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2018-11-30T08:16:05+01:00

La Folie Elisa de Gwenaëlle AUBRY

Publié par Tlivres
La Folie Elisa de Gwenaëlle AUBRY

Mercure de France

 

Après « Partages » en 2012, j’ai eu profondément envie de retrouver l’univers si singulier de Gwenaëlle AUBRY qui vient de publier son dernier roman « La Folie Elisa » aux éditions Mercure de France. Ce roman est émouvant à plus d’un titre. C'est un coup de coeur.

Quatre femmes, artistes, trouvent refuge à « La Folie Elisa », une maison dans laquelle une danseuse berlinoise, une sculptrice grecque, une rock star anglaise et enfin une actrice française vont être hébergée pour se reconstruire. Toutes sont marquées par des histoires de vie douloureuses en lien avec un monde en plein déclin. Chacune, dans sa chambre claire, déroule le fil de son existence et cherche, dans son propre corps, à puiser l'énergie pour rebondir.

J'ai été infiniment troublée par les itinéraires de vie de ces quatre femmes qui incarnent le monde contemporain, celui d'aujourd'hui dont elles s'extraient. Cette maison, "La Folie Elisa", qui entretient un lien intime avec l'écrivaine elle-même, offre un abri, une retraite, un asile (l'anagramme d'Elisa !) à des femmes meurtries. Le corps occupe une place prépondérante, un peu comme si, à leur arrivée, les femmes n'étaient plus que chair :


[...] ces instants souverains où les corps font sécession, opposent à la loi du monde le miracle de leur rencontre, l’insolence de leur don, et leur joie triomphale. P. 131

Ce rapport au corps est largement exploré par Gwenaëlle AUBRY. Outre les âmes, les corps de ces femmes sont douloureusement meurtris, à l'image des murs d'une construction qui eux, n'ont pas de complexes à afficher à l'extérieur leurs fissures comme les traces du temps qui passe, de l'environnement qui les agresse :


[...] les murs précaires que l’on maçonne à l’intérieur de soi et qui d’un coup s’effondrent, les fêlures que nous portons cachées et qui dessinent, exactes, nos lignes de brisure, l’architecture de notre fragilité, [...]. P. 123-124

Passionnée d'urbanisme, cette métaphore entretenue tout au long du roman m'a beaucoup touchée. Elle donne à voir cette force qu'ont les murs à renvoyer au monde les effets de ses attaques. Les femmes, si elles sortent un jour de "La Folie Elisa", auront dû retrouver assez de force pour, elles aussi, montrer l'objet de leurs fragilités et prouver leur capacité à colmater leurs failles.

Ce roman aurait pu être sombre, il est en réalité exaltant, lumineux et stimulant. Gwenaëlle AUBRY dresse des portraits de femmes qui ont vécu des expériences fulgurantes portées par la passion et une certaine urgence à vivre. Comme l'amour, l'art donne aux êtres humains la force d'EXISTER. L'auteure permet ainsi à Sarah, par la voie de la danse, de rompre avec son histoire, son passé, de se laisser porter par un élan de créativité :


Mais ces quelques lignes hâtives : une merveille. Non seulement je les aimais sans réserve, mais je savais d’instinct comment les danser. P. 61

Il n'y a plus de raison qui compte mais bien un instinct, presque animal, à SURvivre, s'enivrer et se surpasser, à s'exprimer aussi, s'affirmer, s'extérioriser. Le rapport du dedans et du dehors avec leurs porosités transcende "La Folie Elisa".

Ce roman chorale est judicieusement construit sur les monologues de chacune des quatre femmes accueillies et ponctué par le propos de la narratrice, la maîtresse de maison, à la sagesse altruiste. Il est aussi mathématique, le principe de la preuve par 3 est joliment illustré par une alternance des prises de parole en respectant le principe de l'égalité parfaite. Gwenaëlle AUBRY est une écrivaine cartésienne, c'est avec cette méthode qu'elle nous livre un roman efficace, d'une densité remarquable dans seulement 144 pages. La forme contribue à insuffler un brin d'espoir dans un roman marqué par la chute, celle des hommes, celle du monde. 

Je l'ai adoré. Quant à rencontrer l'écrivaine, un pur moment de magie !

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2018-11-29T07:00:00+01:00

Ásta de Jón Kalman STEFANSSON

Publié par Tlivres
Ásta de Jón Kalman STEFANSSON

Parce qu'un coup de coeur se partage sans modération, j'ai choisi d'extraire ma #citationdujeudi du dernier roman de Jón Kalman STEFANSSON "Ásta" publié aux éditions Grasset.

Il est en lice pour le #GrandPrixdesLectricesElle 2019.

C'est un formidable roman qui parle de la passion amoureuse dans ce qu'elle a de plus fulgurant, de plus douloureux aussi. Je suis sortie de cette lecture totalement habitée par le personnage d'Ásta.

Ce roman d'apprentissage est juste EXTRAordinaire, qu'on se le dise !

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2018-11-28T20:54:41+01:00

Trois chouchous dans le top ten du magazine Elle de novembre

Publié par Tlivres
Trois chouchous dans le top ten du magazine Elle de novembre

Quel plaisir de découvrir le top ten du mois de novembre du magazine Elle !

Trois de mes chouchous sortis en 2018 y figurent :

* le dernier lu, " Ça raconte Sarah" de Pauline DELABROY-ALLARD, lauréate du Prix du Style 2018, c'est un roman qui parle de la passion amoureuse, un livre exaltant,

* "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANI, un roman tout à fait jubilatoire qui évoque l'itinéraire d'une famille iranienne et son arrivée à Paris en 1979, la plume est joyeuse, énergique,

* "L'invention des corps" de Pierre DUCROZET, un roman fulgurant, chaque minute est comptée.

J'adore cette sélection, et vous ?

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2018-11-26T07:00:00+01:00

Survival of Serena de Carole A. FEUERMAN

Publié par Tlivres
Survival of Serena de Carole A. FEUERMAN

Il y a eu "Le baiser" de Carole A. FEUERMAN, il y a désormais "Survival of Serena".

L'année dernière, lors de notre séjour à Venise, nous avons découvert deux expositions, en plein air, d'oeuvres de l'artiste américaine.

Carole A. FEUERMAN est à l'initiative de la sculpture hyperréaliste, un mouvement artistique qui propose des représentations fidèles à la réalité.

Personnellement, je suis tombée sous le charme de ses nageuses, en résine. Elles affichent une telle sérénité, un peu comme si après le bain, elles étaient parfaitement en paix.

C'est ma #lundioeuvredart, une manière d'aborder la semaine tout en beauté.

