait des intellectuels, l'entreprise réunissait des passionnés. Edmond Charlot était profondément humaniste au sens propre du terme. A celles et ceux qui lui rapportaient des propos de détracteurs, il leur répondait :
 


Nous étions tous des amis et c'était cela, les éditions Charlot. P. 195

Malheureusement, les hommes ne sont pas tous altruistes comme Edmond Charlot, lui qui aimait à gommer toutes les différences et véhiculait avant l'heure des principes de laïcité. Il en fera lui-même les frais. Il sera mobilisé pendant la guerre, il connaîtra aussi les "événements" en Algérie. Ce roman prend une dimension historique et assure la mémoire de  faits, sinon inconnus, régulièrement oubliés. Il donne un éclairage sur le massacre de Sétif en mai 1945, des milliers d'indigènes y trouveront la mort, et puis aussi sur tous ces Algériens qui, à Paris, seront torturés, tués, et jetés dans la Seine. Nous étions en 1961. Je voudrais saluer le travail réalisé par Kaouther ADIMI pour arriver à ce roman fouillé sur la grande Histoire de l'Algérie, de la France en quelque sorte. Nous parlons d'histoire, mais aussi de géographie en abordant la question des territoires et de leurs effets sur les hommes :


Abdallah pense qu'on n'habite pas vraiment les lieux, que ce sont eux que nous habitent. P. 208

Mais ce roman ne serait rien sans le talent de cette écrivaine qui va se prêter à un exercice d'écriture audacieux, entremêler l'histoire de deux hommes de deux périodes différentes en usant de deux styles littéraires. Il y a toute une partie du livre construite comme un roman et puis, il y a ces carnets de Edmond Charlot. A l'image d'un journal intime, il nous confie de quoi sont faites ses journées, ses doutes et ses convictions aussi. Le choix était courageux, le résultat réussi. Les lycéens ne s'y sont pas trompés ! J'ai été profondément touchée par la plume de Kaouther AMIDI, une révélation, un coup de coeur, quoi !
 

Cette lecture

Nos richesses de Kaouther Adimi ***** Coup de coeur

s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Et soudain, la liberté de Evelyne Pisier et Caroline Laurent *****

La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens ***** 

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de coeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

Enfin, un petit clin d'oeil à Anne de la Librairie Richer. Elle avait présenté ce roman lors de la soirée dédiée à la rentrée littéraire de septembre. Pour le moment, c'est un sans faute !

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2017-11-21T19:21:39+01:00

Collectionner, le désir inachevé au Musée des Beaux Arts d'Angers

Publié par Tlivres

 

Le Musée des Beaux Arts d'Angers vient d'ouvrir une exposition temporaire hors du commun, une exposition qui valorise des collections privées que vous ne pouvez découvrir, généralement, que dans l'intimité de celles et ceux qui s'y vouent.

Plusieurs candidats ont répondu présents à cet appel peu ordinaire et ont proposé d'exposer les oeuvres dont ils sont propriétaires jusqu'au 18 mars 2018.

Il y a bien sûr l'Association PACA, Présence de l'Art Contemporain Angers, qui réunit des amateurs d'art et qui a fait de son objet social la valorisation et la promotion de l'art contemporain.

Il y a aussi Philippe Méaille. Vous le connaissez peut-être. Il s'agit du fondateur du Château de Montsoreau-Musée d'art contemporain. Dans la propriété du Conseil Départemental de Maine-et-Loire, il expose lui-même des oeuvres et en assure une médiation culturelle à travers un programme de conférences.

Il y a encore une partie de la collection de la Fondation La Roche Jacquelin. A l'initiative d'un couple Franco-Canadien-Britannique, elle réunit des oeuvres du Sud-Est asiatique. Personnellement, j'ai été très sensible à celles de Vu Dan Tan, un artiste vietnamien décédé en 2009.

Il y a ses "Amazon series", des armures à taille humaine. A première vue, nous pourrions imaginer qu'elles aient été conçues pour protéger des agressions, ne vous y trompez pas, les bords de la tôle sont coupants et risqueraient fort de blesser celles qu'y s'aventureraient à les porter.

 

Et puis, séduisantes à l'envi, il y a ses "Fashion series", réalisées en carton recyclé. La couleur du matériau est chaleureuse. Il renvoie une certaine image de la féminité. 

 

Il y a toujours et encore la collection de Alain Le Provost. Outre son désir compulsif de "collectionnite", il est très impliqué dans la promotion de la création contemporaine, notamment dans le cadre de l'ADIAF, l'Association pour la Diffusion Internationale de l'Art Français.

Il y a enfin une personne qui a choisi de prêter des oeuvres lui appartenant mais qui a souhaité rester anonyme. C'est son droit, non ? Là, j'ai trouvé quelque chose qui ne manquera pas d'interpeller les lecteurs et lectrices que nous sommes. Théo Mercier, artiste plasticien, a créé "J'ai peur des livres". D'un livre, il en a fait un monstre, ou bien, d'un livre terrifiant, il en a fait une drôle de créature, à vous de choisir !

