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Articles avec #mes lectures catégorie

2023-03-17T21:54:33+01:00

Petit traité du racisme en Amérique de Dany LAFERRIERE

Publié par Tlivres
Petit traité du racisme en Amérique de Dany LAFERRIERE

Ma #Vendredilecture, je la dois à l'équipe de Vleel qui a eu la très belle idée de lancer son #challengedelhiver.

J'avoue avoir un peu cherché un auteur québécois, et en fait, il est venu à moi, enfin pas seulement à moi... Dany LAFERRIERE est venu à Angers dans le cadre des Entretiens littéraires de la Collégiale Saint-Martin il y a quelques semaines. J'ai eu l'immense chance d'écouter l'Académicien et l'honneur d'échanger quelques mots avec lui au moment de la dédicace de son "Petit traité du racisme en Amérique" publié chez Grasset.

A bien y réfléchir, les deux auteurs rencontrés ce jour-là ont un point commun, leur lutte contre la banalisation de faits de violence. L'un titre son roman "Ceci n'est pas un fait divers" pour aborder un féminicide, vous avez reconnu Philippe BESSON bien sûr, l'autre choisit un registre hybride pour dénoncer les violences faites aux Noirs aux Etats-Unis.

Dany LAFERRIERE traite d'un sujet grave, l'atteinte portée à des hommes et des femmes, à la vie à la mort.

Le livre est composé d'un florilège de textes pouvant aller de quelques lignes à quelques pages dans lesquels l'écrivain égrène des faits, des émotions, des sentiments, il nous fait vibrer, quoi !

J'aime tout particulièrement celui qui évoque "L'honneur"


On ne saura jamais ce qui se passe
dans le coeur de la mère
d'un adolescent noir
tué par un policier blanc
qui a voulu faire croire qu'il s'agissait
d'un dangereux criminel
qui l'avait menacé.
Ce n'est pas assez d'avoir pris sa vie
il voulait aussi son honneur. P. 53

Il est question d'honneur encore quand Dany LAFERRIERE dresse le portrait d'hommes et de femmes, noirs, brillants, il leur rend hommage avec toute la noblesse dont sa plume est capable.

J'aime tout particulièrement le passage sur Miles DAVIS...


Il est vexé que des imbéciles, simplement parce qu'ils sont blancs, osent le regarder de haut. [...] Il prend sa revanche dans la musique en planant si haut qu'ils ne peuvent l'atteindre. P. 148

Il y a James VAN DER ZEE aussi, grand photographe américain, et puis, Harriet BEECHER STOWE, pour ne citer qu'eux.

Ce livre, vous pourrez le laisser sur votre table de salon.

Vous pourrez vous en saisir quand vous aurez quelques minutes, il vous donnera à méditer des heures.

Votre famille, vos amis, pourront l'ouvrir, s'en nourrir, il est à partager sans modération pour qu'un jour nous puissions dire : plus jamais ça ! Il fait partie de ces essentiels, ces repères qui nous rappellent, s'il en était nécessaire, que nous faisons tous partie de  l'Humanité. 

Petit traité du racisme en Amérique de Dany LAFERRIERE

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2023-03-15T17:45:00+01:00

Amalia de Aude PICAULT

Publié par Tlivres
Amalia de Aude PICAULT

Ma #mercrediBD publiée aux éditions Dargaud décline #marsaufeminin, d’abord parce qu’elle est la création d’une femme, Aude PICAULT, mais aussi parce qu’elle met en scène une femme !

 

On y vient… Amalia fait partie de ces femmes qui donnent de leur personne, au travail, à la maison… Elle est SURsollicitée mais ne dit jamais non. Elle évolue dans une famille recomposée avec Nora, une belle-fille adolescente en rupture avec son père. Elle est aussi la mère d’une petite Lili à peine sortie des couches. C’est le chaos chaque fois qu’elle rentre chez elle. Et en plus, Madame voudrait s’inscrire dans la mutation environnementale et protéger la planète. Autant dire qu’elle va dans le mur !

 

Cette BD, c’est une manière de représenter ce que bon nombre de foyers vivent aujourd’hui. Il y a tout. Nul doute que les femmes, mères, s’identifieront très facilement à Amalia.

 

Ce que j’ai aimé aussi, c’est le rôle de Karim, l’homme de la maison. Loin du cliché de ceux qui se font servir, lui essaie de nourrir toutes les femmes du foyer et c’est loin d’une partie de plaisir.

 

J’ai beaucoup aimé aussi la représentation de l’adolescente, Nora, un brin lolita sur les bords qui trouve dans les réseaux sociaux le moyen de se mettre en scène au risque de décrocher de l’école.

 

Tout ce petit monde est en quête de sens et va se retrouver dans la perspective d’un départ en vacances. Et si une mise au vert les mettait tous d’accord ?

 

Cette BD, elle est fraîche, printanière, elle donne envie d’aller se ressourcer dans la nature, se rouler dans l’herbe, quitter ce brouhaha ambiant et ce rythme effréné que l’on s’oblige à suivre. C’est une bouffée d’air, une parenthèse avec la part belle à ce mouvement qui émerge, la désinfluence.

 

Le graphisme est un brin naïf.
 

Le propos pourrait être léger mais il ne l’est pas.

 

Je vous la conseille absolument.

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2023-03-14T07:00:00+01:00

Le Grand Saut de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Le Grand Saut de Thibault BERARD

Editions de L’Observatoire

 

Thibault BERARD, je l’ai découvert avec les 68 Premières fois avec son premier roman "Il est juste que les forts soient frappés", un titre qui bat tous les records en version hashtag. Cette autofiction m’a fait vivre un ascenseur émotionnel, un énorme coup de ❤️

 

Et puis il y a eu "Les enfants véritables", un nouveau coup de ❤️ pour un roman différent, toujours inspiré pour partie de sa vie personnelle mais dans un parfait équilibre avec des personnages créés de toutes pièces par un écrivain de talent.

 

Là, avec « Le Grand Saut », 3ème roman publié aux éditions de L’Observatoire que je remercie pour le joli cadeau, le romancier laisse libre cours à son imagination, c’est un bijou.

 

Léonard, un vieux monsieur tombe dans sa cuisine, il meurt. Son avatar vient le visiter et lui rappelle tous les moments de sa vie, les bons, les plus difficiles. Enfant, il a toujours voulu être poète. Après des études littéraires, il a rencontré Lize dont il est tombé fou amoureux. Et puis, il y a eu la vie de couple rongée par les contraintes quotidiennes. Dans une autre maison, se produit un autre drame. La petite Zoé vit actuellement avec son Papa. Sa Maman est hospitalisée, la fillette ne peut aller la voir. Mais pourquoi est-elle dans cet état insupportable ? Que lui est-il arrivé ? Puisque son père ne lui délivre aucun indice, Zoé va lancer elle-même son enquête. Elle pourrait bien découvrir un secret pas si bien gardé !

 

Quel plaisir de retrouver la plume de Thibault BERARD, ses mots sont d’une éblouissante tendresse, les phrases délicates et le propos fantaisiste. L’écrivain nous livre un nouveau roman intimiste construit autour de deux huis-clos et des destins qui pourraient finir par se croiser sous le jeu de l’écriture. 

 

Le titre m’a interpellée. J’ai ainsi cherché dans le dictionnaire la signification de l’expression « Faire le grand saut ».

 

Il y a le sens propre. Ça veut dire mourir. Mais ne craignez rien, avec Thibault BERARD, la mort prend une dimension d'un nouveau genre, un brin fantasque. Quelle formidable idée que cet avatar ! 

 

Et puis il y a le sens figuré ! « Faire le grand saut », ça veut dire aussi faire un changement important, réaliser quelque chose longtemps hésité. Je dois dire que j'ai aimé l’instant de rupture de ce roman, le moment où le vernis craquelle pour laisser place à l’authenticité de l’oeuvre. Impossible de vous en dire plus sans spolier l’histoire. Et je m’en voudrais de rompre avec l’ambiance mystérieuse entre rêves et réalité, chimères et raison, savamment nourrie par l’auteur.