 

 

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2018-11-24T07:00:00+01:00

Ça raconte Sarah de Pauline DELABROY-ALLARD

Publié par Tlivres
Ça raconte Sarah de Pauline DELABROY-ALLARD

Les éditions de Minuit

 

Cette rentrée littéraire nous offre de jolies découvertes avec des premières plumes très prometteuses. Il y a eu celle de Adeline DIEUDONNE avec "La Vraie Vie", il y a désormais celle de Pauline DELABROY-ALLARD avec "Ça raconte Sarah".

Ce roman est dédié à la passion amoureuse.

La narratrice traverse une période de "latence". Le père de sa fille a subitement quitté le foyer. Depuis, elle s'astreint à jouer le rôle de mère, de professeure, de fille, d'amie, d'amoureuse aussi, mais son existence a perdu de son sens, elle est telle une funambule jusqu'au jour où Sarah fait irruption dans sa vie. La narratrice fête le nouvel an avec des amis, une jeune fille, la trentaine, arrive tardivement. Du genre exalté, elle parle fort, boit beaucoup, prend une place immense au sein de la communauté. Violoniste dans un quatuor, elle donne des concerts dans toute l'Europe. Sans cesse en déplacements, elle croque la vie à pleines dents, "elle est vivante". Elles vont tomber éperdument amoureuses l'une de l'autre et se laisser emporter par la puissance de la passion. Elles vont vivre des moments d'une intense ardeur jusqu'au jour où.. les sentiments vont évoluer !

La passion, sujet éminemment philosophique, transcende, vous l'aurez compris, le roman de Pauline DELABROY-ALLARD qui décrit avec beaucoup de sensualité la jouissance féminine. Les corps sont assoiffés de désir, ébranlés par la fièvre amoureuse, dévorés par le manque aussi. 
Le personnage de Sarah incarne le côté sulfureux, incandescent, enflammé, de la passion.


Elle fait beaucoup de choses comme si sa vie en dépendait. P. 48

La passion donne un sens à sa vie, elle la libère. Sarah est musicienne. Il y a de très jolis passages d'une femme au sommet de son art lors de ses représentations.

Les émotions sont d'une intensité remarquable, les deux femmes en sont littéralement consumées. Le lecteur ressent les vibrations jusque dans la narration, haletante, rythmée par de courts chapitres, quelques lignes parfois. Il y a cette urgence à vivre, cette nécessité de savourer chaque instant comme s'il s'agissait du dernier. 

Et puis, il y a cette rupture dont je ne dévoilerais rien bien sûr, un événement qui va venir rompre cette folie douce.

Alors que la narratrice, dans la première partie, occupait plutôt une place secondaire, dans la seconde, elle devient le personnage clé, hanté par l'absence de Sarah, rongé par un vide abyssal. L'origine latine du mot passion reprend ses droits et entre dans la danse par la voie de la souffrance, du déchirement, du chagrin. La narratrice subit pleinement le côté destructeur de la passion. Dès lors, c'est la fuite en avant.

Là, le personnage se cherche, la temporalité prend une toute autre dimension, la narration s'adapte, le rythme s'apaise, les minutes s’égrènent inlassablement.

"Ça raconte Sarah" est un hymne à l'amour. Pauline DELABROY-ALLARD nous livre un roman audacieux qui explore la passion à travers une relation homosexuelle, peu présente encore en littérature, dans une plume voluptueuse, parfaitement cadencée, qui vient d'ailleurs d'être honorée par le Prix du Style 2018, elle succède ainsi à Kaouther ADIMI avec "Nos richesses". 
 

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres, tout comme :

Ça raconte Sarah de Pauline DELABROY-ALLARD *****

La Vraie Vie d'Adeline DIEUDONNE *****

Rivière tremblante de Andrée A. MICHAUD *****

Miss Sarajevo d'Ingrid THOBOIS Coup de coeur

Asta de Jon Kalman STEFANSSON Coup de coeur

Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA *****

Chien-loup de Serge JONCOUR Coup de coeur

L'hiver du mécontentement de Thomas B. REVERDY *****

Lèvres de pierre de Nancy HUSTON Coup de coeur

Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI *****

Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY *****

Hôtel Waldheim de François VALLEJO *****

Le Grand Nord-Ouest d'Anne-Marie GARAT *****

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL *****

Je, tu, elle d'Adeline FLEURY ****

La douce indifférence du monde de Peter STAMM *****

La neuvième heure d'Alice McDERMOTT *****

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2018-11-23T06:44:00+01:00

Ici, les femmes ne rêvent pas de Rana AHMAD

Publié par Tlivres
Ici, les femmes ne rêvent pas de Rana AHMAD

Editions Globe

Il y a des lectures qui se suivent... et parfois se ressemblent. Toutes les deux sont réalisées dans le cadre du #GrandPrixdesLectricesElle2019. Après "La Vraie Vie" de Adeline DIEUDONNE, un roman, voici "Ici les femmes ne rêvent pas" de Rana AHMAD, là, il s'agit d'un récit de vie, plus précisément, le récit d'une évasion.

Tout commence avec une communication téléphonique qui doit rester secrète. Une jeune femme téléphone à son père qu'elle n'a pas vu depuis 2 ans. Rana est en Allemagne, à Cologne, lui, à Riyad en Arabie Saoudite. Elle a vécu là-bas son enfance, son adolescence, et a fui cet univers qui la brimait. 

Ses parents sont originaires de Damas en Syrie où la famille passe toutes les vacances d'été. Rana, petite fille, y vit plus libre, elle aime prendre son vélo et aller faire les provisions que lui commande sa grand-mère jusqu'au jour où son grand-père décide d'attribuer à un cousin son vélo, ce bien qui lui est le plus précieux. Elle a 10 ans, elle est une fille, elle ne doit plus se vouer à ce type d'activité. Et puis, il est temps pour elle aussi de porter le voile. A 14 ans, elle passe au niqab. Rana fait l'objet d'un mariage arrangé. Une fois le folklore des festivités passé, elle se trouve très vite confrontée aux violences de la belle-famille qui envahit son intimité et celle de son mari. Le piège se referme sur elle, elle est menacée de mort. Elle réussit à divorcer grâce au soutien de son père. Une nouvelle vie commence, celle de l'émancipation. Rana découvre les théories de l'évolution de Darwin sur les réseaux sociaux, il n'en faudra pas plus pour que sa curiosité soit attisée et sa foi en Dieu remise en question. Un tout nouveau combat commence avec sa mère, son frère, elle est la honte de la famille, elle n'aura bientôt plus d'autre choix que de partir... ou mourir.

J'ai été profondément touchée par ce document qui fait partie de la sélection du mois d'octobre.

Dès les premières pages, j'ai été captivée par le destin de cette femme. On mesure très vite la précarité de sa situation et la vulnérabilité de sa survie. Rana AHMAD, il s'agit là d'un pseudonyme, est menacée de mort dans son pays d'origine. Elle vit cachée des siens et tente de construire sa vie à l'étranger.

