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2018-08-31T10:45:14+02:00

Hôtel Waldheim de François VALLEJO

Publié par Tlivres
Hôtel Waldheim de François VALLEJO

Viviane HAMY édition


La rentrée littéraire est pleine de surprises, elle nous réserve des lectures inattendues et c'est pour ça qu'on l'aime ! 

Côté genre, rien à voir avec tout ce que j'ai lu ces derniers temps, nous voilà happés, dès les premières lignes, par un suspens intense. Je vous dis tout, ou presque !

Le narrateur, Jeff Valdera, reçoit une carte postale énigmatique. Nous sommes le 3 février. Aucune signature et un message pour le moins sibyllin : "ça vous rappelle queqchose ?". La carte date de plusieurs années, voire plus. Au recto, 2 représentations d'un paysage de montagne et 2 vues d'un hôtel de Davos. Si Jeff Valdera reconnaît l'Hôtel Waldheim où il a séjourné plusieurs étés avec sa tante Judith, quand il avait 15 ou 16 ans, il ne voit pas qui pourrait bien lui écrire aujourd'hui. Arrivent une deuxième carte postale, puis une troisième, qui ne manquent pas d'interpeller Jeff Valdera au point de piquer sérieusement sa curiosité. Il n'en peut plus. Il décide de répondre à son interlocuteur sur la base des quelques coordonnées laissées. Une rencontre est fixée dans un musée, un lieu neutre. Là, ce n'est pas un homme, comme il s'y attendait, mais une femme qu'il rencontre. Et ça ne sera pas sa seule surprise !

Si vous aimez les romans haletants, celui-là est pour vous.

Dès la première page, François VALLEJO, dont je ne connaissais pas la plume, vous captive. Il donne quelques éléments de la vie quotidienne de Jeff Valdera pour mieux la torpiller avec la tourmente irrépressible qui va l'envahir. Bientôt, l'homme n'aura plus aucun repère et naviguera à vue au gré de ce que voudra bien lui dévoiler cette inconnue, un rapport homme/femme redoutable. Jeff Valdera est pris dans ses griffes comme le lecteur de celles de l'écrivain.

J'ai beaucoup aimé ce roman largement imprégné d'un volet historique. François VALLEJO remonte le temps et nous emmène en Allemagne, quand la RDA et la RFA se faisaient front. Le mur de Berlin constituait alors la frontière des territoires, une frontière que certains s'évertuaient coûte que coûte à franchir, à la vie à la mort. Pour ceux qui réussissaient à arriver sains et saufs de l'autre côté, parfois commençait alors une nouvelle vie, y compris familiale. Et je m'arrêterais là bien sûr, ne croyez pas que je vous en dise plus...

Ce roman est foisonnant d'indices qui vous permettront, aux côtés de Jeff Valdera, de lentement découvrir tout un pan de l'Histoire et d'en assurer la mémoire. Dans un climat géopolitique on ne peut plus tendu de la Guerre Froide, ce sont aussi les tribulations d'une  famille qui trouvent une réponse à sa quête d'identité avec l'accès rendu public des Archives de la Stasi. 

La plume de François VALLEJO est fascinante. La narration à la première personne du singulier renforce la proximité avec le narrateur, le lecteur se sent comme directement concerné par ce qu'il lit, un jeu d'écriture audacieux parfaitement réussi.

"Hôtel Waldheim" est un roman captivant, bravo.

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANI, ******

- "Quand Dieu boxait en amateur" de Guy BOLEY, *****

 

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2018-08-29T06:00:00+02:00

Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY

Publié par Tlivres
Quand Dieu boxait en amateur de Guy BOLEY

Grasset

 

L’écriture de Guy BOLEY, je l’ai découverte avec les 68 Premières fois lors de la sortie de son premier roman « Fils du feu », J’avais été très sensible à la beauté de la plume, de celles riches et soutenues qui nous réconcilient avec un français d’antan et nous séduisent pour l’odyssée littéraire qu’elles nous offrent. C’est avec un plaisir non dissimulé que je l’ai retrouvée, « Quand Dieu boxait en amateur » sort aujourd’hui en librairie.

Ce roman rend un vibrant hommage au père de l’écrivain, un homme né dans les années 1920 et qui était forgeron. L’homme n’a pas connu son père, décédé d’un accident alors que sa femme était enceinte. Elevé par sa mère, une femme qui faisait le ménage chez les bourgeois du centre-ville, il n’a connu que le travail. Apprenti forgeron, il était pourtant fasciné par les mots, passionné des livres comme son ami Pierrot, mais il devait se cacher de sa mère pour lire quelques pages. Cette activité était inutile. Un brin perturbée par le physique efféminé de son fils, la mère l’inscrivit aux cours de boxe, le sport du « populo », il deviendra un homme, et pas des moindres, puisqu’il s’y donnera à corps perdu jusqu’au sacre de Champion de France de boxe amateur. Son ami Pierrot, lui, a choisi la voie de Dieu, il prend en main la troupe théâtrale diocésaine. C’est là que leurs destins vont de nouveau se croiser !

Dans « Fils du feu », Guy BOLEY s’était inspiré de quelques éléments de sa vie personnelle pour ensuite laisser libre cours à son imagination. Là, son père devient, sous sa plume, un personnage de roman. Dans un récit biographique, il lui rend un brillant hommage.

On retrouve ainsi le milieu de la forge, du travail manuel, artisanal, l’ambiance chaleureuse et lumineuse au petit matin quand les premiers tisons rougeoient et que les étincelles scintillent. Le forgeron est un ouvrier qui travaille le métal à la force du poignet. Les descriptions de cet univers professionnel rendent compte du travail physique, de la douleur et de la sueur qu’il engendre. Par tous les temps, qu’il neige ou qu’il fasse soleil, l’homme donne de son corps pour créer. L’écrivain assure la mémoire d’un métier qui a aujourd’hui quasiment disparu pour lequel, outre la force, la maîtrise du geste et le savoir-faire sont incontournables.

J’ai été personnellement touchée par le parcours initiatique de l’homme, depuis sa plus tendre enfance, enfin, de tendre il y a peu en réalité.


On ne choisit pas son enfance, on s’acclimate aux pièces du puzzle, on bricole son destin avec les outils qu’on a sous la main [...]. P 43

L’époque et le milieu social voulaient ça. Nous étions entre les deux guerres, plongés dans un monde d’ouvriers, des taiseux. Le père de l’écrivain, passionné de littérature qu’il était, s’isolait avec son ami Pierrot. Il meublait les silences par les mots découverts dans son dictionnaire, le Larousse illustré. Tous deux, ils aimaient se raconter des histoires. Alors, de là à imaginer des opérettes une fois adulte, il n’y a qu’un pas. Guy BOLEY a été, lui, élevé dans une famille sensible à l’art, ses parents aimaient se laisser porter par la création et s’offrir le temps d’une soirée, un spectacle où la musique et le théâtre trouvaient toute leur place.

Ce roman est d’une infinie sensibilité. La plume y est touchante, empreinte de beaucoup d’amour et profondément humaine. J’y ai repéré une phrase qui lui donne tout son sens, je crois :


Toujours on sous-estime les gens qu’on aime trop, ou ceux qu’on aurait dû aimer encore bien davantage. P. 31

Par le jeu de l’écriture, Guy BOLEY rattrape un peu du temps perdu et offre à son père le portrait d’un homme brossé en trois dimensions, je vous le conseille absolument.

