Je poursuis la déclinaison de #marsaufeminin avec ma #citationdujeudi extraite d'un roman coup de coeur, un roman dont je me souviens comme à la première heure, je parle de "La carte postale" d'Anne BEREST chez Grasset et désormais disponible en poche chez Le livre de poche.
Anne BEREST est une écrivaine brillante.
Je vous dis quelques mots de ce roman.
Tout commence au petit matin. La neige a tombé dans la nuit. La mère de Anne BEREST, Lélia, va, en chaussons, cigarette à la bouche, faire le relevé du courrier. L'année 2003 commence tout juste. Au pied de la boîte aux lettres toute disloquée, parmi les cartes de voeux, gît une carte postale avec, au recto, une photographie de l'Opéra Garnier, au verso, quatre prénoms :
Ephraïm
Emma
Noémie
Jacques
Aussi obscure et impénétrable soit-elle avec ces seuls prénoms comme repères, ceux des grands-parents, oncle et tante de Lélia, "La carte postale" a été rangée au fond d'un tiroir après avoir suscité quelques brefs échanges lors du repas familial. Une bonne dizaine d'années plus tard, alors que Anne BEREST est enceinte et doit se reposer pour sa fin de grossesse, elle prend le chemin de la maison familiale et demande à Lélia de lui raconter la vie de ses ancêtres. Là commence toute l'histoire... ou presque. Si Lélia a fait beaucoup de recherches pour remonter le fil de l'existence des Rabinovitch, "La carte postale", elle, reste une énigme. Quelques années plus tard, elle deviendra une obsession.
"La carte postale", c'est une enquête menée par Anne BEREST, elle-même, écrivaine, réalisatrice. De bout en bout, j’ai été captivée par la recomposition du puzzle familial. Ce roman est empreint d’un mystère jamais résolu.
Ce que j'aime avec la citation choisie, c'est la référence au personnage de Myriam. La femme est éprise de liberté et fascinée par l'art, le chemin tout tracé vers l'homme qu'elle épousera le 15 novembre 1941. Il s'agit de Vicente PICABIA, le fils de Francis PICABIA, l'artiste de l'avant-garde.
Et puis, le choix des mots dans la langue anglaise donne une dimension éminemment poétique. Il met aussi le doigt sur ce qui relève du vivant et traduit à lui, seul, l'élan d'espoir qui souffle sur une famille exposée aux pires tragédies.
"La carte postale" d'Anne BEREST navigue entre deux registres littéraires, celui du récit de vie et celui du roman. L'écrivaine nous offre un grand moment de littérature, une lecture empreinte d'humanité servie par une plume absolument fascinante. J’ai vibré, j’ai frissonné, j'ai encaissé, j’ai chuté aussi, mais j'ai aimé, passionnément !
Ce titre est publié aux éditions Stock dans la collection Ma nuit au musée, une idée de génie cette collection.
Le concept est (relativement) simple, encore fallait-il y penser ! Un.e écrivain.e passe une nuit dans un musée et nous en livre un récit.
Si Jakuta ALIKAVAZOVIC avait choisi la salle des Cariatides du Musée du Louvre pour s'émerveiller, la nuit venue, de l'ombre de la Vénus de Milo, Lola LAFON a choisi, elle, un lieu sur lequel la Shoah a marqué son empreinte comme le tatouage sur le bras gauche des hommes et des femmes, juifs, dans les camps de concentration.
Elle a choisi l'Annexe du Musée Anne FRANK, le lieu où la famille FRANK a vécu clandestinement pendant 25 mois, 40 mètres carré pour 760 jours de survie, à l'abri des regards et des oreilles du peuple hollandais, lui, qui, en 1940, capitule et s'astreint à appliquer les mesures anti-juives. Otto et son épouse Edith, Margot et Anne leur deux filles, hébergeront quatre autres des leurs jusqu'au 4 août 1944, ce jour où la Gestapo accède au troisième étage de l'immeuble de bureaux d'Opekta.
A travers ce récit, Lola LAFON s'attache à restituer l'authenticité de la prose de la jeune adolescente pour en assurer la postérité.
Lola LAFON excelle dans les liens tissés entre les destins brisés des deux jeunes femmes, le sien et celui d'Anne FRANK, toutes deux intimement liées par leur judéité.