Comment en est-elle arrivée là ? C'est ce que nous découvrons avec ce livre qui va lentement et chronologiquement relater toute la vie de l'auteure. C'est un témoignage affreux de la violence des hommes faite aux femmes, sous couvert d'un propos religieux qui conférerait aux mâles une quelconque supériorité, propos totalement insupportable d'autant plus quand il s'agit de vie ou de mort. Il y a cette incapacité à s'habiller comme elles le souhaitent


Pourquoi devons-nous constamment cacher là-dessous notre beauté et notre personnalité ? P. 46

mais aussi à sortir quand elles veulent. Les femmes en Arabie Saoudite doivent être accompagnées en permanence d'un homme, leur père, un frère... dans l'espace public. 

Rana a bénéficié d'un père moderne qui souhaitait qu'elle fasse des études supérieures mais le cocon familial, croyant et pratiquant, aura eu raison de ses bonnes intentions. Le personnage de la mère est d'une cruauté sans nom. Comment imaginer qu'une femme qui a enfanté puisse renouveler les interdits à la génération qui suit ? C'est pourtant ce qui se passe. Plus Rana grandit, plus elle cherche à s'émanciper, plus l'étau de la mère se resserre.


Je crois qu’elle devine mon appétit, mon désir d’une vie plus grande, avant même que je n’en prenne moi-même conscience - cet instinct qu’ont les mères, même quand on a le sentiment d’avoir perdu toute proximité avec elles. P. 129

Avec ce récit de vie, Rana AHMAD met une nouvelle fois le doigt sur le déterminisme social. Comme chaque enfant, elle reçoit de ses parents une éducation qui lui laisse à penser que toutes les familles vivent de la même manière. Comment imaginer que d'autres références puissent alors exister ? Comment mettre des mots sur les maux du quotidien ?


À cette époque, j’ai l’impression d’avoir grandi dans une prison sans même avoir su que j’étais enfermée. P. 136

Alors que les réseaux sociaux sont habituellement montrés du doigt pour enrôler les jeunes, faire d'eux les victimes de mouvements de radicalisation, là, ils sont synonymes d'émancipation. C'est grâce aux réseaux sociaux que Rana va découvrir une communauté d'ex-musulmans et décider de devenir athée. C'est grâce à eux aussi qu'elle va organiser sa fuite, le passage de la frontière à destination d'Istanbul en Turquie. C'est grâce à eux encore qu'elle va trouver sa voie en Allemagne. Ce document montre la force d'un réseau qui s'appuie, aujourd'hui, sur les nouvelles technologies réduisant de  fait les distances, le monde devient un jardin !

J'ai commencé cette chronique en mettant le doigt sur une similitude avec "La Vraie Vie" de Adeline DIEUDONNE. Il en est un qui est une fiction l'autre profondément ancré dans la réalité, les deux ont comme personnage principal une fille, les deux s'inscrivent dans un parcours initiatique et une quête de liberté, mais aussi et surtout, les deux vont s'appuyer sur la science pour déconstruire tous les schémas qui leur ont été transmis. Rana AHMAD va prendre conscience avec Darwin que Dieu n'est pour rien dans l'évolution des espèces et va, comme la narratrice de "La Vraie Vie", s'appuyer sur des données ô combien rationnelles pour construire sa propre philosophie du monde.  

Ce récit est déchirant mais c'est aussi une formidable leçon de vie. En le refermant, je me prends à rêver, parce que chez nous c'est permis, en un monde meilleur, peut-être n'est-ce là qu'une utopie...

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2018-11-22T18:38:47+01:00

Illetré de Cécile LADJALI

Publié par Tlivres
Illetré de Cécile LADJALI

Cécile LADJALI connaît le poids des mots, elle les utilise avec justesse, sagesse et rigueur.

J'ai pu le mesurer avec la lecture de son tout dernier roman "Bénédict" et puis "Illetré" dont j'extrais ma #citationdujeudi.

Ce fut un plaisir aussi de l'écouter lors de son passage à la Librairie Richer le 24 février 2018, et de voir à quel point la langue française mérite, pour elle, toute son attention, un moment inoubliable !

Alors, vous comprendrez que j'ai envie aujourd'hui de la mettre une nouvelle fois à l'honneur !

Si vous n'avez encore rien lu de cette écrivaine pleine de talent, réjouissez-vous de toutes les découvertes qu'il vous reste à faire !

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2018-11-20T07:00:00+01:00

La Vraie Vie d’Adeline DIEUDONNE

Publié par Tlivres
La Vraie Vie d’Adeline DIEUDONNE

L’iconoclaste
 

Ce 1er roman, lauréat du Prix Fnac 2018, et tout juste couronné du Prix Renaudot des Lycéens, fait partie de la sélection d'octobre du #GrandPrixdesLectricesElle 2019. 

Depuis plusieurs semaines, je m'étais contrainte à ne rien lire et ne rien écouter sur "La Vraie Vie", histoire de ne pas déflorer son contenu, un effort incommensurable quand on voit le déploiement d'articles, de chroniques de tous ordres qui lui sont consacrés. J'avoue que l'escapade au Pérou, déconnectée du monde, m'a un peu facilité les choses ! 
Toujours est-il que je ne savais pas à quoi m'attendre et que la force de l'uppercut en a été décuplée. 

Dès les premières phrases, j'ai croisé le regard de la hyène, il m'a tenue en joug, ma respiration s'est bloquée, j'ai lu le roman d'une traite, en apnée totale. Quelques semaines (la violence est telle que j'ai dû encaisser avant de pouvoir écrire ces quelques lignes) après l'avoir refermé, il ne cesse de me hanter. Je ne suis pas prête de l'oublier. 

Je suis entrée dans une maison d'un lotissement où habitent la narratrice, une fillette de 10 ans, son frère, Gilles, de 6 ans, et leurs parents. Une pièce est consacrée aux animaux que le père, passionné de chasse, a tué. Ils viennent du monde entier. Empaillés, ils sont la plus grande fierté du chef de famille, son domaine réservé. La grande soeur entretient une relation singulière avec son petit frère, elle le couve, elle le protège. De quoi ? D'un prédateur ! Quand les enfants vont acheter leur glace, comme à leur habitude, au camion qui vient stationner tout près de chez eux, ils ne s'attendent pas à être les témoins d'un terrible accident. Gilles, traumatisé, tombe dans une forme d''hébétude. Sa soeur va chercher à le sauver, par tous les moyens. Au début, plutôt naïvement, elle se laisse porter par un rêve. Mais très vite, elle se trouve confrontée à la réalité des adultes. Elle va décider de puiser à l'extérieur et auprès d'autres personnes que son noyau familial la force de sauver la peau de son frère, à moins que ça ne soit la sienne.