 

Cette exposition, elle est intéressante par son éclectisme. Des 5 salles s'exprime une ambiance particulière, un univers singulier, à l'image de celles et ceux qui composent ces collections, une bien belle manière d'appréhender l'art contemporain.

Mais finalement, le désir, c'est quoi ? C'est une aspiration, un souhait, une envie...

Quand il est inachevé, alors, c'est tout le champ des possibles qui s'ouvre à nous, pour notre plus grand plaisir bien sûr !

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2017-11-20T21:19:42+01:00

Et soudain, la liberté de Caroline LAURENT et Evelyne PISIER

Publié par Tlivres
Et soudain, la liberté de Caroline LAURENT et Evelyne PISIER

Édition Les Escales

 

Ce roman est singulier dans sa construction. Permettez-moi d'adapter aussi celle de ma chronique.


"Et soudain, la liberté", c'est avant tout une rencontre entre deux femmes, Evelyne PISIER qui disposait du matériau pour écrire sa biographie et Caroline LAURENT, éditrice, à qui elle a demandé d'en faire un roman. Des liens particuliers vont se nouer, à la vie, à la mort, autour de ce projet littéraire.


Evelyne PISIER décède à l’âge de 75 ans, le livre est inachevé mais Caroline LAURENT va relever le défi, qui s'est imposé à elle, d’en terminer l’écriture. Avant de mourir, Evelyne PISIER avait ainsi dit à son mari : « S’il m’arrive quoi que ce soit, promets-moi de terminer le livre avec Caroline ». Outre le fait qu'il relève d'une promesse tenue par un homme à son épouse décédée, il est aussi le révélateur d'une relation écrivaine/éditrice hors du commun qui a certainement puisé sa source dans les résonances entre les parcours des deux familles. Tout comme Mona, la mère de Caroline LAURENT a vécu sous le régime colonial français. Avec cette dimension, le roman prend un caractère historique.  


Ce roman, il est construit autour d'un autre duo de femmes, Evelyne PISIER, devenue Lucie par le jeu de l'écriture, et sa mère, Mona. Tout commence avec une vie d’expatriés. Mona et son mari sont établis en Indochine. Lucie y naît en 1941 sur fond de seconde guerre mondiale. La famille connaîtra la montée du Viet Minh et puis, pour Mona et Lucie, il y aura l'emprisonnement dans un camp. A leur libération, la famille prendra un nouveau départ en s'installe sur une île aux paysages de carte postale, la Nouvelle Calédonie. Là, une bibliothécaire militante mettra dans les mains de Mona un livre qui révolutionnera sa vie : « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir. Elle y puisera la force de s’affranchir d’un mari pétainiste, antisémite. Elle divorcera et sèmera ainsi les premières graines dans l’esprit de sa fille qui, devenue adulte, prendra un billet d'avion à destination de Cuba avec des amis communistes. Là-bas, elle entretiendra une relation amoureuse avec Fidel Castro. De retour en France, elle s'engagera pour faire avancer la condition féminine.      


"Et soudain, la liberté", c'est le portrait de citoyennes libres et engagées. Elles ont contribué à écrire une partie de l’histoire du féminisme français. Il n’a plus grand chose à voir aujourd’hui avec ce qu’il était dans les années 1960 quand les femmes luttaient pour leur émancipation et pourtant. Caroline LAURENT incarne magnifiquement ce que disait Francoise HERITIER (qui vient de s’éteindre) des femmes du XXIème siècle, elles croient que tout est acquis alors que de nouveaux combats restent à mener. Aux côté d'Evelyne PISIER, Caroline LAURENT âgée de 28 ans en a pris conscience. Ce roman contribuera, j’en suis certaine, à faire encore avancer la cause féminine. Ne serait-ce que pour ça, je vous le conseille absolument.

 

Un immense merci à Netgalley et aux éditions Les Escales pour cette mise à disposition en version e-book. 

 

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Et soudain, la liberté de Evelyne Pisier et Caroline Laurent *****

La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens ***** 

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de coeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

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2017-11-16T23:23:52+01:00

La petite danseuse de quatorze ans de Camille LAURENS

Publié par Tlivres

Editions Stock
 

Ces derniers temps, la littérature m'a offert quelques opportunités de partir sur les traces d'artistes parisiens. Il y a eu notamment Robert DESNOS avec le roman de Gaëlle NOHANT "Légende d'un dormeur éveillé", et puis Théophile Alexandre STEINEN servi par la plume de Julien DELMAIRE dans "Minuit, Montmartre".

J'ai accepté avec enthousiasme de revisiter l'oeuvre du peintre Edgar DEGAS, une belle occasion de découvrir la plume de Camille LAURENS. Quant à suivre les conseils de la Librairie Richer : "S'il n'en restait que 100...", il n'y a qu'un pas !


Nous n'avons pas affaire à un roman mais à un récit, c'est donc un véritable documentaire sur l'artiste qui nous est proposé.