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2018-08-28T07:02:03+02:00

37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

Publié par Tlivres
37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

Mon #Mardiconseil c’est un roman découvert avec les #Explolecteurs 2018 des Lecteurs.com « 37, étoiles filantes » de Jérome ATTAL publié chez Robert Laffont éditions, un roman pétillant au cœur d’une période d’euphorie artistique, intellectuelle et philosophique, un bijou ❤

 

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2018-08-24T06:00:00+02:00

Capitaine d’Adrien BOSC

Publié par Tlivres
Capitaine d’Adrien BOSC

Stock

Encore un roman de cette #RL2018, la révélation d'une plume pleine de talent, je vous explique.

Nous sommes en mars 1941, le navire Capitaine-Paul-Lemerle quitte la métropole à destination de la Martinique. A son bord, des personnes menacées par les nazis : des communistes, des artistes, des juifs... 250 passagers dont le sort repose dans les mains du Capitaine, Sagols, ou presque. L'expédition est périlleuse et pleine de dangers, nous sommes en guerre. Les hommes et les femmes s'accrochent à leur ultime chance de survie. Se côtoient Alfred KANTOROWICZ, dramaturge qui avait quitté l'Allemagne en 1933, André BRETON, surréaliste, Claude LEVI-STRAUSS, anthropologue, Germaine KRULL, photographe, correspondante pour l’Agence France-Presse, Anna SEGHERS et ses deux enfants, son fils Pierre RADVANYI n'a que 15 ans... Cette microsociété s'organise pour affronter les soubresauts de l'océan. Elle se laisse porter aussi par le vent d'allégresse qui souffle sur le navire lors du franchissement de la ligne du Tropique, le 13 avril 1941, des moments transcendés par une joie immense, absolument incroyables. Cette traversée périlleuse arrivera-t-elle à destination ? L'île française sera-t-elle à la hauteur de ses promesses ?

Autant de questions auxquelles vous répondrez avec la lecture de ce magnifique roman !

Adrien BOSC dont je ne connaissais pas encore la plume excelle dans le croisement des itinéraires, c'est là l'immense richesse je crois de l'épopée, romanesque à l'envi. Ainsi, des hommes et des femmes que le statut distingue dans la société française vont côtoyer, le temps de la voyage, des anonymes, des gens comme vous et moi qui auraient pu, il y a un peu plus de 70 ans, se retrouver à bord d'un navire en perdition. Le destin de tous ces bannis de l'occupant allemand paraît bien fragile au regard du contexte historique et politique, les aléas climatiques ne manquent pas de surenchérir la prise de risque. Il ont embarqué, à la vie, à la mort. Cette aventure n'est pas sans cruellement résonner avec le parcours des migrants qui décident de quitter le peu qu'il leur reste en espérant un avenir meilleur. Pourchassés sur leur propre terre, ils prennent la mer sans aucune assurance ni d'arriver sains et saufs en terre promise, ni d’être accueillis quelque part. Il suffit de voir les tribulations malheureuses de l'Aquarius aujourd'hui pour s'en convaincre. Le propos de l'auteur prend, de fait, une dimension intemporelle et universelle, de quoi prêter à méditation.

J'ai beaucoup aimé l'approche que fait l'auteur du collectif embarqué, une véritable odyssée. J'ai tout simplement adoré le passage sur les festivités organisées lors du franchissement de la ligne du Tropique. Dans "Les indésirables" de Diane DUCRET, il y avait eu l'organisation d'un cabaret dans le Camp de Gurs. Sur le Capitaine-Paul-Lemerle, il y a des animations de tous ordres portées par le talent artistique des voyageurs. 


Chaque coin du navire s'activait pour parfaire le cérémonial. Près des écoutilles, à l'atelier tailleur, on terminait la robe du juge, on raccommodait une écharpe rouge et les boutons d'un veston bleu marine, la chemise de nuit de Neptune et son ample pantalon, des braies. A l'entrée des cales, l'atelier sculpture et menuiserie battait son plein, Lam rabotait un pieu et dressait le décor de bois d'un petit théâtre de Guignol. Plus loin, à l'entrepont, l'atelier perruque était sens dessus dessous, à court de chanvre, on ne termina pas la longue barbe de Neptune qui ressemblait à celle du Père Noël, ou plutôt, bonnet pointu en papier sur la tête, à la barbiche du saint Nicolas des Alsaciens. P. 162

Il est juste prodigieux de voir l'art offrir une parenthèse à des êtres dont la vie est cruellement menacée.   

L'exploration de l'individu dans ce qu'il a de plus intime m'a aussi captivée. Là, il y a bien sûr le projet de chacun, la signification du départ, la représentation de l'eldorado, l'espoir tout simplement. Comme le dit Valentine GOBY : "Je suis toujours surprise de voir l'être humain trouver encore la force de se battre alors même qu'il serait si facile d'abandonner". Dans ce roman, Adrien BOSC envisage différentes hypothèses, il ouvre le champ des possibles :


Et de cette terre fantasmée nulle n’avait une image nette, un bout de France qu’on se représentait tantôt comme une toile de Gauguin tantôt comme une Guyane de bagne, d’autres un pays libre déjà américain, la plupart une zone de repli, un peu de confort, une chambre d’hôtel, un bain. P. 189

La sortie de l'individu de sa zone de confort réserve aussi quelques surprises. Elle l'expose à présenter sa vraie nature. Certains sont profondément humanistes, fraternels, solidaires... peu importent les circonstances. D'autres sont narcissiques, égocentriques, seule leur existence personnelle prend un sens. Le contexte, les fréquentations, les opportunités, sont autant d'éléments qui peuvent conduire l'humain à exploiter les fragilités des autres pour s'enrichir soi-même.


L’humanisme a ses limites que le commerce borne. P. 230

Le travail de Claude LEVI-STRAUSS trouve dans le roman d'Adrien BOSC un focus tout particulier. En 1941, il a commencé à étudier les Bororos qui donneront lieu à la rédaction de "Tristes tropiques". Il a embarqué sur le Capitaine-Paul-Lemerle avec l'ensemble de ses documents et tient absolument à les préserver pour poursuivre ses recherches. On peut imaginer à quel point des documents papier, aussi précieux soient-ils, risquent d'être malmenés par les éléments, voire les événements. Il ne manquera d'ailleurs pas d'être pris pour un espion. Quand l'ignorance fait de l'étranger un suspect...

Ce roman puise sa source dans quelques faits historiques, le talent d'Adrien BOSC fait le reste. Entre réalité et fiction, notre cœur balance (à défaut de chavirer !), mais finalement peu importe, l'écrivain lui-même nous invite à nous laisser porter par l'aventure pour n'en garder en mémoire que la substantifique moelle...


Car ce n’est pas ce qu’est l’archive qui importe, mais ce qu’elle désigne : un passé. P. 345

Il se joue de la narration avec des passages sortis tout droit de son imagination, ponctués par des extraits de correspondances, notes, journaux... figurant en italique dans le texte et rigoureusement répertoriés en fin d'ouvrage. L'exercice littéraire est complexe mais parfaitement réussi. Je crois que j'aimerais beaucoup lire "Constellation", son premier roman lauréat du Grand Prix du roman de l'Académie française, Prix de la Vocation, Prix Gironde, Prix Le Livre de Poche, rien que ça !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANI, *****

 

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2018-08-22T06:00:00+02:00

Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI

Publié par Tlivres
Les exilés meurent aussi d'amour d'Abnousse SHALMANI

Grasset
 

Sortie aujourd’hui en librairie !