Je ne vais pas vous en dire beaucoup plus sauf que ce roman est un thriller psychologique absolument glaçant.

En réalité, dans cette maison, il y a un autre personnage dont je ne vous ai pas parlé, un invité en quelque sorte. C'est la peur. Elle habite littéralement les lieux, elle imprègne les murs, tantôt reste tapie dans l'ombre, tantôt surgit et se développe de façon totalement irrationnelle. Elle affecte l'âme et le corps d'êtres humains qui, sous la pression, sont condamnés aux lois du règne animal. Dès lors, leur survie ne tient plus qu'à une part d'instinct.


Quelque chose à l'intérieur de moi, ma raison probablement, me disait de ralentir, mais la peur déferlait dans mes veines, emportant toute pensée rationnelle. P. 194

Dans cette maison, la peur nourrit un prédateur qui y puise sa force pour régner en maître absolu. Vous l'aurez compris, nous sommes dans un contexte de violences conjugales, la mère, transparente, qui préfère porter une attention à ses chèvres qu'à ses enfants, est une femme battue. Adeline DIEUDONNE analyse minutieusement les mécanismes du prédateur : l'isolement de la proie, son apprivoisement, et puis, les coups. Elle décrit une mère qui sombre dans la soumission, l'anéantissement, ces passages sont d'une violence inouïe. J'ai eu, plus d'une fois, envie de lui crier : "Sauve-toi, fuie". Mais je restais, en réalité, sans voix. 

L'écrivaine construit pourtant un scénario lumineux. Alors que l'histoire est noire et macabre, elle va progressivement instiller un brin d'espoir dans cette tragédie familiale par la voie de la narratrice, la fillette qui va décider de lutter contre l'environnement toxique auquel elle est confrontée et chercher une forme d'émancipation. Si le frère, traumatisé, a basculé dans une sorte de névrose qui génère, chez lui, des envies de meurtre. La narratrice, elle, s'attache à sortir de la maison, rencontrer des personnes extérieures qui vont devenir ses mentors. 

J'ai adoré le personnage de Monica au début de l'histoire. C'est elle qui va évoquer Marie CURIE, Prix Nobel de physique en 1903 et de chimie en 1911. Les passages qui y font référence sont d'une grande beauté. Monica va donner le goût du savoir scientifique à la narratrice, il sera la clé pour sortir de la prison de l'intimité familiale.

"La Vraie Vie" tient un propos militant en faveur des filles, de leurs capacités intellectuelles, de leur possibilité, comme les garçons, à être reconnues pour leurs compétences. Ce n'est pas anodin si l'auteure choisit la discipline scientifique, là où les filles sont encore aujourd'hui sous-représentées. Ce roman fait l'éloge de l'intelligence des filles, leur perspicacité, leur discernement, leur courage aussi. Avouons qu'avec le personnage de la narratrice, nous pouvons toutes être fières d'être ainsi représentées. "La Vraie Vie" est comme une bouffée d'air, un souffle de liberté, il ouvre subitement le champ des possibles !

J'ai été profondément touchée aussi par la puissance de la fratrie. Adeline DIEUDONNE la décrit ainsi :


La forme d'amour la plus pure qui puisse exister. Un amour qui n'attend rien en retour. Un amour indestructible. P. 17-18

Elle fait de cette relation soeur-frère  un lien à la vie, à la mort, et la chute de son roman est tout-à-fait époustouflante à cet égard.

Bref, ce roman est saisissant à plus d'un titre, je vous conseille absolument de le lire absolument.

D'ailleurs, les Lycéens ne s'y sont pas trompés. Après "Nos richesses" de Kaouther ADIMI en 2017 et "Giboulées de soleil" de Lenka HORNAKOVA-CIVADE en 2016, voici donc "La Vraie Vie" de Adeline DIEUDONNE récompensée du prestigieux titre. Oh, mais je rêve où ce ne sont que des femmes remarquées ces dernières années par la jeune génération !

Un immense bravo en tous cas à l'écrivaine qui a un talent fou, ce premier roman, parfaitement maîtrisé, est de  très bon augure !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres, tout comme :

Rivière tremblante de Andrée A. MICHAUD

Miss Sarajevo d'Ingrid THOBOIS Coup de coeur

Asta de Jon Kalman STEFANSSON Coup de coeur

Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA *****

Chien-loup de Serge JONCOUR Coup de coeur

L'hiver du mécontentement de Thomas B. REVERDY *****

Lèvres de pierre de Nancy HUSTON Coup de coeur

Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI *****

Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY *****

Hôtel Waldheim de François VALLEJO *****

Le Grand Nord-Ouest d'Anne-Marie GARAT *****

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL *****

Je, tu, elle d'Adeline FLEURY ****

La douce indifférence du monde de Peter STAMM *****

La neuvième heure d'Alice McDERMOTT *****

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2018-11-19T07:00:00+01:00

"Le petit Prince" sur la Costa Verde de Lima

Publié par Tlivres
"Le petit Prince" sur la Costa Verde de Lima

La Costa Verde de Lima dans le quartier de Miraflores est ponctuée d'oeuvres d'art.

Il en est une particulièrement remarquable, celle réalisée en l'honneur d'Antoine de Saint-Exupéry et dédiée aux déficients visuels.

Vous vous souvenez de cette citation de l'écrivain ? 


On ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.

Elle prend tout son sens en figurant en écriture braille sur la plaque de la sculpture, une première en 2016 dans les espaces publics. L'initiative est celle du Grupo Vallas qui agit au quotidien en la faveur des mal-voyants et favorise ainsi leur accès à la culture, un très beau geste à souligner.

Commencer la semaine avec "Le petit Prince" ne peut que nous faire rêver, non ? 

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2018-11-18T09:43:56+01:00

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

Publié par Tlivres
37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

Robert Laffont
 

Sortir d'une rencontre-dédicace avec l'auteur et avoir envie de publier, de nouveau, ma chronique, mais cette fois, sur le blog.

Ce roman, je l'ai découvert cet été dans le cadre des #explolecteurs de la rentrée littéraire, elle était donc hébergée seulement sur lecteurs.com.

Bref, un roman fort et savoureux comme un irish coffee, ça vous dit ? Oui, alors c'est parti.

Il est savoureux, d'abord, parce qu'il se passe au début du siècle dernier. Nous sommes au cœur des années folles, la capitale est en pleine effervescence intellectuelle, artistique... les réflexions vont bon train, on boit, on fume, on fait la fête toute la nuit, on danse, on rit, personne n'est indifférent à la frénésie ambiante, pas même Alberto GIACOMETTI et son frère, Diego, qui entendent bien s'inscrire dans la dynamique.

