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2016-09-26T20:47:15+02:00

Hiver à Sokcho de Elise SHUA DUSAPIN

Publié par Tlivres
Hiver à Sokcho de Elise SHUA DUSAPIN

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

En route pour la Corée !

Yann Kerand arrive de Granville en terre coréenne. Il est auteur de BD. En quête d'inspiration, il s'installe dans une pension en Corée du Sud, tout prêt de la frontière avec la Corée du Nord, à Sokcho. Cité balnéaire l'été, ce territoire est peu fréquenté l'hiver, en raison notamment de son climat hostile. Les paysages sont recouverts de neige et de glace. C'est dans cette pension que travaille la narratrice. Elle est métisse, née d'un père français qu'elle n'a pas connu et d'une mère coréenne. Pour gagner sa vie, sa mère travaille au port, elle est poissonnière. C'est dans cet univers que la narratrice a été élevée. Elle s'est un jour blessée avec un crochet de pêche, elle en porte encore la trace aujourd'hui, une cicatrice sillonne sa cuisse. Mais elle n'est en rien attirée par la chirurgie esthétique que vénère, comme toute une génération, son petit ami, Jun-Oh, sur le départ à destination de Séoul. Il souhaite devenir mannequin.

C'est dans cette ambiance hivernale et de séparation que Yann Kerand va s'installer. La narratrice va rapidement être attirée par cet homme discret, un brin mystérieux.

A ses côtés, elle va découvrir l'art du dessin, la magie du tracé du crayon sur la page blanche, la beauté du geste. Elle va aussi aborder le sujet de la création littéraire et de son avenir dans les mains d'un lecteur...


- Je crois que j'ai peur de perdre un monde sur lequel je n'aurais plus de pouvoir une fois qu'il sera terminé.
- Vous n'avez pas confiance en vos lecteurs ?
- Ce n'est pas la question...
Il s'est mis à effilocher le tentacule.
- Toujours, l'histoire que je crée s'éloigne de moi, elle finit par se raconter d'elle-même... Alors j'en imagine une autre, mais il y a celle en cours qui se dessine sans que je la comprenne et qu'il faut bien que je finisse, et quand enfin je peux commencer la nouvelle, tout recommence... P. 100/101

Avec cet homme, elle va aussi découvrir une autre culture, celle de son père. Elle va apprendre à cerner au plus profond d'elle-même ses gênes qui font d'elle une femme métisse.


Il m'avait fait découvrir quelque chose que j'ignorais, cette part de moi là-bas, à l'autre bout du monde, c'était tout ce que je voulais. Exister sous sa plume, dans son encre, y baigner, qu'il oublie toutes les autres. P. 120

Elle va aussi mieux comprendre l'histoire de son peuple et de cette guerre qui n'a jamais vraiment été soldée.


Il résumait le conflit qui avait opposé dès 1950 les deux Corées, soutenues au Nord par les Soviétiques et la Chine, au Sud par les Etats-Unis et l'ONU, jusqu'à la signature de l'armistice le 27 juillet 1953 et la création de cette frontière sur le trente-huitième parallèle, la plus militarisée au monde, au milieu d'un no man's land de deux cent trente-huit kilomètres de long, quatre de large. En trois ans, deux à quatre millions de morts, civils et militaires confondus. Aucun traité de paix n'avait jamais été signé. P. 36


L'histoire aurait pu être belle, la rencontre de ces deux personnages au passé lourd aurait pu offrir de nouveaux horizons.

Malheureusement, j'ai été déçue par le côté très crû, très animal, de certaines descriptions. Les poissons sont vidés, le sang éclabousse, les viscères éclatent. Autant d'images qui sont venues rompre le côté charmant de la situation, au point de me laisser, à la fin de la lecture, sur un sentiment de malaise.

Dommage !

