Aujourd’hui est un jour un peu particulier. Nous sommes le 28 février 2018, une centaine de femmes du cinéma français appelle aux dons pour soutenir les associations investies en faveur des victimes d’agressions sexuelles et de viols. C’est aussi aujourd’hui qu’est rendu public un rapport remis au Gouvernement par cinq parlementaires proposant une amende pour « outrage sexiste et sexuel ».
Les médias se déchaînent régulièrement sur des affaires. Une tribune publiée dans le Journal Le Monde il y a un peu plus d’un mois a généré une polémique entre passionné(e)s.
Certes, il y a encore à travailler à la libération de la parole des femmes, mais aujourd’hui est venu le temps de définir un cadre juridique pour envisager des sanctions en cas de non-respect.
L’#HDR ou harcèlement de rue est régulièrement évoqué. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Plus encore, qu’est-ce que le sexisme ordinaire ?
Et bien, il y a quelques années, Thomas MATHIEU s’est posé la question. Pour y répondre, il a lancé sur internet le Projet crocodiles. Sa vocation : collecter des témoignages dans la perspective de les dessiner. Quelle idée lumineuse il a eu ! Ainsi est née une BD : « Les crocodiles ».
Thomas MATHIEU a pris le parti de représenter les hommes sous les traits de crocodiles. Il souhaite ainsi mettre le doigt sur un problème qu’il juge de société.
Outre des saynètes de la vie quotidienne qui permettent d’illustrer les faits et d’en mesurer les effets sur les individus, en l’occurrence, les femmes, Thomas MATHIEU donne la parole à 4 personnes en postface : Lauren PLUME, Irène ZEILINGER impliquée de longue date dans la lutte contre les violences faites aux femmes, Anne-Charlotte HUSSON et enfin le collectif Stop harcèlement de rue. Son propos est participatif et mérite, ne serait-ce qu’à ce titre, d’être remarqué !
Cette BD est un véritable outil pédagogique. Objectif de l’auteur atteint !
Il donne effectivement à voir la diversité des situations en prenant le soin d’aborder tant l’intimité privée que l’espace public, et force est de constater qu’elles sont nombreuses. Certaines planches résonnent plus avec nos propres réalités et viennent ainsi nous questionner sur notre degré de jugement. A partir de quand et dans quelles conditions est-ce que je me sens agressée ? Qu’est-ce qui relève de l’acceptable et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Thomas MATHIEU va encore plus loin en offrant un panel de comportements en réponse, élargissant ainsi le champ des possibles. Alors que la pudeur et la honte pourraient pousser certaines femmes à s’isoler et à se taire, l’illustrateur représente des femmes qui s’indignent, se révoltent, mettent des mots sur des faits, des émotions, des sentiments, et s’affirment en tant que femme. Je crois fondamentalement en la prévention et à ce titre, il me semble que cet album soit précieux pour la dimension éducative qu’il revêt. Pour permettre une évolution culturelle de notre société, il y a certainement mille et une manières d’agir mais celle de savoir de quoi on parle me paraît être un préalable.
Avec cet album, Thomas MATHIEU nous offre la possibilité de poursuivre le débat sur un sujet sensible qui demande à être dépassionné.
Bien sûr, le graphisme est en harmonie avec le sujet, le coup de crayon noir est agressif et violent comme le sont les scènes abordées. Pour certains, il peut paraître désagréable, pour moi, il est nécessaire. S’agissant de la couleur accordée exclusivement aux crocodiles, le procédé est audacieux mais contribue largement à la prise de conscience du phénomène. Ne nous voilons pas le face, le sujet est grave et la menace omniprésente.
Je crois toutefois que nous vivons actuellement une formidable étape en matière de féminisme, de celles qui permettent de penser qu’un jour, hommes et femmes seront véritablement égaux.