Alberto aime les femmes, celle qu'il fréquente, il souhaite la quitter. Il est avec elle, dans la rue, et là, une femme américaine dans une voiture américaine lui fonce dessus. Elle le blesse au pied. A sa sortie de l'hôpital, il apprend que Jean-Paul SARTRE ironise en colportant dans le tout Paris qu'il est enfin arrivé quelque chose dans la vie du sculpteur. Il n'en faudra pas plus pour que GIACOMETTI se mette en colère et souhaite casser la figure de l'écrivain.

Sous la plume de Jérôme ATTAL, cette situation cocasse, méconnue du grand public, s'inscrit dans un propos décomplexé, léger, libertin, poétique aussi.


Nos passions sont des météores dans le filet de pêche de l’existence. P. 299

Ensuite parce qu'il nous plonge au cœur de la création artistique. Le temps d'une lecture, vous entrez dans l'atelier du sculpteur et accompagnez son frère dans la réalisation des moules qui donneront naissance aux œuvres.

Enfin, parce que ce roman est ponctué de jolies pensées philosophiques. J'aime tout particulièrement celle qui évoque la liberté : 


La liberté c’est juste la possibilité non négociable de pouvoir choisir ses propres servitudes. P. 124

La passionnée que je suis de l'urbanisme a été très sensible bien sûr à l'approche du territoire et ses conséquences sur les comportements des êtres humains. Dites-moi où vous habitez, je vous dirais qui vous êtes ! 


[...] il se dit que chacun vivait dans sa portion de territoire, que les individus finissaient par exister de manière locale, que les lieux déteignaient sur leur physique et qu’ils conditionnaient ou contaminaient leurs comportements bien plus que l’influence hiératique de la Lune ou des signes du Zodiaque. P. 168-169

Il est fort aussi par l'énergie qu'il véhicule, l'émerveillement qu'il suscite, la nostalgie aussi d'une période révolue où tout paraissait possible !

Merci à l'équipe de la Librairie Richer de nous avoir permis de rencontrer Jérôme ATTAL hier, et merci Monsieur ATTAL d'être venu à Angers pour nous parler de votre roman et pour toutes ces étoiles filantes qui accompagnent désormais votre jolie dédicace !

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2018-11-16T07:00:00+01:00

Rivière tremblante de Andrée A. MICHAUD

Publié par Tlivres
Rivière tremblante de Andrée A. MICHAUD

Rivages/Noir
 

"Rivière tremblante" fait partie de la sélection d'octobre pour le Grand Prix des Lectrices Elle 2019 dans la catégorie Policier.
 

Je ne connaissais pas encore la plume d'Andrée A. MICHAUD, c'est une révélation pour moi !
 

Marnie est de retour dans le village de Rivière-aux-Trembles pour les funérailles de son père. Avant de quitter le cimetière, elle demande au ciel qu'un message lui soit envoyé et là, un cri surgit, le même que celui qui, il y a une trentaine d'années, est venu troublé les jeux d'enfant de la fillette et son ami, Michaël. Elle avait 11 ans quand les faits se sont produits, lui 12. Tous deux, portés par leur insouciance, se racontaient des histoires inspirées des livres et autres B.D. qui nourrissaient leur imaginaire, ils endossaient les costumes de leurs héros et partaient à la découverte de la forêt et la rivière qui bordaient leur village, la nature était leur terrain de jeux. Ils étaient complices à la vie, à la mort, et se promettaient de ne jamais se séparer. Pourtant, ce 7 août 1979, le destin en décidera autrement. Alors que les enfants se baignent, le tonnerre commence à gronder. Ils sortent de l'eau, Michael prépare une cabane avec des branchages, Marnie s'y abrite  pendant que le garçon va récupérer les maillots de bain laissés sur un rocher. Un éclair foudroie l'enfant qui devient un pantin désarticulé. Michaël prononce à Marnie quelques mots totalement incompréhensibles et s'enfuit en furie. La fillette, choquée, réussira à rentrer chez elle et à lancer l'alerte mais hormis une chaussure retrouvée, les enquêtes resteront vaines. La disparition restera mystérieuse, la petite fille sera soupçonnée de ne pas dire la vérité. Les gens du village la prendront pour une sorcière. Harcelée, la famille n'aura d'autre choix que de déménager, partir pour fuir l'insoutenable culpabilité.  C'est aussi ce qu'a fait Bill, le père de la petite Billie, disparue à l'âge de 8 ans alors qu'elle quittait l'école pour se rendre à son cours de danse. Il était marié mais leur couple ne résistera pas à la force des événements. Considéré comme coupable par sa femme qui le hait, par la police aussi, il quittera le foyer familial pour souffrir en paix de l'absence de sa fille qu'il chérissait. Une troisième disparition d'enfant dans le village pourrait bien faire se croiser les destins de Marnie, devenue adulte, et Bill, et réveiller la terrible souffrance qui n'a jamais cessé de les habiter.
 

Je ne suis pas une adepte des romans policiers, craignant de beaucoup les descriptions de scènes macabres, mais je commence à apprécier ce genre littéraire avec les belles découvertes réalisées dans le cadre du #GrandPrixdesLectrices Elle 2019.
 

Assurément, ce roman restera gravé dans ma mémoire pour tout ce qu'il revêt de psychologique. L'écrivaine explore en profondeur les sentiments de Marnie et de Bill, deux être douloureusement marqués par des disparitions. Elle va mettre le doigt sur le deuil impossible à réaliser en l'absence de corps, de funérailles, et remuer le couteau dans la plaie jusqu'à faire exprimer par chacun l'ensemble des émotions. 
 

Par le jeu de la narration, l'auteure évoque cette terrible réalité avec les yeux d'une enfant d'une part, et celle d'un adulte d'autre part. Un chapitre sur deux est dédié à la vie de la petite Marnie pendant que l'autre donne la parole à un père profondément affecté. 
 

A l'en croire, il n'y a pas d'âge, ni de genre, pour cultiver un sentiment terrible d'impuissance devant l'absence totale d'indices susceptibles d'aider chacun à retrouver une trace de l'être cher.


C’est ce genre d’inavouable sentiment qu’éprouvent ceux qu’on place devant le vide et qui doivent se démerder avec l’infinité des possibles susceptibles de donner quelque consistance à leur ignorance. P. 321

Les personnages sont en permanence sur le fil du rasoir. Entre la raison et la folie, leur coeur balance inlassablement, montrant à tout jamais la vulnérabilité de chacun.
 

