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2018-02-28T20:54:23+01:00

Les crocodiles de Thomas MATHIEU

Publié par Tlivres
Les crocodiles de Thomas MATHIEU

Editions Le Lombard
 

Aujourd’hui est un jour un peu particulier. Nous sommes le 28 février 2018, une centaine de femmes du cinéma français appelle aux dons pour soutenir les associations investies en faveur des victimes d’agressions sexuelles et de viols. C’est aussi aujourd’hui qu’est rendu public un rapport remis au Gouvernement par cinq parlementaires proposant une amende pour « outrage sexiste et sexuel ».


Les médias se déchaînent régulièrement sur des affaires. Une tribune publiée dans le Journal Le Monde il y a un peu plus d’un mois a généré une polémique entre passionné(e)s.


Certes, il y a encore à travailler à la libération de la parole des femmes, mais aujourd’hui est venu le temps de définir un cadre juridique pour envisager des sanctions en cas de non-respect.
L’#HDR ou harcèlement de rue est régulièrement évoqué. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Plus encore, qu’est-ce que le sexisme ordinaire ?

Les crocodiles de Thomas MATHIEU

Et bien, il y a quelques années, Thomas MATHIEU s’est posé la question. Pour y répondre, il a lancé sur internet le Projet crocodiles. Sa vocation : collecter des témoignages dans la perspective de les dessiner. Quelle idée lumineuse il a eu ! Ainsi est née une BD : « Les crocodiles ».


Thomas MATHIEU a pris le parti de représenter les hommes sous les traits de crocodiles. Il souhaite ainsi mettre le doigt sur un problème qu’il juge de société.


Outre des saynètes de la vie quotidienne qui permettent d’illustrer les faits et d’en mesurer les effets sur les individus, en l’occurrence, les femmes, Thomas MATHIEU donne la parole à 4 personnes en postface : Lauren PLUME, Irène ZEILINGER impliquée de longue date dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Anne-Charlotte HUSSON et enfin le collectif Stop harcèlement de rue. Son propos est participatif et mérite, ne serait-ce qu’à ce titre, d’être remarqué !


Cette BD est un véritable outil pédagogique. Objectif de l’auteur atteint !


Il donne effectivement à voir la diversité des situations en prenant le soin d’aborder tant l’intimité privée que l’espace public, et force est de constater qu’elles sont nombreuses. Certaines planches résonnent plus avec nos propres réalités et viennent ainsi nous questionner sur notre degré de jugement. A partir de quand et dans quelles conditions est-ce que je me sens agressée ? Qu’est-ce qui relève de l’acceptable et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
 

Les crocodiles de Thomas MATHIEU

Thomas MATHIEU va encore plus loin en offrant un panel de comportements en réponse, élargissant ainsi le champ des possibles. Alors que la pudeur et la honte pourraient pousser certaines femmes à s’isoler et à se taire, l’illustrateur représente des femmes qui s’indignent, se révoltent, mettent des mots sur des faits, des émotions, des sentiments, et s’affirment en tant que femme. Je crois fondamentalement en la prévention et à ce titre, il me semble que cet album soit précieux pour la dimension éducative qu’il revêt. Pour permettre une évolution culturelle de notre société, il y a certainement mille et une manières d’agir mais celle de savoir de quoi on parle me paraît être un préalable.
 

Les crocodiles de Thomas MATHIEU

Avec cet album, Thomas MATHIEU nous offre la possibilité de poursuivre le débat sur un sujet sensible qui demande à être dépassionné.


Bien sûr, le graphisme est en harmonie avec le sujet, le coup de crayon noir est agressif et violent comme le sont les scènes abordées. Pour certains, il peut paraître désagréable, pour moi, il est nécessaire. S’agissant de la couleur accordée exclusivement aux crocodiles, le procédé est audacieux mais contribue largement à la prise de conscience du phénomène. Ne nous voilons pas le face, le sujet est grave et la menace omniprésente.


Je crois toutefois que nous vivons actuellement une formidable étape en matière de féminisme, de celles qui permettent de penser qu’un jour, hommes et femmes seront véritablement égaux.
 

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2018-02-28T07:00:00+01:00

La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose de Diane DUCRET

Publié par Tlivres
La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose de Diane DUCRET

Editions Flammarion
 


Il y a un an, je lisais « Les indésirables », le roman historique de Diane DUCRET dans lequel elle évoque la mémoire du Camp de Gurs dans les Pyréenées. C’était avec les Lecteurs.com, un véritable coup de coeur.

Aujourd’hui sort son tout novueau roman que j'ai eu l’immense plaisir de lire en avant-première, un grand merci à l'auteure et sa maison d'édition.

Là, le sujet est contemporain et la plume acérée. Je vous explique :

Enaid est dans un taxi, nous sommes au mois de mai, en Pologne, à Gdansk. Elle se rend à une conférence dédiée aux droits des femmes. Elle reçoit un appel téléphonique de son compagnon. Depuis 3 mois, ils coulent le parfait amour, enfin presque, il lui annonce qu’il la quitte. Le choc à peine encaissé, elle reçoit un nouvel appel sur son mobile. Cette fois, il s’agit de sa mère biologique qui lui annonce qu’elle souffre d’un cancer généralisé et qu’elle souhaite la voir. Enaid a 33 ans, elle ne l’a pas vue depuis une trentaine d’années. Sa vie est en train de basculer !

Ma première impression avec ce roman de Diane DUCRET, c'est une invitation au voyage. Tout commence avec Gdansk, les chapitres se suivent et ne se ressemblent pas. Chacun porte le nom d'une ville (ou presque, L'Amérique étant l'exception !) : Paris, San Sebastian, San Diego, et bien d'autres encore. Ces villes sont autant d'étapes du parcours initiatique d'Enaid mais plus qu'une excursion à travers les continents, c'est un voyage intérieur que nous propose l'écrivaine.

Dès les premières lignes, j’ai été happée par le destin de cette jeune femme. Diane DUCRET n’y va pas par quatre chemins. D’emblée, elle annonce les événements et puis ensuite, s’attache, tout au long du roman, à dérouler le fil de la vie d’Enaid. Si pour certains, c’est un long fleuve tranquille, pour Enaid, nous sommes plutôt en eau vive, sa navigation est plus qu’instable et devant elle se multiplient les rapides et autres précipices.

D’abord, il y a cette rupture amoureuse. Diane DUCRET dresse un portrait satirique des relations humaines du XXIème siècle, totalement dénuées de bienveillance et délicatesse.


[...] le mot « aimer » est utilisé pour tout et n’importe quoi, les grands sentiments s’expriment dans de petites émoticônes, le sexe est devenu facile, les insécurités de tous ont pris le dessus, cela n’est plus si grave de décevoir quelqu’un, cesser de répondre ou disparaître est aujourd’hui une option qui n’est plus honteuse. P.15

Les relations humaines commencent à bien mal porter leur nom. Elles m'indignent, m'exaspèrent, me révoltent. Nous vivons dans un environnement en mutation. Il perd ses repères. Pas même un brin de dignité ne résiste. 

Cette séparation focalise aussi sur le statut des femmes, celles-là mêmes pour lesquelles elle était venue. Alors que l'interview dans un studio de radio polonais pouvait prendre une tournure d'intérêt général, Enaid se retrouve cruellement confrontée à sa propre réalité, intime, personnelle, singulière. Elle perd pied.


Quelque part entre le féminisme et l’horloge biologique, j’ai perdu le nord. P. 24

J'avoue avoir ressenti alors une profonde émotion. Et même si Diane DUCRET essaie de donner un peu de légèreté, les mots sont justes et résonnent à plein régime.

Et puis, il y a cette affaire familiale, un abandon quand elle n’avait que 3 ans, l’accueil dans une famille d’adoption et puis une escapade volée. J’ai été frappée par la fulgurance des événements. Les descriptions sont telles que vous imaginez tout à fait être vous-même à bord de cette voiture qui roule à vitesse folle, les cheveux au vent, dévorant avec gourmandise et frénésie les instants de liberté dont chacun sait qu’ils sont comptés.