Hiver à Sokcho de Elise SHUA DUSAPIN

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2016-09-25T21:04:41+02:00

JR et son Inside out project envahissent les rues d'Angers avec l'opération #3quartiersen1

Publié par Tlivres

JR, ça vous dit quelque chose ? Non ?


Et cette image ?

Il s'agit du dôme du Panthéon. A l'époque de sa rénovation, démarrée en 2014, une bâche recouvrait l'édifice. Et pour donner un cachet artistique à l'affaire, le street-artiste JR avait proposé l'affichage de 4000 portraits.

Et bien, cette fois-ci, ce n'est plus à Paris mais à Angers.

Ce n'est plus Julien de CASABIANCA mais JR qui y prend ses quartiers.

Et justement, en parlant de quartier, le but de l'opération est de faire #3quartiersen1, de réunir ainsi les secteurs Justices, Madeleine et Saint-Léonard.


C'est la Maison de Quartier le 3 Mâts qui l'organise mais l'opération est participative, et à plus d'un titre.


Il y a les habitants d'abord. 120 ont accepté que leur portrait soit édité sur un papier charté, en noir et blanc. Ce sont des hommes, des femmes. Il y en a de tous âges. Et côté émotion, elles sont diverses et variées, de quoi faire sourire ou bien interpeller...


Il y a la prise des photos ensuite. Là, c'est Le Club Photo de la Madeleine qui a assuré. Il suffisait finalement de mobiliser les talents locaux !


Il y a le financement aussi. L'opération fait l'objet d'une campagne de crowdfunding. Si vous voulez vous-même participer, c'est tout simple, il suffit de cliquer. Vous aurez même droit à un petit cadeau !


Il y a la découverte de l'ensemble de l'exposition de ces oeuvres en extérieur. Pourquoi pas organiser une "ballade photographique" ? Alors, si vous habitez dans le secteur, ou ailleurs, profitez de cette opportunité pour visiter le quartier à la recherche de tous ces visages qui lui donnent une certaine identité.


Le concept est original et l'opération réussie.


Souhaitons maintenant que le soleil continue de briller pour permettre à cet art éphémère de durer le plus longtemps possible...

JR et son Inside out project envahissent les rues d'Angers avec l'opération #3quartiersen1
JR et son Inside out project envahissent les rues d'Angers avec l'opération #3quartiersen1
JR et son Inside out project envahissent les rues d'Angers avec l'opération #3quartiersen1

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2016-09-22T12:02:22+02:00

Rien que des mots d’Adeline FLEURY

Publié par Tlivres
Rien que des mots d’Adeline FLEURY

Ce roman fait partie de la sélection 2016 des 68 premières fois.

Tout commence avec une citation extraite d’Almansor de Heinrich HEINE : « Là, où on brûle les livres, on finit par brûler les hommes. » C’est déjà tout un programme et cette citation annonce la densité du roman !

Adèle est une jeune journaliste, elle assiste au burn-out d’un collègue. Ecoeurée par les travers de cet univers professionnel, elle rentre chez elle pour retrouver son compagnon, Hugo, écrivain. Prise d’une crise d’hystérie, et enceinte de 8 mois, elle prend sur le champ la décision de supprimer les livres de l’univers de l’enfant à naître. Adèle et Hugo se lancent dans le déménagement de l’ensemble des livres du foyer, tout comme le bureau du père de l’enfant, lui aussi mis au rebus au 5ème étage de l’immeuble. Commence alors une toute nouvelle vie !

J’avoue avoir pris peur à la lecture des premières pages de ce roman. En effet, quand on est passionnée de littérature, il devient rapidement insupportable de s’attaquer à l’objet de ses convoitises, les livres. Mais, avec du recul, je crois que l’exercice est tout à fait réussi.

Il y a donc le monde du journalisme et là, Adèle FLEURY crache son venin sur des professionnels égocentriques, un univers élitiste dans lequel chacun doit mener une dure bataille pour se faire reconnaître, car là semble bien être devenu l’objectif.


