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2021-02-27T07:00:00+01:00

Avant elle de Johanna KRAWCZYK

Publié par Tlivres
Avant elle de Johanna KRAWCZYK

Il y a des romans dont les premiers signes sont avant-coureurs.
 
"Avant elle" commence avec cette citation 
 
"Nous portons tous en nous une maison effondrée, tu ne crois pas ! Dis-moi ce qui te manque, cave ou grenier, quelle paroi vacille en toi, quel plancher, où se planquent tes termites et tes araignées, tes lézardes et ton salpêtre, où sont tes débarras, tes issues de secours et tes portes condamnées, ta chambre obscure, tu la connais ? Et ta pièce vide ?"
 
extraite de "La Folie Elisa" de Gwenaëlle AUBRY, un livre dont la lecture m'avait terrassée ; je ne pouvais qu'en sortir K.O., non ?
 
Carmen a 36 ans, elle est amoureuse de Raphaël. Tous deux sont les parents d’une petite fille, Suzanne. Carmen est Maîtresse de conférence, spécialiste de l’Amérique Latine. Son père est mort d’un AVC il y a un an et sept mois, sa mère, elle, s’est suicidée quand elle n’avait que 11 ans. Carmen va de mal en pis. Dans le jargon de la psychiatrie, elle est classée TPB, elle souffre des troubles de la personnalité borderline, elle est hypersensible et alcoolique. Un jour, Carmen reçoit un appel téléphonique. Le contrat d’un box de garde-meubles arrive à échéance, elle doit le vider, sinon les biens seront détruits. Quand Carmen arrive sur place, elle découvre que le box ne contient qu’un bureau ancien, un fauteuil et une lampe. Les tiroirs du bureau sont vides. Elle décide de le faire livrer chez elle, un copain s’en charge. A force de persévérance, Carmen trouve une petite clé et dans un des pieds du meuble une boîte avec tout un tas de documents, des photos, des carnets. Ils sont écrits de la main de son père. Elle commence à les lire, elle sombre. Raphaël n’en peut plus, il lui fixe un ultimatum. Elle doit s’en sortir si elle veut poursuivre sa vie avec lui et leur enfant. Carmen consacre ses jours, ses nuits, à découvrir l’histoire familiale, une histoire singulière intimement liée à la grande Histoire de l’Argentine, un scénario de pure folie !
 
Ce premier roman, c’est une lecture coup de poing. J’ai l’impression d’être montée sur un ring et d’avoir été passée à tabac.
 
D’abord, il y a la vie de Carmen, ses souffrances, son « obsidienne » qui la tenaille. Je suis tombée dès les premières pages dans le piège de la psychiatrie tendu par l’autrice, Johanna KRAWCZYK. Tout mon corps s’est mis à vibrer aux soubresauts de Carmen.
 
Et puis, il y a l’histoire, le scénario. Imaginez, vous avez 36 ans et vous ne connaissez quasiment rien de votre famille, vous êtes en quête d’identité. Votre mère a disparu dans des conditions inexpliquées. Votre père a toujours été un taiseux, rien à tirer de lui.


Le mensonge protège là où la vérité foudroie, pourquoi faudrait-il toujours que la vérité triomphe ? P. 101

Même si Carmen s’interroge, elle sait qu’elle ne peut résister devant l’appât des confessions. Partir à la découverte des carnets et de tout ce qu’ils dévoilent relève du jubilatoire. Le roman devient un véritable page turner, je n'ai moi-même pas pu résister !
 
Le contexte historique creuse encore l'abîme, la dictature argentine, ces périodes finalement universelles où les hommes deviennent des héros... ou des salauds. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus, juste que cette lecture a fait resurgir le souvenir de "Mapuche" de Caryl FEREY !
 
Au fur et à mesure des révélations, le corps de Carmen encaisse, se débat, s’écrase, se relève, se brise. Sous la plume de Johanna KRAWCZYK, les uppercuts sont violents.


Cette différence de perception m’effraie souvent. Un événement peut être insignifiant pour l’espèce humaine et, dans un même espace-temps, le drame d’un individu. P. 74

Enfin, il y a la narration. Johanna KRAWCZYK alterne judicieusement le propos à trois voix. Il y a les passages extraits des carnets de son père qui dévoilent son passé. Il y a les paroles de Carmen adressées à son père, un peu comme s’il était encore vivant et qu’elle pouvait converser avec lui. Enfin, il y a la petite voix  intérieure de Carmen, celle de l’intime, celle qui la torture, lui vrille les tripes, celle qui la tyrannise.

La construction est habile et audacieuse, le pari réussi. La chute est vertigineuse !


Elle s’est envolée et a laissé à sa place une pierre qui me tranche les tripes comme un silex. P. 75

Je sors de ce premier roman foudroyée par la puissance du propos. « Avant elle » n’est rien d’autre qu’une bombe... de mots !

A ceux qui ne savent pas encore ce que représente la littérature pour moi, et ce roman en particulier, j’emprunte à Johanna KRAWCZYK cette citation :


Votre passion commune, votre luxe, c’était la littérature. Monsieur Martín t’en parlait comme d’un membre de sa famille, il te disait qu’elle était généreuse, qu’elle savait accueillir toutes sortes de récits en son sein, et que ce qu’il vénérait par-dessus tout, c’était quand la langue éclatait. Une bombe de mots qui te propulse dans un autre monde. P. 73

Au bal des 68 Premières fois, "Avant elle" succède à

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT
"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

Après quelques notes de guitare et puis une danse pop, place à un morceau de hard rock avec "You're A Lie" de Slash... Allez, musique !

"Avant elle" est en lice pour le Prix Saint-Georges du Premier roman organisé par la Librairie de Pithiviers. Il est en lice avec

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Le premier Homme" de Raphaël ALIX

Que le meilleur gagne !

 

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2021-02-26T19:51:09+01:00

Trencadis de Caroline DEYNS

Publié par Tlivres
Trencadis de Caroline DEYNS
 
Je ne vais pas tenir bien longtemps alors autant vous le dire tout de suite, « Trencadis » de Caroline DEYNS est un coup de ❤️, rien de moins ! Il me tardait de retrouver le "Coeur gros" de Marie MONRIBOT...
 
Niki DE SAINT-PHALLE naît le 29 Octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine. Ses parents, installés à New-York, la confient à ses grands-parents en France. Ils vont l’élever pendant trois années de sa petite enfance. Quand elle retrouve ses parents, elle est tyrannisée par une mère qui place les bonnes manières tout en haut de la hiérarchie de ses valeurs. À 11 ans, c’est lors de l’été 1942 qu’elle est violée par son père dans la maison de vacances louée à Nice. Plus tard, elle devient mannequin. Elle épouse Harry, un homme bien sous tous rapports. Ensemble, ils ont une fille, Laura. Peut-être est-ce la maternité ? Toujours est-il que Niki va de plus en plus mal, les pensées suicidaires l'envahissent. Elle fait un séjour en hôpital psychiatrique. Elle est traité avec les électrochocs de l'époque. Elle ne cesse d’évoquer l’été des serpents, un souvenir qui en cache un autre, beaucoup plus effroyable. A la sortie de l'hôpital, son père avoue. C’est là que commence une nouvelle vie pour elle et que d’autres horizons se profilent...
 
De Niki DE SAINT-PHALLE, je suis totalement fan. Le blog est d’ailleurs à son effigie avec ses trois « Nanas », joyeuses et voluptueuses. L'artiste, je l’ai découverte il y a une bonne trentaine d’années maintenant et suis devenue une inconditionnelle de ses œuvres comme de tout ce qu'elle représente en réalité.
 
J’aime, comme beaucoup je crois, les formes généreuses de ses "Nanas", leurs couleurs vives, leur joie communicative et le mouvement qu’elles représentent.
 
Mais les « Nanas » sont aussi porteuses d’une certaine image de la femme, une représentation en contradiction totale avec le canon brancardé par le mannequinat. Et quand Niki DE SAINT-PHALLE allonge sa « Nana » à terre dans des dimensions gigantesques pour permettre aux visiteurs du Moderna Museet de Stockholm (Suède) de la pénétrer par le vagin, elle devient la féministe que je vénère.

Au-delà des « Nanas », l’artiste plasticienne du XXÈME siècle a aussi revisité le mythe de la mariée


Sans autre but alors que de faire péter le cadre familial avec la seule bombe artisanale qu’ils ont été capables de fabriquer : des épousailles en catimini devant des témoins ramassés sur le trottoir. P. 51

et exploré le sujet de la maternité d’une façon tout à fait révolutionnaire. Comme j’aime voir Caroline DEYNS jouer le rôle de médiatrice de ces œuvres-là en particulier et nous expliquer le pourquoi du blanc.
 
Ce roman relate la naissance d’une femme artiste. Que de lutte, de courage et de force, pour accéder à son registre de prédilection. Comme j’aime ce passage autour de la rencontre de Niki DE SAINT-PHALLE avec ce forain avec qui elle donnera naissance à des œuvres, aujourd'hui encore largement méconnues, créées à partir de tirs de carabines, surprenant non ?
 
Et puis, Niki DE SAINT-PHALLE, c'est aussi l’utilisation de matériaux singuliers pour réaliser des « Trencadis », ces mosaïques d’éclats de céramique et de verre dont l'artiste va faire sa signature.

Il y a, enfin, ce rêve inouï de créer un jardin à l’image du Parc Güell de Barcelone parsemé d’œuvres de GAUDÍ !