Bienvenue au cœur d'une famille iranienne qui a fui son pays d'origine au moment de la révolution. Arrivée en France, elle est accueillie chez une sœur expatriée, ainsi, rapidement, un immeuble parisien est occupé sur trois étages. Cette nouvelle vie est explorée à travers le regard d'une enfant, la narratrice. Elle a 9 ans et peine à trouver sa place, alors, elle élit domicile sous le canapé. De là, elle peut écouter toutes les conversations, regarder la télévision, voir les films cinématographiques (la famille est une passionnée). Le premier, ce sont "Les valseuses", un film éminemment connoté, le ton est donné !

L'écrivaine nous livre un roman croustillant, fait de rebondissements, bourré d'anecdotes toutes plus drôles les unes que les autres, à moins qu'elles ne soient profondément tristes. Immanquablement, Abnousse SHALMANI puise dans sa vie personnelle les ingrédients d’un roman qu’elle déroule sur une vingtaine d'années, relatant ainsi l'enfance, l'adolescence et les premières années de la vie d'adulte de la narratrice. Shirin ressemble à s’y méprendre à Absnousse, cette fillette née à Téhéran en 1977 et qui met le pied en France en 1985. L’auteure en fait un personnage de roman né d'une mère militante en Iran, elle a tous les traits d'une jeune fille rebelle, elle regarde la réalité avec lucidité et qui entend, chaque fois qu'elle le peut, donner son avis et le partager, ce qui lui vaut les brimades de ses tantes qui voient là une enfant espiègle et insolente.

Ce roman, c'est un très bel hommage d'une fille à sa mère. L'enfant voit ô combien sa mère s'évertue à faciliter la vie de sa famille, élargie, elle s'attache à préparer les repas pour tous, que personne ne manque jamais de rien, en France, c'est le sens qu'elle donne à son existence. La petite fille pense que sa mère n'est pas reconnue pour tout ce qu'elle fait, jamais de merci, jamais de compliments, elle en est froissée, elle s'indigne devant une mère humiliée et lui offre cette belle preuve d’amour. Elle en fait une artiste qui, à partir d’accessoires récupérés, crée de toutes pièces un nouveau décor, tout en beauté. Mais l’amour est souvent complexe et prend à l’âge adolescent une nouvelle dimension. Elle en veut aussi beaucoup à sa mère de ne pas se faire respecter des autres, de ne pas sauver sa dignité, et se construit elle-même sa personnalité.

Avec « Les exilés meurent aussi d’amour », Abnousse SHALMANI s’attache à nous livrer mille et une définitions du mot "exil" dont son itinéraire est lui-même largement imprégné. Personnellement, j'aime beaucoup celle qu'elle emploie en tout début de roman et qui n'a pas manqué de se vérifier tout au long de son livre :


L’exil, c’est d’abord ça : un espace confiné, entouré d’un monde inconnu et vaste, et d’autant plus inaccessible qu’il paraît impossible de s’échapper de la cage où s’amassent les restes misérables du pays natal. P. 18

Par la voie de cette famille, elle démontre subtilement l'emprise du passé sur la trajectoire des exilés, se rappelant indéfiniment à la mémoire des êtres. Il suffit d'observer les intérieurs pour s'en convaincre, les quelques menus objets qui ont été préservés lors du périple sont comme autant de témoins du pays d'origine et de ses traditions, les parfums de la cuisine que prépare la mère préservent ce qui peut être sauvé et solidarisent les membres d'une communauté établie loin de son pays d'origine, le respect des traditions rythme une vie qui peine à trouver ses repères dans un pays où tout reste à découvrir.

J'ai été profondément sensible à l’évolution des rôles au sein de la famille par la voie de l’écriture. L’enfant endosse le costume d’écrivain public à l’âge de 10 ans. Avec lui, les postures évoluent induisant la remise en cause de l'autorité parentale au profit de la jeune génération qui, précocement, devient responsable de l'avenir de tous.

Dans le même ordre d'idée, j'ai été séduite par l'approche des mots. L'écrivaine nous en livre un bien bel objet :


Et c’était exactement à ça que servaient les mots, tous les mots : à colorer autrement les humains en leur donnant une forme nouvelle. P. 59

Avec les mots, la voie de l'interculturalité est toute tracée. Pouvoir nommer, désigner, qualifier... permet de comprendre, cerner, appréhender les autres dans ce qu'ils ont d'humain, de subtil et complexe. Bien sûr, en littérature, ils constituent le matériau incontournable, mais dans la vie, ils le sont tout autant. J'aime quand une fiction croise le chemin de la réalité et vient l'enrichir d'un tout nouveau regard, qui plus est, gracieux. Abnousse SHALMANI est profondément humaniste, elle aime les gens et leur voue une attention tendre et bienveillante. De là à assurer leur mémoire, il n’y a qu’un pas !


Raconter, c’est forcer les gens à ne pas oublier. P. 134

Ce roman est absolument truculent, il est joyeux, drôle et surprenant, je vous invite à le lire absolument !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

 

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2018-08-22T06:00:00+02:00

L’hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy

Publié par Tlivres
L’hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy

Flammarion

Je ne connaissais pas encore la plume de Thomas B. REVERDY, la rentrée littéraire m’a mise sur sa voie et c’est une belle surprise.

Je vous dis quelques mots de l’histoire.

Candice a 20 ans, elle étudie les arts dramatiques. Elle est originaire de Islington Park, un ancien quartier ouvrier devenu un quartier de chômeurs. Elle a mis sa famille à distance pour assouvir sa passion artistique. Elle fait du théâtre et prépare avec Les Shakespearettes, une compagnie exclusivement féminine, « Richard III », une pièce dans laquelle elle joue le rôle principal. Elle est également confrontée aux réalités économiques de son pays. Nous sommes à l’automne 1979. Candice a un travail de coursier. La journée, elle est sur son vélo à distribuer des plis que personne ne souhaite plus confier à La Poste. Elle est exposée aux aléas climatiques, à l’insécurité routière et quand elle regarde la société, perturbée par de grands mouvements de grève, elle résiste et se lance dans la mouvement gauchiste contre le pouvoir en place. 

Cette période noire qu’a vécu la Grande-Bretagne à l’hiver 1978-1979 constitue notre histoire contemporaine, c’était il y a à peine 40 ans. Thomas B. REVERDY a trouvé un moyen original de nous la remémorer, par le filtre de la pièce Shapespearienne qui elle a plus de 500 ans et semble n’avoir pas pris une seule ride !

Par la voie du théâtre, il interroge les finalités du pouvoir et questionne les motivations de Richard III. Comment un homme peut-il arriver à tuer pour se hisser à sa plus haute marche ? Avec Candice, il donne un éclairage sur la campagne électorale menée par le parti conservateur et la montée en puissance de Margaret Thatcher par la voie d’une communication instrumentalisée. L’écrivain utilise le procédé subtil en littérature de l’alternance des époques pour donner au propos une dimension universelle. Il explore le passé pour expliquer le présent, au moment même où le slogan véhiculé est « no future ». C’était il y a deux générations, en Grande-Bretagne. Et si ce roman nous offrait des clés de compréhension sur notre monde d’aujourd’hui ? Là, rien n’est dit, c’est au lecteur d’en choisir !