 

Je voudrais juste vous dire que la petite Zoé m’a profondément émue et sa mère bouleversée.


En fait, elle a envie de faire exactement le contraire de s’aérer : elle veut s’enfouir comme une taupe dans les vieux souvenirs, en respirer la poussière douce et chaude à s’en brûler les poumons. Elle veut rentrer sous la terre de sa mère et s’y blottir. P. 73

 

Le sens figuré va bien aussi avec la démarche de Thibault BERARD, qui trouve dans l’imagination le loisir de se développer, tout en beauté.

 

Je voudrais aussi saluer la qualité de la première de couverture, un bon moyen d’illustrer #marsaufeminin. La photographie de Fabrice DURAND représente des garçons sur un plongeoir de bord de mer et une fille, en plein saut. Quelle plus belle invitation à se réaliser !

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2023-03-10T07:00:00+01:00

Sonia DELAUNAY, la vie magnifique de Sophie CHAUVEAU

Publié par Tlivres
Sonia DELAUNAY, la vie magnifique de Sophie CHAUVEAU

Je profite de l'opération #marsaufeminin pour mettre sous les projecteurs deux femmes, une artiste peintre et une écrivaine, donc place à "Sonia DELAUNAY, la vie magnifique" de Sophie CHAUVEAU aux éditions Taillandier, c'est ma #Vendredilecture.

Sonia DELAUNAY est née en Ukraine, à Odessa, une grande ville juive de la fin du XIXè. Son exil s'organise d'abord avec ses parents, Elia et Hanna STERN, à destination du Shetl de Gradizhsk. Devant la pauvreté de la famille de Sonia, l'oncle Henri, le frère d'Hanna, propose d'adopter l'un de leur trois enfants. Lui a les moyens financiers. Il est avocat. Il a un cabinet à Saint-Petersbourg. Son épouse est stérile. Il propose à sa soeur de la soulager d’une bouche à nourrir, ça sera Sonia. Alors qu'elle n'est encore qu'une toute petite fille, elle quitte sa famille pour être élevée par Anna, une femme émancipée dans un milieu bourgeois baigné de culture. Sonia a trois gouvernantes : une Allemande, une Anglaise, une Française, qui lui donnent une ouverture sur le monde. Max LIEBERMANN, peintre, lui offre sa première boite de tubes à huiles. En 1903, les Juifs sont interdit à Piter, elle part pour Berlin, puis en 1906 pour la France. Elle va côtoyer Elizaveta KROUGLIKOVA, Russe, qui a créé en 1902 l’association du Montparnasse et enseigne aux Cours de la Palette. Pour éviter le retour au pays, là où la fortune familiale attend une union pour se déployer, Sonia et Wilhelm UHDE, homosexuel, organisent un mariage blanc en 1908, en attendant que Sonia rencontre Robert qu'elle épousera et qui lui donnera son nom d'artiste. Naît en 1911 un fils qui restera unique, Charles. Dès lors, toutes les fondations sont posées pour qu'une vie magnifique se déroule.

Cette biographie de Sonia DELAUNAY par Sophie CHAUVEAU était dans ma bibliothèque depuis des années. C'est Alexandra KOSZELYK avec "L'Archiviste" publié Aux Forges de Vulcain qui m'a invitée à la mettre tout en haut de ma PAL. Alexandra contribue avec son roman à la postérité des artistes ukrainiens, une certaine forme de résistance que je soutiens.

Je connaissais la plume de Sophie CHAUVEAU pour avoir lu "La passion Lippi" et puis "Fragonard, l'invention du bonheur", une plume foisonnante, éminemment romanesque qui se plaît à relater des destins hors du commun.

Avec "Sonia DELAUNAY, la vie magnifique", elle confirme son talent d'historienne et d'écrivaine. Elle nous livre un roman éblouissant de la vie d'un couple d'artistes. Parce que oui, Sonia DELAUNAY a été "la femme de" avant de devenir "la veuve de".

Sonia et Robert DELAUNAY se sont aimés passionnément. Ils ont toujours été, en duo, au coeur de communautés, qu'il s'agisse de leur appartement où de nombreux artistes de l'avant-garde se retrouvaient pour festoyer ou bien au bal Bullier où tous s'émerveillaient de voir le couple danser. Sonia et Robert DELAUNAY se sont également distingués par leur registre artistique. En rivalité avec PICASSO, ils se sont attachés à innover et expérimenter un mouvement pictural d'un genre nouveau, le simultanisme, à l'image de cette série de Tours Eiffel signée de Robert DELAUNAY. Ce sont des pionniers de l'abstraction. Guillaume APPOLINAIRE qualifie leurs créations d'orphisme.

Dans le couple, Sonia jouissait d'une créativité redoutable. C'est elle qui imaginait. Enceinte, c'est en assemblant des chutes de tissus, en souvenir des travaux de couture réalisés en Ukraine, qu'elle créa un patchwork dit cubiste.


Sonia possède une audition colorée qui donne naissance à cette nouvelle langue picturale. Un ABC de la couleur. Artiste médium, elle est douée de facilités particulières, ce que Kandinsky appelle « la nécessité intérieure. P. 145

Le bébé né, elle profite de ses heures passées dans leur logement pour donner aux objets de la vie quotidienne une esthétique artistique, ce qui lui vaudra d'être un temps cataloguée dans la catégorie des arts décoratifs, et puis, viendront les décors de théâtre, la mode... bref, toutes les disciplines deviennent un terrain de jeu.

Lorsqu'il s'agit de promouvoir leur art en France et à l'étranger, c'est encore Sonia qui établit des relations. Sa maîtrise des langues étrangères lui permet d'entrer dans les cercles convoités, ainsi en Allemagne au sein du groupe de Munich (Die Brücke, « Le Pont ») et de la revue Der Blaue Reiter (« Le Cavalier bleu »).

C'est encore elle qui côtoie des poètes, notamment d'origines étrangères. C'est avec Blaise CENDRARS que Sonia crée la peinture d'un poème, une oeuvre à quatre mains : "Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France". 


« Sonia possède une audition colorée qui donne naissance à cette nouvelle langue picturale. Un ABC de la couleur. Artiste médium, elle est douée de facilités particulières, ce que Kandinsky appelle « la nécessité intérieure ». P. 145

Sonia DELAUNAY décède en 1979 à l'âge de 94 ans.

Cette biographie brosse de l'artiste un formidable portrait, aussi étourdissant que fabuleux. Bien sûr, il y a aussi des périodes sombres et sa plus grande fragilité, sa judéité qu'elle s'attache toujours à cacher. Peut-être doit-elle sa vie à ce secret très bien gardé... et puis, il y a ses relations familiales compliquées avec son fils, son épouse, et leurs enfants. 

Mais le livre refermé, je ne garderai en mémoire que cet esprit créatif prodigieux de Sonia DELAUNAY. Je sors de cette lecture... fascinée, et je coche une 3ème case du challenge #marsaufeminin organisé par Flo and books.

Sonia DELAUNAY, la vie magnifique de Sophie CHAUVEAU

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2023-03-07T07:00:00+01:00

Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Publié par Tlivres
Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Au Book club circulent mille et une références, même des essais.

Place aujourd'hui au livre "Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde", aux éditions Allary, de Lauren BASTIDE, journaliste, que vous connaissez peut-être déjà avec le podcast "La Poudre".

Dès les premières pages, l'écrivaine nous livre son dessein :


Dans Futur.es, je vais suggérer que le féminisme peut sauver ce monde qui est en train de brûler sous nos yeux. P. 14

Ce livre, mon #mardiconseil, est à découvrir pour plusieurs raisons.

D'abord, il a le mérite de poser le regard d'une jeune femme, contemporaine, sur la société. Si on a l'habitude de ressasser les propos des féministes des siècles passés, il est aussi important, je crois, de se confronter aux jeunes générations et au féminisme d'aujourd'hui pour en mesurer toute son ambition. Je me souviens il n'y a pas très longtemps du roman de Wendy DELORME, "Viendra le temps du feu", qui m'avait déjà mis sur la voie.