Il y a comme un emballement du rythme de la vie d'Enaid, une énorme bouffée d'air mais à quel prix ? Sa mère sera rattrapée par la police et sera condamnée. Elle sera déchue de ses droits parentaux.

Le retour à la maison est d'autant plus douloureux. Alors, la famille part à la recherche d'une activité qui permette à Enaid de se libérer du poids qui pèse sur elle. Elle découvre l’équitation et là, c’est une véritable cure de jouvence. La jeune fille est accueillie à la semaine dans un milieu homosexuel. Elle fait l'objet de délicates attentions qui mettent un peu de baume sur son coeur. Elle est en confiance, jusqu’à la chute, une terrible chute qui ruinera à jamais ses espoirs dans le domaine. C'est à ce moment-là qu'elle commence à marcher comme un flamand rose, nous y voilà ! En réalité, elle s'appuie sur la jambe qui veut bien encore la porter. 

Alors commence une période d’adolescence chahutée avec les pires aventures. Elle met en danger sa vie, son corps. Tout meurtri qu'il est, elle va l'agresser encore et encore. Elle boit, elle consomme des stupéfiants, des mélanges de cachets distribués à la volée. Elle entretient un jeu farouche avec ce qui lui reste. 

Il faut dire que la blessure d’Enaid est profonde et ce ne sont pas les images qu’elle se fera tatouer sur le corps qui l’effaceront. Enaid est dévorée par le manque. Elle est en quête d'une mère, d'un père. Toute sa vie, elle a vécu avec des fantômes de parents dont elle ne savait presque rien. Elle leur en veut terriblement.


Les bêtises d’adultes, ça change la vie des enfants. P. 269

A cela s'ajoute un secret de famille, lourd, très lourd. Il pèse sur ses frêles épaules. Elle ne le découvrira que tardivement, comme vous. Impossible bien sûr de vous en dévoiler de quelconques détails.

J’ai personnellement été profondément touchée par le mal-être de cette jeune femme et sa difficulté à se construire alors que les fondations elles-mêmes sont inachevées :


Lorsque l’on est seul sur la chaîne de l’hérédité, perdu entre deux générations qui ne veulent pas être, on ne se sent pas véritablement exister, comme si aucune place ne nous avait été destinée et qu’il fallait la faire tout seul, à la force des bras, des mains, des dents. P. 259

Le sort d'Enaid est cruel et la plume de Diane DUCRET est sans concession. Elle est sarcastique, décapante, et quand pointe l'humour, il est noir. La jeune femme est désabusée et pourtant, il y a de l’espoir. Elle est comme ce flamand rose de l'histoire contée par sa maman :


Il n'y volait pas vite peut-être, mais libre. P. 264

Si je ne devais retenir qu'une image de ce roman contemporain, ça serait celle-ci. Celle d'une femme que rien n'a épargnée, celle  d'une femme meurtrie, mais celle aussi et surtout d'une femme qui assume sa LIBERTE.


Cette lecture me laisse chaos, c'est un véritable uppercut, de ceux qui vous marquent pour très longtemps. 


Quelques allusions laissent à penser qu'Enaid pourrait être le reflet du miroir de Diane. Si le roman est autobiographique, alors, Madame DUCRET, je vous dis "Chapeau" ! Et si vous pensez que "La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose", je veux bien vous croire, sur parole. 

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

- L'Attrape-souci. de Catherine FAYE

- Bénédict.de Cécile LADJALI

- L'atelier des souvenirs.d'Anne IDOUX-THIVET

- La nuit je vole de Michèle ASTRUD

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2018-02-27T07:00:00+01:00

La nuit je vole de Michèle ASTRUD

Publié par Tlivres
La nuit je vole de Michèle ASTRUD

Editions aux Forges de Vulcain

 

Cette maison d'édition, vous la connaissez, n'est-ce pas ? Il s'agit de l'éditeur de Gilles MARCHAND : "Une bouche sans personne" et plus récemment "Un funambule sur le sable". Il y a eu aussi "#Martyrsfrançais" d'Alexis DAVID-MARIE

Son offre est éclectique, surprise assurée à chaque nouveau roman. Celui de Michèle ASTRUD n'est pas pour me contredire.

Michèle, architecte, partage sa vie avec Guillaume, entrepreneur. Ils s'offrent quelques jours de vacances, en montagne. Là se passe quelque chose d'extraordinaire, Michèle est retrouvée au sommet d'une falaise de calcaire. Dans son sommeil, elle s'est envolée, a franchi des sommets. Deux secouristes arrivés en hélicoptère la prennent en charge. Et puis, une autre fois, c'est au sommet de la basilique de la ville qu'elle se retrouve. Guillaume est pris d'inquiétude pour sa femme. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il regarde avec suspicion son épouse. Elle, non plus, ne comprend pas. Petite fille, elle était somnambule, mais rien de plus. Bientôt Michèle devient la star de la presse locale qui s'intéresse à ses pouvoirs surnaturels. Et puis, il y a cette proposition, celle d'apprendre à maîtriser ce don. Une toute autre vie commence alors. 

Dès les premières lignes du roman, vous êtes transporté(e)s, au sens propre comme au figuré. Qui n'a pas rêvé un jour de voler ? C'est le don qui est donné à Michèle, mais elle ne l'a pas souhaité. Toute la première partie ressemble à un thriller psychologique, de ceux qui vous happent, vous prennent à la gorge et vous tiennent solidement jusqu'au dénouement. 

Alors que ce couple vivait de façon fusionnelle, une faille s'immisce dans leur intimité.
 


La même volonté, les mêmes besoins et ambitions, inséparables, depuis notre rencontre et jusqu'à présent. Et brusquement, une déchirure. P. 19

La vie de ce couple est chahutée par les événements nocturnes que vit Michèle. La spirale infernale s'emballe. 

Ce roman, c'est un conte onirique. L'espace d'une lecture, vous voilà replongé(e)s dans les brumes de l'enfance, porté(e)s par la magie féerique. C'est un voyage fantastique que nous offre Michèle ASTRUD avec ces escapades nocturnes qui permettent, comme par enchantement, de se retrouver dans des sites totalement inaccessibles. Naturels ou urbains, ils fascinent. Michèle, elle, peut les atteindre, sans heurt, sans blessure, portée par les éléments.
Bien sûr, ce roman ne manque pas de nous interpeller sur les pouvoirs de l'être humain. Relèvent-ils de la simple capacité physique, ou bien, de l'âme ? Et là, nous entrons dans le champ du mystère, voire peut-être de l'ésotérisme. Plus rien n'est rationnel, plus rien n'est scientifique.

Ce roman original allie parfaitement le monde de la réalité et celui de l'imaginaire. Il y a tantôt cette vie, organisée, à la limite de la routine, et tantôt celle composée d'envolées extatiques, de parenthèses parapsychiques. J'aime à penser qu'il s'agit d'une métaphore de l'homme moderne, partagé entre ce que la vie peut lui offrir de confort et d'aisance matérielle et cette aspiration à tout quitter, ce besoin d'émancipation pour ne garder que l'essentiel. 

J'ai beaucoup aimé tous ces passages en souvenir du grand père, un homme épris de nature, sérénité et liberté. Petite fille, il l'enchantait. Avec lui, elle partageait des moments d'intense complicité :


Il riait, c'était si rare, ça ne se produisait que lorsque nous étions seuls tous les deux, jamais quand mes parents étaient là, et il le faisait toujours en silence, discrètement, les rides autour de ses yeux se creusaient, ses dents magnifiques à l'émail intact apparaissaient. P. 186

Avec ce roman, j'ai découvert la plume de Michèle ASTRUD, fluide, poétique, rythmée par des fulgurances, pleine de suspens. Sa singularité a sû me captiver, je crois que je vais rechuter !  
Je voudrais dire un mot pour la première de couverture. Aux Forges de Vulcain, elles sont toujours pleines de fantaisie, celle-là peut-être un peu moins que les autres mais ô combien révélatrice de la légèreté de l'être. 

