Un calendrier de l’avent de mes coups de ❤️ en version poche, ça vous tente ? Alors, c’est parti. J1, tapis rouge pour Sébastien Spitzer et « Ces rêves qu’on piétine » publié initialement aux Éditions de l'Observatoire et maintenant chez Le Livre de Poche. Une découverte réalisée avec les 68 premières fois 😉 http://tlivrestarts.over-blog.com/2017/12/ces-reves-qu-on-pietine-de-sebastien-spitzer.html
Nous sommes en mars 1885. Louise se réveille, enfin, comme chaque jour, c'est la dernière à ouvrir l'oeil et à daigner mettre le pied à terre. Toutes les autres femmes s'agitent déjà, se coiffent, s'habillent. Ses voisines de chambre, des "folles", répondent déjà aux ordres de Geneviève. Fille de médecin, elle est infirmière depuis une vingtaine d'années à La Salpêtrière, le haut lieu d'exercice du Professeur Charcot, neurologue. Pour rythmer la vie de l'établissement psychiatrique, il y a bien les expérimentations menées par Charcot sur Louise pour nourrir ses cours, mais il y a aussi un événement annuel qui met toutes ces femmes en ébullition, le bal de la mi-carême. C'est le moment où le tout Paris, entendez ces bourgeois bien sûr, vont assister au grotesque carnaval organisé pour mettre en scène des êtres privés de liberté. On vient à La Salpêtrière un peu comme si on allait au zoo. Alors, il faut qu'elles soient belles, ces femmes, et puis, les chiffons les occupent si bien, les émerveillent même, une véritable bouffée d'air dans un quotidien triste à mourir. Certaines s'en arrangent comme Thérèse, la plus ancienne de l'établissement, d'autres ne décolèrent pas comme Eugénie, enfermée par son père avec la complicité de son frère, pour ses propos troublant l'ordre moral. Et si le château de cartes si minutieusement construit venait à se fragiliser avec la révélation d'un terrible secret... là commencerait une toute nouvelle histoire, non ?
Victoria MAS, dans ce premier roman sélectionné par les fées des 68 Premières fois, lauréat du Prix Stanislas et du Prix Renaudot des Lycéens 2019, nous offre une galerie de portraits de femmes comme un miroir de la société française du XIXème siècle. Il y a Louise bien sûr, personnage largement inspiré d'une femme qui a réellement existé, Augustine, celle dont le corps a servi le Professeur Charcot pendant de longues années. Il y a Thérèse aussi que La Salpêtrière protège de l'environnement extérieur, au point de ne plus vouloir la quitter. Il y a encore Eugénie, une représentante de toutes ces femmes que l'on muselait à l'époque et que l'on internait pour les faire taire. Toutes ces femmes sont éminemment romanesques et donnent à voir la condition féminine de l'époque, des êtres sous le joug de la domination masculine !
Mais la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes sur elles-mêmes. P. 113
Ce roman a été une réelle lecture coup de poing pour moi, une lecture douloureuse pendant laquelle je n'ai pas décoléré je dois bien le dire.
Outre l'inégalité hommes/femmes qui me révulse dans tout ce qu'elle représente de soumission, il y a le traitement de la maladie mentale. Bien sûr, il faut replacer les choses dans leur contexte historique et mesurer toutes les avancées réalisées dans le champ de la psychiatrie pour arriver aux pratiques d'aujourd'hui. Si l'on peut imaginer que les traitements lourds assommaient les malades plus qu'ils ne leur offraient d'échappatoire :
Dormir permet de ne plus se préoccuper de ce qu’il s’est passé, et de ne pas s’inquiéter de ce qui est à venir. P 8
ce qui m'a le plus indignée, et de loin, c'est le fait que les expériences menées par le Professeur Charcot, sur le corps humain entendons-nous bien, soient mises au service de ses cours, et non de l'amélioration de l'état de santé de ses patientes, à la vie à la mort. J'ai été profondément touchée par cette finalité et suis très curieuse maintenant de savoir s'il s'agit d'une liberté que s'est offerte Victoria MAS avec la réalité. D'ailleurs, en lisant cette phrase, j'avoue que je m'autorise à le penser...
Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter. P. 249
Plus grotesque encore est l'organisation de ce carnaval. Mettre des internées, quand on connaît leur parcours, en scène comme des animaux, m'est juste insupportable. Vous comprendrez que ce livre, je m'en souviendrais longtemps pour tout ce qu'il éveille en moi et anime comme vent de colère. Si j'avais vécu à cette époque, peut-être m'y serais-je retrouvée enfermée ?