Et puis, lire Lauren BASTIDE, c'est aussi s'approprier des concepts sociétaux d'aujourd'hui comme le cisgenre qui, dans le Petit Robert, désigne "une personne dont l'identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance", par opposition aux trans.

J'y ai découvert aussi le "plafond de mère". J'avais connaissance du plafond de verre généralement utilisé dans le monde professionnel pour décrire ce niveau au-dessous duquel sont cantonnées certaines catégories de la population en lien avec les discriminations dont elles sont victimes. Là, on parle spécifiquement des femmes. La notion a été inventée par Marlène SCHIAPPA, fondatrice de l'Association Maman travaille. Elle englobe tout ce qui entrave la vie professionnelle des femmes et la carrière des mères. 

J'ai pu encore y explorer le "care" et son histoire. Vous en avez peut-être entendu parler au moment du confinement lié au covid19. Les femmes auraient cette capacité, plus que les autres, de porter attention à l'autre. C'est ce qui les prédestinerait aux métiers du soin notamment. Parce que tout s'explique (humour bien sûr) !

Il y a encore le rapport à la sexualité qui conditionnerait le rôle et la position des femmes dans l'organisation de la société. A bas l'hétérosexualité qui l'asservit. Peut-être.

Mais, plus que tout, ce qui m'a intéressé, ce sont les perspectives d'avenir. La planète souffre du réchauffement climatique, l'humanité est menacée, comment résister ?

Lauren BASTIDE revient sur la genèse de l'écoféminisme formulé pour la première fois par Françoise D'EAUBONNE en 1974, il y a une cinquantaine d'année déjà. C'est le croisement des termes écologie et féminisme. Et si la protection de l'environnement passait par une régulation des naissances, et donc, l'émancipation des femmes par la réappropriation de leur corps...

De tout ce que j'ai lu, de toutes les références citées, je retiendrai cette phrase :


Il y a un fil rouge entre tous les courants de pensée féministes, aussi variés soient-ils : une volonté de regarder le monde depuis un point de vue radicalement différent. P. 22

Le féminisme, c'est ce pas de côté. Et en cela, le propos de Lauren BASTIDE est profondément inspirant.

"Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde" me permet de cocher une seconde case du challenge #marsaufeminin initié par Floandbooks

Futur.es, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

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2023-03-03T07:00:00+01:00

Inconnu à cette adresse de Kathrine KRESSMANN TAYLOR

Publié par Tlivres
Inconnu à cette adresse de Kathrine KRESSMANN TAYLOR

J’ai lu
Traduit de l’anglais par Michèle LEVY-BRAM

Les entretiens littéraires de la Collégiale Saint-Martin, c'est assurément de très belles rencontres avec des auteurs contemporains, Philippe BESSON, Dany LAFERRIERE. C'est aussi le moyen, dans la file d'attente, de se concocter un programme de lectures pour les mois à venir !

"Inconnu à cette adresse" de Kathrine KRESSMANN TAYLOR m'a été chaudement recommandé par Zoé. Impossible de résister lors de mon passage en librairie, vous me comprenez.

Ce livre est en réalité une nouvelle, genre tout à fait particulier dont je ne suis pas une adepte et pourtant, celle-là, est une incontournable. 

Martin et Max sont deux jeunes allemands, installés en Californie, associés dans une galerie d'art de San Francisco. Martin est marié avec Elsa. Ils sont parents de trois garçons et décident de retourner s'installer dans le pays qui les a vus naître. Nous sommes en 1932. Max se réjouit de leur retour dans un pays où la démocratie fait loi. Malheureusement, les relations amicales ne vont pas tarder à se tendre. Max Eisenstein est juif. Là commence une toute nouvelle histoire, à moins que ça ne soit la grande Histoire.

Cette nouvelle est inspirée d'une correspondance qui a réellement existé et dont Kathrine KRESSMANN TAYLOR nous livre une version romancée. Elle démontre, s'il en était nécessaire, ô comment une personne éclairée et intelligente peut tomber en adoration pour un soi-disant sauveur.

En 80 pages, Kathrine KRESSMANN TAYLOR  réussit un coup de maître, planter le décor d’une amitié entre deux jeunes hommes et engendrer l'effet de rupture avec la vague qui envahit l'Allemagne.

Le texte est puissant, les mots d’une profonde intimité, l’émotion forte. Je vous conseille cette #vendredilecture.


Car je te le dis, mon ami, c’est à l’émergence d’une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. Les gens se sentent stimulés, on s’en rend compte en marchant dans les rues, en entrant dans les magasins. Ils se sont débarrassés de leur désespoir comme on enlève un manteau. Ils n’ont plus honte, ils croient de nouveau à l’avenir. P. 30

Derrière l'objet de littérature publié pour la première fois en 1938 se cache un acte politique fort de Kathrine KRESSMANN TAYLOR. Malheureusement, comme le déplore Nancy HUSTON en postface, "Quel dommage que son message n'ait pas été entendu ! Mais personne ne s'attend à ce qu'une fiction, n'est-ce pas, puisse changer le cours de l'Histoire... ?"

Un petit mot sur Kathrine KRESSMANN TAYLOR dont "Inconnu à cette adresse" est le premier livre. En 1947, elle est la première femme américaine à accéder au statut de professeure titulaire d'université. Elle a donc toute sa place dans l'opération #marsaufeminin et s'inscrit même dans le challenge organisé par Floandbooks. Je coche ainsi la première case : "un classique". 

#maf 

Inconnu à cette adresse de Kathrine KRESSMANN TAYLOR

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2023-02-24T07:00:00+01:00

Les abeilles grises de Andreï KOURKOF

Publié par Tlivres
Les abeilles grises de Andreï KOURKOF

Liana Levi

Traduit du russe (Ukraine) par Paul LEQUESNE

En ce triste anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, je fais acte de résistance, à ma manière, en honorant un écrivain né à Kiev, Andreï KOURKOF, lauréat du Prix Médicis étranger 2022 avec son 10e roman publié en France : « Les abeilles grises ».

Nous partons pour le village de Mala Starogradivka du Dombass situé en « zone grise » du conflit russo-ukrainien. Là continuent de vivre deux survivants, deux ennemis de toujours, maintenant retraités, Pachka Kmelenko et Sergueïtch Sergueï. Pour tenir malgré le froid qui sévit et les obus qui tombent sur les maisons en ruine des alentours, ils se rendent ponctuellement visite, histoire de partager un verre. C’est aussi un bon moyen de surveiller l’autre et de s’informer de l’état de son réseau. La nuit, tous les chats sont gris ! Sergueïtch voue une passion sans borne à ses ruches. Il veille sur ses abeilles et ne recule pas devant les passages de frontières pour leur offrir une prairie fleurie à butiner, mais là commence une nouvelle histoire.

Nous sommes en 2017 mais vous l’aurez compris, fiction et réalité ne font qu’une depuis le 24 février 2022. 

J’ai profondément aimé accompagner Sergueïtch Sergueï dans ses tribulations. Le personnage est éminemment romanesque. Lui, alors que la guerre gronde, fait montre de fantaisie pour résister.


Et ils étaient partis. Parce qu’ils craignaient pour leur vie plus que pour leurs biens et qu’entre deux peurs, ils avaient choisi la plus forte. P. 9

Il se lance dans des actions aussi folles que dangereuses comme le changement de plaques dans les rues du village. C’est vrai quoi, pourquoi ne pas renommer la rue Staline par la rue Taras Chevtchenko ? 