Je suis franco-américaine, mon château, je l’imaginerai et le construirai avec des courbes comme des bras qui vous entourent, et de la couleur, de la couleur à vous rendre ivre. P. 60

 
Sous la plume de Caroline DEYNS, l’artiste devient un personnage de roman dans tout ce qu’elle incarne d’EXTRAordinaire. La narration est ingénieuse avec l’invitation à témoigner de personnes qui ont connu Niki DE SAINT-PHALLE de très près comme son psychiatre, Eva AEPPLI, sculptrice et ex-compagne de Jean TINGUELY, Andréas VLIEGHE, forain, Fernande, une voisine de l’installation de Niki et Jean, une faiseuse d’ange, Sophie du Women’s Lib, Emilie, la fille de Léa, la femme de ménage de Soisy, autant de regards croisés portés sur un destin hors du commun, un peu comme si chacun venait poser son petit carreau de mosaïque pour composer le portrait de l'artiste. Un pari ambitieux, parfaitement réussi, bravo !
 
Ce roman est prodigieux.

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2021-02-25T18:45:00+01:00

Murène de Valentine GOBY

Publié par Tlivres
Murène de Valentine GOBY

Ma #citationdujeudi est extraite de "Murène", un roman de Valentine GOBY, un coup de coeur.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Nous sommes dans les années 1950. François a 22 ans. Ses parents sont couturiers, ils tiennent un atelier. Sa mère, Jane, est d’origine anglaise, naturalisée française. Il entretient avec sa sœur Sylvia une relation de complicité. Ce qui n’est plus le cas avec son père, Robert, depuis que le fils a fait voler en éclat la carrière d’ingénieur rêvée par le père pour son fils. François accumule maintenant les petits boulots. Une mission vient de lui être promise dans les Ardennes, la neige est tombée sur la France, réduisant toutes activités. Là-bas, ils ont besoin d’hommes comme lui. Sur le chemin, le camion qui l’emmène tombe en panne. Ils sont en rase campagne, il faut aller chercher des secours. François part à pied vers l’inconnu. Dans un champ de Bayle, il découvre un wagon de train. Il monte au sommet et là, un arc électrique le foudroie, le projetant à terre, brûlé à 30 pour cents. Il serait mort s’il n’y avait eu cette enfant à la recherche de son renard. Sauvé in extremis mais à quel prix ?

Ce roman est prodigieux.

D'abord, parce que Valentine GOBY est une formidable conteuse, elle raconte des histoires avec un immense talent mais plus que ça, ce qui fait son originalité c’est, une nouvelle fois, de s’inspirer d’histoires vraies.

Ensuite, parce que l’écrivaine choisit le domaine de la santé comme territoire d’exploration. Après le traitement des tuberculeux au sanatorium d'Aincourt, elle revisite les progrès de la médecine en matière de prothèses pour les hommes et les femmes amputés. Initialement prévues pour les blessés de guerre, elles sont banalisées pour les civils. 

Mais encore parce que Valentine GOBY fait du handisport la voie de la résilience, celle qui permettra d’espérer un retour à la dignité humaine. Monter sur la plus haute marche d’un podium devient rapidement l’objectif à atteindre. Pourquoi se contenter du plaisir offert par le sport, du bien-être, quand il peut vous apporter une reconnaissance, nationale, internationale, quand il peut vous faire devenir un champion ?

Et toujours, parce que le jeu de l'écriture permet de faire se croiser le destin de François, un personnage de fiction, avec celui de celles et ceux qui se sont battus pour qu’ aujourd’hui les disciplines sportives para-olympiques soient ce qu’elle sont.

Enfin, parce qu'elle consacre des pans entiers à la nature comme la source d'un renouveau, celle qui peut permettre à des hommes et des femmes de se reconstruire, d'y puiser la force, l'énergie, la puissance d'affronter ce qui les assaille. 

Cerise sur le gâteau, le récit est profondément lumineux !

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2021-02-24T18:47:58+01:00

Opus 77 d’Alexis RAGOUGNEAU

Publié par Tlivres
Opus 77 d’Alexis RAGOUGNEAU

Parce que la rentrée littéraire se fait aussi en poche, place aujourd'hui à "Opus 77" d'Alexis RAGOUGNEAU publié initialement chez Viviane HAMY et maintenant disponible dans la collection du Livre de Poche.

Ce roman, c'est une pépite.

Je vous livre quelques mots de l'histoire :

Tout commence lors des funérailles de Claessens, bien connu en sa qualité de Chef d'Orchestre de la Suisse romande. Sa fille,  Ariane s'installe au piano. Soliste internationale d'un peu plus de 25 ans, elle s'apprête à jouer la marche funèbre pour honorer son père. Elle surprend l'assistance en faisant résonner, dans la basilique, les premières notes de l'Opus 77, le concerto du compositeur russe, Dimitri CHOSTAKOVITCH. La présence de la famille de Claessens se résume à celle d'Ariane. Son frère, David, de 2 ans son aîné, n'est pas présent. Pourquoi ? C'est là que commence réellement toute l'histoire.  

Dès les premières lignes, Alexis RAGOUGNEAU fait du lecteur un spectateur, un voyeur pourrait-on dire. Devant lui, s'étalent les lambeaux d'une vie de famille. Je ne vous en dirai pas beaucoup plus pour ne pas déflorer l'histoire, c'est là tout le suspens du roman ! Simplement vous dire toutefois que le froid qu'inspire la première scène, celle du dernier hommage rendu au père, va vous glacer le sang.

J'ai été fascinée par la puissance de la musique, le pouvoir d'enivrement, la jouissance et l'abandon de soi.

Ce roman est puissant par l'atmosphère qu'il propose et dans laquelle est plongé son lecteur,  condamné, lorsqu'il a commencé la lecture de L'Opus 77, à le lire d'une traite, en apnée totale. Il est absolument remarquable aussi pour la qualité de la plume. 

Et pour que la boucle soit bouclée, quittons-nous en musique s'il vous plaît avec "Opus 77".

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2021-02-23T07:00:00+01:00

Babylift de Marie BARDET

Publié par Tlivres
Babylift de Marie BARDET

Éditions Emmanuelle COLLAS

Parce que la littérature a ce pouvoir de nous faire voyager, je vous propose de vous envoler pour Saigon, aujourd’hui appelée Hô Chi Minh Ville.

Nous sommes le 4 avril 1975. Nous venons de prendre le vol du Galaxy C-5A avec, à bord, des Bénévoles de l’agence Friends For All Children et plus de 200 enfants, des orphelins amérasiens, des bébés de soldats américains et de femmes vietnamiennes. C’est le premier vol d’un pont aérien à l’initiative des Etats-Unis, Gérald FORD est alors Président. Dès l’envol, quelque chose d’étrange se produit. La porte de soute a été arrachée. L’avion fait demi-tour. Il s’écrase. Sean et May sont des rescapés. Ils sont adaptés par Nona et Decima, deux femmes dévouées. Direction Paris. Une sombre affaire expose Sean devenu adulte. Il est soupçonné d’avoir assassinée Elodie, une jeune femme retrouvée nue et morte, écrasée « après une chute d’un point haut ». L’aurait-il poussée ? Pourquoi ?

Ce roman nous plonge au coeur de la grande Histoire, celle de la guerre du Vietnam. Il assure la mémoire d’une opération qui ne faisait que commencer le 4 avril 1974. En un mois, ce sont 3000 enfants qui seront évacués et adoptés à travers les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la France. Personnellement, je ne connaissais pas cette opération qui une nouvelle fois pose la question des femmes en temps de guerre. Si certains bébés sont le fruit d’une relation amoureuse entre des soldats et des Vietnamiennes, d’autres ont démarré plus difficilement dans la vie, les femmes qu’ils étaient censés protéger étaient en réalité violées. Quant aux bébés, si certains étaient effectivement orphelins, d’autres étaient confiés par leurs mères comme le dernier espoir de leur survie. Dans la réalité, seule une bénévole survivra dans ce vol, une française, Elise DESFONTAINES.

Ce roman par de plus loin encore. En 1954, lors de la chute de Dien Bien Phû, tout est fait pour éradiquer toute forme de singularité alors même que la Convention de Genève de 1949 prévoit de nourrir la mémoire des origines :


« Trancher le lien biologique n’était manifestement pas suffisant. Il fallait que toute trace de l’ancienne culture soit tuée dans l’oeuf pour qu’un individu plus blanc que blanc en sortit. P . 112

Marie BARDET remonte le fil de la vie de May, devenue mère du petit Luan, l’occasion de rappeler ô combien la maternité peut révéler l’abîme de l’absence d’une mère :


L’amour qu’elle éprouve pour son fils rend plus cruel encore l’absence de lien avec sa propre mère. P. 163

Marie BARDET livre un roman vibrant, d’une profonde sensibilité, dans lequel elle offre un juste équilibre entre la froideur de la justice et la chaleur des relations humaines.

Fascinée par ce que peut offrir la littérature en termes historique, j’ai beaucoup apprécié « Babylift » pour ce devoir de mémoire que nous devons tous nourrir, pour les générations d’aujourd’hui et les suivantes.

Je me suis laissée porter par des destins EXTRAordinaires. Si Sean et May sont des personnages de fiction, ils représentent à eux seuls le déracinement de la petite enfance et cette difficulté à se construire loin des leurs et de la terre qui les a vus naître. Les métis qui sont nés au début des années 1970 et qui ont fait l’objet de ce pont aérien abordent la cinquantaine aujourd’hui. Je suppose que nombre des 3000 enfants adoptés à ce moment-là sont en quête de leurs familles. Impossible de ne pas s'identifier.