Enfin, impossible de vous quitter sans évoquer une très jolie chanson, celle de Calogero dont le titre comporte un brin de ressemblance avec  celui du roman de Michèle ASTRUD : "Voler de nuit". En réalité, les similitudes sont beaucoup plus grandes ! Ecoutez et laissez-vous porter par la magie de l'instant !

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

- L'Attrape-souci. de Catherine FAYE

- Bénédict.de Cécile LADJALI

- L'atelier des souvenirs.d'Anne IDOUX-THIVET

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2018-02-26T07:54:34+01:00

Open doors de Didier LOCKWOOD

Publié par Tlivres
Open doors de Didier LOCKWOOD

Aujourd'hui, c'est en musique que je vous propose de commencer la semaine.

Je voudrais rendre hommage au grand artiste, Didier LOCKWOOD, décédé le 18 février dernier d'une crise cardiaque. Il avait 62 ans.


Cet homme était un violoniste de jazz français, il était plus largement un musicien de génie.

Cet homme était aussi un passeur de passion, il a notamment créé une école où il enseignait l'improvisation.

Artiste dans l'âme, il faisait ce pas de côté, sortait du cadre (je crois que la pochette de son dernier album "Open doors" représente très bien cet état d'esprit !).

Didier LOCKWOOD aimait faire "parler la musique" pour notre plus grand plaisir.
 

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2018-02-24T08:52:23+01:00

Quand un mois laisse sa place à un autre...

Publié par Tlivres

J'ai pris un peu de retard en ce début d'année 2018, il faut dire que la rentrée littéraire est particulièrement riche !


Comme vous le savez, je la croque comme un Petit Lu et je puis vous assurer qu'elle est savoureuse à l'envi.


Place aux coups de coeur !

 

Une verrière sous le sable de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT - 1er roman

Une longue impatience de Gaëlle JOSSE

Pays provisoire de Fanny TONNELIER - 1er roman

Des premiers romans sont entrés dans la sélection des 68 Premières fois, immense joie !
 

Tous ont trouvé leur place Aux Bouquins Garnis dans le cadre du Challenge de la Rentrée Littéraire !
 

 

Des rencontres-dédicaces très chaleureuses avec des échanges merveilleux autour de la littérature :


Valentine GOBY et Charlotte BOUSQUET à La Bulle de Mazé

Alexandre SEURAT à la Librairie Richer à Angers

et Gaëlle JOSSE à la Librairie Doucet au Mans
 

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2018-02-23T18:03:00+01:00

Illettré de Cécile LADJALI

Publié par Tlivres
Illettré de Cécile LADJALI

Actes sud
 


Et de 2 ! 2 quoi ? 2 romans de Cécile LADJALI lus en une semaine.


Bien sûr, il y a la perspective de la rencontre dédicace du samedi 24 février à la Librairie Richer sur Angers mais pas que. En réalité, je suis tombée sous le charme de l'immense talent de Cécile LADJALI, une plume subtile, érudite, juste, qui résonne profondément en moi. Je ne peux que regretter de ne pas l'avoir découverte plus tôt, mais, bref, la vie est ainsi.


Il y a donc eu "Bénédict", publié très récemment, et je vous présente aujourd'hui "Illettré", un roman très émouvant, un brin militant. Je vous explique.


Enfant, Léo a vécu dans une caravane avec ses parents. Commerçants non sédentaires, ils vendaient des articles militaires. Quand il n'avait alors que six ans, ils ont tout simplement disparu. Il se sont volatilisés sans laisser d'adresse, pas même un baiser d'au revoir. C'est sa grand-mère Adélaïde qui a pris le relais et l'a élevé. Attentionnée, elle lui a offert tout son amour. Malheureusement, ça ne sera pas suffisant pour permettre à Léo de réussir à l'école. A l'adolescence, le peu appris s'est envolé. Exempté du service militaire notamment à cause de son analphabétisme, Léo a dû chercher sa voie. C'est ainsi qu'il est entré à l'usine, dans une imprimerie où il travaille sur des machines. L'une d'elles lui a sectionné deux doigts. Léo n'avait pas anticiper le danger, impossible pour lui de lire les consignes de sécurité. Mais Léo mesure bien la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Sa grand-mère Adélaïde, une vieille dame, se repose désormais sur lui. Ses fragilités à elles, de santé, exigent des soins. Elle est hospitalisée mais ça ne l'empêche pas d'être heureuse. Elle reçoit la visite de son petit-fils régulièrement avec des fleurs et une jolie carte postale pour la faire rêver, sa grand-mère. Léo mène sa vie d'adulte, il a un appartement. Mais il se rend compte tous les jours de son handicap. Alors, il se prend lui aussi... à rêver !


Ce roman est d'une immense beauté.


Tout d'abord, il y a des relations humaines exceptionnelles, pleines de tendresse et d'émotion. Même si le chemin de Léo est semé d'embûches, le petit-fils a réussi à préserver avec sa grand-mère la candeur des premiers instants. Entre ces deux naufragés de la vie règne une formidable complicité, un lien indéfectible dans la grand-parentalité. J'ai été bouleversée par cette escapade à la mer. La découverte par Adelaïde de l'océan, sa main passée dans l'écume des vagues, ses pieds délicats et fragiles trempés dans l'eau fraîche de Querqueville, un moment de grâce et tous les sens en moi, une aventure comme on voudrait tous en vivre.


Il y a ces très beaux souvenirs de petits-déjeuners, tendres et pleins de gourmandise.


Rousse et onctueuse, la dentelle de froment le reconduit aux années de l'enfance, aux petits matins dans l'appartement qui embaumait le café, à la cuisine pleine de l'odeur du petit-déjeuner qu'Adélaïde avait préparé pour lui. Le sucre mélangé au beurre fondu produisait dans la bouche un crissement suave qui resta longtemps associé à ces heures sans école (car la recette requérait un temps pour la préparation et la dégustation qui s'ensuivait, aussi ne pouvait-on s'atteler à une tâche aussi impérieuse que le mercredi ou le week-end). P. 108

Malheureusement, la vie quotidienne de Léo est aussi marquée par un terrible fardeau. Le poids de la honte l'empêche de marcher tête haute et de gonfler le buste. Le jeune garçon se rend compte, tous les jours, du handicap de son illettrisme. Il le rend responsable de son salaire insignifiant et des conditions de vie de sa grand-mère accueillie à l'hôpital plutôt qu'en maison de retraite. Il est dépendant, aussi, des autres. Impossible pour lui de déchiffrer le moindre courrier. Alors, il demande à la Madame Ancelme, la concierge, de bien vouloir lui en faire la lecture. Cette situation est terriblement dégradante, il en souffre jusque dans les pores de sa peau.


Bebel et Léo ont en commun la honte. Elle est tenace, constante. Elle a modifié leur corps : démarche hésitante, épaules en creux, yeux baissés, hoquet des syllabes, le pied qui râpe et n’ose franchir une ligne imaginaire qui terrifie. P. 86

Pour pallier cette carence, Léo a développé son sens de l'observation. Il porte sur les gens un regard pénétrant, de celui qui permet de les apprécier, de mesurer leur bienveillance et de juger de leur confiance. 
 


Il décèle la beauté là où les hommes ordinaires ne la remarquent jamais. P. 87

C'est donc assez naturellement qu'il sera attiré par son voisin, cinéaste, un homme de la nuit, comme lui. Mais Léo, lui, rêve de culture, il voudrait pouvoir jouer des mots, les adopter...
 


Savoir mettre les mots au monde lui aussi. Enfanter le langage, inventer des combinaisons de lettres, et traverser les scories écrites sans trébucher dans la forêt des signes. P, 148

Et des mots, il y en a plein les livres. Léo a conscience, chaque jour, de son pouvoir limité, y compris sur sa propre vie. Léo voudrait pouvoir choisir, il aimerait être libre et aller encore plus loin dans son approche de l'humain.