Nous pourrions nous contenter de cette exploration de la pièce de Shakespeare pour mieux comprendre l’actualité mais l’inverse est également vrai. Quand la metteuse en scène accompagne le travail des comédiennes pour atteindre la perfection, l’instant où l’actrice et son personnage ne font plus qu’un, elle les invite à regarder l’état de leur société pour mieux interpréter l’Histoire.


Pour jouer Richard, vous devez comprendre comment le pouvoir fonctionne aujourd’hui, dit-elle. P. 172

Ce roman dresse un très beau portrait de femme, celui d’une jeune adulte libre, libre de ses choix de vie, libre dans son corps, libre de ses convictions. Malgré l’insouciance inhérente à la jeunesse, Candice est empreinte d’une certaine maturité et nous offre une philosophie de vie.

L’écrivain ne se contente pas de convoquer les arts de la scène, il fait aussi la part belle à la musique en donnant à chaque chapitre de son roman le titre d’une chanson extraite des albums de l’époque, une très belle occasion de constituer sa playlist des événements. Vous côtoierez les univers des Sex Pistols, Adam and the ants, Damned, Buzzcocks, Jam, Public image ltd., Clash, The Cure, Joy Division, Bauhaus, Siouxsie and the Banshees, David Bowie, Marianne Faithfull et Pink Floyd.

Je me suis laissée porter par l’écriture de Thomas B. REVERDY, fluide, percutante, efficace.

« L’hiver du mécontentement », en référence à la première phrase prononcée par Richard III dans la pièce de Shakespeare et au titre donné par le journal le Sun sur les événements de l’hiver 1978-1979, rend intelligent, c’est évident.

Et la chute est prodigieuse !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

 

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2018-08-21T07:06:24+02:00

Lèvres de pierre de Nancy HUSTON

Publié par Tlivres
Lèvres de pierre de Nancy HUSTON

Actes Sud

J-1 pour la sortie en librairie de "Lèvres de pierre", un coup de coeur.

La rentrée littéraire nous offre aussi de formidables opportunités de retrouver des plumes que j'affectionne tout particulièrement, celle de Nancy HUSTON en fait partie.

L'écrivaine nous dévoile en préface les sources de l'inspiration de "Lèvres de pierre". En voyage au Cambodge en 2009 avec son mari, elle prend conscience du besoin d'écrire sur ce pays et son Histoire. Mais l’écriture est un art qui nécessite parfois du temps pour s’épanouir. Ce n’est qu’en 2016 que la narration s’impose comme une évidence, un parallèle entre deux trajectoires de vies empreintes de nombreux points communs. Forte de cette soudaine envie, Nancy HUSTON ne tarde pas à faire de Pol Pot un personnage de roman qui va subtilement, le temps d’un livre, croiser son propre destin à elle. Un exercice littéraire parfaitement maîtrisé.

À l’âge de 9 ans, Sâr, bouc-émissaire des enfants de son âge pour son physique efféminé, doit quitter le foyer familial avec son frère cadet, Nhep, pour suivre l’éducation de la sagesse theravāda auprès des moines Vat Botum Vaddei. Il part de son village pour rejoindre la capitale. Après un an d’apprentissage, il intègre l’école Miche. Là-bas, sa rêverie et le sourire du Bouddha qu'il a pris l'habitude d'adopter agacent l’institution qui décide d’adapter les modalités d’enseignement. Les huit années qui suivront seront marquées par des humiliations et autres mauvais traitements, il sera aussi abusé sexuellement. L'adolescent réussit à s'offrir quelques parenthèses dans cette vie douloureuse avec le théâtre, il est machiniste. En 1945, lors des bombardements de Phnom Penh par les Etats-Unis, l'école ferme, il part en tournée avec la compagnie et va tomber sous le charme du temple d'Angkor. Diplômé en menuiserie, il obtient une bourse et intègre l'école Violet de radioélectricité de Lyon en 1949. En France, il côtoie Jean-Paul SARTRE, Simone De BEAUVOIR, découvre le cercle de l'association des étudiants Khmers. En échec scolaire, il s'envole pour la Yougoslavie, il participe à la construction de la route Belgrade-Zagreb. A son retour sur Paris, il adhère au parti communiste, fait du journal l'Humanité son quotidien et lit « La Grande Révolution » de KROPOTKINE. Il se familiarise avec l'écrit et voit son premier texte publié par L'Etudiant Khmer. De retour dans son pays en 1953, l'année de l'indépendance, il a un besoin irrépressible de retrouver ses origines. Il retourne dans son petit village où son oncle Kahn sombre dans une profonde misère, comme les villageois de Prek Sbauv. Il décide de révolutionner son pays, la voie d’un dictateur est désormais toute tracée.

Ce roman historique nous relate la construction d’un homme qui va concentrer tous les pouvoirs et décider de la vie comme de la mort de ces concitoyens. J’ai été profondément touchée par les premières années de son enfance comme autant de premières pierres dans la construction de l’édifice :


Il dit qu’un homme est semblable à un bâtiment : sa fondation doit être solide, ensuite on peut ajouter balcons et balustrades pour l’enjoliver. P. 28

Son père voulait en faire un sage mais tous les ingrédients semblaient déjà réunis pour en faire un être humain avide de revanche sur la société. Offensé, opprimé, mortifié, en permanence exclu du système, le jeune garçon cultive une haine des autres qui ne demandera qu’à s’épanouir à l’âge adulte. L’itinéraire de Pol Pot ressemble à s’y méprendre à celui d’Hitler auquel Eric-Emmanuel SCHMIDT a dédié « La part de l’autre ».

Son entourage, aussi malveillant soit-il, l’avait pourtant initié à la culture. Le Frère Jaouen lui avait fait découvrir Paul VERLAINE, André MALRAUX, COUPERIN, RAMEAU... Aux côtés de Jean-Paul SARTRE et Simone De BEAUVOIR, il assiste à un concert de Sidney BECHET, musicien noir. Ses voyages à travers le monde auraient pu guider ses pas vers le beau, le bon, développer le respect de l’autre et la tolérance... mais il n’en fut rien, à croire que les connaissances accumulées n’avaient qu’un seul but, nourrir le projet d’un despote.

La juxtaposition de l’itinéraire de Sâr, contraint à changer de nom à plusieurs étapes de sa vie et à perdre ainsi ses repères identitaires, et de celui de Dorrit, cette femme canadienne, est profondément troublante. Sâr a choisi de monter sur la plus haute marche du pouvoir politique, Dorrit, elle, a choisi la voie de l’écriture pour panser ses plaies.


De toute façon, elle a appris depuis l’enfance à neutraliser par l’écriture tout ce qui la blesse. Les mots réparent tout, cachent tout, tissent un habit à l’événement cru et nu. [...] Protégée par la maille des mots, une vraie armure, les agressions ne l’atteignent pas vraiment. P. 166

La politique s’était pourtant invitée dans son parcours à elle aussi avec les mouvements militants dans lesquels son père, puis son compagnon, s’investissaient, contre la guerre du Vietnam notamment. Ses études universitaires furent profondément perturbées du fait de l’abandon, par son père, d’un poste dans une usine de production des pièces dédiées aux B-52, ces armes de destruction massive utilisées contre les Cambodgiens. Son action dans le domaine restera limitée à sa participation aux manifestations des opposants au régime en place.