J'ai été touchée en plein coeur par ce texte qui navigue entre les registres de la littérature, l'histoire romancée d'une page de la vie d'une adolescente devenue célèbre malgré elle, le récit de vie personnel de l'écrivaine, la médiation culturelle d'un des lieux les plus visités des Pays-Bas. Vous pouvez en découvrir les premières lignes.
La plume est profondément émouvante. Elle vous serre le coeur du mal qui ronge les générations, de l'ignominie humaine qui fait front. Quant à dire plus jamais ça, la chute est foudroyante.
S'il n'était qu'un brin d'espoir, retenons que l’appartement des Frank de Merwedeplein soit devenu un lieu de résidence d'écrivains persécutés, un lieu de création, un lieu de vie, quoi !
place aujourd'hui à une plume féminine tout à fait fascinante, celle de Caroline GRIMM.
Je poursuis ma lecture de la biographie de "Sonia DELAUNAY, une vie magnifique" de Sophie CHAUVEAU. J'en suis à la fin des années 1920 quand l'artiste souffre d'un profond surmenage. Le couple part à la Bourboule se reposer. Le peintre, Marc CHAGALL et sa femme Bella, font partie de l'aventure.
Il ne m'en fallait pas plus pour saisir l'opportunité de la #citationdujeudi et revenir sur ce roman, "Ma double vie avec Chagall" tout à fait prodigieux.
Chagall, c’est le peintre du plafond de l’Opéra Garnier, une commande qui lui est confiée par Malraux, Ministre de la culture. Il y rend hommage à quatorze compositeurs. Chagall a alors 77 ans. Il travaille gratuitement comme un cadeau fait à la France qui lui a tout donné. C’est le pays qui l’a accueilli, lui, Moïche Zakharovitch Chagalov, quand il a quitté son shtetl, son petit village biélorusse de Vitebsk pour se vouer à la peinture, faire fortune et rentrer demander la main de Bella ROSENFELD, la femme dont il est fou amoureux. Quand il arrive dans la capitale, il est accueilli par Victor MEKLER. Il a tout à apprendre. Il trouve de nouveaux maîtres, John SINGER SARGENT et Ignacio ZULOAGA. Il se nourrit des richesses parisiennes. Il s’installe dans un atelier rue de Vaugirard, la Ruche. Il se lie d’amitié avec Blaise CENDRARS sur fond de cubisme. Si les Français ne montrent pas d’intérêt particulier pour son art, les Allemands, eux, y sont sensibles. Il rentre chez lui, retrouve ses racines et Bella, elle qui croît en sa réussite et impose le mariage à sa famille bourgeoise. Malheureusement, leur vie amoureuse commence avec la guerre. Les frontières se ferment. Ainsi commence la vie de l’artiste qui va cumuler les rendez-vous manqués, avec le public, avec son pays...
Caroline GRIMM réussit la prouesse de relater une vie ponctuée de mille et une tribulations, tout en beauté. Chagall et Bella sont éminemment romanesques. En rupture avec leurs familles, ils vivent leur passion amoureuse et leur passion de l’art, contre tous. Ils sont beaux, ils sont fous, ils sont portés par l'allégresse des sentiments, des émotions, de tout ce qui fait vibrer deux coeurs à l'unisson. L'écrivaine s'est largement documentée pour restituer tout le piment d'une existence hors du commun.
Ce roman, c'est un coup de .
La plume de Caroline GRIMM, je la connaissais pour l'avoir découverte en 2014 avec la lecture de "Churchill m'a menti". Je me plais à parcourir ma chronique de l'époque... alors que "T Livres ? T Arts ?" n'existait pas encore. Imaginez, nous étions encore à l'époque de "L'Antre des Mots" ! Et devinez quoi... c'était déjà un coup de !