Avec les mots, il serait le maître de son destin, il pourrait aimer. Les livres sont l’examen de la vie. Un miroir où l’on se voit, par lequel on se connaît, où l’on apprend à nommer et à cesser de subir. P. 128

Tout son être porte les stigmates de cette différence invisible. Alors, entre la vie et la mort, il entretient un subtil équilibre. Le roman est ponctué de visites au cimetière de Saint-Ouen. Là-bas, il tient une conversation imaginaire et, au fil d'un dialogue, nous dévoile un peu plus de sa personnalité. Cécile LADJALI opte ici pour une narration à la première personne du singulier, un exercice littéraire audacieux, parfaitement maîtrisé, dans un roman narré comme un tableau pourrait être brossé.


Avec ce livre, "Illettré", l'écrivaine dévoile la misère dans laquelle sombre Léo et porte, plus généralement, un regard critique sur ce qui ressemble à des quartiers populaires. L'urbanisme du logement social y a négligé jusqu'à l'intimité de ceux qui y habitent, rendant impossible une vie préservée des regards mal attentionnés et des oreilles indiscrètes. Des structures développent des actions en faveur des publics fragiles mais leur jettent à la figure toute leur précarité, à l'image de ce centre d'insertion médico-social qui accueille Léo pour des cours de français à l'étage des "Troubles du langage". Cécile LADJALI frappe plus fort encore avec le personnage de Susan Mars, une intervenante aux pratiques infantilisantes.
 


Atterré, il observe ses compagnons d’infortune dans la classe transformée en zoo :
A comme âne,
B comme baleine,
C comme canard. P. 145

Alors, on pourrait hâtivement faire le procès à Cécile LADJALI de dresser un portrait imaginé d'une société marginalisée. Mais ça serait sans compter sur son expérience de tous les jours auprès d'élèves notamment de quartiers défavorisés. Elle fut d'ailleurs récemment interviewée par Léa SALAME sur France Inter dans le 7/9 de Nicolas DEMORAND sur la réforme du baccalauréat. Son propos est engagé, sa lutte contre l'illettrisme est son combat de tous les jours. Je vous laisse l'écouter.


Mais si vous préférez que nous nous quittions en musique, je vous propose "Human Fly" de The Cramps. Si vous ne savez pas encore pourquoi, je vous invite tout simplement à lire "Illettré" !

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2018-02-22T07:41:52+01:00

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE

Publié par Tlivres

 

Parce que le dernier roman de Mathieu TERENCE, "Mina Loy, éperdument" publié chez Grasset, résonne encore en moi et qu'il est porteur d'un message que je vénère, je vous propose cette citation qui, pour les passionné(e)s de littérature que vous êtes, ne manquera pas de vous accompagner toute la journée, voire plus encore !  

Si vous ne connaissez pas encore ce livre, je vous le conseille "éperdument".

 

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2018-02-21T07:00:00+01:00

La légèreté de Catherine MEURISSE

Publié par Tlivres

 

Dargaud éditions
 

Il y a des BD que l'on choisit pour leur graphisme, d'autres pour leur titre ou leur 1ère de couverture, d'autres encore pour les illustrateurs et/ou la maison d'édition, d'autres enfin pour le message qu'elles véhiculent.


Cet album, je l'ai choisi (une fois n'est pas coutume) en mon âme et conscience.
Catherine MEURISSE, la scénariste et illustratrice, faisait partie de l'équipe de Charlie Hebdo. Dessinatrice de presse, elle est l'une des rescapés des attentats du 7 janvier 2015. Une panne de réveil pour le meilleur... ou pour le pire. Dans cette tragédie, elle a perdu des collègues mais aussi des amis, des compères avec lesquels elle partageait un état d'esprit, la LIBERTE.

Cette BD qui évoque la perte d’êtres chers donne réserve à l'être endeuillé un tout petit format, montrant ainsi sa difficulté à occuper une place dans un environnement social, urbain... qui paraît surdimensionné. Ces images témoignent de l'incapacité de l’individu à y prendre prise, un peu comme une marionnette dont subitement une partie des fils auraient été coupés, ceux-là mêmes qui assuraient le lien au monde.


Ce qui m’y a fait d’autant plus penser, c’est que le corps tout entier, avachi, avec des épaules basses, porte les traces des événements.


Et puis, c’est aussi l’effroyable solitude qui m’a profondément marquée. Il y a cette femme, et si peu d’humains autour. Il faut dire que Catherine Meurisse dévoile une histoire d’amour compliquée, elle est la maîtresse d’un homme marié avec enfants qui renonce à quitter sa femme pour vivre pleinement cette relation. 


Elle se retrouve seule pour surmonter un traumatisme incommensurable qui, de surcroît, va mobiliser les foules. Il y a quelque chose de profondément troublant dans le paradoxe de la situation. La société française et étrangère s'est accaparée ces assassinats pour en faire un drame collectif. Il suffit de regarder les Chefs d'Etats réunis le dimanche suivant et tous ces citoyens, anonymes, dans les rues des grandes villes de France pour témoigner de leur colère. Mais Catherine MEURISSE, elle, vivait une relation professionnelle, intime, avec celles et ceux qui sont tombé(e)s sous les balles des terroristes, en rupture totale avec l'image publique des victimes. 


C’est à ce raccordement que la personne touchée dans son âme et son corps va devoir « travailler » pour progressivement reprendre pied dans une réalité quotidienne. Catherine Meurisse s’appuie sur des êtres en tout peut nombre, ses parents, des amis qui lentement vont lui offrir un soutien individualisé.

 
Le chemin est long et semble presque irréalisable tellement le vide est béant, d'autant plus qu'il n'y a pas de mots pour qualifier l'ignominie de tels actes.

 

Alors que les événements se succèdent et se ressemblent malheureusement, à l'image de ceux du Bataclan le 13 novembre de la même année, cette femme tente, tant bien que mal, de vivre, ou plutôt de survivre. 

 

Pour Catherine MEURISSE, qui vit un drame intime, singulier, profond, intérieur, l'instinct de survie repose sur la beauté. Elle en fait sa quête personnelle, quotidienne. Elle va se mettre à rêver du "syndrome de Stendhal".

Vous savez de quoi il s'agit ? Un jour, alors que Stendhal voyageait en Italie, il s'est évanoui. La cause de son tourment, l'excès de beauté. Il avait été sublimé par le ravissement des oeuvres d'art qui s'offraient à ses yeux.

 

Elle a perdu la mémoire, elle cherche la guérison. Elle a connu le chaos, elle cherche la beauté. C'est terriblement fort.

Catherine MEURISSE empreinte le chemin de la résilience. Elle est accueillie à Rome, un mois, à la Villa Médicis, lieu de création artistique par excellence, protégée par des jardins, des murs d'enceinte, tenue à distance de la vie en société, des agressions de l'environnement.
 

 

Cet album, j'avais très envie de le découvrir même s'il est toujours délicat d'entrer dans l'intimité d'un homme ou d'une femme qui a vécu l'innommable. 


Il y a quelques temps, j'avais lu "Catharsis" de Luz. J'avais été profondément émue par Ginette et par la re-naissance de l'humoriste par la voie du dessin. Retrouver sa capacité à tenir un crayon et à tracer un trait avait permis à Luz de se dire qu'un grand pas venait d'être franchi et qu'il allait pouvoir envisager un avenir. Pour Catherine MEURISSE, les choses sont plus complexes, moins linéaires. Il suffit de regarder le panel de couleurs pour se rendre compte que les humeurs sont instables, qu'il y a des élans de sérénité et des bouffées de colère sourde, les planches se suivent et ne se ressemblent pas. 


La calligraphie elle-même témoigne de l'état dans lequel est plongée l'auteure de l'album, tantôt ronde et fluide, tantôt hachée, saccadée.


J'ai beaucoup aimé ces planches qui, dans une très grande sobriété, expriment l'essentiel, les valeurs refuges de l'être humain...

 

J'ai adoré la dernière (que je ne vous dévoilerai pas bien sûr !) mais qui est une vraie leçon de vie, de celles qu'il convient de garder en mémoire pour continuer d'avancer.