Pourquoi "La petite danseuse de quatorze ans" ? Dès les premières pages, l'auteure nous dit sa passion pour cette sculpture et sa collection de copies en tous formats et tous matériaux. Elle va partir de cette création pour élargir son champ à l'intégralité de l'oeuvre de l'artiste.


Pourquoi une sculpture ? Comme vous peut-être, je connaissais le peintre impressionniste  Edgar DEGAS mais je ne savais pas qu'il s'était adonné à d'autres arts. Il souhaitait en réalité accéder à la 3ème dimension, aller plus loin dans l'approche du corps.  
 


Ce que la main effleure par la peinture, elle l'empoigne par la sculpture. P 55

Parisien, adepte des spectacles de l'Opéra Garnier, Edgar DEGAS a trouvé assez naturellement son inspiration auprès des danseuses. Mais ce n'est pas tant la beauté des corps qui l'a attiré. Edgar DEGAS fait partie de ces artistes qui font un pas de côté, qui ne se laissent pas instrumentaliser par une époque, une mode, un mouvement. Non, Edgar DEGAS est en quelque sorte un marginal dans la profession, il est célibataire, il ne couche pas avec ses muses...

 
Avec cette sculpture, Edgar DEGAS a voulu dénoncer la condition des danseuses, ces petits êtres cueillis presque au berceau auprès de mères vivant dans la pauvreté pour lesquelles le corps de leurs filles compte bien peu quand il s'agit de se nourrir. Edgar DEGAS a choisi de représenter la laideur pour montrer à quel point les corps de ces enfants sont fatigués prématurément. Quand elles ne dansent pas, elles se prostituent... 


Edgar DEGAS a voulu surprendre le public avec cette oeuvre, générer une prise de conscience de la société autour de la condition des petits rats de l'institution. Il montre ô combien cette dénomination représente bien la vie de ces enfants condamnées, en dehors de la scène, à vivre dans des coulisses infestées d'hommes aux comportements de porcs avides de plaisirs sexuels. 

C'est un parti pris par l'artiste, totalement assumé, qui va s'exprimer jusque dans le choix du matériau, la cire. 


Nous sommes à la fin du XIXème siècle, le Musée Grévin de Paris vient d'ouvrir, Edgar DEGAS décide d'utiliser cette matière pour sa création. Ainsi, "La petite danseuse de quatorze ans" n'entrera dans aucune catégorie artistique de l'époque, il lui donnera une dimension unique.


Camille LAURENS en profite pour retracer l'ambiance du quartier de Pigalle dans lequel Edgar DEGAS a toujours habité et décrire l'euphorie artistique du moment, une véritable révélation.


Elle tire le fil de cette sculpture, dans ce récit très documenté,  pour embrasser l'oeuvre de DEGAS dans son intégralité. Elle donne à voir la philosophie générale de l'artiste, sa vision de l'art.


En refermant le livre, je me sens subitement frustrée de ne pouvoir aller plus loin. Mais c'est sans compter sur la programmation du Musée d'Orsay qui accueille actuellement l'exposition "Degas danse dessin. Un hommage à Degas avec Paul Valéry.

C'est jusqu'au 25 février 2018. Une belle invitation, non ? 

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens ***** 

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de coeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

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Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

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2017-11-12T11:26:19+01:00

Une chance folle de Anne GODARD

Publié par Tlivres

Editions de Minuit
 

C'est un roman de la rentrée littéraire de septembre dernier, ne passez pas à côté !


Je vous dis quelques mots de l'histoire.


Magda a 9 mois. Sa mère rend visite à Tante Charlotte. Il y a Marc aussi, son frère aîné, enfin, de peu. Il est né la même année, les deux enfants n'ont que 11 mois d'écart. Le père, fatigué, est resté à la maison pour faire une sieste. Marc s'amuse, il fait tomber de la table du salon une boîte du panier à couture de Tante Charlotte, les épingles se répandent sur le sol, la mère s'affaire à les ramasser avant que Marc ne se blesse. La petite Magda, elle, s'approche de la bouilloire qui, pour une raison indéterminée, va tomber du meuble où elle est posée, laissant l'eau bouillante se déverser sur le corps de la petite fille. De l'accident, Magda ne se souvient pas. Mais des conséquences, assurément ! 


Après "L'invention des corps" de Pierre DUCROZET, place à "Une chance folle" de Anne GODARD, un roman qui va lui aussi aborder le sujet du corps mais dans une toute autre dimension.

Ce roman, il résonne en moi comme un cri, un terrible cri que l'écriture permet de pousser et dont l'écho prend différentes dimensions.