Et puis, il y a ce voyage. Les descriptions sont si précises, presque cinématographiques, que tout au long du périple je l’ai vu à bord de sa voiture, sa Tchetviorka verte, franchir les check-points, aussi terrifié par la réalité


Il éprouvait cependant toujours la même tension. Une peur le travaillait, qui se transmettait dans ses doigts par un tremblement, si bien qu’il serrait le volant plus fort, les yeux rivés sur la route devant lui, sur les bas-côtés de laquelle, dans un sens comme dans l’autre, des gens marchaient, chargés de sacs et valises, tirant ou poussant des chariots. Il les dépassait et captait toutes sortes de regards posés sur lui, du suppliant au compatissant. P. 242

qu’émerveillé par la perspective de nouveaux horizons.

Bien sûr, Sergueïtch Sergueï va faire des rencontres, des belles, et puis d’autres qui vont l’obliger, un temps, à oublier sa propre condition pour tenter de sauver des vies plus exposées que la sienne. Le personnage est empreint d’un humanisme naturel. Il nous ferait presque aimer l’Homme alors qu’il est si ignoble.

Quant à la nature, elle occupe une très belle place dans les 400 pages du roman.


La sagesse de la nature, voilà ce qui enchantait Sergueïtch. P. 364

Je n’avais encore rien lu d’Andreï KOURKOV, c’est une belle découverte, une plume fascinante et lumineuse. Le sujet est grave, il traite de la guerre du terrain. Il sait y mettre une dose d’humour, une manière comme une autre de se confronter au conflit aux portes de l'Europe, une manière plus qu'une autre d'y entrer par la grande porte, la littérature.

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2023-02-21T07:00:00+01:00

Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

Publié par Tlivres
Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

Les challenges littéraires ont du bon, celui d'aller en librairie en quête de la lecture qui remplira la case convoitée. 

Pour le Challenge de l'hiver organisé par l'équipe de Vleel, je suis partie en quête d'un nature writing et j'ai trouvé "Encabanée", le premier roman de Gabrielle FILTEAU-CHIBA, édité initialement chez Gallimard et désormais disponible chez Folio.

Anouk a 25 ans. Après avoir lu "Kamouraska" de Anne HEBERT, elle décide de quitter Montréal pour partir à la découverte de cette région du Bas-Saint Laurent au Québec. Elle choisit de partir en hiver, cette saison si hostile pour se confronter à dame Nature. Son objectif : survivre, seule. Côté solitude, elle n'est pas au bout de ses surprises mais là commence une autre histoire !

 « Encabanée », c’est un roman autobiographique de Gabrielle FILTEAU-CHIBA, construit comme un journal intime qui se déroulerait du 2 au 10 janvier. C'était il y a 4 ou 5 ans. Il s’achèvera en apothéose. 

Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous livre son parcours initiatique dans un environnement enneigé que la température très froide suffit à geler. Dès lors, elle doit faire oeuvre d'ingéniosité pour assurer une chaleur suffisante dans l'antre de bois qui l'accueille. Ses connaissances et ses expériences personnelles deviennent les clés de sa réussite. 


J’ai appris à tâtons les secrets des essences. Le bouleau à papier attise les flammes, l’épinette sert de petit bois d’allumage, et l’érable donne de longues bouffées de chaleur qui me font rêver aux sources thermales des Rocheuses. P. 23

Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous offre un premier roman comme une bouffée d’air frais vers un avenir meilleur. C'est à 25 ans qu'elle a tout plaqué. Elle incarne donc cette jeune génération qui rêve d'un environnement naturel préservé et d'un mode de vie réduit à l'essentiel. Mais existe-t-il encore aujourd'hui sur la planète un lieu vierge de l'empreinte de l'Homme ? 

Et puis, ce roman est fait de toutes ces petites choses qui sont autant de pépites, à l’image des dessins (la jeune femme est aussi illustratrice) et puis, le glossaire d’expressions québécoises dont l’autrice est une fervente défenseuse : une « chaise berceuse » pour dire un fauteuil à bascule, joli, non ? Et puis « cogner des clous » pour piquer du nez, pas mal non plus !

Enfin, celles et ceux qui passent leur journée à écrire des listes s'y retrouveront aussi. Gabrielle FILTEAU-CHIBA nous dévoile quelques un de ces voeux les plus chers, en fonction de ses humeurs.

Les phrases sont courtes, elles témoignent de la vivacité d'esprit de la jeune femme comme autant de pensées brèves et éphémères, la plume est fraîche et inspirante. Me voilà revigorée grâce à l'équipe de Vleel !

Retrouvez les autres livres du #challengedelhiver

Un livre d'un éditeur reçu par Vleel : 

Les éditions de l'Observatoire avec "Les Mangeurs de nuit" de Marie CHARREL

Un roman graphique ou BD :

"La dernière reine" de Jean-Marc ROCHETTE

Un auteur reçu par Vleel depuis ses débuts en 2020 :

Anthony PASSERON avec "Les Enfants endormis"

Encabanée de Gabrielle FILTEAU-CHIBA

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2023-02-17T07:00:00+01:00

Ceci n’est pas un fait divers de Philippe BESSON

Publié par Tlivres
Ceci n’est pas un fait divers de Philippe BESSON

Editions Julliard

« Ceci n’est pas un fait divers », c’est d’abord une rencontre avec l’auteur aux entretiens littéraires de la Collégiale Saint-Martin, un très beau moment, tout en simplicité, profondément émouvant notamment avec la diffusion de la bande annonce du film qui sortira au cinéma le 22 février prochain, « Arrête tes mensonges ».

Ce nouveau roman, c’est une lecture coup de poing, une tragédie, qui aurait pu être évitée, prise en pleine figure.

Cécile Morand, c’est un peu l’enfant de Blanquefort, une commune de Gironde. Elle est née dans les années 1970. Ses parents étaient buralistes. Quand sa mère est décédée prématurément d’un cancer foudroyant, c’est Cécile, âgée alors de 18 ans, qui lui a succédé. Et puis, il y a eu cette rencontre avec Franck à l’entrée d’une discothèque, la soirée passée ensemble, une nuit d’amour, une grossesse. Ils ont emménagé ensemble. Ils ont eu un garçon, de 19 ans aujourd’hui, entré à l’Opéra de Paris. Il a quitté le foyer depuis 5 ans pour réaliser son rêve. Et puis, ils ont eu une fille, Léa, 13 ans. Seule Léa est témoin des disputes familiales, jusqu’au jour où, Léa appelle son frère : « Papa vient de tuer Maman ».

Si Philippe BESSON dit volontiers en riant que le roman lui permet de tuer des hommes et des femmes quand il le veut, il ne s’agit là que d’histoires contées et nous savons, celles et ceux qui le lisons, qu’il a cette capacité à construire des personnages aux trajectoires particulièrement chahutées.

Mais là, trêve de sourire. L’affaire est grave. Philippe BESSON s’inspire d’une histoire vraie qui lui a été rapportée par un jeune homme rencontré lors d’une dédicace et qui, après plusieurs mois, lui a délivré cette même phrase.

Ce qui m’a particulièrement fasciné dans ce roman, c’est l’angle d’attaque de Philippe BESSON. Il dédie son roman tout entier à l'exploration de la vie après l'instant de rupture, ce moment qui rend les êtres vulnérables, fragiles, sans repère. 


Quand je raconte, on pourrait croire que cet enchaînement d’émotions a duré longtemps. Mais non, à peine une poignée de secondes. C’est extraordinaire, tous les états qu’on peut traverser en une poignée de secondes. P. 15

C'est aussi le regard porté par un jeune homme de 19 ans, projeté en une fraction seconde, dans la vie d'un adulte qui va non seulement devoir s'assumer, mais aussi assumer la responsabilité de sa soeur cadette. Le cheminement est vertigineux.


Depuis, j’ai appris qu’il faut plonger dans les profondeurs pour comprendre ce qui se passe à la surface. P. 63

Et puis, il y a Léa, l'adolescente qui a tout vécu, qui a tout vu, jusqu'aux derniers instants de la vie de sa Maman.