Le sujet est grave bien sûr, mais la manière de le traiter est tout à fait exceptionnelle.

Chapeau Madame MEURISSE, que votre vie soit belle, elle sera légère, c'est tout ce que je peux vous souhaiter.

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2018-02-20T07:00:00+01:00

L'atelier des souvenirs de Anne IDOUX-THIVET

Publié par Tlivres

 

Editions Michel Lafon


Ce roman fait partie des feel good books. Je remercie Netgalley et la maison d'édition pour sa mise à disposition en version e-book.


Suzanne est dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées, un E.H.P.A.D.. Elle a 90 ans, elle s’inscrit à l’atelier d’écriture d’Alice, la nouvelle animatrice. Elle ne sait pas encore que sa vie va en être profondément modifiée, comme tous les autres membres du groupe d'ailleurs. Alice, cette jeune auto-entrepreneuse, diplômée en sociologie, domaine dans lequel elle n'a pas trouvé d'emploi, leur propose de partir d'une carte toponyme pour écrire. Avec elle, tous les souvenirs déferlent. Chacun, dans sa singularité, retrouve le plaisir d'écrire et dévoile une page de son histoire. Et si les histoires des uns et des autres s'entrecroisaient ?


Ce roman est un jubilé de tendresse, de bienveillance et de gentillesse. Chaque personne âgée a sa personnalité bien sûr. Il y a les discrets, les chaleureux, les commères... Alice, une jeune femme pleine de bons sentiments, ne tarde pas à s'en faire des amis. Et quand elle trouve sur son chemin une autre professionnelle, Chloé, ergothérapeute, alors souffle un un vent de complicité, plus rien ne peut les arrêter. Les deux établissements dans lesquels elles interviennent toutes les deux ne vont pas manquer de devenir leur terrain de jeux, pour le plus grand plaisir des résidents.

 
C'est une formidable cure de jouvence que leur procurent les deux femmes, une parenthèse dans un quotidien marqué par les fragilités de santé. Avec leurs ateliers, elles vont susciter les convoitises des personnes âgées qui, peu à peu, vont devenir de véritables conspirateurs. Et, quand il s'agit de s'allier aux enfants des villages, tout peut leur être pardonné, enfin presque. Ce sont de très belles relations humaines qui s'établissent, pleines de malice, d'espièglerie, de ruse et de finesse.


Anne IDOUX-THIVET nous livre avec "L'atelier des souvenirs" un premier roman drôle et émouvant.


Si toutes les maisons de retraite étaient un aussi joli tableau, nous n'aurions plus peur de vieillir !
 

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

- L'Attrape-souci. de Catherine FAYE

- Bénédict.de Cécile LADJALI

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2018-02-19T07:00:00+01:00

DEGAS Danse Dessin, le 26 février, il sera trop tard !

Publié par Tlivres
DEGAS Danse Dessin, le 26 février, il sera trop tard !

Dans une semaine, il sera trop tard. La très belle exposition DEGAS Danse Dessin proposée par le Musée d'Orsay s'achèvera le dimanche 25 février prochain.


J'ai eu la chance de la visiter lors d'un précédent passage à Paris. Elle est sublime et donne à voir les différentes disciplines artistiques explorées par DEGAS, un artiste pluriel, avant-gardiste, qui aimait faire le pas de côté, imaginer, innover, créer quoi !


Si son travail vous intéresse, vous pouvez aussi vous délecter avec le dernier roman de Camille LAURENS : "La petite danseuse de quatorze ans". L'écrivaine, à partir d'une sculpture qui a fait polémique, retrace l'ensemble de l'oeuvre de DEGAS, un petit bijou.


Maintenant, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas !

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2018-02-18T07:00:00+01:00

Bénédict de Cécile LADJALI

Publié par Tlivres

 

Actes Sud


Bénédict est le dernier roman de Cécile LADJALI. C'est avec grand plaisir que je me suis lancée dans sa lecture dans la perspective de sa venue à la Librairie Richer samedi 24 février prochain.

Bénédict est professeur de littérature à l'université à Lausanne en Suisse. Nous sommes le 11 janvier 2016, le jour de la mort de David Bowie. La fac est fermée, des squatteurs syriens ont été découverts dans le réfectoire. Leur évacuation est attendue par les services de police pour une reconduite à la frontière. Les étudiants s'insurgent, Bénédict aussi. Il y rencontre Angélique, la compagne de Nadir dont il est le maître de thèse. Bénédict vit des nuits mouvementés qui sont envahies par un cauchemar récurent, celui d'une crise d'épilepsie, de son évacuation et la piqûre libératrice réalisé par du personnel médical vêtu du hijab sur fond de muezzin. Bénédict est né en Iran. A 11 ans, à cause de sa maladie, et d'un secret, la famille quitte le pays pour s'établir en Suisse, dans un environnement naturel sain.  Le père de Bénédict, pasteur, est décédé. Sa mère vit aujourd'hui à Nichapour. Il lui rend visite une fois dans l'année. Là-bas, Bénédict vit un retour aux sources et un changement d'identité. 
Ce roman, je m'en suis délectée sur un après-midi, impossible pour moi de l'interrompre alors que le suspens reste entier. 


A travers le personnage de Bénédict, Cécile LADJALI évoque la double culture et cette gymnastique incessante entre les codes vestimentaires, sociaux, religieux, politiques... Elle aborde le déterminisme territorial et les inégalités qui y sont liées. Tous les hommes ne naissent pas égaux, à commencer par les terres sur lesquels ils naissent :
 


Et il est des territoires où il vaut mieux vivre que d’autres, comme il est des corps qu’il semble préférable d’habiter. P. 87

Chaque pays a son histoire, ses traditions, ses coutumes, son éducation, sa langue. Alors, quand il s'agit de l'Occident et du Moyen-Orient, les différences sont décuplées. Si en France la condition féminine fait débat et l'aspiration à une plus grande égalité est revendiquée, en Iran, les femmes sont littéralement les sujets des hommes, condamnées très tôt aux tâches domestiques et destinées à satisfaire le moindre désir du genre masculin. 
 


Ici, quand on naît homme, on est libre de sortir, libre de se retrouver dans des lieux publics, libre de fumer, libre de jouer, libre de rire. [...] Les épouses et les mères sont restées à la maison pour border les enfants, ramasser les miettes du repas, faire la vaisselle. L’appartement doit être impeccable et les draps frais quand les hommes rentreront de coucher, exigeant alors leur lot de caresses. P. 173/174

A travers les générations de la famille de Bénédict, Cécile LADJALI relate l'histoire de ce pays et l'évolution des femmes. Avant la révolution, elles étaient libres. Depuis 1979, leurs droits sont bannis. C'est un portrait sociétal contemporain qui me révolte. Quel être humain mérite ce traitement ? Je suis toujours effrayée de constater qu'au XXIème siècle une telle maltraitance subsiste encore.


Mais Bénédict a un autre combat à mener, il est intérieur celui-là, il est en rapport avec son corps, celui d'une femme. Bénédict, selon les territoires, l'heure du jour et de la nuit, devient Bénédicte. Si ces parents l'ont accepté dès son plus jeune âge, il n'en demeure pas moins que la lutte est quotidienne. Son corps est emprisonné par le regard des autres et les conditionne à des comportements stéréotypés.
 


C’est le regard des autres qui la définit et les yeux de la douanière viennent de lui conférer un sexe. Celui dont elle ne veut pas. Celui dont elle s’arrange tant bien que mal en Suisse, mais qu’elle subit en Iran. Dans les yeux des autres, elle est diffractée. P. 103

Outre la double culture que Bénédict doit assumer comme l'héritage douloureux d'une folle histoire d'amour entre son père et sa mère, il a aussi à surmonter cette condition qui fait de lui quelqu'un de différent, prisonnier qu'il est de la société.
 