Un roman bouleversant.

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2021-02-22T18:00:00+01:00

Sisyphe revisité par Jean-Luc MANIOULOUX

Publié par Tlivres
Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés

Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés

Le mythe de Sisyphe, vous le connaissez.

Il a été largement décliné mais j'avoue que j'ai un faible pour l'interprétation de Jean-Luc MANIOULOUX donc j'ai découvert l'univers artistique très récemment.

L'artiste parisien s'est prêté à l'exercice de l'interview, un vrai plaisir.

Si "Impact" en vitrine de la Galerie In Arte Veritas rue des Lices à Angers m'a séduite, j'y ai découvert tout un d'autres créations exposées temporairement, dont celle d'un insecte naturalisé roulant une portion de papier peint.

Cette pièce a un petit côté vintage avec une tapisserie colorée qui pouvait décorer les murs de la maison de votre grand-mère et un côté très moderne avec un cadre en noir et blanc.

Sisyphe en ce début de semaine, ce n'est peut-être pas totalement déconnecté de votre réalité !!!

C'est ma #lundioeuvredart et vous pouvez, si vous passez sur Angers, la voir en format réel jusqu'au 27 février. 

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2021-02-20T07:00:00+01:00

Nos corps étrangers de Carine JOAQUIM

Publié par Tlivres
Nos corps étrangers de Carine JOAQUIM

La Manufacture de Livres

L’édition 2021 du bal des 68 Premières fois continue. Après quelques notes de guitare pour accompagner

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT
et
"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

 
changement de registre. Je vous propose « Dance Monkey » de Tones and I pour accompagner "Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM, un premier roman publié chez La Manufacture de Livres, la maison de Laurent PETITMANGIN avec "Ce qu'il faut de nuit" et Franck BOUYSSE "Né d'aucune femme". Si vous connaissez un peu cette maison d'édition, vous savez à peu près à quoi vous attendre, pour les autres, vous allez plonger dans un roman noir.
 
Tout commence avec les funérailles de la grand-mère paternelle de Maëva. Cette adolescente parisienne se serait bien passée de ces quelques jours d'absence en pleine rentrée scolaire dans un collège de campagne. Ses parents ont eu la très mauvaise idée de vouloir quitter Paris pour acheter un pavillon avec jardin et dépendance, de quoi aménager un atelier à Elisabeth, sa mère qui souhaite se consacrer à la peinture. Stéphane, le père de Maëva, fera les trajets pour se rendre au bureau mais il doit bien ça à son épouse. Dans le couple, ce n'est pas la folie mais il s’offre un nouveau départ. Son harmonie, à peine retrouvée, va toutefois prendre du plomb dans l'aile avec sa fille qui a quelques difficultés à s'intégrer et va s'amouracher d'un garçon, noir, de la classe. L’adolescente prend ses aises, joue dans le registre de l'insolence jusqu'à un acte odieux, irréparable. Mais c'est là que pour tous démarrent une nouvelle histoire...
 
En ouvrant ce livre, vous acceptez de tendre vers le chaos mais à pas mesurés.
 
Je vous ai dit quelques mots de la situation de Maëva. Par la singularité du personnage de roman, Carine JOAQUIM évoque des comportements adolescents d'aujourd'hui, connectés aux réseaux sociaux, abreuvés de vidéos abjectes et parfois prises à l’insu des êtres dont la vie ne tient plus qu’à un clic. L'écrivaine brosse le portrait d'une jeunesse que rien n'arrête, une génération portée par un élan d'invincibilité, influencée par les fréquentations du moment, une génération exposée à tous les dangers. Les gens changent, les générations se succèdent et ont sensiblement les mêmes travers mais avec internet, la prise de risque est décuplée, peut-être le nouveau fléau de notre société.
 
A ce parcours chahuté de Maëva, s'y greffent des vies d'adultes nourries d'infidélité, de perfidie et de tromperie, des adultes qui, eux aussi, semblent chercher leur voie. La fragilité et la quête d’amour ne sont pas l’apanage de la jeunesse, loin de là. Les corps de Stéphane et Elisabeth en rêvent aussi. Ils veulent du charnel, de la sexualité, mais la vie n’est pas si simple, et les individus tentent parfois leur chance à l’extérieur du cocon familial pour assouvir leurs besoins.


Quelques heures durant, ils étaient seuls, ils étaient libres, rien que des âmes flottant dans des corps enfiévrés, profitant d’une renaissance dont ils sortaient, sans vraiment le savoir, un peu plus transfigurés à chaque fois. P. 121

Là aussi, attention, danger !
 
J’ai été fascinée par le personnage d’Elisabeth, la mère de Maëva, une femme partagée entre son statut d’épouse et de mère, qui va progressivement s’en émanciper pour se réaliser.
 
Le plus fort, à n'en pas douter, c’est la chute, absolument effroyable, une chute que je n'avais pas soupçonnée mais qui dévoile à quel point nos corps peuvent devenir des étrangers.
 
Ce roman, c’est une lecture coup de poing de cette édition 2021, servie par une plume talentueuse. Si j’en suis sortie épouvantée, j’ai pourtant aimé que Carine JOAQUIM porte un regard particulier sur des sujets éthiques du moment, l’accueil et l’intégration en milieu scolaire de personnes porteuses de handicap, la définition de l’âge des migrants isolés avec l’éventualité de tests osseux... L’écrivaine est enseignante, peut-être a-t-elle puisé son inspiration dans ce qu’elle côtoie au quotidien ? Dans tous les cas, elle permet à des problématiques de sortir des établissements scolaires et de nous être servies sur un plateau doré, à nous maintenant de les MEDITER !

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2021-02-19T12:20:00+01:00

Héritage de Miguel BONNEFOY

Publié par Tlivres
Héritage de Miguel BONNEFOY

Rivages

Miguel BONNEFOY est un formidable conteur. Après « Sucre noir » et « Le voyage d’Octavio », il confirme son talent pour décrire de formidables épopées.

 Les Lonsonier se transmettaient le vignoble familial du Jura de génération en génération jusqu’à ce que le phylloxera réduise les ceps sur pied en bois mort. Dès lors, une autre vocation restait à trouver, le Nouveau Monde séduisait les foules, c’était le moment d’embarquer. Le fils Lonsonier pris le bateau au Havre. Drogué par une diseuse de bonne aventure, il se mit à halluciner. Craignant qu’il ne soit malade de la typhoïde, le capitaine du navire décida de le faire accoster à Valparaiso au Chili. C’est là qu’il rencontrera Delphine, d’origine bordelaise, avec qui il aura trois enfants, trois garçons, qui tous, seront engagés dans l’armée pour sauver la France des griffes de l’occupant. Deux tomberont dans les tranchées de la Marne, seul Lazare en réchappera avec des blessures de guerre au poumon. A son retour, il fonde une famille avec Thérèse. Leur fille, Margot, triste, que les jeux d’enfants n’intéressent pas, choisira d’être aviatrice, un destin qui ne sera pas sans faire de cheveux blancs à ses parents. Mais là commence d’autres aventures sur fond de seconde guerre mondiale et de dictature en Argentine.

 Ce roman, c’est un voyage entre les continents avec la découverte de l’Amérique du Sud par des Français, c’est aussi un voyage dans le temps dans lequel vont s’égrener les grands événements du XXème siècle, les guerres mondiales et la dictature en Argentine. J’ai adoré me laisser porter par les aventures de cette famille et la transmission entre générations. Le roman devient une véritable saga.

 Plus que tous, c’est le personnage de Margot qui m’a « emballée ». Hors norme dès sa plus tendre enfance, son portrait et l’approche de son comportement par sa mère m’ont fait penser à Helen et Kate KELLER dans le roman d’Angélique VILLENEUVE "La belle lumière".


Sa mère fut peut-être la seule à comprendre la distante rêverie de sa fille qu’on confondit avec de la froideur de caractère. P. 68

Miguel BONNEFOY prend le pari audacieux de distinguer l’instinct maternel de celui paternel...


Les silences masculins remplaçaient les baisers, les tâches journalières se substituaient aux indulgences maternelles, les exigences du devoir chassaient les cajoleries. P. 142

Nul doute qu’il ne fera pas l’unanimité mais rappelons-nous, l’histoire se passe au XXème siècle, les us et coutumes évoluent avec le temps, non ?

 Bref, la petite Margot n’a cessé de tracer son sillon. On sait ô combien il était difficile à l’époque pour une fille de s’improviser dans des champs réservés aux hommes. Margot faisait preuve de courage et de ténacité, d’une audace absolument incroyable qui lui permit de repousser les limites et participer, elle aussi, à des événements des deux côtés de l’océan Atlantique. En ce sens, « Héritage » revêt le costume du roman d’aventure.

 Avec le personnage de Margot, je saisis l’opportunité de rappeler aux filles de tout oser, tout rêver, et de cesser de penser que certaines activités seraient l’apanage d’un genre. Alors, si la littérature peut susciter des vocations, ne nous en privons pas !

 Mais les romans de Miguel BONNEFOY ne seraient pas ce qu’ils sont sans une certaine part d’onirisme, c’est un peu la signature de l’écrivain, un registre qui lui va si bien. « Héritage » n’y échappe pas et voit une partie du roman construite sur le fil ténu du rêve. Dès lors, tout peut vous arriver !