Le journaliste ne se soucie guère que de lui-même. Le journaliste veut briller, épater, que l’on parle de lui, rien que de lui, de ses infos. Rien que de ses mots. P. 10/11

Pourquoi Adèle réagit-elle comme ça ? Pourquoi en arrive-t-elle à ce jugement aussi tranché ? La maternité pourrait bien y être pour quelque chose. Elle se sent affaiblie, elle n’arrive plus à écrire et elle rend « le petit vampire » coupable de son état de santé, physique et psychique.


Désormais claquemurée dans cette forteresse qu’on appelle maternité qui arrondit son ventre et étrique son esprit. Une fois de plus elle espère que c’est pour un bref moment, mais elle a l’impression que son âme est aspirée par le rythme fou du petit cœur qui palpite dans ses entrailles à plus de 140. Infinie cacophonie. Jour et nuit, il ne s’épuise jamais. Elle vacille et perd pied. P. 12

Tout psychologue qui se respecte pourrait annoncer quelques effets préjudiciables sur l’enfant mais Adèle FLEURY prend le parti d’en démontrer le contraire. Elle va ainsi nous offrir une projection de Nino à 5 ans, 10 ans et 20 ans, une structuration originale ô combien pertinente !

Adeline FLEURY va plus loin sur le sujet de la maternité. Elle aborde cette mutation particulière de l’adulte qui devient parent et la place de sa propre éducation, de son passé avec les bons et les mauvais souvenirs, de ses propres parents. Et là, pour une femme qui va devenir mère, la place du père semble prendre une dimension toute particulière, elle lui voue une admiration singulière.


A l’instant de donner la vie, l’âme d’Adèle est toute à son père, ce géniteur qui lui a injecté le venin des mots dans les veines. Elle est folle de lui et le déteste. […] Son grand livre à elle, c’est son père, qu’elle ne cesse d’aimer en secret, toute en se sentant coupable, pas à la hauteur de ses attentes, pas à la hauteur de son talent. Il est tout, elle presque rien. Une bonne copiste, au pinceau appliqué. La pâle copie du maître. P. 26

Adeline FLEURY poursuit son oeuvre en creusant le sillon de l’écriture et de ses exigences. Elle sait l’isolement incontournable pour obtenir une production de qualité :


Mais c’est dans la solitude que naissent les histoires. P. 29

Elle ne néglige pas pour autant les effets collatéraux. A s’isoler et à faire des mots son univers d’exploration, le risque n’est-il pas que l’écrivain s’enferme dans une bulle y compris à l’extérieur de son bureau pour devenir un être handicapé des mots rendus nécessaires pour nourrir une relation humaine avec son environnement, en premier lieu familial.

Ce passage fait-il écho avec la propre expérience de l’écrivaine ? Entre Adèle et Adeline, mon coeur balance au point qu’en relisant ma chronique j’avais fait quelques confusions en citant l’une à la place de l’autre. C’est peut-être un premier élément de réponse !

Et les mots ! Bien sûr, avec un titre pareil, « Rien que les mots », nous ne pouvions passer à côté ! Adeline FLEURY porte un regard sur les effets de la société, son histoire, sur le vocabulaire lui-même. Elle fait une focale sur les traces laissées par l’immigration dans la langue française :


En créant le concept de « grande métisserie », Roi reconnaissait l’apport culturel des couches successives de l’immigration. P. 52

Ne parlerions-nous pas là d’une forme d’intégration ?

Ce roman est d’une très grande densité. Adeline FLEURY y évoque encore beaucoup d’autres sujets, de la mutation du livre papier vers le livre numérique et de ses impacts sur le lecteur, des liens naturels et irrépressibles entre enfants et grands-parents, de la musique…

Ne négligeons pas non plus la qualité de la plume de cette écrivaine : fluide, percutante, poétique aussi !

Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un excellent roman, découvert une nouvelle fois dans le cadre des 68 premières fois, cette formidable aventure qui nous permet de lire de petites pépites !