Gwenn est née le 11 novembre 1862 à Quimper. Elle sera élevée par Constance et l’Amiral dans une maison où est installée une grande bibliothèque, de quoi lui donner le goût de la littérature. Pour parfaire son éducation, elle est envoyée comme servante dans une famille bourgeoise. Quand elle revient, les garçons et les filles de son âge sont déjà mariés. Seul reste Pierrick, un garçon boitillant. Les deux familles s’accordent, Gwenn devient l’épouse du paysan et partage son foyer avec ses beaux-parents, d’ignobles gens. Gwenn vend le lait des vaches place Médard, elle n’en fait jamais assez, jusqu’au jour où Gwenn échange quelques mots avec un peintre, Gibus. De mauvaises langues le répéteront à Pierrick qui, fou de rage et rongé par la jalousie, va marquer sa femme au fer rouge, une empreinte laissée à vie sur son sein. Dès lors, sa vie va basculer et marquer de nombreuses générations d’une malédiction.
Dans ce roman, il est question de transmission comme vous l'aurez compris. Comme j’ai aimé suivre la lignée de ces femmes, de génération en génération, des femmes hautes en couleur, des femmes qui, confrontées à des hommes absents, vont assumer seules l’avenir de leur progéniture, des mères honorables. L’auteur tisse le fil d’une succession de femmes aussi singulières qu'elles sont uniques, ayant en commun cette même volonté d’avancer.
Ce roman pourrait être qualifié de genre. Les descriptions des scènes de vie, des villes et des villages, sont éblouissantes. L’écrivain s’attache à décrire de façon presque cinématographique la vie quotidienne des personnages.
Le suspens de ce roman est chaque fois alimenté par une quête, à travers les ans et les territoires.
Roland BOUDAREL égrène les histoires familiales comme on enfile des perles délicates pour en faire un collier. À chacune sa densité, et ses fragilités !
Outre les qualités remarquables de la plume, ce qui m’a beaucoup plus dans ce roman, c’est sa construction. Les révélations des secrets bien gardés s’imbriquent les unes dans les autres comme les pièces d’un puzzle parfait.
Si vous avez envie d'en savoir plus, n'hésitez pas à lire l'interview que Roland BOUDAREL m'a si gentiment accordée.
Ma #citationdujeudi est extraite d'une lecture récente, celle du roman de Maud SIMONNOT : "L'heure des oiseaux" publié aux Editions de L’Observatoire, une lecture coup de poing recommandée par le Book club.
J'ai choisi deux phrases qui donnent à voir l'union de deux êtres en perdition.
Je vous dis quelques mots de l'histoire :
Il y a Lily, une enfant accueillie à l’orphelinat de l’île de Jersey, une terre anglo-normande. Elle porte une attention toute particulière à un enfant, le Petit. Tous deux essaient de se protéger des coups, mais, dans les années 1900, la maison de dieu se révèle des plus violentes. En 2008, une découverte macabre met en émoi la population de l'île. La narratrice, une ornithologue, a tout intérêt, des dizaines d’années après, à faire la lumière sur les détails de la tragédie. Une nouvelle page de l'Histoire s'ouvre alors !
A travers ce roman, inspiré d'une histoire vraie, "L'heure des oiseaux", Maud SIMONNOT revient sur les sévices portés des hommes d'église sur des enfants, des êtres fragiles retirés de familles vulnérables, des familles pauvres de l'île de Jersey. Honte sur la maison de dieu qui se révélait un lieu de tortionnaires.
Elle dénonce non seulement les faits, mais aussi celles et ceux qui savaient et qui n'ont rien fait pour faire cesser la tragédie. Elle dénonce encore celles et ceux qui continuent de se taire et ne permettent pas encore d'écrire la véritable histoire de ce territoire.
Le jeu de la narration, les chapitres courts... sont autant d'éléments qui renforcent le pouvoir des mots de Maud SIMONNOT. La plume est ciselée, les personnages écorchés. Coup de maître, chapeau !
Une nouvelle fois, il s'agit d'un texte publié par les Editions de L’Observatoire. De cette maison, je vous conseille également :
Ma #citationdujeudi est extraite du premier roman d'Anthony PASSERON : "Les Enfants endormis" aux éditions Globe.