Tous deux se sont construits une carapace pour échapper aux agressions des autres et ont trouvé la voie du détachement pour s’en protéger. Lui a appris avec les moines bouddhistes à maîtriser ses émotions et ne laisser paraître qu’un sourire sur son visage comme la preuve de l’abandon d’une certaine souffrance pour l’adoption d’un bonheur réalisé. Elle, s’est inscrite dans un même mouvement comme une hygiène de vie du quotidien :


[...] elle fuit l’émotion, s’efforce de maîtriser chaque instant de sa vie, préfère le passé immobile au présent imprévisible. P. 174

J’ai adoré retrouver la plume de Nancy HUSTON qui nous livre une nouvelle fois un roman d’une intense densité. « Lèvres de pierre » nous montre, s’il en était nécessaire, les effets des interactions du monde et l’interdépendance entre l’Histoire et notre époque contemporaine, de quoi nourrir des personnalités complexes et servir des desseins glaçants. L’écriture y est une nouvelle fois magistrale, les mots sont justes et les effets cinglants.

Ce roman, c'est un coup de cœur !

Vous aimerez aussi, j’en suis persuadée : « Dolce agonia », « Ligne de faille », « Infrarouge », « L’espèce fabulatrice », « L’empreinte de l’ange »...

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANI, *****

 

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2018-08-20T07:18:35+02:00

Spectacle au MET pour célébrer l'anniversaire de la pop star, Madonna

Publié par Tlivres
Spectacle au MET pour célébrer l'anniversaire de la pop star, Madonna

Ma #lundioeuvredart fait souvent référence à de la sculpture, de la peinture, un peu moins à la musique, la chanson, la danse.

Aujourd'hui, c'est donc une oeuvre un peu particulière que j'ai envie de mettre à l'honneur. Madonna a eu 60 ans la semaine dernière et pour fêter dignement cet événement, je vous présente un extrait du gala du Metropolitan Museum of Art 2018.

Les voix a cappella sont sublimes à commencer par le choeur d'hommes qui ouvre le spectacle, la musique résonne avec une acuité toute particulière, la mise en scène offre une place de choix à la religion largement présente dans les chansons de la madone noire, les costumes viennent renforcer la beauté du spectacle, quant aux lumières, elles révèlent la prouesse artistique.

Madonna ne peut pas plaire à tout le monde, la pop star est la reine de la provocation, mais n'est-ce pas aussi ça la vocation des artistes ? que de nous questionner, de repousser les limites, de faire ce pas de côté, et avouez qu'elle le fait divinement bien !

Maintenant, place au spectacle, 13 minutes, rien que ça.

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2018-08-18T06:00:00+02:00

Chien-loup de Serge JONCOUR

Publié par Tlivres
Chien-loup de Serge JONCOUR

Flammarion

J-5 pour cette sortie événement en librairie, je n'ai pas pu résister jusqu'au 22 août !!!

La rentrée littéraire est un bon moment pour retrouver des plumes auxquelles on voue une fidélité inconditionnelle. Assurément, celle de septembre 2018 sera marquée par la sortie du tout dernier JONCOUR, Serge, vous le connaissez bien sûr ! Il y a eu « Repose-toi sur moi », « L’amour sans le faire »…

Et si vous ne le connaissez pas encore, rendez-vous au plus vite dans votre librairie préférée pour commander « Chien-loup » !

Tout commence avec le projet de Lise de passer 3 semaines de vacances, en août, coupée du monde. Son compagnon, Franck, producteur de cinéma, redoute plus que tout la déconnexion, entendez par-là l’absence totale de réseau internet et téléphonique. Ils vivent ensemble depuis 25 ans. Ils n’ont pas d’enfant. Elle, s’est battue l’année passée contre un cancer. Lui, est en admiration devant son courage. Face à l’époque contemporaine, résonne le tocsin dans tous les villages de France. Nous sommes en 1914, la mobilisation des hommes et des animaux est engagée. Mais Wolfgang Hollzenmaier du cirque Pinder n’entend pas sacrifier ses félins. Il s’est déjà vu réquisitionner trois éléphants comme bêtes de somme pour se substituer aux bœufs partis au front. Il arrive dans le village d’Orcieres-le-Bas et élit domicile dans la maison de la colline du Mont d’Orcières. Le mugissement des animaux bruit dans la vallée, apeurant femmes et enfants restés dans la vallée. Quand des brebis commencent à disparaître des troupeaux, les soupçons sur l’homme, un allemand, nourrissent la rumeur jusqu’au jour où… là commence alors une toute autre histoire.

Commencer un roman de Serge JONCOUR, c’est accepter de s’offrir un périple littéraire aux gré d’histoires diverses et variées s’imbriquant lentement toutes les unes dans les autres comme autant de poupées gigognes, un pur régal.

Il y a bien sûr l’histoire de Lise et Franck, un couple moderne qui vit avec son temps, connecté jour et nuit, pour le meilleur et pour le pire. Franck travaille dans le milieu cinématographique qui se nourrit de l’innovation, les nouvelles technologiques y occupent peut-être là plus qu’ailleurs une place de choix. Elles lui permettent des relations insoupçonnées propices au développement et à la promotion de son art. Mais, ce qu’il voit moins, c’est à quel point il est devenu, lui en tant qu’individu, et le 7ème art en général, totalement dépendants de l'urgence à communiquer, réaliser et regarder. Le cinéma tout entier est confronté à une révolution incarnée par le géant Netflix dont l'écrivain dénonce les pratiques, le propos est militant et combat les travers d'un système dévastateur qui agit comme un destructeur de la création.

De la culture de masse, Serge JONCOUR nous emmène subtilement sur la voie de l’addiction individuelle et nous fait prendre conscience du facteur temps rendu nécessaire pour chacun pour se dé-connecter des réseaux sociaux, pour se libérer de leur toxicité. J’ai adoré personnellement la sérénité, le calme et la paix intérieure, de Lise, mais à quel prix ? Franck réussira-t-il à relever le défi, je ne vous donnerai aucun indice mais l’itinéraire de l’homme mérite à lui seul d’être parcouru.

Et puis, il y a la guerre, cette page de notre Histoire relatée dans une région de France que Serge JONCOUR affectionne tout particulièrement, un paysage de montagne où le climat est particulièrement hostile. Il rend hommage aux femmes qui, avec le départ des hommes, n’eurent d’autre choix que se soumettre aux travaux de force habituellement réservés au sexe fort. Elles prirent le relais avec dignité et courage, elles se livrèrent aux moissons et autres travaux des champs pour assurer la survie de leur progéniture. Les temps étaient durs et l’angoisse de recevoir de mauvaises nouvelles du front pesait de tout son poids dans chacun des foyers. Et quelle ingéniosité que d’imaginer cette histoire de l’allemand dresseur de fauves, en résistance avec l’occupant, à chacun sa guerre mais tous vivent sous le joug de l’oppression, c’est une réalité. L’écho du rugissement des animaux de cirque entretient la terreur de tout un peuple, j’en frissonne encore.

Mais là où l’écrivain joue avec nos nerfs, c’est quand il fait entrer un chien-loup dans le bal, un molosse dont les premières apparitions se font dans le falot de la lampe torche de Lise et Franck, ses yeux comme deux points lumineux dans une nature hantée par un passé douloureux. La maison de vacances est maudite depuis que le phylloxéra, un insecte, ravagea les vignes du secteur, pourtant présentes depuis 2000 ans, causant aussi la perte du couple de vignerons qui y habitait. Du grand incendie qu’ils lancèrent, les villageois ne sauvèrent que la maison et les quelques arbres l’entourant. Le roman revêt à cet instant une part de mystère qui va s’installer dans le récit et trouver tous ses repères dans une intrigue tenue par une main de maître.