 Le rythme est fougueux, la plume enchanteresse et le roman captivant. C'est assurément un très bon crû. Il est en lice pour le Prix des Libraires 2021 avec notamment :

"Tant qu'il reste des îles"

de Martin DUMONT découvert grâce aux 68 Premières fois

"Ce qu'il faut de nuit"

de Laurent PETITMANGIN également dans la sélection 2021

J’ai rédigé cette critique dans le cadre du mois consacré à la littérature latino-américaine, une initiative de Ingannmic et Goran, découverte Sur la route de JosteinDans ce cadre, retrouvez également

 « Les Vilaines »

de Camila SOSA VILLADA

 

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2021-02-18T07:00:00+01:00

Rien n'est noir de Claire BEREST

Publié par Tlivres
Rien n'est noir de Claire BEREST

Ma #citationdujeudi est extraite du dernier roman de Claire BEREST "Rien n'est noir", initialement publié aux éditions Stock et maintenant disponible chez Le Livre de Poche, énorme coup de coeur pour ce roman notamment lauréat du Grand Prix des Lectrices Elle 2020.

Si d'aventure on s'interrogeait encore sur la vocation du street art, Claire BEREST fait mouche bien sûr. 

Et ce n'est là que la partie visible de l'iceberg.

Avec "Rien n'est noir", l'écrivaine revient sur une partie de la vie de Frida KAHLO, celle de la passion folle amoureuse qu'elle voue à l'artiste Diego RIVERA.

Nous sommes en 1928. Alors que l’artiste Diego RIVERA réalise une fresque murale monumentale pour le Ministère de l'Education, Frida, l’effrontée de 20 ans sa cadette, l’interpelle et lui demande de descendre de son échafaudage pour lui montrer quelque chose. Elle a, avec elle, deux tableaux. Elle veut son avis. Il lui donne rendez-vous le dimanche suivant avec une nouvelle toile. C’est ainsi qu’une relation passionnelle va s’engager entre deux personnages hauts en couleur : Diego RIVERA dont la qualité du travail artistique va grandissante, Frida KAHLO promise dès son plus jeune âge à un parcours atypique (à 15 ans, elle fait partie des premières filles à entrer à la Prépa) et ambitieux (passionnée d’anatomie et de biologie, elle veut être médecin). C’est à 18 ans que Frida KAHLO a un terrible accident de bus avec de multiples blessures qui la clouent à un lit d’hôpital pendant 3 mois et l’obligent à une nouvelle intervention chirurgicale l’année suivante. C’est alors que Frida demande à son père, allemand d’origine, photographe de formation, passionné de piano, de lui apporter un chevalet, des pinceaux et de la peinture. Grâce à l’installation judicieuse d’un miroir au sommet de son lit à baldaquin, Frida commence à peindre, bien qu’alitée. Une nouvelle page de sa vie s’ouvre alors...
 
Avec « Rien n’est noir », vous plongez au coeur de l’Histoire du Mexique. À travers l’itinéraire d’une femme éminemment romanesque,  Claire BEREST égrène, comme autant de bijoux dont se pare Frida KAHLO, des souvenirs historiques qui font que le monde est ce qu’il est aujourd’hui. Vous visitez le monde et côtoyez les hommes, capitalistes, en quête de montrer ô combien leur pouvoir est grand. 
 
Dans une narration foisonnante, Claire BEREST honore une grande Dame de la peinture. Elle réussit la prouesse de maintenir un rythme ahurissant qui donne à cette lecture une vivacité et un dynamisme absolument remarquables. J’en suis sortie envoûtée !

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2021-02-17T19:13:46+01:00

Les veilleurs de Sangomar de Fatou DIOME

Publié par Tlivres
Les veilleurs de Sangomar de Fatou DIOME

La rentrée littéraire se passe aussi en version poche, l'occasion de revenir sur un très beau roman de Fatou DIOME "Les veilleurs de Sangomar", un roman publié initialement chez Albin Michel et que l'on peut désormais trouver chez Le Livre de poche.

Le 26 septembre 2002, au large de Dakar sombre le ferry Joola avec ses 2 000 passagers. Seuls 64 survivent au naufrage. Parmi les disparus, il y a Bouba, le mari de Coumba, tous deux parents de la petite Fakidiine âgée de 5 mois. De confession musulmane, la veuve est recluse pendant quatre mois et dix jours. Dans la chambre au sein de la maison de sa belle-famille, Coumba fait part des voix qu'elle entend la nuit, celles de Sangomar, l'île sacrée où sont accueillis les défunts et djinns. Les mauvaises langues du village ne tardent pas à laisser croire que Coumba perd la raison. Incomprise, la jeune femme décide alors de se vouer au silence. Entre réalité et songe, la veuve profite des nuits pour libérer son coeur dans l'écriture et se laisser guider par les Immortels, les aimés.

Ce conte est un livre sur le deuil bien sûr. Avec le personnage de Coumba, Fatou DIOME déroule jour après jour le fil de l'existence de cette femme qui, après avoir été une jeune mariée, se retrouve tout de blanc vêtue pour célébrer le décès de son défunt mari. Le huis clos de la chambre dans laquelle Coumba se retrouve seule avec sa fille est une formidable opportunité pour la jeune femme d'imaginer son avenir et donc, de trouver la voie de sa propre résilience. Il y a une autre dimension au deuil apportée par l'écrivaine avec l'intervention des parents de Pauline, cette jeune infirmière partie en mission humanitaire en Afrique, également naufragée du Joola. Là pas de mot de vocabulaire pour traduire leur nouveau statut mais que de souffrances.

Mais ce roman est aussi une formidable preuve d'amour faite par une jeune femme à son mari. Coumba et Bouba venaient de célébrer un mariage d'amour que le destin est venu fracasser. 

Fatou DIOME dresse avec Coumba un magnifique portrait de femme, résistante, libre. C'est aussi le très beau tableau d'une mère. Au fil des jours et malgré l'exiguïté des lieux, Coumba va tisser avec sa fille une relation indéfectible, de celles qui trouvent leur source dans la maternité, l'union des corps, la chair, un lien viscéral plus fort que tout.

Avec "Les veilleurs de Sangomar", j'ai découvert la plume de Fatou DIOME, éminemment romanesque, délicate, tout en pudeur, qui par la voie du conte trouve un très beau terrain de jeu philosophique, assure la mémoire d'un fait historique et devient un propos militant. Chapeau !

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2021-02-16T18:25:00+01:00

Mauvaises herbes de Dima ABDALLAH

Publié par Tlivres
Mauvaises herbes de Dima ABDALLAH
Sabine Wespieser Editeur
 
Je tiens le doigt de mon géant, un seul doigt d’une seule main pour affronter la guerre civile au Liban, quitter l’école et rentrer chez nous, dans notre abri, notre refuge, notre intimité, notre intérieur qui nous protège du dehors, de ce qui me fait peur, de ce qui fait grossir la boule dans ma gorge. J’aime retrouver les plantes en pot, le jasmin, la marjolaine, le basilic, le romarin, la verveine, le thym... toutes ces plantes qui me rappellent que je suis en vie, je les vois, je les touche, je les hume, je les bois en tisane et les savoure en cuisine, elles sont mon ancrage dans une guerre qui chaque jour met en danger mes racines.
 
Elle tient mon doigt, un doigt d’une seule main, c’est tout ce qui nous lie, ce qui nous relie, ce qui nous unit contre tous, les soldats, les terroristes... la guerre, je vois bien que tu en as peur, mais les mots n’ont pas leur place entre nous, les mots noircissent des feuilles de papier, ils sont là, couchés, incapables de franchir mes lèvres pour te rassurer.
 
Ce roman profondément troublant, ce sont deux voix, deux narrations, deux confessions. Il y a celle dont on comprend au fur et à mesure de la lecture qu’il s’agit de l’enfant, une petite fille, et l’autre, celle de son père. À travers leurs voix, c’est le rapport à l’intime, la confrontation de chacun à son corps, ses tripes, ses sentiments, une véritable introspection.


La peur, c’est le sentiment qui prend le dessus sur toutes les autres émotions. La peur, c’est le signal de la présence d’un danger. P. 153

Le roman, c’est pour chacun la quête du soi, celle de son identité dans ce qu’elle exprime de l’attachement à la terre natale, la terre d’origine, c’est aussi, tout au long des 36 années égrenées, le lent chemin vers le pardon.


C’est le coeur qui a ouvert le feu mais tout le reste du corps suit et approuve la guerre ouverte. P. 193

Et puis, il y a la mémoire, le fantôme des souvenirs personnels qui hantent les esprits comme les « Mauvaises herbes » qui se glissent dans chaque petite faille, s’y développent sans que rien ni personne n’y fasse.


J’espère qu’elle grandira comme poussent ces adventices. Ces hôtes de lieux incongrus, ces hôtes que personne n’a invités, que personne n’a voulus, qui dérangent mais s’en moquent bien et n’en finissent pas de pousser. P. 106

La métaphore est tellement juste. C’est le mythe de Sisyphe revisité, le long combat personnel vers le bout du tunnel, le petit point lumineux.


Ma mémoire fait repousser chaque matin des mauvaises herbes obscures que j’arrache sans relâche et en vain. P. 196

À travers leurs voix, c’est le rapport à l’autre qui est aussi exploré sous l’angle de la paternité. Il y a la présence, la protection, le réconfort, l’entre soi contre tous.