Chapeau à la toute jeune écrivaine, Victoria MAS, qui a réussit à me retenir jusqu'à la dernière page.
Parce que cette #RL2019 de septembre est particulièrement riche en émotions et que les fées des 68 Premières fois savent repérer le talent de primo-romanciers, mon #mardiconseil est celui de Victoria MAS « Le bal des folles » publié aux éditions Albin Michel.
Je vous en livre les premières lignes...
Le 3 mars 1885
- Louise, il est l’heure .
D’une main, Geneviève retire la couverture qui cache le corps endormi de l’adolescente recroquevillée sur le matelas étroit ; ses cheveux sombres et épais couvrent la surface de l’oreiller et une partie de son visage. La bouche entrouverte, Louise ronfle doucement. Elle n’entend pas autour d’elle, dans le dortoir, les autres femmes déjà debout. Entre les rangées de lits en fer, les silhouettes féminines s’étirent, remontent leurs cheveux en chignon, boutonnent leurs robes ébène par-dessus leurs chemises de nuit transparentes, puis marchent d’un pas monotone vers le réfectoire , sous l’œil attentif des infirmières.
Bienvenue à La Salpêtrière, dans l’antre du Professeur Charcot ! Ce roman historique, vous ne pourrez jamais l’oublier...
Nous sommes le vendredi 13 novembre 2015 à Paris. Après cette date, plus rien ne sera pareil. Raphaëlle et Antoine étaient dans un bar quand l'attentat du Bataclan a été perpétré. Une partie de la nuit, ils furent seuls au monde, comme en suspension. Leurs proches pensaient qu’ils étaient morts. Mais, le fait d'avoir vécu ensemble cette nuit de terreur et d'être toujours vivant ne pourra seul retenir leurs deux existences. Quand la relation se distend, que les regards finissent par manquer de complicité pour se porter sur d’autres, sur l'extérieur... il est parfois nécessaire de combler le vide pour trouver la voie de la résilience.
C’est le chemin que prend Raphaëlle en livrant comme une confession le récit de cet immense amour entre deux êtres qui ne faisaient qu'un.
Sur fond d'études universitaires, dans l’intimité de leur appartement, ils vécurent des moments de grâce, de ceux qui sont empreints de bienveillance, de douceur et d’ivresse. À l’intérieur des murs s’ouvrait le champ des possibles. C’est là qu’ils s’émerveillaient l’un de l’autre et qu’ils construisaient jour après jour une relation nourrie de passion. Les livres comblaient leur quotidien, chacun dans leur registre, c'est certain, mais peu leur importait alors. Leur cocon les préservait de l'environnement, des pressions extérieures tout simplement. C'était la fête, quoi !
Tomber amoureux, verbe du premier groupe. Avoir la sensation que la conversation avec une autre personne est illimitée, et souhaiter que la discussion, sans cesse, se poursuive. Apprécier les silences, les chérir. P. 60
L’histoire de Raphaëlle et Antoine est composée de 58 chapitres comme autant de petits cailloux ponctuant l’itinéraire d’un couple dans le grand Paris. Malheureusement pour leur union, l'un a roulé dans la chaussure, rendant les premiers pas douloureux et très vite, le fait de continuer à vivre ensemble impensable. S'ils avaient réussi jusque-là à surmonter leurs différences, bientôt elles s'édifièrent devant leur couple comme une frontière impossible à franchir.
Entre Raphaëlle et Antoine, il y avait une affaire de territoire, d'abord. Elle est née dans un quartier bourgeois, lui dans une cité à la périphérie. Le ver est dans le fruit.
Car le lieu induisait l’acte. C’était la géographie qui accusait. La cité qui, d’emblée, montrait du doigt. P. 97
Ils ont bien essayé de faire fi de leurs origines, de s’affranchir de ce déterminisme géographique mais il était beaucoup plus que ça. Il relevait aussi du social. Ils n’ont tout simplement pas reçu la même éducation.
Acculturation, nom féminin : processus par lequel un individu apprend les modes de comportement, les modèles et les normes d’un groupe de façon à être accepté dans ce groupe et à participer sans conflit. P. 101
Quand l’argent n’était pas un problème chez elle, voire qu’il solutionnait tout problème, il manquait chez lui et devenait le pilier incontournable de toute une vie, parasitant à jamais l’existence d’Antoine, hanté par la misère de ses parents.