Il y a ce corps meurtri bien sûr, les brûlures que vous imaginez. Anne GODARD les exprime avec beaucoup de délicatesse mais aussi gravité. Elle rivalise d'ingéniosité pour trouver les images qui nous feront partager, le temps d'un livre, les souffrances physiques endurées :


Peu à peu, ça s'éclaire, je sais où elle est, la douleur fulgurante au moment de bouger, un nerf coupé, sous la peau, qui grésille comme un fil électrique. je sens aussi les coups de becs d'oiseaux, là où la peau greffée s'éveille. Je reprends conscience complètement, c'est-à-dire que je commence à souffrir exactement, à chacun des points qui me recousent, à chaque mouvement qui les étire ou les comprime. P. 37

Mais ce roman, c'est avant tout un profond cri du coeur. En prêtant sa plume à Magda, Anne GODARD va donner de la voix à celles et ceux qui sont réduit(e)s au silence.  Magda l'a été, au sens propre, dans une maison dans laquelle même le cri du nourrisson s'est tu, l'écrivaine empreinte, elle, les chemins inexplorés du sens figuré. Avec une narration à la première personne du singulier, la force du propos est amplifiée :


J'ai mal au coeur, j'ai mal, c'est pareil, c'est le même roulis intérieur, la même nausée qui me ferme la gorge et m'empêche aussi bien d'avaler qu de parler. P. 37

L'auteure use du prétexte d'un accident domestique, l'occasion d'évoquer le fait que près de 200 000 enfants en meurent en France chaque année. Magda fait partie de ces enfants victimes d'un accident qui aurait pu être évité. Nous ne sommes pas loin du cri d'alerte aux parents, grands-parents, bref à tous ceux qui entourent les enfants dont ils doivent assurer la protection. 
Anne GODARD va creuser le sillon de cette obligation. La petite fille en veut terriblement à sa mère de ne pas s'être occupée d'elle à l'instant précis où l'accident aurait pu être évité mais à l'instant précis aussi, où sa vie a basculé. C'est un cri de reproche adressé à sa mère que formule Magda tout au long de ce livre, un cri qui met la mère devant ses responsabilités et la renvoie à sa culpabilité. De cet accident les relations mère/fille seront inéluctablement entachées.


Ce roman, c'est aussi un profond cri à l'injustice. Alors même que la petite Magda souffre, qu'elle est hospitalisée sur de longues durées, la famille, les amis, les autres en général s'apitoient sur le sort de la mère.  La narratrice éprouve un ressentiment incommensurable. Anne GODARD sème les premières graines d'une prise de conscience. Si le réflexe des adultes peut paraître assez naturel devant un enfant de 9 mois qui ne parle pas encore et ne peut mettre des mots sur ce qu'il ressent, il l'est beaucoup moins ensuite mais les habitudes sont prises. Magda crie haut et fort combien l'attention des autres a été dévoyée, la privant, elle, de ce qu'elle aurait pu lui apporter pour se construire. 


Anne GODARD aborde, en toile de fond, le sujet de la différence et plus précisément celui du regard des autres sur la différence. Gilles MARCHAND l'a fait de façon poétique et fantaisiste dans "Un funambule sur le sable" avec Stradi, un personnage qui est né avec un violon dans la tête, Anne GODARD l'approche, elle, en restant les deux pieds dans la réalité, mais les deux auteurs tentent de répondre à la même question : en quoi une différence détermine-t-elle l'identité d'un individu ?


Alors reprenait la danse, toujours la même, de l'une à l'autre de mes pensées, ne pas la cacher, ne pas la montrer, ne pas être réduite à elle, ne pas la nier, ne pas me définir par elle, ne pas me définir contre elle, ne pas prétendre qu'elle seule m'a déterminée. P. 7/8

Magda fait partie de ces enfants qui ont survécu à un accident mais qui en en porteront l'empreinte jusqu'à la fin de leurs jours. Il n'est pas écrit sur leur front que leur corps est meurtri et pourtant !


Et quoique je fasse, quoiqu'on me dise ou qu'on me taise, je la voyais dans mon reflet, dans le regard des autres, et sur toutes les photos. P. 48

A moi, maintenant, de lancer un cri, et ce sera celui de la victoire ! Je ne connaissais pas encore la plume de Anne GODARD dont "Une chance folle" est le 2ème roman, son premier "L'inconsolable" date de 2006. C'est une autre Anne qui m'a mise sur la voie lors de la présentation de la rentrée littéraire de septembre dernier à la Librairie Richer et elle a sacrément bien fait. 


A défaut, peut-être l'aurais-je repéré dans le catalogue des Editions de Minuit, souvenez-vous, elles ont publié "Article 353 du Code Pénal", le dernier roman de Tanguy VIEL lauréat du Grand Prix RTL Lire 2017.


Ou bien le titre m'aurait-il interpellée sur un présentoir, mais je n'en aurais pas mesuré l'ironie. A vous, je peux maintenant la dévoiler, une chance folle, c'est ce que dit la mère à sa fille, son visage a été épargné, elle a de la chance, non ? elle a une mère qui prend des jours de congés pour l'accompagner à l'hôpital, en cure, elle a de la chance, non ?


Alors, si vous étiez passé(e) à côté, dites-vous qu'il convient maintenant d'y remédier. La plume de Anne GODARD est singulière et remarquable, caustique à l'envi, elle nous livre un roman à découvrir absolument. L'histoire pourrait être plombante, elle en fait un véritable sujet de philosophie. 