Je vous en dis quelques mots :
Il y a cette famille d’artisans bouchers, de pères en fils, des gens connus de tout le village, des gens qui se tuent au travail. Alors, quand le fils aîné, Désiré, se destine à des études, un nouvel élan souffle sur la lignée. C’est le fils cadet qui, lui, sera soumis à la relève, lui n’aura pas le choix de son avenir professionnel. Mais avec les études, Désiré découvre la vie en ville. Il côtoie des jeunes qui n’ont que faire du modèle ancestral. Ce qu’ils veulent, eux, c’est vivre. Dès lors, ils repoussent les limites, bravent tous les dangers. Désiré lâche l’école. Direction Amsterdam. Quand il en reviendra, plus rien ne sera pareil. La drogue fait partie de sa vie, la drogue dure, l’héroïne. Il se pique, lui et ses amis de l’époque. Ils partagent les mêmes seringues, celles-là mêmes qui véhiculent le VIH. Mais le virus est à cette époque loin d’être maîtrisé. Ce ne sont que les balbutiements de la recherche médicale dans le domaine, le début d’un des plus grands combats scientifiques du XXème siècle.
Ce roman résonne profondément avec l'actualité. Peut-être avez-vous entendu parler du décès de Daniel DEFERT... cet homme ne vous dit peut-être rien. C'est pourtant lui qui est à l'origine de la création de l'association Aides.
Si nous avons beaucoup parlé d'un virus ces trois dernières années, il en était un autre dans les années 1980 qui décimait les 4 H. Il en faisait aussi des parias.
J'ai énormément appris avec ce roman parfaitement construit.
"Les Enfants endormis", c'est aussi une autre époque. L'auteur décrit la vie dans un village de campagne orchestré par les notables, les artisans faisaient partie des rouages du système. Alors, quand un fils tombe malade, sa femme et leur fille aussi, tout ce qui a été construit à mains nues s'écroule.
Ce roman, il est militant.
Il assure la mémoire de celles et ceux qui ont succombé. Ils étaient des hommes et des femmes, comme nous, et pourtant, ils sont décédés d'un virus pendant que les instituts de recherche menaient une autre guerre, celle de la notoriété, de l'argent. C'est abject. Plus jamais ça !
Il honore aussi Willy ROZENBAUM, infectiologue, qui a fait preuve d’une incroyable ténacité. S'il est passé à côté du Prix Nobel de Médecine en 2008, il trouve là un hommage vibrant qui vient couronner son combat.
Sur fond des discussions actuelles au Parlement sur l'entrée ou non du droit à l'avortement dans la Constitution française, je me remémore les mots de Gisèle HALIMI.
Ma #citationdujeudi est extraite de "La cause des femmes", mon 2000ème post sur Instagram. Il faut toujours frapper fort quand il s'agit de protéger les femmes, protéger leur santé, protéger leur liberté de jouir comme elles l'entendent de leur corps.
Bien sûr, certaines jeunes femmes connaissent Gisèle HALIMI, née le 27 juillet 1927 et décédée le 28 juillet 2020. Il suffit d'écouter Judith CHEMLA au micro de Rebecca MANZONI dans Totemic pour s'en convaincre. L'actrice a décidé de faire résonner sa voix, quel choix salutaire !
Nous sommes en avril 1971, Gisèle HALIMI signe le Manifeste des 343, rédigé par Simone DE BEAUVOIR et publié dans Le Nouvel Observateur. 343 femmes publiques déclarent avoir avorté. Elles s'exposent, à l'époque, à des poursuites pénales, voire à des peines d'emprisonnement.
Le Manifeste est une première étape, une façon d'engager le combat en faveur de l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).
Quelques mois après, Gisèle HALIMI, avocate à la Cour d'Appel de Paris, et Simone DE BEAUVOIR, créent le mouvement "Choisir la cause des femmes", un mouvement féministe qui va organiser les manifestations.
Il faudra toutefois attendre le procès de Marie-Claire en 1972 pour que l'opinion publique adhère à la cause.
Dès lors, les revendications s'amplifient jusqu'à l'adoption, quatre ans plus tard, de la loi Veil, dépénalisant l'avortement en France.
Tout une histoire, toute notre Histoire autour du sujet.
Alors, quand ce matin, au réveil, j'entends à la radio que les députés et sénateurs s'échignent autour des mots. L'avortement, c'est un droit ou une liberté ? Je ne peux pas m'empêcher de la citer.
Les voix de Gisèle HALIMI, Simone DE BEAUVOIR et Simone VEIL, entre autres, nous manquent profondément aujourd'hui pour nous éclairer.