C’est lorsque les projets n’ont de sens que pour ceux qui les conçoivent qu’on peut voir une complicité se nouer, un monde intime s’ériger. P. 50
Difficile dans ces circonstances de monter des projets à deux. Si l’on sait dès les premières lignes que Raphaëlle et Antoine se sont séparés, Lola NICOLLE réussit à conter une relation envoûtante, elle y traite de la passion amoureuse, de ces moments de fol espoir, et puis ponctue le récit d’étapes de la vie pour lesquelles on finit par oublier l’issue, mêlant suspense et frénésie.
Mais « Après la fête » porte bien son titre, c'est un roman social, grinçant, caustique, qui porte un regard désabusé sur notre société, cloisonnée, du XXIème siècle, la disgrâce, la voilà. Il témoigne de toutes ses fractures, aggravées lors du passage des études supérieures au monde professionnel mais ce n'est pas le problème de fond, non, juste un révélateur ! Et même si les soucis, l'inquiétude, l'angoisse de l'avenir succèdent à l'insouciance d'avant dans un laps de temps court, un moment de rupture fugace, j'ai vu dans cette lecture la révélation des fondements de nos vies comme autant de freins à sortir de notre univers familial, un peu comme si notre enfance nous conditionnait à vie. Nous ne naissons pas tous égaux, non ! Je sors de cette lecture avec une terrible gueule de bois, un peu comme un lendemain de fête.
J'ai adoré explorer avec Lola NICOLLE les enjeux du dedans et du dehors, du in et du out. D'ailleurs, la photographie de première de couverture témoigne bien de cette absence de porosité entre les deux univers. Tout est flou. Et même si l'on peut présumer d'une vie, de l'autre côté de la vitre, de points lumineux aussi, impossible de les décrypter.
J’ai été frappée, avec ce roman, par la capacité de Lola NICOLLE à décrire des scènes de la vie avec une profonde minutie. « Après la fête » est un roman d’atmosphère, j'ai vu Raphaëlle et Antoine, j'ai entendu leurs voix, j'ai ressenti leurs émotions. Mais ce n'est pas que ça, non, ce roman il est aussi écrit dans une plume éminemment poétique :
Tu avais compris ma grammaire et me traduisais à l’aide d’un alphabet qui te permettait de composer des phrases à chaque fois différentes. P. 40
Une nouvelle fois, les qualités de l'écriture sont remarquables. Bravo les fées des 68 Premières fois pour cette révélation.
Alors, quand l'équipe des bibliothèques d'Angers m'a proposé de présenter un roman de cette #RL2019, je n'ai pas hésité. Il y avait une place pour Vladimír VOCHOC, dont la mémoire est honorée aujourd'hui avec le mémorial Yad Vashem israélien édifié à Jérusalem, Josefa et sa famille, et puis cette poupée aux yeux de nacre.
Vous aussi, je vous souhaite d'
Ouvrir ce livre, c'est déverrouiller une porte bien cadenassée.
Merci infiniment à toute l'équipe des bibliothèques de m'avoir fait confiance ce soir (un véritable exercice que de présenter à l'oral l'un de ses coups de coeur !) et de m'avoir permis de (re)rencontrer Alexandre SEURAT. L'année 2020 sera ponctuée de quelques surprises mais chut !
Parce que cette #RL2019 de septembre est particulièrement riche en émotions et que les fées des 68 Premières fois savent repérer le talent de primo-romanciers, mon #mardiconseil est celui de Lola NICOLLE « Après la fête » publié aux éditions Les Escales.
Je vous en livre les premières lignes...
13 novembre. Balafre dans le calendrier.
C’est un anniversaire. Nous sommes dans un bar du dix-huitième arrondissement. Quelque chose se passe. Dans la nuit, une onde traverse Paris. Ni toi ni moi n'avons de batterie. Les autres doivent être inquiets. On hésite entre rentrer, rester là ; on ne comprend pas grand-chose. Et puis, on se décide. L'appartement n'est qu'à vingt minutes à pied. Il ne peut vraisemblablement rien nous arriver. Dans la rue, tu commences à pleurer. On marche vite. On grimpe au cinquième étage en courant, on met la clef dans la serrure, on se précipite à l'intérieur, on trouve nos chargeurs, nos téléphones, des prises, on allume l'ordinateur, on allume la radio, on allume toutes les lampes. Des dizaines de messages nous parviennent enfin.