Avec l’approche de la bête, sa présence, ses expressions aussi, Serge JONCOUR nous livre un hymne au règne animal, il nous fait prendre conscience de sa sensibilité au monde extérieur, sa réceptivité dont l’homme pourrait apprendre beaucoup s’il en acceptait, un tant soit peu, de s’y soumettre.


Dans l’animal le plus tendre dort toute une forêt d’instincts, des muscles prêts à courir, des mâchoires prêtes à l’entaille et des dents prêtes à déchirer. P. 411

Derrière la double personnalité de l’animal, l’écrivain fait émerger celle de l’être humain, celui-là même qui, coupé de sa réalité quotidienne, peut, au contact de la nature, se ressourcer, retrouver sa vraie personnalité, épurée des artifices du monde extérieur.


Au moins dans ces prairies [...] elle découvrait à quel point il est rare et précieux de n’exister que par soi-même et de ne plus être atteinte par le regard de personne. P. 398

J’ai été tellement sensible à l’harmonie du corps et de l’âme de Lise et le chemin parcouru par Franck dans l’apprivoisement de son environnement naturel. Ce roman est une ode à l’observation, la contemplation, la réflexion et la méditation. Chaque élément trouve progressivement sa place jusqu’à résonner profondément dans nos tripes, je m’en délecte.


Il y a parfois des lieux qui nous mettent mal à l’aise dès qu’on y met les pieds, et d’autres qui nous accueillent, qui vous adoptent, comme s’ils nous attendaient. P. 73

Cerise sur le gâteau, quand Serge JONCOUR explore l’homme jusque que dans ses tréfonds et qu’il confronte le couple à la relation amoureuse, c’est un propos juste, sensible, délicat. Si lui en doute et qu’il ne sait encore où la sortie de la zone de confort peut bien mener Lise et Franck, je puis lui assurer que j’ai vibré à chaque phrase un peu plus jusqu’à les accepter comme une évidence…


C’est peut-être ça un couple, avoir irrémédiablement besoin de l’autre, être fondé en partie sur lui, sachant que selon les circonstances, ce sera à l’un ou à l’autre d’assurer, en fonction des échecs et des réussites, sans quoi il n’y aurait plus d’équilibre. P. 61

Et là, peu importe l’époque, le voyage dans le temps que nous propose l’auteur, passant d’une période à une autre avec une telle habileté, montre à quel point le discours est universel.

L’épopée, éminemment romanesque, dote de ce livre historique, moderne, familial, psychologique, environnemental… d’une richesse incommensurable, c’est un énorme coup de cœur.

Surtout, ne passez pas à côté !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

 

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2018-08-17T06:45:55+02:00

La beauté des jours de Claudie GALLAY

Publié par Tlivres
La beauté des jours de Claudie GALLAY

Parce que "La beauté des jours", il faut apprendre à l'identifier, la repérer, l'observer, l'explorer... pour la goûter, la déguster, la savourer, s'en délecter, et que l'exercice est délicat, Claudie GALLAY nous livre une formidable leçon d'apprentissage avec son tout dernier roman, un joyau.

Vous découvrirez alors que la beauté peut être à portée de regard, dans les gens qui vous entourent, dans la nature aussi. Et puis, il est une autre dimension, artistique, plus complexe mais tellement exaltante.

Ce roman, c'est un baume au coeur !    

 

 

 

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2018-08-16T06:00:00+02:00

Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA

Publié par Tlivres
Cette maison est la tienne de Fatima FARHEEN MIRZA

Calmann Lévy
 

Ce premier roman, qui sort aujourd'hui en librairie dans le cadre de la rentrée littéraire, ne fera pas partie de la sélection des 68 Premières fois, tout simplement parce qu’il est étranger, mais la qualité de la plume de l’écrivaine, et de sa traductrice, aurait pu le voir sélectionné par nos fées.

Je vous dis quelques mots de l’histoire.

Le roman s’ouvre sur une scène de mariage. Hadia, la fille aînée de Layla et Rafiq, originaires de Hyderabad en Inde, épouse Tariq. La sœur de la mariée, Huda, est aux côtés de Hadia. Toutes les deux sont inquiètes du déroulement de la cérémonie. Amar, leur frère, est parti sans laisser d’adresse il y a trois ans. À la demande de la mariée, il a répondu présent mais Dieu seul sait de quoi il est capable. Le père se tient à distance, il respecte l’ordre intimé par sa femme. Leur mariage a eux était arrangé. Elle a suivi son mari aux Etats-Unis, ce pays où ils ont tout construit ensemble. Comment ont-ils pu en arriver là ? Cette question les taraude. Au fil de leurs réflexions, le fil de l’histoire familiale se déroule...

Ce roman nous plonge dans l’intimité d’une famille exilée depuis l’Inde vers les Etats-Unis. Les enfants sont tous les trois nés sur le sol américain, deux filles et un garçon. J’ai beaucoup aimé l’approche subtile de la langue, celle qui est maternelle parlée dans l’intimité et celle du pays d’adoption.


En l’entendant parler ourdou, Hadia se détend : les mots sont les mêmes mais l’effet est différent. P. 227

Je me souviens des propos tenus par Lenka HORNAKOVA-CIVADE lors de sa venue à Angers. Elle expliquait alors qu'elle n'aurait jamais pu écrire "Giboulées de soleil" dans sa langue maternelle, elle aurait été beaucoup trop émue pour pouvoir en faire un roman. C'est donc bien de la résonnance des mots, et de la sensibilité induite, dont il est question, quelque chose qui compose le quotidien des exilés.

Les enfants ont été élevés par une famille musulmane, pratiquante. Leur éducation est binaire, elle est édifiée sur le principe manichéen du bien et du mal, du halal et du harram, mais si les différences étaient aussi marquées, ça se saurait n'est-ce pas ? La vie est beaucoup plus complexe et bientôt le château de carte se fragilise. Le garçon ne fait rien comme ses sœurs, il a des difficultés à l’école alors que les filles sont brillantes, il remet en cause la parole de ses parents alors que les filles font preuve d'une docilité remarquable, il prend ses distances vis-à-vis de la religion et s’autorise à boire, consommer de la drogue, alors que Hadia et Huda respectent scrupuleusement les valeurs religieuses. Le comportement d'Amar sème le doute dans l'esprit de ses parents qui perdent progressivement leur autorité sur lui jusqu'au jour où...

Personnellement, ce qui m'a profondément touchée, c'est le sentiment d'injustice ressenti par l'aînée de la fratrie, Hadia, la mariée. Ce qu'elle faisait n'était jamais assez bien alors que le petit, Amar, lui, se voyait largement remercié d'un petit doigt levé, aussi rare soit-il. Dans cette famille, le culte du garçon est nourri à satiété, comme dans les familles de la communauté indienne du roman. Là, nulle référence à un déterminisme social, urbain... non, seulement l’emprise de la religion sur l’éducation des enfants.