Mais plus encore, ce qui ressort de ce roman, c'est cette pression de l'environnement, ce besoin irrépressible qu'ont les gens de trouver un responsable, tout de suite, maintenant, transférant de fait les projecteurs des médias, de la police... sur l'un, l'autre, avec la condamnation possible d'innocents !  Marnie et Bill sombrent sous le coup de la double peine. Non seulement, ils souffrent douloureusement de l'absence de l'être cher, mais encore ont-ils à supporter cette culpabilité qui les ronge. Le propos de Mathieu MENEGAUX de son dernier roman : "Est‐ce ainsi que les hommes jugent ?" ne manque de résonner, confrontant le lecteur à sa propre posture, à cette justice rendue hâtivement par la société civile qu'il alimente peut-être lui-même ! Nul besoin de recourir à aux réseaux sociaux, les moyens les plus rudimentaires peuvent aussi contribuer à la propagation de rumeurs. 
 

Personnellement, j'ai été bouleversée par cet acharnement des deux personnages à trouver la voie de la résilience. Meurtris par ces disparitions, Marnie et Bill mènent la quête de leur vie. Chacun, à sa manière, se forge ses propres convictions.


Pleurer n’atténue en rien la souffrance, mais ça lui donne le droit de se laisser aller un peu, de se répandre en petites rigoles salées sur la peau froide, pendant que le cerceau de métal enserrant le plexus solaire se relâche d’un cran ou deux. P. 46

Isolés, tous deux tentent d'imaginer un avenir et de trouver une certaine sérénité. Ce roman nous livre deux formidables leçons de vie.

Ce roman policier est un excellent thriller psychologique à plus d'un titre. L'intrigue est parfaitement maîtrisée, le suspens est haletant jusqu'à la toute dernière page, la narration à deux voix est audacieuse et très réussie, la plume est fluide et émouvante. Je suis séduite.

Un immense merci aux lectrices du jury d'octobre. Sans vous, je serai passée à côté de cette pépite.

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres, tout comme :

Miss Sarajevo d'Ingrid THOBOIS Coup de coeur

Asta de Jon Kalman STEFANSSON Coup de coeur

Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA *****

Chien-loup de Serge JONCOUR Coup de coeur

L'hiver du mécontentement de Thomas B. REVERDY *****

Lèvres de pierre de Nancy HUSTON Coup de coeur

Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI *****

Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY *****

Hôtel Waldheim de François VALLEJO *****

Le Grand Nord-Ouest d'Anne-Marie GARAT *****

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL *****

Je, tu, elle d'Adeline FLEURY ****

La douce indifférence du monde de Peter STAMM *****

La neuvième heure d'Alice McDERMOTT *****

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2018-11-15T07:00:00+01:00

Maria d'Angélique VILLENEUVE

Publié par Tlivres
Maria d'Angélique VILLENEUVE

Parce que la lecture de "Maria", le dernier roman d'Angélique VILLENEUVE, a laissé une empreinte indélébile en moi, je ne résiste pas à en extraire ma #citationdujeudi.

Si vous ne le connaissez pas encore et que vous avez envie de vous immerger dans la grand-parentalité, d'appréhender la filiation à travers des générations de femmes, de vous confronter à l'approche du genre, ce livre est pour vous !

Dans une plume pudique et délicate, l'écrivaine nous emmène sur des chemins insoupçonnés et nous fait toucher du doigt un sujet de société.

C'est à ça que sert la littérature aussi, non, à avancer ! 

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2018-11-13T07:00:00+01:00

Mes pas dans les tiens de Fioly BOCCA

Publié par Tlivres
Mes pas dans les tiens de Fioly BOCCA

Editions Denoël

Traduit de l’italien par Anaïs BOUTEILLE-BOKOBZA

Après "Des mirages plein les poches" de Gilles MARCHAND, il est difficile de quitter le registre de l'imaginaire et se reconnecter à la réalité. J'ai choisi de vous accompagner en douceur. Je vous ai concocté un programme de chroniques qui va monter crescendo mais je ne vous en dis pas plus pour le moment.

Le sac à dos n'était pas rangé. Une chance, nous partons en randonnée !

Alma fait partie des pèlerins du Chemin, celui qui mène à Saint-Jacques de Compostelle. La trentaine, elle a ouvert une librairie à Bologne il y a quelques mois. Elle vit une relation amoureuse difficile avec Bruno, moniteur d'équitation dans le Piémont, et s'offre une parenthèse dans sa vie, un temps pour se ressourcer. Elle y rencontre Frida, la cinquantaine, psychiatre. Enfin, elle l'était. Son mari, médecin, est mort en Syrie lors d'un bombardement. Depuis, elle a décidé d'arrêter d'exercer pour consacrer son temps à rencontrer celles et ceux qui l'ont connu. Elle se met elle aussi en chemin. Leurs pas vont se croiser et puis, de jour en jour, s'adopter. Une certaine complicité va s'instaurer. Les deux femmes vont chacune laisser le fil de leur vie se dérouler.

Fioly BOCCA nous livre un texte tout en émotion. Par le jeu de la narration, elle va faire s'entrecroiser deux destins de femme. Elles ont une vingtaine d'années d'écart mais toutes les deux partagent une même souffrance liée à l'absence. 


En l’écoutant j’ai compris ce qu’est le véritable encombrement d’une absence, j’ai compris jusqu’où un vide peut nous conditionner pour le temps qui nous reste. P. 70

Elles vont lentement s'apprivoiser et dévoiler leurs sentiments. J'ai été profondément touchée par le personnage de Frida qui, dans un premier temps, préfère le silence à la confession, et qui, au contact d'Alma, va se décharger du poids de son chagrin. 

L'auteure évoque la voie de la résilience avec la quête de cette femme des origines de son mari. Elle a envie de tout connaître de lui, de le découvrir sous une autre facette, elle veut comprendre aussi, comprendre ce qui guidait ses pas, pourquoi, à peine de retour, il quittait ses bras pour repartir porter secours aux plus défavorisés. 


On ne peut jamais vraiment comprendre un homme si on ne touche pas une fois à ses racines. P. 85-86

Le deuil est traité avec beaucoup de pudeur et de sensibilité. Incarné par le personnage de Frida, il est poignant et douloureux mais il est lumineux aussi.

Le texte est largement ponctué de références littéraires, à l'image de celles du Poète Pessoa. Dans ce roman, il est beaucoup question de livres, de leur pouvoir :
 


Chaque livre me chatouille à un endroit différent et je reconnais des pensées dont je n’avais pas idée. P. 56

Mais le troisième personnage est indéniablement le Chemin qui prend, sous la plume de Fioly BOCCA, une majuscule ! Le Chemin est cet itinéraire singulier qui mène à Saint-Jacques de Compostelle, un lieu culte, spirituel, mystique. Hommes et femmes qui partent à sa conquête s'imprègnent de la beauté des paysages, luttent contre les aléas climatiques, se font mal aussi, physiquement, psychologiquement. 