Cela fait quelques heures que nous sommes potentiellement portés disparus. Pour la première fois en France depuis longtemps, sans nouvelles d'un proche, on peut supposer sa mort. Et on attend.
Ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas d'un énième roman sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris mais d'une toile de fond, d'un contexte historique dans lequel les dimensions du dedans et du dehors vont être déclinées avec une minutie remarquable par une écrivaine en herbe dont la plume est éminemment poétique. Ce roman est celui de la (dis)grâce !
Ma #lundioeuvredart est une création de Custy, graffeur. Avec cette grue royale souffle un vent venu d’Afrique sur les #Artsaucouvent.
Dans cette fresque, l’artiste dévoile la beauté du grand échassier, sa palette de couleurs, son panache de plumes dorées sur la tête qui lui donne un côté majestueux. Il rend hommage au monde ornithologique si précieux et pourtant si souvent menacé. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est l’oeil de l’oiseau. Si l’animal en a besoin pour chasser et assurer sa survie, j’y vois, moi, une invitation à se poser et à porter un regard attentionné sur les œuvres et le lieu qui les abrite.
Dans un cadre tout à fait exceptionnel, 6000 mètres carrés de bâtiments voués à la démolition au cœur d’un parc de 5 hectares sur Angers, et grâce à l’action de l’association Art Partner Project, une centaine d’artistes a relevé le pari fou de créer un événement éphémère avec un art qui l’est tout autant, le street art, une expression artistique qui me passionne.
Ma #lundioeuvredart est visible jusqu’au 15 novembre 2019. Après, ce seront les publications des réseaux sociaux qui assureront la mémoire des créations et du lieu revisité, une façon comme le signe si bien Rise Up Paint d'écrire son histoire :
Si T Livres ? T Arts ? peut modestement contribuer à partager et promouvoir ces créations, j’y souscris... sans modération !
Un immense bravo à la jeune femme sans qui ce projet n’aurait jamais pu voir le jour : Doris KOFFI. Elle incarne à elle seule cette génération pleine de ressources, d'énergie, de fougue aussi. En quelques mois, elle a remué des montagnes pour nous livrer ce labyrinthe artistique, juste sensationnel !
Avec ce premier roman, Géraldine JEFFROY remonte le fil du temps. Nous sommes en 1892. Eugénie, fille unique d’artisans-commerçants, sans distinction particulière au grand damne de sa mère, part passer l’été au service de Madame Courcelle, une châtelaine, veuve, qui agit en maître sur le château de l’Islette. Nous sommes dans la vallée de l’Indre. Là, Marguerite, passe l’été chez sa grand-mère. Elle n’a que 6 ans. Et puis, arrivent dans les lieux, deux artistes, RODIN et Camille CLAUDEL qui y installent depuis plusieurs années leur atelier d'été. C’est là que prirent forme La Valse et La Petite Châtelaine de Camille CLAUDEL. C’est aussi là que RODIN esquissa Balzac. C’est cet été-là enfin que Claude DEBUSSY composa L’Après-midi d’un faune, le musicien et ami avec qui Camille CLAUDEL entretient un échange épistolaire.
Ce roman est narré par la voix de la jeune femme, tout émerveillée de découvrir non seulement une famille mais aussi de côtoyer l’art dans ce qu’il a de plus majestueux. C'est dans ce Château qu'elle aura la chance, le jour, de s'introduire avec la petite Marguerite dans l'atelier de Camille CLAUDEL, elle entendra aussi, la nuit, tout un tas de bruits liés, soit à la sculpture, soit aux colères et autres scènes de ménage entretenues avec RODIN.
Géraldine JEFFROY fait toucher du doigt les exigences de la création artistique et nous livre un passage d'une profonde sensualité dans le rapport établi entre Camille CLAUDEL et la matière :
Elle semblait vouloir prolonger la joie tactile des premières caresses, elle était avec sa terre comme une mère réanimant son petit frigorifié. Les narines palpitantes, elle la reniflait comme on renifle une peau aimée, l’odeur de lait du nourrisson, puis elle s’éloignait, étourdie, elle ouvrait grand la fenêtre et respirait l’air pur le visage tourné vers les arbres. P. 77
Si Géraldine JEFFROY relate une histoire d’amour tumultueuse entre Camille CLAUDEL et RODIN, j’ai personnellement beaucoup apprécié les lettres échangées entre la sculptrice et le musicien, une correspondance où le naturel reprend ses droits. Sur le ton de la confession, Camille CLAUDEL lui livre ses doutes, ses états d'âme :
Ici, ma Valse mûrit doucement à force de recherches, d’essais heureux ou malheureux. Le drapé sur les jambes de ma danseuse a fini par trouver sa forme et le haut des corps m’a donné quelques peines. Le mouvement des bras, l’impression de leur courbe, l’opposition des mains, l’inclinaison des têtes, l’expression des visages, tout cela fut soumis à de longues réflexions qui m’ont laissée exsangue. P. 80/81
Souvenons-nous qu'à cette époque, Camille CLAUDEL n'a pas trente ans.