Alors, non, Philippe BESSON n'écrit pas des romans pour porter un propos militant, il le dit haut et fort. Lui, il raconte des histoires, mais libre aux lecteurs d'en lire ce qu'ils souhaitent. Pour moi, le roman endosse ce costume dès lors qu'il dénonce les rouages de la justice française, aujourd'hui. Un père condamné pour l'assassinat de sa femme peut-il encore exercer l'autorité parentale sur ses enfants ? Et ce n'est pas tout, mais là, je vous laisse le découvrir.

Ce roman, j'irai plus loin, c'est un acte politique fort. Il suffit d'en lire le titre : "Ceci n'est pas un fait divers". Non, jamais un féminicide ne sera (ne devrait être) un fait divers. Au 7 février 2023, ce sont 12 femmes qui ont perdu la vie en France. Jamais, non jamais, je ne me résignerai à un chiffre parce que dernier chacun, c'est une vie de trop qui a été volée et puis, parce que parfois, souvent, il y a des enfants qui porteront le lourd fardeau de cette tragédie, et la transmettront indéfiniment aux générations suivantes. Voilà le véritable sujet du roman de Philippe BESSON ! Ne serait-ce que pour cela, je vous invite très sincèrement à le lire.

Enfin, il y a la plume. De mon côté, j'avais déjà lu "Arrête tes mensonges ", "Les passants de Lisbonne" et "Une bonne raison de se tuer". Si vous l'aimez, vous retrouverez la sensibilité, là, comme une signature de l'auteur.

A l'invitation de Philippe BESSON, terminons en chanson avec "Dommage" de Bigflo et Oli.

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2023-02-07T20:00:49+01:00

L’heure des oiseaux de Maud SIMONNOT

Publié par Tlivres
L’heure des oiseaux de Maud SIMONNOT

Editions de L’Observatoire

Nouvelle référence du Book club, lecture coup de poing, rien de moins !

Ce roman est un brin mystérieux, il est aussi profondément troublant.

Il y a Lily, une enfant accueillie à l’orphelinat de l’île de Jersey, une terre anglo-normande. Elle porte une attention toute particulière à un enfant, le Petit. Tous deux essaient de se protéger des coups, mais, dans les années 1900, la maison de dieu se révèle des plus violentes. En 2008, une découverte macabre met en émoi la population de l'île. La narratrice, une ornithologue, a tout intérêt, des dizaines d’années après, à faire la lumière sur les détails de la tragédie. Une nouvelle page de l'Histoire s'ouvre alors !

Vous vous souvenez peut-être du livre de Michel JEAN, « Maikan » largement plébiscité par l'équipe de Vleel. Il dénonçait alors les sévices et autres mauvais traitement sur des enfants amérindiens retirés de leur famille par des religieux catholiques pour les éduquer, les civiliser, les assimiler. Là nous sommes dans la même veine, les petites victimes sont les enfants de familles pauvres. Honte sur l’Eglise. Maud SIMONNOT nous livre un roman engagé. Elle dénonce les faits et tous ceux qui savaient mais ont laissé faire. Elle concourt à la mémoire des disparus.


Les habitants d’aujourd’hui, eux, ne pouvaient être comptables de crimes anciens, cependant ils étaient complices en continuant de se taire. P. 38

Maud SIMONNOT évoque l’amnésie post-traumatique, la douleur et le déchirement de ceux qui sont marqués à jamais par une enfance maltraitée.

Dans la prose de l’écrivaine, il y a aussi de magnifiques descriptions de la faune et de la flore. L’île de Jersey est aussi appelée l’île aux oiseaux. Elle en compterait pas moins de 300 espèces. Maud SIMONNOT rend hommage à Olivier MESSIAEN, ornithologue et rythmicien, et sa femme Yvonne LORIOD.

À travers le personnage de Lily, l’autrice évoque la puissance de la nature, sa capacité à ressourcer l'Homme.


Lily sent que l’arbre est le centre vivant d’un cercle invisible qui la protège. P. 62

Le jeu de la narration, les chapitres courts... sont autant d'éléments qui renforcent le pouvoir des mots de Maud SIMONNOT. La plume est ciselée, les personnages écorchés. Coup de maître, chapeau !

Retrouvez les références du Book club :

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 
 
"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS
"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL
 
 "Les enfants sont rois" de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer" de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

 

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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2023-02-03T07:00:00+01:00

Regarde le vent de Marie-Virginie DRU

Publié par Tlivres
Regarde le vent de Marie-Virginie DRU

Après la lecture #coupdepoing du roman de Frédéric COUDERC aux éditions Les Escales, "Hors d'atteinte", difficile de rebondir bien sûr.

J'ai pourtant réussi à trouver quelque chose d'intéressant...

Ma #Vendredilecture, c'est le second roman de Marie-Virginie DRU, "Regarde le vent" aux éditions Albin Michel que je remercie pour ce cadeau de rentrée littéraire.

Camille a la quarantaine. Elle est mariée avec Raphaël avec qui elle a eu deux filles, Jeanne et Louise de 12 et 14 ans. Elle est guide conférencière à Paris. Sa grand-mère, Annette, est décédée il y a trois mois. Elle a une irrépressible envie de se mettre à écrire. Comme une adolescente, elle commence à rédiger en cachette. Raphaël est un être torturé et violent. Il met la main sur ce qui apparaît comme le journal intime de sa femme, elle qui s'évertue à remonter le fil des générations passées, des histoires de femmes. Dès lors, tout peut arriver.

Ce roman, je l'ai lu avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Dès les premières pages, Marie-Virginie DRU réussit à instaurer un climat de tension à l'image d'une présence perverse qui s'insinuerait dans la vie de cette famille, telle un prédateur. Elle réussit un tour de force qui va aller en se décuplant. Je dois vous le dire, je n'en ai fait qu'une bouchée. Impossible de lâcher ce page-turner bien après minuit tellement le suspens était à son comble !

Et puis, il y a la thématique. Je suis toujours fascinée par la mémoire intergénérationnelle, ce que nous transmettent inconsciemment nos ancêtres. A la lecture de la citation de Delphine HORVILLEUR en introduction, 


"La buée des existences passées ne s'évapore pas :

elle souffle dans nos vies et nous mène là où nous ne pensions jamais aller."


j'ai plongé !

Marie-Virginie DRU brosse aussi des portraits de femmes fortes, des résistantes, des femmes marquées par des histoires douloureuses, voire dramatiques, de maternité, un peu comme une malédiction qui se transmettrait de mère en fille. 


Sa maman lui a toujours dit qu’une fois mère, on n’était plus jamais tranquille. P. 164 Camille

Enfin, il y a l'objet de toutes les convoitises, le livre familial. Associé aux articles 311 et 312 du Code Pénal qui dit :

"Il y a abus de confiance quand une personne s'approprie un bien que lui a confié sa victime. [...]

Aucune poursuite légale ne pourra être engagée pour l'abus de confiance entre époux."

vous comprendrez que l'enjeu est de taille !

Cerise sur le gâteau : le propos de Marie-Virginie DRU est ponctué de mille et une références culturelles, un petit bijou. Il y a des chansons, des poèmes, des sculptures, etc. Autant de merveilles qui résonnent entre elles. 

Dernier point, la plume, une découverte pour moi. Elle est foisonnante. Les personnages sont de fiction mais Marie-Virginie DRU réussit formidablement bien à leur donner corps. Les descriptions et les vies trépidantes de celles qu'elle décrit sont autant d'invitations à s'identifier à elles. Pari réussi du second roman !

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2023-01-27T07:00:00+01:00

Hors d'atteinte de Frédéric COUDERC

Publié par Tlivres
Hors d'atteinte de Frédéric COUDERC

Ma #Vendredilecture, c'est un roman sorti très récemment en librairie : "Hors d'atteinte" de Frédéric COUDERC, une lecture coup de poing. Je remercie tout spécialement les éditions Les Escales qui m'ont permis de le lire en avant-première.