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Une chance folle de Anne GODARD *****

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de coeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

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2017-11-10T08:05:05+01:00

L'invention des corps de Pierre DUCROZET

Publié par Tlivres
L'invention des corps de Pierre DUCROZET

Actes Sud

Lauréat du Prix Flore 2017
 

Cette couverture, je l'ai repérée une première fois chez ma très chère Amandine de L'ivresse littéraire, et puis, il y a eu cette soirée de la rentrée littéraire à la Librairie Richer. Impossible de résister à la présentation de Anne. Touchée et ce n'était qu'un début !

Alvaro, Mexicain, est un programmeur, entendez par-là un codeur informatique. C'est un hacker reconnu dans le milieu. Enseignant, il se rend avec ses étudiants sur la place des Trois-Cultures de Mexico pour rendre hommage à ceux qui, en octobre 1968, ont été fusillés par l'armée républicaine. Nous sommes le 26 novembre 2014, les événements d'Iguala font 43 victimes enlevées et assassinées par la police. Alvaro est un rescapé, il fuit son pays et passe la frontière américaine. Adèle, elle, travaille depuis quelques années dans un laboratoire de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg. Elle est de passage à Mexico pour une conférence. Parker Hayes, un transhumaniste de la Silicon Valley convoite les services de la chercheuse. Lui a créé le Cube à San Francisco. Il a fait fortune en investissant dans Facebook, il a gagné 800 fois sa mise, une manne financière qui lui permet d'expérimenter de nouvelles idées. Ce qu'il redoute le plus au monde, c'est de mourir. Il a décidé de s'entourer des plus brillants cerveaux pour travailler sur les cellules souches, celles qui ont cette capacité à régénérer indéfiniment le corps humain pour lui offrir l'immortalité.
Ce roman est d'une  fulgurance incroyable. Vous l'aurez compris, pour chacun, le  temps est compté.


Alvaro vient de vivre une tragédie, son corps meurtri en gardera l'empreinte toute son existence. 


Le corps du garçon est tendu comme un fil en métal retenant une charge de cargo dans un porte-conteneurs. [...] quand on a une fois arrêté de respirer, presque jusqu'au bout, on ne retrouve plus l'élasticité du diaphragme, l'amplitude de la cage thoracique, on court derrière son souffle. P. 93

Le jeune homme fuit l'indicible, la peur immense, l'effroi terrible. Pour oublier, il marche, longtemps, longtemps, à en crever. Pourtant, c'est bien sa vie qu'il veut sauver. J'ai été profondément troublée par l'état de dé-pression du corps après d'épouvantables événements, la prise de conscience de sa survivance et le retour progressif des sensations. Les témoignages de survivants d'attentats que j'avais pu entendre dans les médias trouvent dans ce roman leur parfaite transcription. Sous la plume de Pierre DUCROZET, nous sommes dans une approche organique, le corps est composé de chair et d'os, mais il ne saurait en rester là !


Quand, à la place d'un emploi d'informaticien, Parker Hayes lui propose de livrer tout ce qui lui reste à des expérimentations, de servir de cobaye tout simplement, il accepte. Alvaro livre son corps à la science. Autant je me souvenais que cette matière était ma bête noire à l'école, autant j'ai pris plaisir à me fondre dans l'univers de la recherche décrit par l'auteur. Enorme prouesse, je puis vous l'assurer. L'écrivain a le talent fou de rendre accessibles des données scientifiques d'une grande complexité, il nous rend intelligent(e)s. Rien que pour ça, je l'admire. 


Mais la science ne serait rien sans les technologies. Et là, Pierre DUCROZET va remonter le fil de l'histoire, il va nous ramener à la genèse même des réseaux informatiques. Souvenons-nous, nous sommes en 1969, Werner travaille alors sur l'arpanet, un réseau militaire américain :


Chacun ici pourra revêtir une nouvelle identité. Chacun ici sera libre. Le code informatique nous rend libre. Le code, c'est devenir un autre et devenir soi-même. Coder son existence pour devenir, grâce à ce masque, celui que nous étions en puissance. Notre monde sera partout et nulle part. N'importe qui pourra y exprimer ses idées et sans croyances sans y être inquiété. Echappant ici à nos corps, vous ne pouvez rien contre nous. Les concepts habituels de propriété, de mouvement, d'identité seront entièrement réinventés. Ce sera l'espace de liberté absolue et de savoir dont nous avons toujours rêvé. P. 181

Les premières graines de l'internet ont ainsi été semées. Depuis, quatre décennies ont fait leur travail, entre philosophie du projet et développements, chacun pourra évaluer les réalisations et mesurer les écarts. Entre émancipation et asservissement, mon coeur balance.