Elle ne sait pas encore que la distance n’est pas celle des kilomètres foulés, mais celle à parcourir pour se rapprocher de soi. P. 13

Dans une plume tendre et délicate, traduite avec beaucoup de sensibilité, Fioly BOCCA parle du sentiment amoureux, du poids de l'absence et de la déchirure liée à la mort. Elle met les mots sur les maux et nous livre de jolies philosophies de vie.


Il n’y a qu’une façon d’être mort, mais beaucoup d’être en vie. P. 161

Un très beau roman.

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2018-11-12T07:00:00+01:00

El beso de Victor DELFIN

Publié par Tlivres
El beso de Victor DELFIN

Ma #lundioeuvredart est l'une des plus célèbres créations de l'artiste péruvien contemporain, Victor DELFIN.

"Le baiser" est une sculpture monumentale installée dans le Parc de l'amour de Lima dans le quartier de Miraflores.

Installés sur un piédestal, les deux amoureux, en pierre, s'embrassent avec fougue. Ils surplombent le jardin et sont magnifiquement mis en valeur avec l'océan Pacifique en toile de fond.

Une jolie manière de commencer cette nouvelle semaine ! 

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2018-11-11T11:19:28+01:00

Le #GrandPrixdesBlogueursLitteraire, pour qui voterez-vous ?

Publié par Tlivres
Le #GrandPrixdesBlogueursLitteraire, pour qui voterez-vous ?

Vous ne connaissez pas encore le #GrandPrixdesBlogueursLitteraires ? 

Pas de souci, vous n'avez loupez que la 1ère édition ! 

Le principe est simple, pour le 1er tour et d'ici le 20 novembre prochain, vous aurez à élire un chouchou de la rentrée littéraire de janvier 2018 et un de celle de septembre 2018.

Si le principe est simple, la tâche est beaucoup plus difficile quand on commence à regarder les livres lus.

Il y a bien sûr le dernier de... et puis celui de..., mais il y a aussi le premier de..., quel talent !

Alors, j'ai décidé de regarder dans le rétroviseur et de partager avec vous mon Top 10 pour chacune des rentrées.

Je commence avec la plus facile, celle de septembre. C'est juste mathématique, j'en ai lu moins, je ferai donc moins de sacrifices.

Je vous propose donc :

- "Miss Sarajevo" d'Ingrid THOBOIS

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON

- "Les exilés meurent auss d'amour" d'Abnousse SHALMANY

- "Quand Dieu boxait en amateur" de Guy BOLEY

-  "Hôtel Waldheim" de François VALLEJO

-  "Le Grand Nord-Ouest" de Anne-Marie GARAT

- 37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

Quant à celle de janvier, là, avouez que l'exercice relève de la torture. Les romans se sont accumulés au fil des mois et le choix relève presque de l'impossible... enfin, allons-y pour les 10 heureux élus :

 

- "Le théâtre de Slavek" d'Anne DELAFLOTTE MEHDEVI

- "Les engloutis" de Denis LEPEE

- "Maria" d'Angélique VILLENEUVE

- "Juste après la vague" de Sandrine COLLETTE

- "Est-ce ainsi que les hommes jugent ?" de Mathieu MENEGAUX

- "Une longue impatience" de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- "Les déraisons" d'Odile d'OULTREMONT

- "Une verrière sous le ciel" de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- "Bénédictde Cécile LADJALI

- "La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose" de Diane DUCRET

Je crois qu'il ne vous reste plus qu'à voter, le formulaire est en ligne !

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2018-11-10T10:27:15+01:00

Des mirages plein les poches

Publié par Tlivres
Des mirages plein les poches

Après deux romans de Gilles MARCHAND, des coups de coeur : "Une bouche sans personne" et "Un funambule sur le sable", nouvelle envolée avec un recueil de nouvelles cette fois : "Des mirages plein les poches", le tout publié chez son ami David aux éditions Aux forges de Vulcain.

Lire des nouvelles, ce n'est pas un plaisir que je goûte très souvent, je dois bien l'avouer, au risque d'être frustrée de découvrir la chute avant même de m'être plongée dans l'univers de l'auteur, en chroniquer est un exercice presque insurmontable pour moi, l'envie d'en faire tout un roman sommeille en moi !

Alors, j'ai eu une idée : vous donner à voir le style tout à fait singulier de Gilles MARCHAND avec quelques citations piochées ça et là !

« J’ai tout remis en place, dans le désordre mais en place. » P. 13
Le fil

« Ils ne sont pas très beaux, ne font pas grand-chose mais ils dégagent une espèce de chaleur, un petit air de bien être. » P. 20
Un odeur de soupe

Finis ces regards étonnés voire agacés parce que je ne faisais pas partie de leur monde. P. 79-80
90 watts

C’était un petit bateau, pas grand-chose en apparence, mais le bout d’un rêve, c’est forcément un grand quelque chose. P. 86
Mon bateau

Pour autant, je ne souffre pas de solitude, la compagnie des objets remplace à merveille celle des hommes. P. 103
Syllogomanie de proximité

On ne bricole pas un amour de vacances. On le garde quelque part au fond de nous et on continue à avancer, en espérant qu’on autre lui succédera. P. 128
Adieux pneumatiques

Si vous ne connaissez pas encore Gilles MARCHAND, un conseil, commencez par ce livre, c'est un petit condensé de tout ce qu'il sait faire en terme littéraire.

Chez lui, il y a ce courant d'air frais qui vous fera revivre les plaisirs de l'enfance, il y a cette rafale  de fantaisie qui vous fera faire un pas de côté et quitter votre réalité, il y a ce tourbillon de tendresse qui vous terrassera et puis cette tornade de folie qui vous enivrera.

Il a une imagination à couper le souffle. Son talent vient d'être salué par le Prix du Premier Recueil de nouvelles par la SGDL, Société des Gens de lettres.

Si commencer avec des nouvelles vous angoisse, vous craignez de ne pas en avoir assez, n'ayez plus peur, vous avez deux romans devant vous et mon petit doigt me dit qu'un troisième est en cours !

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2018-11-05T13:06:11+01:00

Cupido de Marcelo WONG

Publié par Tlivres
Cupido de Marcelo WONG

Ma #lundioeuvredart s’appelle « Cupido » (Cupidon en latin en référence à la mythologie et au dieu de l’amour).

 

C’est une sculpture monumentale réalisée par l’artiste péruvien Marcelo WONG et que vous pouvez découvrir en longeant La Costa Verde du quartier Miraflores de Lima.

 

Dans un écrin de verdure, l’oeuvre de couleur rouge vif est absolument splendide, elle m’a séduite au premier coup d’oeil.