Mais les filles ne sauraient se contenter aujourd’hui de ce modèle et par la voie de leur scolarité, elles montrent à quel point elles peuvent rivaliser avec les garçons et, au final, occuper une place digne dans la société. Les deux filles, dans ce roman, ont le même parcours, la même docilité dans les tâches quotidiennes, la même assiduité à l’école mais aussi des convictions à défendre. Hadia a exigé que hommes et femmes vivent ensemble les festivités du mariage, et non séparés comme cela se passe traditionnellement. Ses parents n'ont pas eu le choix. Plus jeune, Hadia s'était déjà évertuée à les défier et avait apprécié ô combien la prise d'initiative peut se révéler savoureuse :


Un jour, elle avait teint en bleu une mèche de ses cheveux, quel délicieux frisson de prendre sa vie en main, même d’une si infime manière. P. 308

C’est un roman familial dont la narration est exigeante, passant ainsi d’un personnage à un autre, d’une époque à une autre, rythmée qu'elle est par la réminiscences des souvenirs. Elle devient naturelle dès lors que vous acceptez d'y passer quelques heures à suivre, de vous immerger dans cette histoire foisonnante.

La plume de Fatima FARHEEN MIRZA est prometteuse, elle maintient le suspense au fil du livre et nous offre un quatrième et dernier chapitre surprenant mais réussi. Elle aurait toutefois pu se passer de quelques pages, je crois, et sortir des stéréotypes largement véhiculés de filles respectant les convenances communautaires et de garçons rebelles. J'aurais personnellement aimé, dans une fiction, que l'écrivaine puisse rompre avec les idées reçues et sortent des sentiers battus pour ouvrir le champ des possibles.

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres !

 

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

- "L'hiver du mécontentement" de Thomas B. REVERDY, *****

 

 

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2018-08-13T12:28:45+02:00

Une sculpture de Noël LARTIGUE

Publié par Tlivres
Une sculpture de Noël LARTIGUE

Même lieu : "La conserverie" des Rosiers sur Loire,

Même atelier de création à Beaufort-en-Vallée,

Même thème : la féminité vue de dos,

mais un résultat tout à fait singulier, unique en son genre, qui distingue l'œuvre de Noël LARTIGUE de celle de Marie MONRIBOT.

Conçue de toutes pièces, et là, croyez moi, l'expression prend tout son sens, cette sculpture en métal est d'une grande sensualité. Judicieusement dimensionnés, tous ces petits rectangles s'assemblent ensemble pour ne faire qu'un grâce à la minutie et l'expertise de l'homme.

Transparente à l'envi, la composition permet à la lumière de pénétrer dans les pores de la peau, une création qui évolue au gré de la journée en fonction des rayonnement du soleil.

Une œuvre tout en beauté !

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2018-08-10T07:19:08+02:00

Les indésirables de Diane DUCRET

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Les indésirables de Diane DUCRET

Commencer à lire "Capitaine" d'Adrien BOSC et lire un passage sur le Camp de Gurs, celui-là même dont Diane DUCRET assure la mémoire dans un roman coup de coeur : "Les indésirables".

C'est ma #Vendredilecture, de celles que l'on n'oublie pas !

Il existe en version poche, vous ne pouvez décemment plus passer à côté.

 

 

Les indésirables de Diane DUCRET

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2018-08-07T12:23:36+02:00

Chère Brigande de Michèle LESBRE

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Chère Brigande de Michèle LESBRE

Sabine Wespieser Editeur

Après Yôko OGAWA, Claudie GALLAY, Erri De LUCA, à qui je voue une fidélité inconditionnelle, je retrouve une nouvelle plume que je vénère, celle de Michèle LESBRE. Cette écrivaine est une habituée des textes courts, je me souviens de "Chemins", "Boléro", "Sur le sable", "La petite trotteuse", "Le canapé rouge"... Là, avec "Chère brigande", elle nous offre le plus court de tous, 77 pages seulement mais d'une puissance exceptionnelle.

Michèle LESBRE se livre à un exercice littéraire singulier, elle s'adresse à Marion du Faouët, "Robin des Bois" bretonne du XVIIIème siècle, qu'elle souhaite honorer pour son action militante. Elle prenait aux riches pour donner aux pauvres !
 
Elle nous brosse le portrait d'une enfant éduquée à l'école de la vie, d'une femme libre, passionnément amoureuse, que rien ne savait arrêter. 
 
C'est en rencontrant une SDF parisienne aux cheveux roux, comme Marion du Faouët, récemment installée dans une boutique désaffectée que le souvenir de cette femme va s'imposer dans l'esprit de l'écrivaine. Lui écrire est devenu une évidence. L'exercice est audacieux mais réussi, elle ne souhaitait pas écrire sa biographie mais réaliser un rêve :  


Raconter ta vie, d’autres l’ont fait, moi c’est te parler dont je rêvais [...]. P. 27

La narration à la deuxième personne du singulier contribue à faire de ce personnage une femme d'aujourd'hui, son combat est intemporel et nous donne la force, à nous aussi, de nous battre, il est de notre devoir de protéger nos droits :


Mais il faut sans cesse veiller sur nos conquêtes, elles sont fragiles. P. 49

Cette correspondance est à lire, absolument !

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2018-08-06T06:46:47+02:00

Une oeuvre de Marie MONRIBOT

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Hier, de passage sur Les Rosiers sur Loire, j'ai découvert une exposition d'oeuvres remarquables réalisées par de nombreux artistes locaux.

Le lieu s'appelle "La Conserverie". Place de l'Eglise, une adresse à noter scrupuleusement dans vos petits carnets !

 

Et là-bas, j'y ai découvert une artiste dont le travail m'a profondément touchée.

Elle s'appelle Marie MONRIBOT. Elle travaille sur marbre et sur pierres demi-dures. 

Ma #lundioeuvredart, c'est le corps d'une femme, vu de dos, taillé dans du marbre de carrare, cette pierre d'Italie, avec des outils spécifiquement adaptés.

Sa sensualité est prodigieuse, ses courbes douces, raffinées... quelle grâce !

Une oeuvre de Marie MONRIBOT

Et lors de cette visite, j'y ai vécu une expérience peu ordinaire. Habituellement, les oeuvres sont protégées de ces écriteaux "Ne pas toucher", mais avec Marie MONRIBOT, il n'y a pas de restriction qui tienne, bien au contraire. Elle vous invite à poser vos mains sur la sculpture, la toucher, la caresser...

Oh, surprise, la pierre n'est pas froide. Je m'imaginais que le marbre l'était, mais non, la sensation est très agréable, renforcée par un toucher extrêmement doux. La pierre polie vous renvoie un sentiment de bien-être, de sérénité. Quelques minutes se sont écoulées, je me suis prise à rêver de l'artiste dans son atelier, en fusion avec la pierre qu'il travaille, une relation certainement merveilleuse.

Assurément une très jolie rencontre que je compte bien nourrir !

 

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2018-08-05T07:21:56+02:00

Instantanés d'Ambre de Yôko OGAWA

Publié par Tlivres
Instantanés d'Ambre de Yôko OGAWA

Ouvrir le roman de Nancy HUSTON "Lèvres de pierre", découvrir la citation d'Anne DUFOURMANTELLE

"C'est dans cette minéralité qu'on se retranche lorsque l'amour vous est retiré."

et se souvenir tendrement de la lecture des "Instantanés d'Ambre" de Yôko OGAWA.

Quand les livres résonnent entre eux en faveur de l'observation des minéraux pour ce qu'ils disent de notre propre personnalité...

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2018-08-04T10:28:19+02:00

L'ère des suspects de Gilles MARTIN-CHAUFFIER

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L'ère des suspects de Gilles MARTIN-CHAUFFIER

Et de 4 ! L'aventure des #Explolecteurs se poursuit et s'achève avec le roman de Gilles MARTIN-CHAUFFIER.