 

Nous sommes aujourd'hui au XXIème siècle, science et informatique permettent de repousser les limites pour le meilleur et pour le pire. Pierre DUCROZET nous livre un roman d'anticipation en explorant les voies du transhumanisme, ce mouvement culturel et intellectuel qui croît en la régénérescence à l'infini du corps humain. De tous temps, l'homme a fait de l'immortalité sa quête :
 


La vieillesse est le pire des fléaux, elle s'infiltre sous votre peau, elle déforme les organes, les artères, elle vous bouffe l'inérieur (il reprend son souffle), c'est la maladie la plus vicieuse, la plus mortelle [..]. P. 70/71

La boucle aurait pu ainsi être bouclée mais c'est sans compter le talent de l'auteur. Il va réaliser un tour de force qui va subitement rebattre les cartes, mais là, je ne vous en dirai pas plus !


Je ne peux achever cette chronique sans faire un petit clin d'oeil à Nathalie DUBOIS, artiste, dont j'ai découvert la beauté du travail il y a quelques mois. Son "Dehors-dedans" trouve dans ce roman une bien belle interprétation. 
 


L'Histoire et la société ont brutalisé leurs corps comme ceux des autres. Ce sont des siècles de force exercée contre leurs squelettes qui ont modelé leurs silhouettes. Des générations de coercition, de pliage, de froissement, de dilatation, d'expansion, de démolition. L'espace du dehors et du dedans sans cesse en opposition. Il s'agit pour eux de refaire tout le chemin en sens inverse pour retrouver l'agilité, la puissance, l'aisance perdues. Il faut remonter en soi jusque-là et c'est une route sans fin. P. 159

Ce roman aurait pu être ennuyeux tant il est dense, il est au contraire passionnant et porté par une écriture d'exception, une véritable révélation.

 

Bravo à Pierre DUCROZET ! C'est une lecture coup de poing, de celles que l'on n'oublie pas. Pas étonnant que le jury Flore lui ait décerné ce prix.


Dites-moi Mesdames (Amandine et Anne), vous en avez d'autres des références comme celles-là ?

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de doeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

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2017-11-09T21:56:08+01:00

Rencontre-dédicace avec Gilles MARCHAND à Angers

Publié par Tlivres

Très belle soirée, il faut dire que j'étais en charmante compagnie, Gilles MARCHAND était à Angers à la Librairie Richer pour une rencontre-dédicace.

Rencontre-dédicace avec Gilles MARCHAND à Angers

Gilles MARCHAND, je ne vous le cache plus, je suis une inconditionnelle de son écriture.

 

Il y a eu "Une bouche sans personne" en 2017, découvert avec les 68 Premières fois, et puis cette année "Un funambule sur le sable", 2 énormes coups de coeur.



C'est Anne qui assure l'interview.

Rencontre-dédicace avec Gilles MARCHAND à Angers

Elle évoque sa double actualité : l'édition en version poche du 1er roman (lauréat du Prix Libr'à nous décerné par des libraires) chez Points, et puis la sortie lors de la rentrée littéraire de septembre du 2ème.


A noter que les deux sont publiés Aux Forges de Vulcain, petit clin amical de l'écrivain à David mais promis je ne dirai rien !
 

Anne résume en quelques mots l'histoire du jeune Stradi, né avec un violon dans la tête. A la Librairie Richer, on ne recule devant rien, Nicolas nous livre une illustration du charmant personnage !

Rencontre-dédicace avec Gilles MARCHAND à Angers

Pourquoi un violon d'ailleurs ?


Gilles MARCHAND, qui est également musicien, évoque son hésitation entre deux instruments : le violon et la batterie. Il a retenu le violon ! Autant la mélodie peut être merveilleuse quand l'instrument est maîtrisé, autant elle peut devenir terrifiante quand il ne l'est pas, une manière d'évoquer la souffrance  dans laquelle peut sombrer son personnage principal. Et puis, la batterie aurait risqué de lui faire quelques "noeuds au cerveau", perfectionniste comme il est !


Pour rester sur le registre musical, Anne l'interroge sur la diversité des références qui ponctuent le roman, depuis les Beach Boys jusqu'au Beatles. Il s'agit tout simplement de l'ensemble des morceaux préférés de l'auteur. Chaque fois qu'il en cite un, il s'agit pour lui du meilleur, et il le dit avec sincérité.


Ils font partie de la bande originale de ma vie !

Gilles MARCHAND explique un peu plus précisément le pourquoi de la référence aux Beach Boys. Le chanteur, Brian WILSON, a été exclu du groupe pendant une partie de sa carrière à cause d'une maladie mentale. Les notes de musique ne cessaient de résonner dans sa tête l'excluant tout simplement des scènes de concert. Cette histoire a nourri l'inspiration de l'auteur dans la construction du personnage de Stradi.


Les sujets de la différence et du handicap n'ont pas manqué d'être abordés bien sûr, il faut dire qu'ils sont les fils conducteurs de ce conte fantastique. Gilles MARCHAND explique sa démarche. Il était important pour lui de mesurer en quoi une différence peut conditionner l'identité d'un individu. Il dit ô combien il a travaillé sa première partie pour faire en sorte que les lecteurs et lectrices finissent par adopter le violon comme faisant partie intégrante de Stradi, pari réussi !