C’est une parenthèse, un moment hors du temps, quelques minutes qui ne font pas encore partie de la journée, qui ne comptent pas, un petit bout d’éternité. P. 98

J’ai été profondément troublée par l’absence de paroles, l’incapacité pour l’un et pour l’autre à dialoguer, à converser, à échanger... et soulager les maux de l’autre. Il y a pourtant quelque chose de l’ordre de la transmission, dans l’instant pour sauver sa peau dans cette guerre qui s’insinue dans tous les pores, à l’échelle d’une quinzaine d’années, le temps de la guerre civile au Liban, et puis sur plus de trois décennies, le temps de deux générations.
 
A travers leurs voix, c’est aussi le rapport au monde, sa confrontation personnelle à un environnement, des paysages, une langue... il est question d’acculturation, d’acceptation, de faire sien pour faire la paix.
 
Ce roman, c’est plus que tout un hymne à l’écriture, la force et l’objectif du père,


Je vais écrire parce que c’est la seule façon que j’ai de résister encore un peu. C’est mon combat, c’est ma guerre à moi. P. 109

La plume est belle, sensible, charnelle. Dans la forme, j’adore celles et ceux qui cherchent leurs mots, en proposent plusieurs pour finalement trouver celui qui sonne le plus juste. Dans le roman de Dima ABDALLAH, c’est, et ce qui donne la force au propos, et l’illustration même du chemin emprunté par chacun, l’incarnation d’un parcours initiatique.
 
J’ai profondément aimé ce roman empreint d'une profonde humanité.
 
L’alternance des deux narrations à la première personne du singulier ne fait que renforcer le champ des possibles, les divers horizons. Sensationnel !
 
Ce roman fait partie de la sélection 2021 du Prix du roman Cezam avec :
 
Pour la beauté du geste de Marie MAHER
Les chevaliers du tintamarre de Raphaël BARDAS
Le répondeur de Luc BLANVILLAIN
La certitude des pierres de Jérôme BONNETTO
La soustraction des possibles de Joseph INCARDONA
Betty de Tiffany McDANIEL
Tuer le fils de Benoît SEVERAC
Sang chaud de Kim UN-SU
 

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2021-02-15T20:52:45+01:00

A toi pour toujours de Gérard LARTIGUE

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Copyright ©Gérard LARTIGUE

Copyright ©Gérard LARTIGUE

Au lendemain de la Saint-Valentin, on veut de l'amour, encore de l'amour, toujours de l'amour, non ?

Alors, je suis allée chercher dans l'atelier de Gérard LARTIGUE et j'y ai découvert cette création en bronze.

Peintre de formation, il se consacre désormais à la sculpture, pour notre plus grand plaisir.

Il puise notamment son inspiration dans les travaux de Rodin.

Personnellement, je trouve que ce baiser généreux, enveloppant, est enivrant. Une jolie manière de commencer cette nouvelle semaine !

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2021-02-14T12:00:15+01:00

Corps de Yseult

Publié par Tlivres
Corps de Yseult

Yseult, sacrée révélation de l'année lors des 36ème Victoires de la Musique.

Un immense bravo cette consécration.

Impossible aujourd'hui de passer à côté de "Corps", ma #chansondudimanche qui, outre montre son talent, relate aussi son parcours.

Le corps nu sur le sol
Je me fais du mal depuis des années
La main sur les yeux
Pas envie de la retirer
Y a pas de place pour les faibles
Y a pas de place pour les regrets
Le cœur sur le sel
Relèves-toi, faut pas déconner

J'ai ces bruits dans ma tête et j'aimerais que ça cesse mais en vain
Oh j'ouvre un peu les yeux, des couleurs, des photos me reviennent
Oh tous ces bruits dans ma tête, faut que ça cesse
J'ai perdu la tête. Où est le chemin de ma maison
Quoi qu'il advienne, je retrouverai les clés de la raison
J'ai perdu la tête. Où est le chemin de ma maison
Quoi qu'il advienne
Quoi qu'il advienne
Le regard des gens, j'en ai que faire
Qui sont-ils pour me juger ?
Un pardon à mon père eh
Insolente, je l'étais
Dans les yeux de mon frère
Ouais, des claques il s'en ai bouffé
Sur les joues de ma mère
Des rivières se sont écoulées

J'ai ces bruits dans ma tête et j'aimerais que ça cesse mais en vain
Oh j'ouvre un peu les yeux, des couleurs, des photos me reviennent
Oh tous ces bruits dans ma tête, faut que ça cesse
J'ai perdu la tête. Où est chemin de ma maison
Quoi qu'il advienne, je retrouverai les clés de la raison
J'ai perdu la tête. Où est chemin de ma maison
Quoi qu'il advienne, je retrouverai les clés de la raison

J'ai perdu la tête ou le chemin de ma maison
Quoi qu'il advienne, je retrouverai les clés de la raison
J'ai perdu la tête ouais
Quoi qu'il advienne, je retrouverai les clés de la raison

Pour faire plus ample connaissance avec l'artiste, je vous invite à réécouter son interview par Augustin TRAPENARD dans Boomerang sur France Inter le 19 novembre dernier, magnifique.

Quel talent !

Allez, musique !

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2021-02-13T11:56:18+01:00

Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Publié par Tlivres
Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Il y a des rencontres qui s'imposent à vous, c'est certain. 

Tout a commencé avec une promenade rue des Lices et la découverte d'une oeuvre, "Impact", exposée en vitrine de la Galerie In Arte Veritas, pour que, de fil en aiguille, je sois mise sur la voie de Jean-Luc MANIOULOUX.

Fascinée par vos créations, je vous remercie de répondre à mes questions.

Jean-Luc, pouvez-vous nous dire quelques mots de votre itinéraire ?

Après avoir passé ma jeunesse dans le sud de la France, je suis venu à Paris faire des études de publicité. Puis je me suis consacré à l'illustration médicale pendant de nombreuses années au cours desquelles j'ai fréquenté les blocs opératoires des hôpitaux parisiens. Plus tard j'ai été illustrateur dans l'édition avec une prédilection pour la représentation des animaux et de la nature. Depuis une dizaine d'années, je me consacre exclusivement à mon activité d'artiste plasticien.  

Alors, personnellement, je suis restée "scotchée" par l'esthétisme de votre création. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez commencé à décliner le thème de l'impact ?

Cette question m'intéresse car elle m'oblige à mener une sorte d'enquête et à remonter le fil du temps jusqu'à la réalisation, un peu oubliée, d'une toute petite œuvre faite à mes moments perdus, un frelon percutant un carrelage et le fendillant.

Maintenant, à savoir pourquoi j'ai fait ça ? c'est la question que posent aux artistes les trois quarts des gens : "Comment avez-vous eu cette idée ?" question à laquelle je réponds souvent par un "bin, euh, c'est comme ça" lamentable. J'ai parfois expliqué que, tel Claudel, j'avais eu une révélation près d'un pilier de Notre Dame mais ça ne marche pas toujours. En fait, la plupart des artistes ne peuvent pas répondre à cette question. Tout cela relève d'un processus lent et mystérieux qui fait que chacun évoluera dans son propre univers et cela me fascine souvent de voir des artistes creuser et recreuser leur sillon au fil des ans comme une quête en m'apercevant que je fais la même chose après tout.

J'en suis à mon 170e Impact et même s'ils sont tous différents, cela peut ressembler effectivement à une obsession. Ceci dit, si vous allez sur mon site web ou mon Instagram, vous verrez que je ne fais pas que des Impacts.

Vous avez une vraie singularité dans l'association de matériaux et leur mise en scène. Comment en avez-vous eu l'idée ?

Pour la série justement des Impacts, j'utilise du verre ou du carrelage avec des insectes. Les plaques de verre me permettent de jouer sur la profondeur, la transparence et donner cette impression de temps figé, suspendu où la mouche, le bourdon ou les papillons sont surpris en pleine course. Les œuvres sont toujours protégées par des écrins en plexi que je fais réaliser par une société travaillant pour les musées nationaux.
Je délaisse de plus en plus le carrelage à cause de son poids et, en ce moment, je travaille avec du bois brûlé qui est une matière spectaculaire.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la mise en oeuvre ?

Mes œuvres requièrent beaucoup de minutie et de patience. Lorsque vous voulez qu'une fourmi ou une mouche fasse un certain geste, il ne suffit pas de lui expliquer, il faut pas mal de doigté et, à propos de doigts, j'ai la confirmation que le verre est coupant.

Vous mettez notamment en scène des insectes. Pouvez-vous nous parler de votre rapport à l'entomologie ?

J'adore l'ambiance des cabinets de curiosités, des muséums d'histoire naturelle. À Paris où je travaille, j'habite à côté de la maison Deyrolle, rue du Bac, vénérable institution deux fois centenaire, référence dans le domaine de l'entomologie et de la taxidermie, prestigieux cabinet de curiosité fréquenté par des artistes tels Dali ou André Breton, j'aimais flâner plus jeune dans ses salles et j'ai la chance, à présent, d'y exposer mon travail en permanence.

L'entomologie ce n'est pas seulement épingler des insectes dans des boîtes, c'est prendre conscience de la richesse incroyable d'un monde souvent caché et mis à mal ces derniers temps.

Plus que la technique, est-ce que ces créations ne disent pas aussi quelque chose de notre époque ? N'y a-t il pas un message véhiculé par vos créations ?

Dans une œuvre, chacun trouve l'interprétation qu'il veut.

En France, contrairement aux USA par exemple, le discours passe souvent avant l'œuvre elle-même. Vous avez des galeristes, des critiques d'art, des commissaires d'exposition dont c'est le métier, qui sauront sortir un papier incroyable sur les intentions d'un artiste qui découvre ça en même temps que le lecteur.

Pour moi, le côté graphique, esthétique l'emportera toujours. Cela ne veut pas dire qu'un certain message ne se dégagera pas de l'œuvre.