 

L’arc est là. J’ai trouvé ingénieuse la manière de représenter le désir sous forme de cœur à l’extrémité de la flèche. Saurez-vous y résister ?

 

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2018-11-02T13:45:25+01:00

Miss Sarajevo d’Ingrid THOBOIS

Publié par Tlivres
Miss Sarajevo d’Ingrid THOBOIS

Editions Buchet Chastel
 

Dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire organisés par Rakuten, après « L’insouciance » de Karine TUIL, une lecture coup de poing qui me fait encore frissonner rien qu’à l’évoquer, « Légende d’un dormeur éveillé » de Gaëlle NOHANT, énorme coup de coeur que de partager, le temps d’une lecture, l’univers de Robert DESNOS, poète mais pas que, j’ai vécu de profondes émotions avec « Miss SARAJEVO » d’Ingrid THOBOIS. C’est aussi un coup de coeur, n’ayons pas peur des mots !

Joaquim Sirvins est un homme de 44 ans. Il vit meurtri par une histoire familiale douloureuse. Sa sœur s’est défenestrée à l’âge de 16 ans. Lui en avait alors 19. Leurs parents étaient partis au marché. C’était un dimanche matin, Joaquim prenait son bain. Viviane est tombée du 9ème étage, elle n’a poussé aucun cri, elle n’a laissé aucune lettre. La mort de Viviane a semé le trouble dans la famille. Joaquim a poursuivi ses études à l’école des Gobelins de Paris, rentrant le vendredi soir, repartant le lundi matin. Et puis, il y a eu Sarajevo. Reporter, la ville bosniaque en guerre lui a offert l’exutoire qu’il recherchait. Il partageait alors une histoire d’amour avec Ludmilla, l’une de ses professeurs, elle avait 15 ans de plus que lui. Elle avait quitté les Balkans pour sauver sa peau, lui faisait le chemin inverse, à la vie, à la mort !

Je tiens à remercier tout spécialement ma marraine de ces #MRL 2018, Antigone HERON, qui m’a mise sur la voie de cette pépite de la littérature écrite par une écrivaine dont je ne connaissais pas encore la plume, bonne pioche !

Ce roman c’est d’abord l’histoire de la photographie, cette discipline artistique qui, en deux cents ans, depuis « Le point de vue du Gras » de Nicéphore Nièpce, ingénieur, père fondateur, a connu de formidables évolutions technologiques pour donner lieu aujourd’hui au cliché numérique. J’ai vécu le grand frisson dans la chambre noire dans l’attente de la révélation de l’image qui se fixe grâce à un geste minutieux, parfaitement synchronisé avec la vie des éléments. Qu’il est bon de ce se souvenir du geste artisanal dans ce qu’il a de plus créatif, de manuel et d’unique.


Du bout de la pince plastique, il remue doucement le portrait, le tourne, le retourne, veille à ne pas le laisser noircir, le dépose dans le fixateur à l’instant précis où la beauté de Ludmilla culmine, dans un équilibre des blancs, dans un équilibre des noirs [...]. P. 72

Avec ce roman, Ingrid THOBOIS rend ses lettres de noblesse à la photographie qui relève d’une grande technicité quand elle est réalisée par des professionnels ou des initiés du genre, rien à voir avec les dizaines ou les centaines d’images que l’on peut prendre frénétiquement d’un sujet.


La compulsion faite norme, on n’a jamais employé à meilleur escient le verbe « shooter ». P. 148

Mais l’écrivaine va beaucoup plus loin, un cliché est aussi porteur d’un message qu’il véhicule. J’ai adoré explorer cette subtilité aux côtés de Joaquim dans une ville menacée de disparition. Outre l’émotion qu’il génère, il a cette capacité à figer le temps, à graver une réalité dans le marbre, à témoigner d’un instant qui, très vite, s’inscrira dans le passé.


Dans les pays en guerre, les photographies ont valeur de talismans. Visages, paysages, maisons. Elles disent ce qui a existé, et ce qu’il reste à perdre. P. 124

De fait, une photographie constitue un élément de patrimoine, une trace de l’histoire. Ingrid THOBOIS avec « Miss Sarajevo » évoque cette page récente que l’on voudrait oublier mais qui, pour nos enfants, nos petits-enfants, composera le puzzle de la grande Histoire. L’écrivaine assure ainsi le devoir de mémoire de cette guerre des années 1992/1995 et aborde de façon ingénieuse le sujet du temps qui passe.

Le temps est un personnage à part entière du roman d’Ingrid THOBOIS, le temps qui s’égrène lentement, inlassablement depuis le décès de Viviane, et de la mère de Joaquim deux ans plus tard, en silence, et puis celui qui se décline en dixième de seconde, juste ce qu’il faut pour abattre un homme dans un pays en guerre. À Sarajevo, la vie est rythmée par le son des balles qui retentissent, le temps y est compté, il y a urgence à vivre, son écoulement y est assourdissant.

Ingrid THOBOIS signe enfin un roman ponctué par des vies parallèles, il y a celle du noyau familial, claquemuré dans un appartement d’une profonde tristesse, et celle de la ville de Rouen, il y a cette chambre dans laquelle se prépare un défilé de mode et celle de Sarajevo, ville assiégée. Joaquim s’évertue à s’affranchir du fantôme de sa sœur quand Inela tente d’échapper à la guerre. Chacun, à sa mesure, incarne une forme de résistance portée par une éprouvante soif de liberté. Le rapport aux murs, à l’urbanisme, y est absolument saisissant.

J’ai été profondément touchée par ce roman, la plume d’Ingrid THOBOIS est d’une très grande sensibilité. Charnelle, elle s’attache à décrire avec beaucoup de minutie le contour des corps marqués à jamais par l’empreinte de la douleur.


Joaquim veut éprouver dans chacun de ses muscles, ligaments, dans chacune de ses articulations, la fracture entre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui. P. 128

Il y a la profondeur des sentiments et le poids des secrets familiaux comme autant d’obstacles à franchir pour EXISTER.

Merci infiniment à Rakuten d’organiser ces #MRL, gage d’une très grande qualité littéraire, vivement l’année prochaine !

 

Miss Sarajevo d’Ingrid THOBOIS

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres, tout comme :

Asta de Jon Kalman STEFANSSON Coup de coeur

Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA *****

Chien-loup de Serge JONCOUR Coup de coeur

L'hiver du mécontentement de Thomas B. REVERDY *****

Lèvres de pierre de Nancy HUSTON Coup de coeur

Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI *****

Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY *****

Hôtel Waldheim de François VALLEJO *****

Le Grand Nord-Ouest d'Anne-Marie GARAT *****

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL *****

Je, tu, elle d'Adeline FLEURY ****

La douce indifférence du monde de Peter STAMM *****

La neuvième heure d'Alice McDERMOTT *****

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