Et puis, dans ce roman, il y a aussi une formidable relation d'amitié entre Stradi et Max, deux enfants en souffrance trouvant refuge l'un dans l'univers des oiseaux, l'autre dans la musique avec sa collection de vinyles, deux enfants unis pour la vie par la différence.

 

Il y a l'amour aussi ! Après "Une bouche sans personne", un roman où l'amour reste caché, Gilles MARCHAND a choisi de se jeter à l'eau dans "Un funambule sur le sable", pour notre plus grand plaisir ! 


Enfin, il sera évoqué le monde des livres. Gilles MARCHAND se dit privilégié d'y avoir baigné lui-même depuis tout petit. Il va bien au-delà. Il pense que 


La moindre des élégances est d'être conscient de la chance que l'on a !

Sage philosophie, non ?


Vous avez manqué ce rendez-vous ? Vous pourrez vous rattraper le 8 décembre prochain, il sera chez Marie à la librairie "Le Renard qui lit" à Chalonnes-sur-Loire et le 9 décembre chez Isabelle à "L'Atelier" à Saint-Mathurin sur Loire.
 

En attendant le 15 décembre (la rencontre est notée sur son agenda !), que les membres des 68 Premières fois soient rassurées, toutes les bises demandées ont bien été réalisées !

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2017-11-03T07:24:54+01:00

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle NOHANT

Publié par Tlivres
Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle NOHANT

Editions Héloïse d'Ormesson

Après un long voyage et quelques semaines de déconnexion (avec le blog, la littérature...), il est parfois difficile de renouer avec des activités de concentration (lecture, écriture...) mais PriceMinister a très bien fait les choses en m'offrant le tout dernier roman de Gaëlle NOHANT "Légende d'un dormeur éveillé" et m'invitant à le chroniquer dans le cadre des #MRL17, les Matchs de la Rentrée Littéraire. 

Autant que je vous le dise tout de suite, c'est un très beau roman, de ceux que l'on ne voudrait jamais terminer... alors quant à en parler, c'est une bien belle activité à laquelle je vais me livrer. 

 

Nous sommes en 1928, Robert DESNOS rentre de Cuba. Accueilli là-bas par Alejo CARPENTIER, écrivain et musicologue, leur amitié aura raison des frontières. Robert DESNOS lui réservera une petite place dans sa cabine sur le chemin du retour, en toute clandestinité bien sûr. Le ton est donné, Robert DESNOS fait partie de ces hommes épris de liberté et même s'il ne jouit pas d'une bonne vue, l'homme reste un gourmand de la vie, un curieux dont les jours ne suffiront pas à assouvir les envies, les nuits seront aussi propices à l'activité. Passionné par l'écriture, il travaille au journal Le Soir. Il côtoie les grands de la littérature, Jacques PREVERT, Aragon... ils se retrouvent autour d'André BRETON, le leader du mouvement des Surréalistes mais cette relation ne saurait durer. Robert DESNOS connait des moments difficiles, la presse écrite souffre, et avec elle les journalistes aussi. Il ne mange pas toujours à sa faim mais se nourrit de poésie. Robert DESNOS est un poète, il joue avec les mots. Profondément marqué par la guerre civile espagnole et l'assassinat en 1936 de Federico GARCIA LORCA, un poète lui aussi, Robert DESNOS décide de mettre son art à la disposition d'une cause d'intérêt général, il explore la voie de la poésie de contrebande. De là à passer dans le camp de la Résistance dans les années 40, il n'y a qu'un pas mais là c'est une toute autre histoire.

 

Impossible d'aller plus loin dans la biographie de cet homme de lettres, je crois simplement qu'il vous faut la lire.

 

Robert DESNOS, j'en avais entendu parler, oui, bien sûr, mais j'aurais été bien incapable d'en citer ne serait-ce qu'une oeuvre ou quelques vers. En refermant ce roman, j'ai très envie d'aller plus loin et de partir à la découverte de ses écrits. Il faut dire que Gaëlle NOHANT distille tout au long du roman quelques citations pour nous mettre en appétit de l’oeuvre toute entière d’un grand homme de lettres, assurément.

 

J'ai notamment retenu celles-ci, je les partage avec vous :


J’aime l’éclat que laissent aux yeux profonds les larmes intérieures. P. 13

Ma plume est une aile et sans cesse, soutenu par elle et par son ombre projetée sur le papier, chaque mot se précipite vers la catastrophe ou vers l’apothéose. P. 36

Ce roman, c'est d'abord l'éloge d'une plume qui s'inscrivait dans le registre littéraire de la poésie. Je ne sais pas bien pourquoi je suis passée à côté de lui jusqu'à maintenant et qui aurait pu me mettre sur sa voie dans le passé, mais ce que je sais aujourd'hui, c'est que grâce à Gaëlle NOHANT, je me sens désormais "armée" pour lire entre les lignes et m'imprégner pleinement de la puissance de la prose de Robert DESNOS. 