La prison de sa chair a été construite par les autres. Ce sont les autres qui ont bâti sa geôle intime pour l’y enfermer à triple tour. P. 106

La langue, elle-même, devient une composante de la prison dans laquelle sont condamnés les individus. Si le farsi comporte de nombreux mots neutres, le français, lui, n'en est pas encore là. Cécile LADJALI met le doigt là où ça fait mal. L'approche genrée du vocabulaire français fait débat et quand il s'agit d'êtres travestis, les effets sont hautement traumatisants. La situation nous interpelle. Personnellement, j'ai adoré tous ces passages sur les mots et notamment celui qui évoque leur musicalité :  
 


Pourquoi chacun de vos mots résonne-t-ils comme une prière ? Comme un chant ?
Sans doute parce que vous savez écouter et vous abandonner à la musique. P. 84

Cette quête d'identité, et à travers elle, ce combat pour la liberté, m'ont profondément touchée. Il faut avouer qu'ils sont servis par une plume remarquable et singulière. Le fait qu'elle convoque de nombreuses disciplines artistiques tout au long du livre n'a fait que renforcer la puissance du propos. Je pense par exemple à ce tableau de Rossetti : "Perséphone" 

 

ou bien encore au Poème nocturne opus 61 de Scriabin, de quoi graver ma mémoire à jamais.

Je n'avais encore jamais eu la chance de lire un roman de Cécile LADJALI. Ce n'est pourtant pas faute d'être régulièrement séduite par ses interventions à la radio mais l'occasion ne m'avait pas encore été donnée. C'est aujourd'hui chose faite et samedi prochain, je pourrais enfin la rencontrer. La boucle sera ainsi bouclée.
 

 

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

- L'Attrape-souci. de Catherine FAYE

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2018-02-15T07:00:00+01:00

Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Publié par Tlivres
Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Dans la rentrée littéraire de janvier 2018, il y a des premiers romans. Les 12 sélectionnés par les 68 Premières fois viennent tout juste d'être dévoilés. Y figurent "Les déraisons" d'Odile d'OULTREMONT, "Pays provisoire" de Fanny TONNELIER et "L'Attrape-souci" de Catherine FAYE.

Certains auteurs dont le 1er livre a notamment été révélé par cette association sortent maintenant leur 2ème roman, Lenka HORNAKOVA-CIVADE en fait partie. Après "Giboulées de soleil", c'est "Une verrière sous le ciel" qui vient de sortir. C'est une pépite de la littéraire, j'en extrais ma #Citationdujeudi.

Dans ce roman, je puis vous assurer que son talent est largement confirmé. La plume est raffinée, poétique à l'envi, elle traite de l'exil, elle porte le parcours initiatique d'une jeune fille, tchèque, de 18 ans, qui décidera après une semaine de colonie de vacances auprès des jeunesses communistes françaises de rester sur le territoire. A Paris, elle va trouver refuge dans un bar, se faire adopter progressivement par les clients, et puis un jour, trouver la voie de l'émancipation par l'art.

C'est un roman puissant d'une très grande beauté.

Je crois qu'il ne vous reste plus qu'à le découvrir !

Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

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2018-02-14T07:33:38+01:00

Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

Publié par Tlivres
Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

Bamboo éditions 
 

Il y a des semaines qui sont sous le signe du bien-être, de l’optimisme, la vie est belle quoi !


J’ai commencé avec « La petite châtelaine » de Camille Claudel et me suis rendue compte que vous  étiez, vous aussi, très sensibles. J’ai poursuivi avec un feel good book : « L’Attrape-souci » de Catherine FAYE, un premier roman qui vient tout juste d’entrer dans la sélection des 68 Premières fois. Il ne manquait plus qu’une BD dans le genre et le hasard me l’a mise dans les mains.


Vous connaissez maintenant ma façon singulière de choisir les BD... celle-là était bien en vue, au rayon « Nouveauté », je ne pouvais pas passer à côté ! Et c’était une sacrée bonne idée que de la sélectionner.


« Le jour où elle a décidé de prendre son envol » présente Clémentine, une jeune femme, plutôt dans une phase prometteuse côté travail mais qui cherche un sens à sa vie. Elle commence par mettre son petit ami à la porte, lui qui passe ses journées au lit ou à jouer. Mais elle va aller plus loin. L’idée va lui prendre d’aller voir un vieil ami, Antoine, qui pourra sûrement la mettre sur la voie. En réalité, ce n’est pas Antoine qu’elle va rencontrer mais un certain Simon. Antoine réalise l’un de ses rêves, il lui a laissé la maison, Simon a pris la relève de sa sage-épicerie et passe son temps à faire des expériences, il travaille loin de la foule. C’est lui qui va aider Clémentine à prendre son destin en main, elle va s’envoler pour Berlin, puis les îles Lofoten en Norvège... et va se retrouver à faire le tour du monde, au gré de rencontres qui vont lui ouvrir un miraculeux champ des possibles.

Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

Cette BD est particulièrement belle du fait du message qu’elle véhicule. Éminemment philosophique, le propos porte sur la quête du bonheur, un désir universel (qui ne court pas après ?) et offre une version très enthousiasmante. Si on le trouvait dans les relations humaines...

Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

À chacun de construire le sien notamment en transigeant les limites, en s’émancipant de tout ce qui peut brider notre imaginaire, en allant jusqu’au bout de ses rêves. Une bien belle manière de voir la vie, c’est une pensée positive, de celles qui permettent de s’épanouir et se développer personnellement. Elle nous emmène sur le chemin de la sagesse.

Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

Cette BD est aussi très jolie à regarder, le graphisme est fin et subtil, les traits des visages et les émotions y sont délicatement représentés, les couleurs sont lumineuses.


Cette BD, enfin, fait la part belle aux livres, et là, vous comprendrez que j’ai succombé !

Le jour où elle a pris son envol de BeKa, Marko et Maëlla COSON

D’ailleurs, je crois que je vais replonger. Il s’agit du tome 2. Vous, vous avez lu « Le jour où le bus est parti sans elle » ? 
 

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2018-02-13T07:00:00+01:00

L'Attrape-souci de Catherine FAYE

Publié par Tlivres
L'Attrape-souci de Catherine FAYE

Mazarine éditions
 


- Dans la famille des romans de la rentrée littéraire 2018, je demande un "feel good book".
- Je n'en ai pas. Pioche.
- Bonne pioche. C'est "L'Attrape-souci" de Catherine FAYE, un premier roman.


Ce roman, j'ai pu le lire en version numérique grâce à Netgalley que je remercie très sincèrement, de même que la maison d'édition. Pour tout vous dire, c'est une première avec Mazarine éditions, personne n'est parfait !


Si vous rêvez d'un roman plein de bons sentiments, de tendresse et de bienveillance, celui-là est pour vous.


Je vous explique :


Lucien est un jeune garçon de 11 ans. Avec sa mère, Violette, il quitte Paris et s'envole pour Buenos Aires. L'Argentine est le pays natal de Violette. Nous sommes en 2001. Ils sont dans une librairie. Lucien tombe en admiration devant de petites boîtes jaunes  avec dedans, une minuscule poupée. C'est un attrape-souci. Il suffit d'en mettre une sous son oreiller le soir, de lui confier son souci et le lendemain, il a disparu. Captivé par la magie de ces boîtes, Lucien relève les yeux, et là, c'est sa mère qui a disparu. Commence alors, pour l'enfant, une toute nouvelle vie...


Par la voix du jeune garçon, le narrateur, Catherine FAYE nous prend par la main, nous emmène comme dans un songe visiter un nouvelle ville, rencontrer des personnes du pays, apprivoiser la langue maternelle... Ce roman relate le parcours initiatique du jeune Lucien, renommé Lucio par ses nouveaux amis, des adultes qui vont le prendre pour ce qu'il est, le reconnaître en tant qu'individu, lui faire confiance... 