Inspiré de l'histoire vraie de Camille CLAUDEL, le propos est éminemment romanesque. La plume est belle et délicate, le jeu narratif intéressant mais il en faudrait bien plus que 119 pages pour me satisfaire. Géraldine JEFFROY a tout juste réussi à m'ouvrir un immense appétit. Si d'aventure vous connaissez d'autres romans autour de l'artiste Camille CLAUDEL, c'est avec un très grand plaisir que je m'y plongerai.
Celui-là, je l'avais reçu dans le cadre des 68 Premières fois, il était sur la chaise qui me sert de chevet, là où un extrait de ma PAL siège, il attendait son heure. Il s'est en réalité fait une place, très tôt. Réveil difficile à 4h30, 1/2 heure à tourner sans espoir de me rendormir. Je m'en suis saisie, je l'ai lâché après avoir parcouru la chute, et quelle chute, à 7h30 !
Tout commence avec une scène funèbre, le suicide d'Oscar, un jeune garçon, avec les cordes d'une balançoire pour enfants. Nous sommes sur un terrain de camping des Landes, en plein été. Léonard a 17 ans, il y passe sa dernière nuit, le lendemain sera le jour du départ de la famille. Il n'arrive pas à dormir, quitte sa toile de tente et se met à déambuler de nuit. C'est là qu'il assiste au spectacle macabre. Tétanisé par le regard hagard de l'adolescent, incapable d'agir, il reste là à attendre le dernier souffle d'Oscar. Pris de panique, il l'enterre dans le sable de la dune en espérant que le cadavre ne soit jamais découvert. A partir du lever du soleil, implacable, une nouvelle histoire commence !
Ce roman, je l'ai pris en pleine figure dès les premières lignes, happée par la scène, questionnée par les motivations des adolescents, l'un de mettre fin à ses jours, l'autre de monter un scénario imprévisible. Je ne l'ai plus lâché parce qu'il faut bien le dire, le tout jeune écrivain, Victor JESTIN, sait tenir en haleine son lecteur.
Si l’alternative du corps enseveli ne tient pas, ce qui est fascinant c'est la force de caractère dont fait preuve Léonard face à celles et ceux qui l'entourent la journée suivante. Il y a ses parents bien sûr, il y a la mère d'Oscar, il y a aussi une jeune fille, celle dont il a rêvé pendant toutes les vacances. Saura-t-il la séduire au moment où sa vie paraît la plus fragile, lui, le jeune homme timide, qui n'aime pas les fêtes, se plaît seul, loin de tous, ne supportant pas le simple principe de devoir afficher le bonheur d'être en vacances alors même qu'il est malheureux comme les pierres, ne trouve pas sa place, ne sait comment approcher les filles ? Quant à passer à l'acte... sexuel, ça reste encore un sujet difficile pour lui.
Avec "La chaleur", on ressent jusque dans les pores de la peau les tribulations d'un corps pubère qui se cherche dans ses dimensions d'adulte, la testostérone débordante, le désir jubilatoire de la première fois, l'ivresse...
Avec cette journée EXTRAordinaire, il y a quelque chose qui relève de la transition, du corps bien sûr mais aussi de la vie plus généralement, le passage de l’adolescence à l’adulte, de l’avant et de l’après première fois...
A l’image des « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » de Stefan ZWEIG, il y a maintenant les vingt-quatre heures de la vie de Léonard, celles qui vont tout changer, taraudées par un sentiment de culpabilité, assaillies par une température caniculaire, empreintes d’une faille qui ouvre la voie de tous les possibles...
Ce roman, je l'ai lu d'une traite, en apnée totale. Je n'ai pas pris le temps de noter une citation, c'est dire !
En fait, Victor JESTIN a beaucoup de talent, une plume à suivre, c'est certain.