Il est évident que la série Impact met en scène des insectes brisant systématiquement des objets manufacturés, ampoules, néons, murs de bétons, carrelages ; toutes créations de l'homme. Tout cela était inconscient mais reflète une croyance profonde. Je suis un écologiste convaincu. Les insectes disparaissent à une allure dramatique ! Lorsque, étant jeune, je traversais la France dans ma 4L je me retrouvais à la fin du voyage avec mon pare-brise recouvert d'insectes écrasés, des gros papillons qu'il fallait gratter en pestant. À présent, c'est un véritable crève cœur lorsqu'en plein été, votre voiture est aussi propre à l'arrivée qu'au départ. Vous vous rendez compte ? En si peu de temps ? Un monde vidé de ses insectes faute d'une simple volonté politique. Et ne vous extasiez pas devant un immense champ recouvert d'un blé en herbe d'un vert tendre, ce n'est qu'un désert où toute vie a été détruite par des produits chimiques.

Une de mes œuvres que j'ai appelé "Icare" représente un papillon qui tombe en flamme, foudroyé. Elle émeut beaucoup de visiteurs. 

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Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


L'humanité s'auto-détruit et les insectes, aussi peu qu'il en restera, sauront bien un jour renaître de leurs cendres et, comme "Sisyphe" mon Timarcha tenebricosa si mignon qui roule un morceau de tapisserie, sauront "ranger le décor".

Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


On peut trouver cela sombre mais comme beaucoup de pessimistes, l'humour est souvent au rendez-vous et prédomine la plupart du temps dans mes œuvres. On peut considérer cela également comme un message de renaissance de la nature.

La nouvelle série que je consacre aux migrations climatiques met en scène, sur une terre brûlée, des insectes tel ce bousier poussant sa boule, qui prêtent à sourire sur un sujet dramatique s'il en est.   

Dans ma première interprétation de votre création lundi, j'évoquais l'instant figé. Quel rapport entretenez-vous au temps ?

J'avais fait une expo il y a quelques temps, effectivement, intitulée "Ô TEMPS" faisant référence au vers de Lamartine "Ô temps suspends ton vol" car, comme je le disais précédemment, dans mes œuvres le temps semble souvent effectivement suspendu, figé tel un instantané photographique en trois dimensions.

Votre exposition est programmée jusqu'au 21 février prochain sur Angers. Pourquoi Angers ?

La Galerie In Arte Veritas a découvert mon travail et m'a contacté il y a quelques temps. je suis heureux de cette collaboration. Le dirigeant Stéphane DEBOST pratique un vrai travail de galeriste et cet établissement de 600 m2 est une institution à Angers.

Et après ? Vous avez des projets ?

Bien sûr, les temps ne sont pas propices aux projets de toutes sortes et une grande partie de mes collectionneurs sont étrangers et notamment américains, donc absents.

Mais il faut en profiter pour explorer des voies nouvelles et produire. Je vais également entamer une nouvelle collaboration avec une galerie de New York, ce qui est assez excitant.

Pour celles et ceux qui nous lisent, je ne peux que vous inviter à visiter cette exposition absolument remarquable. Infos pratiques : la Galerie In Arte Veritas est située 16 rue des Lices à Angers. Elle est ouverte du mardi au samedi de 10h30 à 19h. Les expositions ouvertes au public en ce moment sont rares. Profitez-en, elle est d'exception !

Merci Jean-Luc pour cet entretien.

Je vous en prie Annie, ce fut un plaisir.

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2021-02-13T07:00:00+01:00

Les coeurs inquiets de Lucie PAYE

Publié par Tlivres
Les coeurs inquiets de Lucie PAYE

Gallimard

Il y a "Lui", un homme dont on ne connaît pas l'âge, juste qu’il vivait sur l’ile Maurice avant de rentrer sur Paris. Après la crise cardiaque de son père, il n’avait plus rien qui le maintenait là-bas. Il s’est installé dans la capitale qui l’a vu naître. Il a dû y rester jusqu’à l’âge de trois ans. Il est artiste peintre. Il s’est trouvé un appartement qui est aussi son atelier, à moins que ça ne soit l’inverse. Il cherche l’inspiration. Une femme s’impose à lui. Il n’arrive pas à la saisir, il essaie encore et encore, l’apprivoise.

Et puis il y a "Elle", une femme à qui le médecin a annoncé que son temps était compté, un an. Avec le compte à rebours, elle exprime sa dernière volonté, lui écrire.

Ce roman, comme tous ceux des 68 Premières fois, est arrivé dans ma boîte aux lettres. Je me suis réjouis de sa lecture parce que les fées veillent toujours sur de beaux berceaux, mais je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Et je me suis prise au jeu. En quelques pages, j’étais partie, happée par l’ambiance.

Ce roman, c’est d’abord un roman d’atmosphère, il y a le décor, décrit avec beaucoup de précisions, il y a les empreintes des états d’âmes aussi. Pour "Elle" :


Je me souviens en particulier d’une fois où, assis à la petite table rouge, tu dessinais avec une telle concentration que tu ne m’avais pas vue entrer. Encore aujourd’hui, cette image est plus vive qu’une photographie que j’aurais sous les yeux. P. 65

Pour "Lui", c’est son atelier qui est à l’image des sentiments qui le traversent, le sol jonché de lambeaux de toiles passées, lacérées, marqué par des traces de fusain écrasé, piétiné.


Encore aujourd’hui, il se souvient parfaitement de ce sourire et de sa douce brûlure. P. 47

Il y a la nuit aussi qu’il laisse pénétrer et ses invités, les ombres, les silhouettes étrangères des logements d’en face qu’il cherche à percer.

Et puis, il y a cette femme dont on devine le tracé, un dessin succinct que l’artiste cherche à approfondir. J’ai été captivée par l’inspiration du peintre, ce personnage qui s’invite dans son esprit, le hante... jusqu’à la maîtrise de son sujet !

Enfin, il y a la puissance des mots, renforcée par la construction narrative à deux voix. J’ai été profondément touchée par la lenteur du propos et le brouillard des sentiments qui progressivement se dilue. L’histoire est sublime, éminemment douloureuse, un amour nourri de l’absence, de souvenirs... mais un immense amour !


Mais comme on peut croire sans voir, on peut aimer sans toucher. P. 116

La plume est délicate, les mots d’une sensibilité éprouvante, les phrases d’une langueur douce et rêveuse, le roman d’une beauté merveilleuse, la fin émouvante.

Je suis tombée sous le charme de ce premier roman.

Parce qu'il n'y a pas de bal des 68 Premières fois sans musique, alors, pour accompagner "Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE, je vous propose « Ton absence » de Benjamin BESSEI...

Petit récapitulatif de mes lectures de la sélection 2021 des 68 Premières fois

Tant qu'il reste des îles de Martin DUMONT 

et les notes de musique de "La Marine" de Georges BRASSENS

 

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2021-02-12T07:00:00+01:00

Les Vilaines de Camila SOSA VILLADA

Publié par Tlivres
Les Vilaines de Camila SOSA VILLADA

Traduit de l’espagnol par Laura ALCOBA

Éditions Métaillé

Avec ce roman, on part pour l’Argentine, le Parc Sarmiento. Le jour, c’est un parc et un zoo qui reçoivent les familles. La nuit, c’est le champ de la prostitution. Tante Encarna veille sur ses ouailles comme toujours quand elle entend les pleurs d’un bébé. Elle s’approche d’un buisson et récupère le nourrisson qu’elle décide d’adopter. Il s’appellera Éclat des Yeux. C’est la seule lueur d’espoir qui illumine la communauté endeuillée par la mort de Cris Miró, trans largement présente dans les médias. Nous sommes en 1999. Camila, se souvient de son enfance. Petit garçon efféminé dans un village rural, il était humilié et battu par son père, alcoolique, qui le prédisposait à devenir un « futur pédé ». Il se souvient de ses soirées où il quittait la maison dès que ses parents étaient profondément endormis. Il se changeait dans une ruine dans laquelle il avait quelques vêtements réalisés maison avec des rideaux et autres chutes de tissu. C’est là aussi qu’il se métamorphose, se maquille, et chausse ses escarpins à talons pour vivre sa vie. Devenue adulte, auprès de Tante Enarna, son mentor, et ses copines, elle s’épanouit entre l’ombre et la lumière.

Ce roman, c’est un parcours initiatique, celui d’un jeune garçon qui se sait être femme. C’est toujours troublant de constater ô combien l’enveloppe corporelle peut être inadaptée et bouleversant de voir les souffrances quotidiennes d’un enfant exclu d’un environnement social dans lequel l’approche du genre reste exclusivement binaire. L’adolescent suit sa voie, celle qui le happe.