Elle m'a regardé comme si j'étais anormal, avec curiosité et aussi de la peur. J'ai baissé les yeux, puis j'ai pensé : Non, regarde-la. Regarde-la et souris-lui. C'est ce que j'ai fait. Alors, elle m'a souri elle aussi. P. 33

J'ai été particulièrement séduite par la relation privilégiée qui va s'établir avec un homme, un jardinier, rencontré tout-à-fait par hasard. Il ne va rien lui demander de son passé, il va l'accueillir chez lui en contrepartie d'heures de travail. Lucio va apprendre à cultiver les fleurs, à les aimer, à les harmoniser...


Je me suis arrêté à sa hauteur. Autour de lui, des plantes. Partout. Un immense champ de pots de fleurs. En relevant la tête, il a eu l'air surpris. J'ai ramassé son sécateur, je le lui ai tendu. Il m'a interrogé du regard. Avec lui, j'apprenais tout le temps des choses nouvelles, surtout sur la nature et la météo. P. 95/96

Avec cet homme qui n'a presque rien mais qui lui offre tout, avec une riche cliente qui habite tout-à-côté dans une villa sécurisée à l'envi, Lucio va mesurer l'ampleur du fossé social qui les sépare mais aussi cette possibilité qu'ont les humains à le surmonter, tout n'est affaire que volonté et centre d'intérêt.


Bien sûr, Lucio va poursuivre sa quête, celle de retrouver sa mère. Tenace, déterminé, il ira jusqu'au bout. Devant le portrait brossé par la réalité, l'enfant tirera les conclusions qui s'imposent et fera un bien d'un mal.


Alors, j'ai compris. Que je ne saurais jamais. Que c'était comme ça. Et que ça irait. En la perdant, je m'étais trouvé. Plus besoin de petite boîte pour soulager ma peine. J'avais découvert quelque chose de bien plus fort au fond de moi. P. 191

Perspicace, il a une espèce de clairvoyance qui le rend singulièrement attachant :
 


Finalement, pour un mot, c'était la même chose. Si on le prononçait trop vite et n'importe comment, impossible de l'effacer après. Les mots restent. De vrais poisons. P. 122

L'histoire est belle, l'écriture sensible et douce, ce premier roman m'a beaucoup fait penser à ceux écrits par Barbara CONSTANTINE, ça sent bon le printemps, la fraîcheur, l'innocence. 


Il y a un brin de François BUGEON aussi. Vous vous souvenez de Chevalier dans "Le monde entier" bien sûr. Tiens tiens, mais c'était déjà un premier roman, lui. Et il avait été sélectionné par nos fées des 68 Premières fois. Pas étonnant que "L'Attrape-souci" de Catherine FAYE soit dans la sélection 2018. Avec cette lecture, on se prend à rêver en une humanité meilleure, et nos fées, elles aiment ça !

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

- Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

Il fait désormais partie de la sélection des 68 Premières fois pour la rentrée littéraire janvier/février

tout comme :

Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

Pays provisoire de Fanny TONNELIER

Eparse de Lisa BALAVOINE

Les rêveurs d'Isabelle CARRE

L'homme de Grand Soleil de Jacques GAUBIL

 

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2018-02-12T07:00:00+01:00

La Petite Châtelaine de Camille CLAUDEL

Publié par Tlivres
La Petite Châtelaine de Camille CLAUDEL

Pour commencer la semaine toute en beauté, ma #lundioeuvredart est une sculpture de Camille CLAUDEL : "La Petite Châtelaine".

Réalisée en 1895, en bronze, elle est exposée au Musée Joseph Denais de Beaufort-en-Vallée.

Camille CLAUDEL est née en 1964. Elle quitte son village, Villeneuve-sur-Fère pour la capitale parisienne. Elle entre à l'Académie Colarossi et a pour maître Aflred BOUCHER puis Rodin avec qui elle va entretenir une relation amoureuse impossible. "La Petite Châtelaine" est réalisée dans sa période de rupture avec le maître, elle marque avec "La Valse" son émancipation.


Cette sculpture m'émeut. Il y a une nouvelle fois la couleur du bronze. Comme pour "La folie des grandeurs" de Magritte, elle confère un côté chaleureux au buste de cette petite fille. Et puis, il y a l'expression des yeux, il y a de la malice, de l'innocence, mais aussi de la fascination, de l'admiration. Peut-être une oeuvre autobiographique...
 

Je profite de cette publication pour faire un petit clin d'oeil aux Dames de la D.A.M.M. qui font un travail formidable et qui nous annoncent une nouvelle année 2018 pleine de surprises. 

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2018-02-11T12:04:04+01:00

Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
Le cas singulier de Benjamin T. de Catherine ROLLAND

Editions Les Escales
 

Tout d'abord, un très grand merci à Joëlle de m'avoir mise sur la voie, je serai certainement passée à côté d'une pépite de la littérature.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :


David revient pour la deuxième fois dans un petit village, il cherche une trace, une empreinte, le nom d'un homme. L'atmosphère est étouffante, il fait chaud mais ce n'est pas qu'une affaire de climat. David est obsédé par le sujet, il voudrait pouvoir s'en libérer. Et puis, il y a Benjamin, le narrateur. Sylvie l'a quitté après une dizaine d'années de mariage pour partir vivre le grand amour  avec son patron à lui. Il vit à Lyon dans un deux pièces. Son fils, Pierrick, devrait passer une semaine sur deux chez son père mais la relation est difficile et très vite, il décide de ne plus venir du tout. David n'est autre que son meilleur ami, tous les deux , ils forment un binôme d'ambulanciers. David soutient Benjamin, il est de toutes les attentions, le motive, le pousse à tenir debout même si les choses sont particulièrement difficiles en ce moment. Les crises d'épilepsie de son enfance ont repris dès l'annonce de la nouvelle de la séparation et ne cessent de s'accroître. Il faut dire que depuis cette date, Benjamin a perdu pied et trouvé refuge dans l'alcool. Un matin, David trouve son ami le visage tuméfié, il est tombé dans la nuit. Il va être de plus en plus difficile de cacher les vices de Benjamin d'autant qu'il semble, ces derniers temps, que Benjamin soit en prise à des hallucinations. Il est projeté dans une autre vie que la sienne, à moins que ça ne soit sa vie antérieure.


Ce roman, autant vous le dire tout de suite, est d'une densité incroyable. Catherine ROLLAND dont je ne connaissais pas encore l'écriture, réalise ici une véritable prouesse.


Tout d'abord, elle immerge le lecteur dans un univers tout-à-fait audacieux. Nous commençons à voir de plus en plus de romans où le rêve et l'imaginaire occupent une place prépondérante. Il y a ceux qui vont encore plus loin et qui relèvent du fantasque à l'image récemment de celui d'Odile d'OULTREMONT "Les déraisons" ou bien encore d'Olivier BOURDEAUT "En attendant Bojangles". Mais là, nous franchissons un nouveau cap avec celui des hallucinations. Catherine ROLLAND nous fait vivre les délires de Benjamin, ces périodes pendant lesquelles son cerveau semble prendre les rênes pour lui faire vivre une autre réalité. Les images sont tellement précises, tellement concrètes, tellement rationnelles, qu'elles donnent à croire qu'elles existent ou ont existé réellement. Elles plongent Benjamin dans le plus grand désarroi, c'est ce que nous allons vivre tout au long du roman.


Mais là n'est que l'environnement, ensuite il convient de trouver un sujet à explorer. Catherine ROLLAND a choisi d'étudier une question hautement philosophique : y a-t-il une autre vie après la mort ? Depuis l'Antiquité et de tous temps, l'homme s'est interrogé sur sa survivance après la mort. Les religions se sont emparées du sujet comme certains mouvements ésotériques et spirites, ils ont émis des hypothèses toutefois sans qu'aucune preuve n'ait pu jamais être fournie et qu'aucune valeur scientifique n'ait pu être donnée. 


Le flou de la situation ouvre le champ des possibles, un joli terrain de jeux pour les écrivains, c'est là que Catherine ROLLAND décide de  faire ses preuves.