Paul est écriviain. Son père est décédé quand il était adolescent. Son grand-père, Viktor Breitner, est sa seule famille. Il vit à Blankenese, un quartier donnant sur l’Elbe, à Hambourg. A 92 ans, le vieillard est victime d'une attaque cérébrale qui le fait tomber dans la dépendance. Paul, qui s'est toujours intéressé à l'histoire de son grand-père sans jamais obtenir de confidences, décide de mener l'enquête. Il découvre un lien établi avec un criminel nazi, Horst SCHUMANN, mais lequel ? Son grand-père a-t-il participé aux crimes de guerre ? Dès lors, pour l'écrivain comme le petit-fils, impossible de résister à la tentation. Paul Breitner ne sait pas encore que ses découvertes vont bouleverser sa vie.

Ce roman historique, vous vous dites peut-être, encore un sur la Shoah. Et bien, le livre refermé, je peux vous dire qu'il s'agit d'un roman très original et qu'il mérite vraiment d'être lu.

D'abord, il y a le procédé narratif, ce roman, c'est un livre dans un livre, le livre que Paul souhaite écrire sur la vie de son grand-père trouve sa place dans le roman qu'écrit Frédéric COUDERC. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. J'ai lu de lui "Yonah ou le chant de la mer" aux éditions Héloïse d'Ormesson. Il évoquait alors le conflit israelo-palestinien et s'inspirait d'une histoire vraie, celle d'Abie NATHAN impliqué dans Voice of peace. Il concourait au devoir de mémoire. Frédéric COUDERC est dans la même démarche, là, à ceci près que le personnage historique qu'il va approcher est loin d'être recommandable.

Il y a donc un personnage. A l'organisation de l'extermination massive des Juifs, tziganes et autres personnes que les nazis estimaient être des dégénérés, il y avait des hommes. Si beaucoup se sont expatriés, notamment en Amérique du Sud, d'autres ont pris la direction de l'Afrique. De tous, certains ont été retrouvés et présentés à la justice pour être jugés, d'autres comme Horst SCHUMANN réussiront toujours à passer à travers les mailles du filet. Alors, à défaut d'un jugement rendu par les organisations internationales, c'est Frédéric COUDERC qui va s'y consacrer et croyez-moi, Horst SCHUMANN, vous ne l'oublierez jamais.

Et puis, il y a ces différentes pages de la grande Histoire que je ne connaissais pas encore. L'écrivain réussit à travers l'itinéraire de Viktor à nous emmener sur les côtés danoises, et puis à Sonnenstein, là où le régime nazi faisait ses armes.

Le témoignage de Génia OBOEUF-GOLDGICHT, survivante du camp de Birkenau, est bouleversant.


J’ai essayé pendant des années, mais non, je ne trouve pas le vocabulaire. Je comprends très bien le suicide de Primo Levi. Il a dû se poser cette question que je me pose encore ; comment ça a été possible, comment expliquer des trains entiers avec des populations entières, dont il ne reste plus de traces, avec cette rapidité, cette industrialisation, cette organisation ? P. 292

Il y a encore l'histoire de la famille Breitner, des personnages de fiction, une famille attachante aux destins meurtris par la seconde guerre mondiale. Comme j'ai aimé accompagner Viktor sur les traces de sa soeur, Vera, morte à l'âge de 12 ans, une enfant qui aimait passionnément la musique, le piano.

Le tout est porté par une plume qui lie allègrement la fiction et la réalité. Elle se joue des codes et navigue entre les registres, le romanesque, l'enquête, le récit historique, le témoignage. Frédéric COUDERC confirme son talent dans le genre. Chapeau !

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2023-01-24T07:00:00+01:00

Les Enfants endormis d’Anthony PASSERON

Publié par Tlivres
Les Enfants endormis d’Anthony PASSERON

Editions Globe

 

Nouvelle découverte de mes cadeaux de Noël conseillés par l’équipe de la librairie Richer, merci ! Le premier roman d’Anthony PASSERON, « Les Enfants endormis » aux éditions Globe est absolument fascinant.

 

Il y a cette famille d’artisans bouchers, de pères en fils, des gens connus de tout le village, des gens qui se tuent au travail. Alors, quand le fils aîné, Désiré, se destine à des études, un nouvel élan souffle sur la lignée. C’est le fils cadet qui, lui, sera soumis à la relève, lui n’aura pas le choix de son avenir professionnel. Mais avec les études, Désiré découvre la vie en ville. Il côtoie des jeunes qui n’ont que faire du modèle ancestral. Ce qu’ils veulent, eux, c’est vivre. Dès lors, ils repoussent les limites, bravent tous les dangers. Désiré lâche l’école. Direction Amsterdam. Quand il en reviendra, plus rien ne sera pareil. La drogue fait partie de sa vie, la drogue dure, l’héroïne. Il se pique, lui et ses amis de l’époque. Ils partagent les mêmes seringues, celles-là mêmes qui véhiculent le VIH. Mais le virus est à cette époque loin d’être maîtrisé. Ce ne sont que les balbutiements de la recherche médicale dans le domaine, le début d’un des plus grands combats scientifiques du XXème siècle. 

 

Ce roman, c’est d’abord un roman social, celui d’une époque, les années 1980 à 2000. Il y a la vie du village rythmée par celle des commerces dont le modèle économique se perpétue depuis la nuit des temps, le modèle familial agit, lui, comme un déterminisme sur tous.


C’était souvent le cas dans les fratries de la vallée, le premier des garçons était plus choyé que les autres, il bénéficiait d’un statut à part, comme si l’attention exclusive qu’on lui avait portée avant l’arrivée de ses frères et soeurs ne s’était jamais dissipée. Emile reproduisait simplement le modèle de ses parents. P. 45

La révolte de 68 a pourtant commencé à l’égratigner. Avec les années 1980, le baccalauréat se veut porteur d’espoir, celui d’une nouvelle ascension sociale. Les parents en rêvent mais leurs adolescents peinent à franchir la frontière entre les classes sociales.


Notre démarche, nos manières, notre vocabulaire et nos expressions, tout finissait par nous trahir. P. 118

Derrière le rêve, la réalité, le drame humain de cette époque, les années sida. Anthony PASSERON brosse avec sensibilité le portrait de sa famille meurtrie, à jamais hantée par « Les enfants endormis ».

 

Jeune encore, je me souviendrai toujours de ces visages émaciés sur l’écran de télé, de corps décharnés rongés par le virus. 

 

Anthony PASSERON relate l’histoire contemporaine de la recherche médicale, la concurrence entre les chercheurs, les pays aussi. Il dénonce l’inégalité financière entre les laboratoires. L’auteur rend hommage à Willy ROZENBAUM, infectiologue, qui a fait preuve d’une incroyable ténacité pour sortir de l’approche réductrice des 4 « H », les « héroïnomanes, homosexuels, hémophiles, Haïtiens ». 

 

J’ai été frappée par le parallélisme établi entre cette famille et la recherche, toutes deux confrontées à l’omerta, le regard de la société porté sur les victimes de l’épidémie, des parias. 

 

Que la démarche d’Anthony PASSERON soit louée.


Ce livre est l’ultime tentative que quelque chose subsiste. P. 11

Ce premier roman est on ne peut plus prometteur, la plume est brillante, la construction ingénieuse, le propos puissant. 

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2023-01-20T12:40:00+01:00

Au long des jours de Nathalie RHEIMS

Publié par Tlivres
Au long des jours de Nathalie RHEIMS

Editions Léo SCHEER


La narratrice, Nathalie RHEIMS voue une passion aux mots. Au lycée, elle aspire à des cours de théâtre. Quand son père lui lance le défi :


Si tu réussis à entrer au Conservatoire, je t'autorise à arrêter le lycée.

elle redouble d’effort. Elle se souviendra toujours de cette audition rue Blanche. Ils étaient 600, ils finiront à 17, elle en fera partie. Avec cette activité professionnelle, c'est un peu comme tisser le fil d'une nouvelle vie, plus rien ne se passera comme avant. Elle va entrer dans un nouvel univers, celui de la scène, d'une vie nocturne, de la fréquentation d'hommes et de femmes célèbres. Et puis, alors qu'elle joue un petit rôle dans "La Mante Polaire" aux côtés de la grande Maria CASARÈS dans le rôle principal, Christiane, une figurante, lui présente l'homme (secret de polichinelle, il figure sur la première de couverture, c'est Marcel MOULOUDJI) qui va bouleverser sa vie. Elle a 18 ans, lui 37 ans de plus. Dès lors commence une folle histoire d'amour.