Après :

* 37, étoiles filantes de Jérôme ATTAL

* Onzième roman, livre dix-huit de Dag SOLSTAD

* Elsa mon amour de Simonetta GREGGIO

voici donc mon avis à la page 100 de ce roman "L'ère des suspects". Rendez-vous sur le site des Lecteurs.com !

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2018-08-03T06:00:00+02:00

La nature exposée d'Erri de LUCA

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La nature exposée d'Erri de LUCA

Gallimard

Traduit de l’italien par Danièle VALIN

Je poursuis mes lectures estivales avec les plumes à qui je voue une fidélité inconditionnelle. Après Yoko OGAMA et les « Instantanés d’Ambre », Claudie GALLAY et « La beauté des jours », énorme coup de cœur, voici Erri de LUCA. Toutes les trois me touchent particulièrement pour l’empreinte profondément humaine qu’elles signent.

Partons à la découverte de « La nature exposée ».

Le narrateur est un homme qui vit en montagne. Il a un plus de 60 ans et aide les migrants à franchir la frontière. Service annoncé comme payant, lui, rend l’argent une fois arrivés en terrain libre. Cette pratique aurait pu rester inconnue si un livre ne lui avait un jour rendu hommage. Là, c’est la rupture avec ses amis forgeron et boulanger qui, eux, gardent l’argent, le condamnant à son tour à l’exil. Il quitte le village. Sculpteur, il lui est proposé de dévoiler la nudité drapée d’un Christ. Il se lance dans l’aventure.
Dans ce roman dense, Erri de LUCA nous propose de regarder la religion par le filtre artistique et de partir à la découverte de son évolution à travers l’histoire. Le traitement de la « nature », entendez par-là la nudité, le sexe, au fil du temps, s’est trouvée exposée, puis cachée, à l’image de cette sculpture que l’Eglise tient à dévoiler, la libérer de ce drapé venu blasphémer la création. L’écrivain explore la dimension du sacré et du profane.

L’auteur a choisi, non pas de nous livrer le travail de création, mais les subtilités de celui de la rénovation. Le narrateur est un restaurateur, il refuse d’apposer sa signature sur la pierre réhabilitée et d’être présent à l’inauguration.


L’œuvre est celle du sculpteur, moi je suis son adjoint dans un détail. P. 162

Erri de LUCA nous dessine les frontières des deux disciplines artistiques et révèle les exigences professionnelles des deux métiers. Il nous  fait voyager et nous emmène à Naples, le berceau de l’Antiquité, pour permettre au restaurateur de s’approprier la qualité des œuvres d’artistes d’antan et ainsi, la restituer dans sa plus proche perfection. Ce passage m’a rappelé quelques souvenirs, l’année dernière, en juin, je visitais Le Musée de l’Archéologie de Naples, là où le narrateur va puiser son inspiration. Si vous séjournez dans cette ville italienne, octroyez-lui quelques heures dans votre programme, c’est un véritable joyau. Je ne résiste pas à partager avec vous quelques clichés :

La nature exposée d'Erri de LUCA

Outre la sculpture, c’est aussi la littérature qui est abordée et la nécessité de passer les livres, comme les hommes. Les livres sont autant de portes ouvertes sur le monde, le narrateur lui-même y a découvert la pluralité des hommes.


Les livres m’ont servi à connaître le monde, la diversité des personnes, qui sont rares dans le coin. P. 17

Erri de LUCA, avec ce personnage, porte un propos militant de solidarité pour tous ceux qui sont contraints de quitter leur pays d’origine. Ce roman est engagé, il se nourrit largement de se que pense l’auteur des lois et des frontières, des éléments qui ne sont pas naturels mais le fait des hommes. Une nouvelle fois, il fait de sa terre d’origine, à lui, une terre d’accueil. Napolitain, Erri de Luca dresse le portrait d’une cité ouverte sur le monde qui s’affranchit de la couleur de peau. J’ai été profondément de la rencontre du narrateur avec un ouvrier algérien et de leurs échanges :


Toi non, tu t’assieds, tu parles, tu poses des questions. Tu es quelqu’un et tu me fais aussi devenir quelqu'un. P. 129

Erri de Luca montre, s’il en était nécessaire, à quel point l’attention portée à l’autre peut lui permettre de se dévoiler, être soi tout simplement. La qualité du regard devient un révélateur de la personnalité, un moyen, non plus de vivre, mais d’EXISTER.

La plume d’Erri de LUCA est d’une grande beauté. Je vous conseille aussi « Le poids du papillon » et « Le jour avant le bonheur », deux romans d’une profonde sensibilité.

 
 

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2018-08-02T06:37:01+02:00

Celle qui plante des arbres de Wangari MAATHAI

Publié par Tlivres
Celle qui plante des arbres de Wangari MAATHAI
Hier, nous étions le 1er août 2018 et cette date est importante à plus d'un titre.
 
Côté environnement, elle correspond au "Jour du dépassement". Concrètement, à partir de maintenant, nous vivons au-dessus des ressources produites annuellement par la planète.
 
Chaque année, la date avance dans le temps. Même si les modes de calcul de cette date sont régulièrement critiqués, il n'en demeure pas moins que Dame Terre a bien chaud. 19 départements en France sont placés en vigilance orange. Partout dans le monde, des pays vivent actuellement des records de températures. Il semble bien que le réchauffement climatique soit désormais une réalité.
 
Loin de moi l'idée de tenir un propos militant, encore que, je voudrais profiter de ce triste événement pour faire connaître (si ce n'est déjà fait) l'action d'une Kényane en faveur de la planète.
 
Wangari MAATHAI, honorée par le Prix Nobel de la paix 2004, s'est malheureusement éteinte en 2011, mais tout au long de sa vie, biologiste et vétérinaire de formation, elle s'est investie en faveur de la reforestation (30 millions d'arbres ont ainsi été plantés dans son pays en 30 ans).
 
Si vous souhaitez découvrir cette femme hors du commun, je vous invite à lire son autobiographie qui rend compte de sa large mobilisation en faveur de l'avenir de son pays, et du monde tout entier. "Celle qui plante les arbres", publié initialement chez Héloïse d'Ormesson éditions, est désormais disponible en version poche dans la collection "J'ai lu".
 
Ce livre m'a profondément marquée, moi et ma famille (mes enfants verront dans cette chronique un brin d'espièglerie, ils connaissent son nom par cœur à force de l'avoir entendu !!!).
 
Ce qui me réjouit, outre de célébrer cette femme EXTRAordinaire, c'est de voir que son action perdure et qu'elle est portée dans le monde entier par l'Association "Plant for the planet".
 
Et si nous inversions le compte à rebours !

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2018-08-01T06:42:35+02:00

Mille petits riens de Jodi PICOULT

Publié par Tlivres
Mille petits riens de Jodi PICOULT

Quand les paroles d’une chanson résonnent profondément avec « Mille petits riens » de Jodi PICOULT publié chez Actes Sud... 
 

En 1968, James Brown disait « Say it loud I’m black and I’m proud ». En 2018, c’est exactement ce que revendique Ruth, sage-femme, poursuivie malgré elle dans une affaire qui prend ses racines dans un acte militant raciste.
 

Cinquante après, il semble malheureusement que les paroles de ce tube funk soient toujours d'actualité. Il serait pourtant urgent d'avancer, non ? 
 

Ce roman est un coup de coeur pour la finesse de son propos et sa capacité à nous interroger, personnellement, sur notre perception du sujet.
 

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