C’est ce que je voulais, pour moi. La perplexité du travestissement. Le trouble que générait cette pratique. La révélation a été telle que, contre vents et marées, moi aussi je me suis laissé pousser les cheveux, je me suis choisi un prénom féminin et, à partir de ce moment-là, j’ai été à l’affût du destin qui m’appelait. P. 37

Ce chemin n’en n’est pas pour autant semé de pétales de roses. Les épines continuent d’être là, bien présentes, bien piquantes. Dès l’adolescence, quand il se métamorphosait pour devenir elle le temps de la nuit, elle s’exposait à la violence des hommes mais maintenant, ce qui change tout, c’est qu’elle s’octroie désormais un droit, une certaine forme de libération :


Il s’agissait de la pratique privée de quelque chose qui n’était permis que pour les femmes. Pleurer. Je prenais plaisir à ces pleurs, ça me permettait d’être l’héroïne de mon mélodrame de pédale. P. 52

J’ai été frappée une nouvelle fois par la puissance de la communauté. Jamais le proverbe « qui se ressemble s’assemble » n’a été aussi vrai avec toutes les conséquences induites, le fait de cultiver, à l’intérieur, ses différences dans l’entre soi pour celles qui en font partie et celui d’être opprimée, à l’extérieur, en tant que minorité. J’ai été frappée par cette nuit de Noël décrite de façon presque cinématographique avec des trans pimpantes, couvertes de guirlandes, contraintes de marcher dans la boue à l’arrivée comme à la sortie de la maison de l’une d’entre elles. Le jet d’eau sur les pieds souillés m’a éclaboussée en pleine figure.
 
Clairement, l’écrivaine brosse le portrait d’une frange de la population contrainte de vivre la nuit, cachée, bannie de la société, à l’image du hibou qui, dans les civilisations, pouvait représenter et la sagesse, et la mort. Parce qu’il s’agit bien d’une question de vie ou de mort. Outre les coups largement encaissés,


Qu’il avait été heureux, qu’il se souvenait de sa peau tapissée de bleus comme une carte sur laquelle on apprend à rêver de futurs voyages. P. 40

même décrits avec poésie, il n’en demeure pas moins des violences insupportables, il y a aussi la menace de la maladie, le sida.

Pour Camila, il n’y a pas de question qui vaille :


L’élan pour résister, je pense. C’est que derrière la faiblesse, il y a la mort. P. 103

Plus qu’une discrimination, c’est une exclusion totale de la société dont son victimes les transgenres, victimes de la plus grande ignominie, celle l’exploitation sexuelle, l’esclavage des temps modernes. Simone DE BEAUVOIR disait « Nommer c’est dévoiler, dévoiler c’est agir ». Avec ce roman, l’écrivaine dévoile la condition des transgenres argentins (n’est-ce pas d’ailleurs une approche universelle de leur condition dans le monde entier !), met les mots sur des réalités quotidiennes (les codes de la communauté, le travestissement dans les vêtements, les accessoires, les cheveux..., l’appropriation du corps y compris jusque dans sa mutation) et le champ de la prostitution indigne d’une société civilisée. Même s’il s’agit du plus vieux métier du monde, il n’en demeure pas moins ignoble pour celles et ceux qui le subissent. Ce roman, c’est un propos militant en faveur de l’émancipation des transgenres et leur accès aux des droits de l’Homme tels que reconnus par l’Organisation des Nations Unis. 

Ce premier roman de Camila SOSA VILLADA relève de l'autofiction. L’écrivaine connaît parfaitement le milieu pour l’avoir elle-même fréquenté. Elle le décrit sans pudeur ni fioriture. Le propos est tranchant comme la lame d’un couteau posé sur votre carotide.

J’ai rédigé cette critique dans le cadre du mois consacré à la littérature latino-américaine, une initiative de Ingannmic et Goran, découverte Sur la route de Jostein

 

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2021-02-11T19:29:51+01:00

Là où chantent les écrevisses de Delia OWENS

Publié par Tlivres
Là où chantent les écrevisses de Delia OWENS
Ma #citationdujeudi est extraite du dernier roman de Delia OWENS « Là où chantent les écrevisses » chez Seuil éditions.
 
Je suis sortie émerveillée des descriptions de la faune et de la flore des marais de Caroline du Nord.
 
Je vous dis quelques mots de l'histoire :
 
Nous sommes le 30 octobre 1969, un homme est retrouvé mort, dans le marais, au pied de la tour de guet. C'est le corps de Chase Andrews, le fils unique d'un couple connu à Barkley Cove pour sa réussite avec le garage, la Western Auto. Marié, beau garçon, Chase avait le monde à ses pieds. Le marais, c'était son terrain de jeu. Il y bravait les courants avec son hors-bord. Dans sa jeunesse, il avait passé beaucoup de temps avec Kya, une fille de son âge, abandonnée de tous dès sa plus tendre enfance. La première à quitter le foyer avait été sa mère. En 1952, n'en pouvant plus de recevoir les coups de son alcoolique de mari, Ma avait pris sa valise et, sous les yeux  de l'enfant, s'en était allée, sans se retourner. Et puis, ce fut le tour de la fratrie, même Jodie, le frère, n'avait pas résisté à l'attrait d'un ailleurs. Et encore, le père. Si, au début, il passait quelques nuits par semaine à la cabane, un jour, il n'était plus revenu. Enfin, Tate. Le garçon l'avait guidée un soir qu'elle s'était perdue. Leur amitié n'avait pas résisté aux études universitaires du jeune homme. Kya, qui n'avait que 7 ou 8 ans, avait d'abord vécu des vivres qu'il restait à la maison, et puis, elle avait dû prendre la barque du père, se rendre au village, échanger les moules, qu'elles ramassait à l'aube, avec quelques denrées de première nécessité. C'est là qu'elle avait fait connaissance avec Jumping et sa femme, Mabel. Lui, vendait du carburant pour les bateaux, elle, avait pris la petite de pitié, c'était la seule à voir dans la Fille du marais, un être humain, une enfant, celle que le village tout entier méprisait. Loin de tous, Kya avait voué un amour fou à la nature. Elle s'était gorgée des baignades en eaux douces, enivrée de la beauté des paysages et comblée de sa relation aux oiseaux. De là à penser que ça soit Kya qui ait tué Chase, il n'y a qu'un pas, à moins que...
 
Ce roman, ce fut un coup de ❤️ du printemps 2020, je suis encore sous le charme.
 
Alors, envolez-vous pour les Etats-Unis ✈️ 

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2021-02-10T18:00:00+01:00

Le ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Publié par Tlivres
Le ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

La rentrée littéraire se fait aussi en version poche.

Après une sortie aux éditions P.O.L., "Le ghetto intérieur" de Santiago H. AMIGORENA est désormais publié chez Folio.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Vicente a quitté Varsovie en 1928. Après un long parcours, il s’installe finalement à Buenos Aires. Il rencontre Rosita avec qui il a trois enfants. Il succède à son beau-père dans la gestion du magasin de meubles, héritage familial. Tous habitent un appartement à quelques centaines de mètres de l'entreprise. La vie pourrait être un long fleuve tranquille, et pourtant... Si Vicente, en quittant sa mère, lui a fait la promesse de lui écrire régulièrement, il n’a en réalité pas tenu son engagement. Il n'a pas nourri l’échange épistolaire alimenté exclusivement par elle pendant toutes ces années. Et puis, en 1938, les lettres se font plus rares, elles lui dévoilent à demi-mots la condition des juifs enfermés dans le Ghetto de Varsovie. C’est alors que les origines de Vicente resurgissent cruellement et le conduisent progressivement à se murer dans le silence. Là commence une toute nouvelle histoire...
Ce roman de Santiago H. AMIGORENA, dont je ne connaissais pas la plume, est inspiré de la vie familiale de l'écrivain. Vicente n'est autre que son grand-père. Il aurait pu en faire un récit, il a choisi la fiction, la littérature permet de donner à des personnes dites ordinaires l'étoffe de héros éminemment romanesques. Je me suis plongée avec grand plaisir dans cette histoire singulière au rythme soutenu et au suspens intense. 

Des livres qui racontent la persécution du peuple juif pendant la seconde guerre mondiale, il y en a beaucoup, et pourtant, celui là est EXTRA-ordinaire.

Son originalité repose, je crois, dans la métaphore du ghetto. Si Vicente, lui, a quitté suffisamment tôt son pays pour s'assurer une existence à l'abri de l'oppression nazie, si Vicente, lui, n'a pas été encerclé par les murs du Ghetto de Varsovie, il s'emmure, seul, dans un Ghetto intérieur. A force de nourrir son sentiment de culpabilité à l'égard de sa mère, de ses frère et soeur aussi, son impuissance à les aider d'une quelconque manière qu'elle soit, Vicente se referme sur lui-même, il se réfugie dans le mutisme. Il prend progressivement de la distance vis-à-vis de ses proches, hanté par ses démons. Il laisse choir l'amour que tente désespérément sa femme de lui prouver, il ne répond pas interpellations de ses enfants, Martha, Ercillia et Juan José, comme autant de bouées de sauvetage lancées à un homme en train de se noyer. Il RESISTE au naufrage et c'est ce que Santiago H. AMIGORENA explore avec minutie dans ce roman. 

User des mots, jouer avec eux, c'est l'apanage des écrivains. Dans la démarche de Santiago H. AMIGORENA, peut-être y a-t il quelque chose de l'ordre de la résilience. Ecrire ce roman n'est-il pas la voie qu'il s'est choisi, lui, le petit-fils, homme des mots justement, pour RESISTER aux drames vécus par la génération de ses grands-parents et qui continuent de l'affecter. 

Vous l'aurez compris, Santiago H. AMIGORENA, auteur contemporain, fait se croiser subtilement la trajectoire d'une famille avec celle de la grande Histoire et nous livre un roman tout à fait saisissant. Quant à sa plume, elle est tout en sensibilité, profondément bienveillante, comme un baume pour panser des plaies ouvertes à jamais.

Une nouvelle lecture coup de poing. Ne passez pas à côté !

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2021-02-10T07:00:00+01:00

Tes ombres sur les talons de Carole ZALBERG

Publié par Tlivres
Tes ombres sur les talons de Carole ZALBERG
 
Alors que je suis encore habitée par le roman « Où vivre », je me suis plongée dans le tout nouveau roman de Carole ZALBERG. Il sort aujourd’hui en librairie.
 