Je ne suis pas une fan des autofictions mais je remercie les éditions Léo SCHEER de m'avoir permis de lire "Au long des jours", il se révèle être un très joli cadeau.

Je ne suis pas une fan des petits secrets des "people", mais comme je ne connaissais pas Nathalie RHEIMS avant, j'avoue, j'étais loin d'imaginer ce qui m'attendait et c'est très bien ainsi, c'est en réalité le meilleur qu'il puisse m'arriver.

Ce roman, parce que c'est un roman, je l'ai lu comme un roman.

Ce qui m'a séduit, c'est le parcours initiatique d'une jeune fille avec tout ce que cela recouvre de grisant et hasardeux. N'est-ce pas quand nous sommes jeunes que nous bravons tous les dangers ? Elle vit ses premières aventures dans beaucoup de domaines, dont le théâtre. Là, j'avoue avoir été piquée. Je me souviens très bien avoir accompagné une cousine de quelques années mon aînée qui suivait des cours de théâtre avec le rêve d'en faire carrière. Tout ce que relate Nathalie RHEIMS, je l'ai vécu, cette jeunesse éprise des mots qui n'en a que faire de la mode, des Beatles qui révolutionnent la musique, non, elle, ce qui l'émerveille, ce sont les titres des chansons des années 1950-1960.


J'avais fini par le considérer, contrairement aux idées toutes faites, comme un art majeur, parmi les plus difficiles, car il fallait, pour une chanson réussie, la conjonction miraculeuse d'un texte, d'une mélodie, la personnalité et la voix d'un interprète, le tout ramassé en un temps très court.
En moins de trois minutes, une chanson devait raconter une histoire, au même titre qu'un roman, une pièce de théâtre ou un film, et laisser, à celui qui l'écoutait, un souvenir indélébile.

Dès lors, Nathalie RHEIMS nous livre mille et une références de chansons et de poèmes. Parce que Nathalie RHEIMS est follement amoureuse d'un homme qui a vécu sa jeunesse dans les années 1930-1940, elle décrit l'effervescence artistique de l'époque, le bouillonnement intellectuel qui fait vibrer le tout Paris, les cercles très prisés du groupe Octobre,


C’était à la fois un laboratoire de l’avant-garde, un club de rencontre et un hôtel de secours pour les miséreux. p. 47

du clan Sartre. Comme j'ai aimé là aussi la voir nous citer des poèmes inoubliables de Jacques PREVERT et autres grands hommes de lettres, militants aussi.

Outre l'amour des mots, il y a l'amour porté à un homme. Nathalie RHEIMS décrit la passion amoureuse dans ce qu'elle a de plus enivrant. Cette histoire, c'est celle d'une jeune fille en fleur séduite par un homme qui accumule les conquêtes féminines. Il est marié, il va contraindre son amante à une relation clandestine. Nathalie RHEIMS va vivre cette page de sa vie entre parenthèses. Elle n'a alors personne avec qui la partager. Sa mère, son frère et sa soeur, se sont envolés du nid familial. Elle vit sous le même toit d'un père, lui aussi volage.

Ce roman, je vous en parle parce que la plume est magnifique, les phrases éminemment poétiques et d'une profonde sensibilité. 

Peu importe les origines et le statut social de Nathalie RHEIMS et Marcel MOULOUDJI, au fond. Non, peu importe puisqu'il s'agit là du talent d'écrivaine dont je veux parler. Je découvre qu'il s'agit de son 23ème livre, que de réjouissances à venir de retrouver ses mots.

Mais si vous, votre intérêt se porte sur la connaissance d'une page de la vie de célébrités. C'est votre choix, je le respecte. Commencez donc alors par écouter le chanteur fredonner "Au long des jours". Le titre du roman est aussi celui de l'une de ses chansons !

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2023-01-04T07:00:00+01:00

Les Mangeurs de nuit de Marie CHARREL

Publié par Tlivres
Les Mangeurs de nuit de Marie CHARREL

Marie CHARREL nous revient avec "Les Mangeurs de nuit" aux éditions de L'Observatoire que je remercie pour ce très beau cadeau. L'année 2023 promet d'être belle ! Nous sommes le 4 janvier, premier coup de ❤️, l'occasion d'un petit clin d'oeil à Aleksandra SOBOL.

Nous partons pour le Canada revisiter son Histoire à travers des personnages aussi attachants que mystérieux. Il y a Hannah, une femme qui vit recluse depuis une dizaine d'année dans une maison en haute montagne. Elle porte en elle les traces de sa famille meurtrie par un courant migratoire croyant en l'eldorado mais qui, en posant le pied en terre américaine, révéla à Aika Tamura la grossière erreur de croire en un mariage arrangé. Elle fit partie en 1926 de ces "picture bride", des japonaises qui, en l'absence d'avenir dans leur pays, consentirent à une union sur photographies avec un étranger. Aika n'avait que 17 ans, lui, Kuma, 45. Et puis, il y a Jack, un creekwalker, l'un des 150 hommes recrutés pour veiller sur les cours d'eau et compter les saumons de la Colombie-Britannique. Il passe sa vie avec ses deux chiens. Hannah et Jack ont tous deux été bercés par des contes pour enfants. La réalité s'est chargée de leur faire vivre un tout autre destin. 

Vous vous souvenez peut-être du premier roman de Marie CHARREL, "Les Danseurs de l'aube", un coup de ❤️, déjà.

Dans ce roman, il y a tout ce que j'aime, que dis-je, j'adore !

Il y a d'abord la grande Histoire, celle à laquelle je n'ai pas accédé sur les bancs de l'école et qui me manque tant. La littérature me permet heureusement de combler ces failles.

A l'ouest du Canada, donc, il y a eu l'installation de Japonais, des hommes, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Ils se lancent dans la pêche. Et puis, en 1907, éclatent des émeutes à leur encontre. Les Japonais perdent leurs licences professionnelles, ce n'est que le début de la déchéance de leurs droits de citoyens. C'est pourtant là que des femmes les rejoignent, notamment les "picture bride". Tous sont promis à une vie dans des camps. Ils vont devoir SURvivre.

C'est aussi dans ces années-là que des enfants amérindiens sont retirés de leurs familles pour les "éduquer".

L'écrivaine creuse le sillon de l'interculturalité, de la mixité des populations, du rapport dominants/dominés.

Dans ce roman, il y a encore l'aventure. Les parcours de vie de personnages très attachants sont chahutés, la vengeance un plat qui se mange froid. Le souffle romanesque de la plume de Marie CHARREL donne du rythme et tient le lecteur en haleine jusqu'à cette révélation... 

Et puis, dans "Les Mangeurs de nuit", la nature occupe une très grande place. Marie CHARREL nous offre de magnifiques descriptions et nous dévoile les secrets de la biodiversité.


L’avenir de la forêt dépend des saumons : « Les nutriments des arêtes s’enfoncent lentement dans le sol qu’elles fertilisent, irriguant de leurs bienfaits cèdres rouges, épicéas, pins tordus, pruches à l’ombre desquels les buissons de baies s’épanouissent au printemps, buffet des orignaux, des chèvres et des ours, attendant le retour du poisson béni. Sans le saumon, la forêt disparaît. P. 26-27

Quel plaisir de retrouver l'écriture de Marie CHARREL, elle est prodigieuse. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à le penser. L'écrivaine fait une entrée remarquée dans la rentrée littéraire. "Les Mangeurs de nuit" font partie des dix romans de la première sélection du prestigieux Grand Prix RTL Lire – Magazine Littéraire 2023. Je lui souhaite le meilleur !