Benjamin qui, dans la vie aujourd'hui, s'apparente à un loser, pourrait avoir participé, avec son frère Cyrille, prêtre, à la Résistance contre l'occupant pendant la seconde guerre mondiale. Il aurait contribué à l'attaque du convoi de Kaeser pour préserver les Glières dans le territoire français. Benjamin en fait lui-même un terrain de jeu et s'autorise à quitter sa propre réalité pour se ressourcer dans le passé :
 


L’immersion dans le passé, pour le moment, était ma seule façon de supporter assez mon présent pour m’empêcher d’ouvrir le gaz en plein avant de le coller la tête dans le four. P. 76

Avec l'évocation de cette période, l'auteure assure le devoir de mémoire de Tom Morel, de celles et ceux qui, à ses côtés, se sont battus pour que la Haute-Savoie, et notamment de petit village de Saint-Calixte, demeurent français. Le relief montagneux, le climat hostile, ont rendu les actions difficiles. Catherine ROLLAND contribue au devoir de mémoire de celles et ceux qui figurent aujourd'hui sur les monuments aux morts et leur rend un vibrant hommage. Passionnée par les romans historiques, j'avoue avoir été particulièrement sensible à la beauté de ces passages et à tous ce qu'ils nous révèlent et qui ne figuraient pas toujours dans nos manuels scolaires.


Catherine ROLLAND s'interroge également sur la maladie mentale. Benjamin souffirait-il de schizophrénie ? La neurologue qu'il rencontre régulièrement peine à trouver la cause de ses troubles, et donc des traitements susceptibles de le soulager. C'est alors qu'elle va lui proposer de tester une nouvelle thérapie, là il ne s'agit plus d'être patient mais de devenir volontaire de l'étude Tornade. Benjamin acceptera-t-il d'être un cobaye du monde médical. Aborder ce sujet est également particulièrement ardu dans un contexte où les choses sont pas ou peu encadrées. Catherine ROLLAND nous interpelle sur la contribution que pourrait apporter chacun pour faire évoluer la recherche médicale. Sommes-nous prêts à en payer le prix fort ? La maladie mentale peut recouvrir de nombreuses facettes et se graduer sur différentes échelles. L'écrivaine rend bien compte ici de la difficulté,  tant pour le patient que pour son environnement, à l'appréhender. Là aussi, mon coeur a profondément vibré. 


Enfin, en brossant le portrait de la société contemporaine, Catherine ROLLAND aborde les différentes dimensions de la famille d'aujourd'hui, celles séparées et recomposées, celle de deux hommes qui offrent à un enfant une situation équilibrée portée par l'amour. Le modèle d'antan a littéralement explosé laissant place à de nouvelles formes, gardons-nous bien de porter de quelconques critiques sur celles explorées maintenant et qui feront les adultes de demain. Les relations humaines et la sociabilité ne se décrètent pas, elles se vivent. L'auteure parle d'amour, de la solitude, elle évoque aussi les sentiments avec beaucoup de force, à l'image de ce qu'elle écrit sur le deuil :


Un an, et il ne s’en était toujours pas remis. Il ne pensait pas réellement qu’il pourrait, ni accepter, ni surmonter le manque qui le foudroyait chaque matin, quand après une nuit passée à rêver de lui il ouvrait les yeux et se rappelait. P. 343

La plume de Catherine ROLLAND, je ne la connaissais pas, c'est une formidable surprise me concernant. Non seulement l'écrivaine  aborde des sujets difficiles, mais en plus elle le fait avec brio. Elle ne porte pas de jugement mais donne à voir des situations qui interpellent le lecteur et le font avancer. Avec une écriture fluide, elle nous offre un roman de 346 pages trépidant, mouvementé, troublant à l'envi.


Je l'ai beaucoup aimé, pas une seconde vous ne vous ennuierez !

 

La cerise sur le gâteau, la couverture. Je ne sais pas encore qui en a eu l'idée et qui l'a réalisée mais elle est juste sublime et illustre à merveille ce très beau roman.
 

 

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

- Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA CIVADE

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2018-02-10T12:39:55+01:00

Un fils parfait de Mathieu MENEGAUX en version poche !

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Un fils parfait de Mathieu MENEGAUX en version poche !

Après les éditions Grasset, c'est Le cercle Points qui prend le relais et offre une nouvelle à l'exceptionnel thriller psychologique signé de Mathieu MENEGAUX "Un fils parfait".

Ce roman fait suite au très remarqué "Je me suis tue". 

Personnellement, j'ai lu les deux, ils sont d'une puissance folle. A peine aurez-vous survolé les premières lignes que vous serez captivé(e)s, impossible de les lâcher, vous voilà prévenu(e)s !

Je crois qu'un petit passage chez votre libraire préféré(e) s'impose...

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2018-02-10T10:59:18+01:00

L'invention des corps de Pierre DUCROZET dans la sélection du Prix du roman d'écologie 2018

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L'invention des corps de Pierre DUCROZET dans la sélection du Prix du roman d'écologie 2018

2018 est une première ! L'Association du "Prix du roman d'écologie" lance la première sélection de romans francophones publiés en 2017 abordant des sujets écologiques, une bien belle idée, d'autant que la vocation de ce prix est d'aller défricher un univers encore méconnu.

Qui plus est, cette édition est présidée par Alice FERNEY, une écrivaine dont je vénère la plume. Il convient donc de sérieusement s'y intéresser. Petite parenthèse, je lis en ce moment "Les bourgeois", son tout dernier roman, un bel objet littéraire, je vous en parlerai prochainement.

Mais revenons à ce prix.

Oh, surprise, parmi les 6 romans sélectionnés figure "L'invention des corps" de Pierre DUCROZET, un roman qui m'avait été conseillé par Anne de la Librairie Richer et la non moins éminente Amandine, animatrice du blog "L'ivresse littéraire". Il m'avait révélé le talent d'un tout jeune auteur évoquant avec brio et simplicité les objectifs et les risques du transhumanisme. Il a reçu en 2017 le Prix de Flore, ex-aequo avec "Paname underground" de Zarca.

5 autres romans font partie de cette sélection dont 2 repérés par nos fées des 68 Premières fois : "Ostwald" de Thomas FLAHAUT et "Les liens du sang" de Errol HENROT, de sacrées défricheuses de talent !

Les 3 derniers sont : "Sirius" de Stéphane SERVANT, "Sauf riverains" d'Emmanuelle PAGANO et "La fonte des glaces" de Joël BAQUE.

Vous les avez lus ?

Rendez-vous en avril 2018 pour connaître le lauréat !

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2018-02-05T07:00:00+01:00

"Eprouve le bonheur" d'Anne AUGUSTE

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"Eprouve le bonheur" d'Anne AUGUSTE

Avec la nouvelle chronique du lundi dédiée à une oeuvre d'art, nous avons surfé dans les disciplines de la photographie, la sculpture, le street-art, l'architecture. 


Aujourd'hui, je vous propose quelque chose de singulier, d'unique, dans sa conception, sa philosophie.


Il s'agit d'une création d'Anne AUGUSTE découverte au Musée Jules Desbois dans le cadre de l'exposition temporaire de "Sisyphe, six artistes".


L'artiste a ainsi donné une interprétation ingénieuse et audacieuse à un objet qui se livre comme une injonction : "Eprouve le bonheur". Si nous aussi, on essayait cette semaine d'éprouver le bonheur... 

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2018-02-01T07:00:00+01:00

Tristan de Clarence BOULAY

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Tristan de Clarence BOULAY

"Tristan", le premier roman de Clarence BOULAY fait partie de cette rentrée littéraire de janvier 2018.

Il est remarquable, et déjà remarqué. La semaine dernière, il faisait partie du top 10 des premiers romans sélectionnés par le Figaro avec "Les déraisons" d'Odile d'OULTREMONT. 

J'ai choisi cet extrait parce qu'il parle de l'écriture. La plume de Clarence BOULAY m'a profondément émue. Il y a de l'urgence à vivre, de la fulgurance dans les sentiments, et des mots... d'une puissance intense. C'est ma #Citationdu jeudi.

Je ne peux que vous inviter à aller plus loin, partez à la découverte de "Tristan" !

Tristan de Clarence BOULAY

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