Melissa est une jeune femme. Sa mère est cantinière, son père conducteur de bus. Elle s’aventure en terre inconnue avec ses études universitaires, elle cherche sa place dans un univers dont elle ne maîtrise pas les codes, elle s’évertue à apprendre. C’est dans ce contexte qu’une main lui est tendue. Mais, là, c’est l’engrenage, un cercle de militants qui des convictions et entendent bien les revendiquer. Rien ne serait plus grave s’il ne s’agissait de la mort d’un enfant de 18 mois, Medhi, dont les parents, migrants, cherchaient un abri et ont eu le malheur de croiser leur chemin. Le lendemain, c’est la prise de conscience. Melissa chavire, c’est le chaos. Survivra-t-elle à la culpabilité qui l’envahit ? Aura-t-elle une seconde chance ? Peut-elle encore croire en l’humanité ?
 
« Tes ombres sur les talons », c’est une invitation à explorer les abîmes de l’intimité d’une jeune femme en quête de repères, d’identité, de sens. A travers le cas singulier de Melissa, c’est toute une frange de la société qui est mise sous les projecteurs, celle d’une génération, d’une jeunesse un peu perdue, coupée de ses origines natales, fragilisée dans sa construction. Ce roman devient social, dans le sens où il nous donne à voir une photographie de notre société d'aujourd'hui. 
 
Et puis, Melissa, c’est un peu le lapin dans les phares d’une voiture, éblouie par le flot de lumière, tétanisée, qui finit par sauter. Si elle avait bénéficié d’une formation préalable au cursus universitaire, qu’il s’agissait d’une jeune femme intelligente, il n’en est pas moins vrai qu’elle s’est laissée bernée, instrumentalisée et qu’elle a perdu pied, notamment dans un flot d’actualités où


Tout est faussé par cette guerre incessante de phrases et d’images sorties ensuite de leur contexte, distordues à l’infini, reprises parfois d’un continent à un autre. P. 100

Il est question de fréquentations, d’influences (ne parlons-nous pas d’influenceurs dans le domaine du web ?), d'incitations...
 
Quel plus bel objectif pour des parents que d’amener ses enfants à porter un regard éclairé sur le monde (le principe même de toute forme d’éducation) ? J’ai personnellement été très perturbée de voir le basculement de la jeune femme, le point de rupture, et les conséquences, dramatiques. Et pour autant, comment expliquer qu’autant de gens tombent dans le piège du populisme et finissent par rallier le camp des partis politiques de l’extrême si ce n’était ce « décrochage » ? Avec ce roman, Carole ZALBERG nous propose une hypothèse qui, je l’avoue, m’a fait froid dans le dos dans ce qu'elle peut dévoiler d'universel.
 
Mais revenons à la situation spécifique de Melissa. Ce roman, c’est aussi celui d’un parcours initiatique avec ses phases d’errance et de reconstruction, la quête d’une certaine forme de résilience. J’ai été fascinée par la volonté de Melissa. Je ne vous en dirai pas plus, loin de moi l’idée de déflorer cette histoire.
 
A l’image de ce que propose Gaëlle JOSSE dans ses romans, j’aime lire ceux de Carole ZALBERG pour sa manière d’explorer les tréfonds de l’âme humaine et proposer des alternatives à la déchéance, leur foi en l’humain et sa capacité de rebond. Il y a quelque chose qui relève de l’instinct de survie, une force presque animale à sauver sa peau. S’il ne s’agit pas d’effacer la faute, il s’agit plutôt de vivre avec.
 
La plume est sensible, le propos lent mais rythmé. Carole ZALBERG confirme la puissance des mots et l’intensité du discours. Elle nous livre un roman dérangeant, tout à fait fascinant. J’ai lu en apnée totale.

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2021-02-09T07:00:00+01:00

Impact de Olivier NOREK

Publié par Tlivres
Impact de Olivier NOREK

Éditions Michel LAFON

C’est une première pour moi, j’avoue !

Olivier NOREK, je le connaissais de nom et l’avais écouté à la radio lors de son interview chez Augustin TRAPENARD dans Boomerang le 18 novembre dernier, et puis, il y a eu ce cadeau... Touchée !

Virgil Solal, dans le cadre de ses missions en Afrique et notamment pour assurer la protection d’une bénévole humanitaire, a découvert les charniers du Nigéria, des enfants, des adultes, des vieux, tous rongés par la pollution liée à l’exploitation du pétrole du sous-sol africain. Si des drames assaillent des peuples en voie de développement, Virgil et sa femme, Laura, qui habitent en France, ne sont pas pour autant épargnés des effets de la pollution. Leur petite fille est décédée quelques instants après sa naissance, ses poumons étaient dans l’incapacité de se gonfler d’air, un effet collatéral de notre environnement dégradé. Deux ans après, il engage la greenwar. Il s’attaque à ceux qu’il juge responsables et demande une rançon/caution pour se racheter de leurs erreurs, eux et leurs entreprises internationales aux bénéfices si peu scrupuleux du bien-être de l’humanité. Il commence par le PDG de Total. La stratégie de Virgil Solal intègre une mise à mort en ligne, diffusée dans le monde entier sur les réseaux sociaux. Pour espérer stopper la machine de guerre, un binôme est constitué avec un flic du Bastion 36 et une psychocriminologue. Là commence un nouveau combat.

« Impact », c’est le titre du tout dernier roman d’Olivier NOREK, un seul mot que l’auteur s’attache à illustrer dans ses différentes dimensions.

L’impact, si j’en crois la définition du Petit Larousse, fait référence à un endroit frappé par quelque chose, entendez ici la surface de la terre directement touchée par l’activité de l’Homme, celui-là même qui, sous couvert d’un élan d’industrialisation, s’est lancé dans l’exploitation à outrance de toutes ses richesses, les réduisant à l’envi et générant tout un tas de conséquences à long terme sur la biodiversité. Si je n’avais qu’un flash à retenir de ce roman, c’est celui de l’ours blanc, l’ours polaire, absolument effroyable. Je ne vous en dis pas plus, simplement que  


L’humanité est en équilibre sur les deux pieds arrières d’une chaise, elle se balance dangereusement. P. 113

Nous sommes là dans le FAIRE, c’est-à-dire le fait d’agir et de générer un dérèglement de l'équilibre naturel.

L’impact, c’est aussi l’effet produit par quelque chose, l’influence. Et là, Virgil Solal frappe fort. Son combat, c’est celui de l’écologie. Il n’a d’autres objectifs que d’attirer l’attention des citoyens sur l’état des lieux catastrophique de notre environnement et inciter les responsables à sauver leur peau en prenant des engagements à agir vite. Si sa vie a lui a été détruite le jour de la mort de sa fille, il n’a plus aucun intérêt personnel dans l’affaire, juste de créer un électrochoc pour espérer que l’irréparable soit, au mieux, différé.


Cette histoire ne se déroule pas dans un siècle, pas dans cinquante ans, mais là, dans une vingtaine d’années, assez tôt pour que nous en soyons tous témoins. Ou victimes en fonction de l’endroit du globe où vous regardez cette vidéo. P. 219

Concours de circonstance incroyable, je découvre ce roman au moment même où l’Etat français est condamné à verser l’euro symbolique à quatre associations pour non-respect des accords de Paris, et notamment l’absence de décisions suffisantes pour réduire les gaz à effet de serre. C’est exactement ce que revendique Virgil Solal, non pas que chacun se mette à la circulation à vélo ou à trier ses déchets ménagers, il est trop tard. Non, ce qu’il demande, c’est que les institutions au plus haut niveau assument leurs responsabilités.

Ce roman, Olivier NOREK a puisé son inspiration dans une plaque posée en 2019 dans les Pyrénées


Le glacier d’Arriel, situé le plus à l’ouest des Pyrénées, a disparu, comme 50 % des glaciers pyrénéens ces dernières années. Ils disparaîtront probablement tous d’ici 2040. Cette plaque atteste que nous savons ce qu’il se passe et que nous savons ce qu’il faut faire. Vous seul saurez si nous l’avons fait.

Non seulement la pancarte assure la mémoire de ce que Dame Nature fut, mais elle interpelle aussi chacun de nous à bouger. Nous serons tous coupables... de quoi ? De la mort de la planète, non, que les choses soient claires, de la fin de l’humanité, ça n'est pas du tout la même chose.


Ces moments qui changent tout. Ces moments à saisir les décisions qui font de vous ce que vous êtes. P. 179

La terre, elle, s’en remettra, c’est le message d’Olivier NOREK, tellement résigné devant les catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique. Ce ne sont pas les actualités qui le démentiront. Alors, pourquoi lire ce roman ? Parce qu’il est signé d’un écrivain à la plume directe, incisive, rythmée, et qu’il vous aidera à faire le tour de la question. C’est de globalisation qu’il nous parle et non de notre petit pré carré, notre nombril, il nous apprend à lever les yeux, regarder à l’horizon. Souhaitons que ça soit pour le meilleur ! Et puis, entre la vie et la mort, les hommes ont toujours choisi, à l’image de la Directrice financière de la Société Générale, non ?


Mais comme l’autre option était de crever ici, elle se leva, pleine de l’énergie de ceux qui n’ont plus rien à perdre. P. 193

La littérature n’est pas exempte de mobilisation. Olivier NOREK signe avec « Impact » un manifeste en faveur de l’humanité. Réveillons-nous !

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