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2023-01-03T07:00:00+01:00

Quand tu écouteras cette chanson de Lola LAFON

Publié par Tlivres
Quand tu écouteras cette chanson de Lola LAFON

Éditions Stock

Une lecture coup de poing pour démarrer l'année, une référence du Book club pour démarrer 2023 avec un texte fort.

Vous connaissez peut-être la Collection "Ma nuit au musée", une série de livres qui lient admirablement l'art et l'Histoire dans le murmure du temps. Vous vous souvenez peut-être de ma première découverte de "Comme un ciel en nous" de Jakuta ALIKAVAZOVIC

J'ai rechuté avec "Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LOFAN, un texte EXTRAordinaire.

D'abord, Lola LAFON a choisi un lieu sur lequel la Shoah a marqué son empreinte comme le tatouage sur le bras gauche des hommes et des femmes, juifs, dans les camps de concentration. L'Annexe du Musée est le lieu où la famille Frank a vécu clandestinement pendant 25 mois, 40 mètres carré pour 760 jours de survie, à l'abri des regards et des oreilles du peuple hollandais, lui, qui, en 1940, capitule et s'astreint à appliquer les mesures anti-juives. Otto et son épouse Edith, Margot et Anne leur deux filles, hébergeront quatre autres des leurs jusqu'au 4 août 1944, ce jour où la Gestapo accède au troisième étage de l'immeuble de bureaux d'Opekta.

Et puis, le temps d'une nuit, Lola LAFON, l'écrivaine de talent, va cohabiter avec une absente, celle qui a fait de l'écriture son alliée pour s'évader de ces 40 mètres carrés, celle dont le texte a depuis été spolié à des fins commerciales et politiques. Abject ! A travers ce récit, Lola LAFON s'attache à restituer l'authenticité de la prose de la jeune adolescente pour en assurer la postérité.


Transformer le Journal en un texte sentimental ! P. 114

Lola LAFON excelle dans les liens tissés entre les destins brisés des deux jeunes femmes, le sien et celui d'Anne FRANK, toutes deux intimement liées par leur judéité. L'histoire de leurs familles suit malheureusement les mêmes dramatiques itinéraires à l'exception près que les ancêtres de Lola LAFON ont survécu aux exterminations, assurant ainsi une descendance, hantée aujourd'hui par les fantômes des disparus, croulant sous le fardeau de ce passé. 


L’exil - perdre racine - est un mal dont les symptômes me sont familiers. […] Je sais les désordres de ceux qui ont du se défaire de leur prénom, de leur langue, de leur pays, de leur maison, de leurs parents, de leurs désirs. P. 156

L'écrivaine explore au scalpel le sujet de l'identité et philosophe autour du rôle et du pouvoir de l'écriture.


Écrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel biais attraper le réel. P. 89

J'ai été touchée en plein coeur par ce texte qui navigue entre les registres de la littérature, l'histoire romancée d'une page de la vie d'une adolescente devenue célèbre malgré elle, le récit de vie personnelle de l'écrivaine, la médiation culturelle d'un des lieux les plus visités des Pays-Bas.

La plume est profondément émouvante. Elle vous serre le coeur du mal qui ronge les générations, de l'ignominie humaine qui fait front. Quant à dire plus jamais ça, la chute est foudroyante.

S'il n'était qu'un brin d'espoir, retenons que l’appartement des Frank de Merwedeplein soit devenu un lieu de résidence d'écrivains persécutés, un lieu de création, un lieu de vie, quoi !

"Quand tu écouteras cette chanson" est lauréat du Prix Décembre 2022 et du Prix Les Inrockuptibles.

Retrouvez toutes les références du Book club :

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 
 
"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS
 
"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL
 
 "Les enfants sont rois" de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer" de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE,

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU,

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD,

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD, 

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME,

"Il n'est pire aveugle" de John BOYNE...

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2022-12-30T07:00:00+01:00

I am, I am, I am de Maggie O'FARRELL

Publié par Tlivres
I am, I am, I am de Maggie O'FARRELL

Belfond
Traduit de l’anglais par Sarah TARDY

Le Book club a encore frappé ! C'est à lui que je dois cette nouvelle lecture d'un roman de Maggie O'FARRELL cette année. Après "Hamnet", place au roman autobiographique de l'écrivaine britannique : "I am, I am, I am".

La narratrice est depuis sa plus tendre enfance éprise de liberté. Mais depuis toujours, son corps s'est mis en tête d'entraver son itinéraire. Victime d'une encéphalite, elle a vécu un an en fauteuil roulant. A 18 ans, elle plaque tout. Elle vit dans une caravane et travaille à l'hôtel de montagne. Lors d 'une pause, elle décide de randonner près du lac noir. Elle y rencontre un homme, étrange. Elle aura le réflexe de retirer immédiatement la lanière des jumelles qu'il vient de lui passer au tour du coup. Elle doit sa survie à ce geste instantané, ce réflexe presque animal d'échapper à un prédateur. Deux semaines plus tard, une jeune femme de 22 ans y sera retrouvée morte, violée, étranglée et enterrée dans un fossé.
Cette histoire date de 1990. C'est la première relatée par Maggie O'FARRELL mais elle s'inscrit dans une série de 17. Tout au long du roman, vous allez vibrer avec elle, vivre des moments de peur intense, souffrir dans votre chair, frissonner, et puis, apprécier ce soulagement de voir que la vie continue. 

Maggie O'FARRELL raconte 17 périodes de sa vie où tout aurait pu basculer et choisit de prendre la plume pour les décrire :


L’expression qui est apparue sur son visage était celle d’un choc si profond, si viscéral, que j’ai su alors que plus jamais de ma vie je ne la raconterais, du moins oralement. P. 28

En numérologie, le nombre 17 fait partie de vos alliés. En chinois, il est dit comme chanceux, porteur d'espoir. C'est aussi un nombre qui représente la force, la confiance en soi. Nul doute que Maggie O'FARRELL est née sous une bonne étoile pour avoir résisté à toutes les agressions de ce corps qu'elle nous apprend à minutieusement décrypter. Comme j'ai aimé l'aborder d'un point de vue clinique et le voir mis à l’épreuve. Ce roman, c’est un hymne à la vie.

Ce livre, c'est aussi une oeuvre d'art. Il y a la première de couverture que je trouve sublime, ce papier glacé bleu turquoise sur lequel est dessiné un coeur, rouge, puissant, avec des vaisseaux sanguins représentés comme des plantes, une branche avec des feuilles, rouges aussi, une fleur d'oeillet, un arbre mort. Vous découvrirez dans le roman une continuité, en monochrome cette fois. Chaque chapitre est associé au nom d'une partie du corps et fait l'objet d'un dessin d’anatomie. 

Revenons à la couleur rouge, souvent associée au sang, la matrice, la source de la vie. Disons que ce roman a une signification particulière pour moi, il résonne avec une réalité toute personnelle. Le titre, "I am, I am, Iam", une expression monosémique (j'ai découvert le terme !), empruntée à Sylvia PLATH et extraite de "La Cloche de détresse" résume à elle-seule l'année 2023 qui s'annonce comme une année de tranmission... 

Enfin cette phrase qui résume tout ce que j'aimerais crier à la terre entière :


Je n’étais mère que depuis dix minutes lorsque j’ai rencontré cet homme, mais il m’a appris, par un simple geste, l’une des choses les plus importantes sur le rôle de parent : qu’il faut de la gentillesse, de l’intuition, du toucher, et que, parfois, il n’y a même pas besoin de mots. P. 89

Un immense merci au Book club pour cette référence. Retrouvez toutes les autres...

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO
 
"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND

"La porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel ADANSON" de David DIOP

"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE

"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" de Maggie O'FARRELL

 "Les enfants sont rois" de Delphine DE VIGAN

"Au-delà de la mer" de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE,

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU,

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD,

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD, 

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME,

"Il n'est pire aveugle" de John BOYNE...

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