 

Ce qui m'a beaucoup plu également avec cette biographie, c'est de m'immerger dans un contexte artistique, urbain, historique... et là je dois vous dire que Gaëlle NOHANT nous livre un roman d'une profonde intensité. Rien n'est laissé au hasard.

 

Elle nous plonge dans le monde de la culture et nous fait partager le quotidien de ces intellectuels parisiens qui se côtoient dans des cercles très fermés du début du XXème siècle pour réfléchir, philosopher, pendre parti (politique notamment)... j'ai adoré m’asseoir à la table enfumée de Jacques PREVERT, accueillir Hemingway rue Mazarine à Saint-Germain des Prés, partir en Espagne et me fondre dans les conversations entretenues avec Pablo NERUDA... Gaëlle NOHANT nous rend compte d'une vie artistique jubilatoire, elle nous fait (re)vivre le temps d'un livre cette période de l'entre-deux guerres où le pouvoir de la plume prend une dimension toute particulière.


Une pièce de théâtre n'arrête pas les balles, un poème ne retient pas le bras d'un assassin. Pourtant le travail est une forme de protestation. En tant que tel, il a un sens. Alors je continue à écrire. P. 222

Elle nous fait visiter les quartiers de Paris, de ceux qui accueillent la vie, de jour, de nuit. Il n'y a pas si longtemps, j'ai saisi l'opportunité de Minuit, Montmartre pour revisiter les rues du nord de Pigalle portée par la plume de Julien DELMAIRE à la découverte de l'univers du peintre Théophile Alexandre STEINEN. J'avoue que ce fut un réel plaisir de reprendre ma déambulation dans la capitale aux côtés, cette fois, du poète Robert DESNOS, et au bras de Gaëlle NOHANT.

 

 

Ce roman, non seulement il est biographique, mais il est également historique. En abordant le personnage de Robert DESNOS, Gaëlle NOHANT retrace tout un pan de l'Histoire européenne. Il y a la guerre civile espagnole et puis, la seconde guerre mondiale. Elle  rend un hommage tout particulier à l'action des Résistants. Elle décrit la traque des juifs et, tout en poésie, l'action d'hommes et de femmes luttant contre l'occupant :


Depuis qu'il a rejoint la Résistance, il croise des hommes oiseaux s'envolant sans cesse vers des branches plus hautes pour échapper aux chasseurs, condamnés à vivre sans passé, sans mémoire, à trancher les liens qui pourraient les trahir, les retenir. P. 363-364

Gaëlle NOHANT réussit avec brio à lier les deux itinéraires, celui d'un homme et celui d'un pays. Nul doute que de nombreuses recherches documentaires ont été nécessaires en amont pour permettre à la petite histoire de s'intégrer dans la grande et le travail de l'écrivaine mérite d’être souligné. Elle dit leur avoir consacré une grande partie de sa vie ces deux dernières années, et elle ne compte pas toutes ces années qui depuis son adolescence l'ont mise sur le chemin de ce homme à la plume et au destin extraordinaire.  

 

Personnellement, c'est dans la 4ème que la force du propos m'a le plus fait vibrer. Donner la voix à Youki, la femme qui a partagé la vie de Robert DESNOS, était un pari audacieux, un changement de perception qui se révèle parfaitement maîtrisé et permet d'achever cette lecture dans la plus grande émotion, bravo.

 

Enfin, la prose de ce poète n'aurait pas été ce qu'elle est sans la plume de Gaëlle NOHANT. Je ne la connaissais pas encore (personne n'est parfait !), c'est aujourd'hui chose faite et en beauté s'il vous plaît. Gaëlle NOHANT a un talent fou et outre le fait que sa plume soit fluide et agréable à lire, elle retranscrit avec beaucoup de subtilité la vie du poète et la singularité de son regard porté sur la société.  N'est-ce pas d'ailleurs là un point commun entre le personnage du roman et son auteure ? A la lecture de ce paragraphe :


Cette attention au monde fait de lui ce passant invisible, cette pellicule que tout impressionne. Ses mots tentent de capturer le frémissement, l'instant où quelque chose d'inédit se produit, un accident, une rencontre miraculeuse ralentissant la course éperdue de chacun vers sa mort. P. 76

je me suis dit que si Gaëlle NOHANT décrivait là la posture de son personnage, elle n'était pas bien loin elle-même de l'adopter avec tout autant de sensibilité.

 

Assurément, ce roman est un petit bijou de la littérature. C'est un coup de coeur !

 

Je tiens à remercier PriceMinister pour cette très belle aventure des Matchs de la Rentrée Littéraire. Après L'insouciance de Karine TUIL l'année dernière, "Légende d'un dormeur éveillé" de Gaëlle NOHANT cette année, je ne peux qu'attendre avec beaucoup d'impatience l'édition 2018 !

 

Petit clin d'oeil enfin à la Librairie Richer et à Jackie, elle en avait fait l'éloge lors de cette soirée dédiée à la rentrée littéraire, j'avais su patienter, pour mon plus grand plaisir aujourd'hui !

 

Cette lecture s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant *****

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

 

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