A défaut de les voir participer au débat du moment, que les femmes, de toutes générations, que les hommes se nourrissent de leurs mots. Je conseille "La cause des femmes" à toutes et tous. Le livre est désormais disponible en version poche chez Folio, un petit budget pour une grande cause, ça serait dommage que la loi de réforme des retraites fasse oublier celle qui encadrera le droit des femmes pour l'avenir.
Si les mots de Gisèle HALIMI ont un sens, ceux de Simone DE BEAUVOIR aussi...
N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.
Il fut un temps nous étions Charlie, pourquoi ne pas être Simone aujourd'hui ?
La narratrice, Nathalie RHEIMS voue une passion aux mots. Au lycée, elle aspire à des cours de théâtre. Quand son père lui lance le défi :
"Si tu réussis à entrer au Conservatoire, je t'autorise à arrêter le lycée."
elle redouble d’effort. Elle se souviendra toujours de cette audition rue Blanche. Ils étaient 600, ils finiront à 17, elle en fera partie. Avec cette activité professionnelle, c'est un peu comme tisser le fil d'une nouvelle vie, plus rien ne se passera comme avant. Elle va entrer dans un nouvel univers, celui de la scène, d'une vie nocturne, de la fréquentation d'hommes et de femmes célèbres. Et puis, alors qu'elle joue un petit rôle dans "La Mante Polaire" aux côtés de la grande Maria CASARÈS dans le rôle principal, Christiane, une figurante, lui présente l'homme (secret de polichinelle, il figure sur la première de couverture, c'est Marcel MOULOUDJI) qui va bouleverser sa vie. Elle a 18 ans, lui 37 ans de plus. Dès lors commence une folle histoire d'amour.
Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est plus que tout l'amour des mots !
Nathalie RHEIMS évoque cette jeunesse éprise de textes qui n'en a que faire de la mode, des Beatles qui révolutionnent la musique, non, elle, ce qui l'émerveille, ce sont les paroles des chansons des années 1950-1960, des chansons engagées. Et puis, il y a le théâtre, et enfin la poésie. Elle évoque à qui veut l'entendre Jacques PREVERT et son recueil "Paroles". De là à plonger elle-même dans le registre de l'écriture, il n'y a qu'un pas.
Ce roman, je vous en parle parce que la plume est magnifique, les phrases éminemment romanesques et d'une profonde sensibilité.
Je découvre qu'il s'agit du 23ème livre de Nathalie RHEIMS. Que de réjouissances à venir en retrouvant ses mots.
Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur un premier roman exquis, "La sauvagière" de Corinne MOREL DARLEUX aux Éditions Dalva.
Il y a dans ce conte onirique un rapport au corps tout à fait exceptionnel. Meurtri par l’accident, endolori, ankylosé, il cherche la voie d’une SURvie. On mesure à travers le personnage de fiction de la narratrice dont on ne connaît ni le nom ni les origines qu’un corps, la chair, les organes… ont leur propre rythme, leur propre existence. Ne parlons-nous pas de mort cérébrale ? Ce premier roman, c’est une invitation à faire une pause, se recentrer sur son corps, y puiser la lumière, l’énergie, la vie, quoi !
Et puis, comme le laisse préfigurer la citation, il y a la force de l’environnement, une nature profonde, la forêt, les montagnes, une forme de refuge, autant d’éléments propices à la reconstruction psychique.
Comme j’ai aimé que l’écrivaine aille puiser dans une autre langue que la nôtre pour y trouver un terme tellement approprié pour décrire ce que le vent peut apporter de puissant, de force et d’allégresse…
Ce roman, c’est encore une invitation à observer et se nourrir de ce qu’ils peuvent nous apporter de réconfort, une certaine forme de substitut à la frénésie qui nous entoure. Ils ont cette sensibilité qui permet à l’individu de prendre conscience de son humilité. S’il s’agissait là d’une voie pour sauver l’humanité…
Ce premier roman écrit dans une plume poétique, délicate et sensuelle, nous propose de faire corps avec la nature, d’entrer en fusion avec ce qu’elle a de vivant. Le dessin de la première de couverture, sublime, une oeuvre d’art réalisée par Pedro TAPA, le dévoile à elle seule. « La sauvagière » est « À découvrir », je confirme !
Ma #citationdujeudi je suis allée la puiser dans « L’Archiviste » d’Alexandra KOSZELYK publié Aux Forges de Vulcain.
Je n’ai plus de secret pour vous. Vous savez à quel point j’aime la plume de cette écrivaine.
Mais son dernier roman a résonné très fortement avec la lecture récente du dernier livre de Lola LAFON « Quand tu écouteras cette chanson » et j’ai eu envie de vous en reparler.
K est une jeune femme, l’Archiviste. Sa sœur Mila est photographe et journaliste. Leur mère a fait une attaque cérébrale quelques jours avant l’invasion russe en Ukraine. Elle a passé un temps dans le coma. Depuis son réveil, son ouïe reste atrophiée. Alors que K se trouve dans une galerie souterraine et assure la conservation des œuvres du chaos, elle reçoit la visite d’un commanditaire qui lui confie une mission, revisiter les créations d’artistes dissidents, les falsifier, réorienter leur propos au service de la propagande. Il a un moyen de pression sur K, une photo de sa sœur Mila, prisonnière de guerre. Elle n’a d’autre choix que de se soumettre pour éviter à sa sœur une mort certaine.
Avec ce roman, Alexandra KOSZELYK décline le verbe RÉSISTER sous toutes ses formes.
C’est bien sûr le premier point commun entre ces deux histoires, l’une de fiction, l’autre inspirée d’une histoire vraie.
Mais ce qui m’a profondément touchée, c’est aussi l’instrumentalisation de la culture. Dans l’un, il s’agit de falsifier les textes et les œuvres d’art pour assurer la postérité du régime en place, de la propagande, dans l’autre c’est à des fins commerciales et politiques. Pourquoi nous priverions-nous d’orienter le Journal d’Anne Frank ?
Les deux femmes, chacune à leur manière, font de leur écriture un acte militant. Pour Alexandra KOSZELYK, il y a ce sursaut de résistance à la déclaration de guerre de La Russie à l’Ukraine et par la voie du roman un hommage rendu aux poètes et artistes en tous genres de son pays d’origine. Pour Lola LAFON, il y a ce rapport à la judéité. Comment avancer ? Continuer de vivre pour les générations hantées par les fantômes des victimes de la Shoah.
Alexandra KOSZELYK, comme Lola LAFON, luttent à mains nues, armées de leur stylo ou de leur clavier d’ordinateur. Elles nous livrent des textes marqués par la grande Histoire, des textes forts. Je vous les recommande absolument.
Parfois on se dit que l’on aimerait garder en mémoire certaines citations, les encadrer. C’est désormais chose faite avec cette très belle phrase pour évoquer la mobilisation d’une mère dans l’éducation artistique de ses deux filles, des jumelles. Elle m’inspire profondément !
Ce livre résonne profondément avec l'interview d'hier de Virginie EFIRA et Rebecca ZLOTOWSKI, elles répondaient au question de Léa SALAMÉ dans le 7/9.30 de France Inter pour la promotion d'un film qui sortira au cinéma le 21 septembre et que je me promets d'aller voir : "Les enfants des autres".
Il y est question d'une femme qui s'attache à l'enfant d'une autre et pose la question : "Qu'est-ce qu'être mère ?".
Sandra, la narratrice du roman de Charlotte PONS, a la quarantaine. Depuis le drame de son petit frère, elle a pris la décision de ne jamais être mère. De fait, ses aventures avec les hommes n’ont été que de courte durée, des soirées sans lendemain. Quand son ami d’enfance, Romain, homosexuel, lui fait part de son désir d’un enfant et des nombreuses tentatives de GPA (Gestation Pour Autrui) aux Etats-Unis, sans succès, Sandra se retrouve malgré elle au cœur d’une sombre histoire de prêt de son corps.
Avec ce roman, Charlotte PONS explore les différentes dimensions d’une mère et de l’identité d’une femme à travers le filtre de la maternité.
Ce roman aurait pu être militant, il ne l’est pas, il met toutefois le doigt sur les enjeux éthiques, sociaux, économiques, sanitaires, politiques… que revêt la GPA. L’écrivaine nourrit notre position personnelle sur le sujet.
La plume de Charlotte PONS est directe et les mots puissants. J'ai été frappée en plein cœur.
Ma #citationdujeudi est l'occasion de revenir sur le dernier livre de Gwenaëlle AUBRY, "Saint Phalle Monter en enfance" aux éditions Stock, un essai qui revisite une partie de la vie de Niki DE SAINT PHALLE, cette artiste que j'aime tant.
Nul doute que Charles ROUX aurait quelque chose à en dire, peut-être quelques copies doubles, à moins que ça ne soit un roman !
Au fil de XII chapitres, dont les titres sont choisis parmi les vingt-deux cartes du jeu, les Arcanes majeurs, Gwenaëlle AUBRY propose une forme de médiation artistique singulière autour de l’œuvre de Niki de SAINT PHALLE, le Jardin des Tarots réalisé sur la colline de Garavicchio en Toscane.
Elle déroule le fil de l’existence d’une artiste hors norme. La vie avait bien mal commencé pour elle avec ce viol incestueux à l’âge de 11 ans, l’été des serpents. A l’instar de sa mère qui voulait tout cacher, Niki de SAINT PHALLE montre tout, elle se joue de tout pour mieux se venger. Elle se marie avec Harry MATHEWS comme les règles de la bourgeoisie l’y obligent. C’est avec lui qu’elle a deux enfants mais ils ne sauraient la retenir au foyer familial. L’appel de l’art est trop fort. Elle rencontre Jean TINGUELY avec qui elle va jouir de l’existence. Lui est un passionné de Formule 1. Tous deux me font penser au couple formé par « Gabriële » BUFFET et PICABIA. Ils sont fougueux, ils croquent la vie à pleines dents, enivrés par la vitesse de leur bolide comme des événements.
Dans une narration à la première personne du singulier, Gwenaëlle AUBRY prête sa plume tantôt à la voix de Niki de SAINT PHALLE, tantôt à sa démarche personnelle. J’ai beaucoup aimé le croisement des trajectoires et le concept de « Monter en enfance ».
Parce que je ne lis plus les quatrièmes de couverture des livres depuis belle lurette, dans le cadre de l'édition #jamaissansmon68, je vous propose de découvrir les premières lignes d'un roman de la #selection2022 des 68 Premières fois : "Jour bleu" d'Aurélia RINGARD aux éditions Frison-Roche.
Il y a eu cette soirée de vernissage d’une exposition, cet échange entre elle et lui, et puis ce rendez-vous trois mois plus tard, gare de Lyon. Elle habite Paris. Lui arrivera avec le train venant d’Annecy à 13h. Arrivée tôt le matin, pour être à l’heure, elle se remémore les trains du vendredi soir, ceux qui l’emmenaient elle et son frère passer le week-end chez leur père. Leurs parents étaient divorcés. Quel déchirement de devoir la quitter, elle. Le temps de l’attente est l’opportunité pour les souvenirs d’affluer, de retisser le fil de la vie de celle qui a trente-cinq ans. C’est aussi celle de nourrir le désir…
Aurélia RINGARD nous livre un premier roman ou l’introspection d’une jeune femme dans un lieu public les quelques heures précédant les retrouvailles avec son amant.
Elle observe celles et ceux qui l’entourent, la société en transit qui, dans un café de gare, vit un sas entre deux existences comme autant de prétextes à inventer les vies, heureuses ou bafouées, lire les émotions qui s’expriment sur les visages et agitent les corps, trouver les mots pour traduire les ressentis…
La jeune femme a besoin d’un ancrage, de valeurs sur lesquelles compter, de faire le point sur ses propres intentions à elle, avant de les diluer avec celles d’un autre.
Elle prend le temps nécessaire pour une parfaite maîtrise de soi. C'est cet exercice qui a capté mon attention.
Aurélia RINGARD joue sur les registres du regard, l’un porté sur l’extérieur avec ce qu’il a de profondément troublant et l’autre porté sur l’intérieur, un brin spirituel, qui cherche la confiance en soi.
Dans une narration qui alterne le voyage intérieur avec le je et le survol d’une scène de genre avec la troisième personne du singulier, Aurélia RINGARD nous offre un roman singulier, très actuel, qui interroge sur le chemin restant à parcourir pour chacun.
Si vous optez pour #jamaissansmon68, vous n'aurez que l'embarras du choix !