Je voudrais terminer cette chronique avec un très beau passage sur les religions qui ne manquera pas de nous donner à méditer dans le contexte que nous vivons aujourd'hui, en France et ailleurs :


Les Evangiles, le Coran, la Torah et le Zohar des kabbalistes. Devant ces belles couvertures en cuir, il s’est extasié. Délaissant très vite les agaçantes explications formatées de son guide, Adèle lui explique à voix très basse ce qu’étaient les religions, qu’elles diffusaient toutes le même message d’amour et qu’à l’origine elles avaient pour unique vocation de relier les gens entre eux. Religere, comme relier ou tisser des liens. P. 67

Rien que des mots d’Adeline FLEURY

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2016-09-20T21:50:03+02:00

Une bouche sans personne de Gilles MARCHAND

Publié par Tlivres
Une bouche sans personne de Gilles MARCHAND

J’avais commencé mon aventure des 68 premières fois avec un coup de coeur, le roman de Caroline BROUE « De ce pas » en janvier dernier.

Et bien, j’aborde la rentrée littéraire de septembre dans le même registre des émotions.

Il faut dire qu’il n’y a pas de hasard. Nous avons de bonnes fées qui nous livrent des 1ers romans d’une grande richesse et nous assurent des moments de plaisir intense.

Une bouche sans personne de Gilles MARCHAND

Donc, nous voilà réunis au café du coin, là où se retrouvent tous les soirs, depuis une dizaine d’années, 4 compagnons de fortune : le narrateur, comptable, Thomas, ex-papetier, Sam, et Lisa qui tient la boutique et se joint amicalement aux conversations du trio. Ils parlent de tout, de rien. Et puis un jour, une maladresse fait qu’une tasse de café est renversée sur l’écharpe du narrateur. Cet incident aurait pu passer inaperçu s’il n’y avait eu un secret lourdement porté. Cet homme dissimule en réalité une cicatrice dont il n’a jamais évoqué l’existence avec ses compagnons. Thomas, Sam et Lisa sont perturbés. Que cache leur ami sous ses écharpes ? A bien y réfléchir effectivement, ils ne l’ont jamais vu sans. Ils lui posent quelques questions et leur ami finit par sortir une photo de son portefeuille. Elle représente son grand-père. Ce n’est que le début de révélations qui vont non seulement captiver les habitués du café mais aussi, progressivement, un public toujours plus large…

Je ne vous l’ai pas caché, il s’agit pour moi d’un immense coup de cœur, de ceux qui sont parfois difficiles à présenter. Il convient d’être à la hauteur du talent de l’écrivain… malgré la pression, je me lance !

Tout d’abord, j’ai été subjuguée par la place donnée aux histoires en général. Il y a celles racontées par le grand-père tout au long de l’enfance du narrateur, de celles qui permettent d’oublier sa condition pour s’offrir de nouveaux horizons, de celles qui construisent des êtres humains.


Moi, je grandissais avec les histoires de mon grand-père. Je n'avais jamais entendu parler de Peter Pan ou de Blanche-Neige, mais je connaissais des dizaines d'autres aventures qui sortaient directement de son imaginaire. P. 129

Et puis, il y a les histoires qu’à son tour le narrateur prend l’habitude de conter dans ce bar devenu un peu sa maison. Chaque soir, il dévoile un peu plus de son passé devant un public fidèle et captivé.


J'ai l'impression que mes amis m'ont montré le petit bout d'un fil sur lequel je ne peux à présent m'empêcher de tirer, faisant tout ressurgir sans que je puisse vraiment le prévoir. Je ne le voulais pas. Je n'ai jamais parlé de moi et je sens que je suis au bord d'un précipice. Il me manque le mode d'emploi de la confession. Une fois lancé, c'est comme si mon histoire ne m'appartenait plus et, alors que je suis habituellement si secret avec mon passé, le petit groupe de spectateurs qui se crée au fond de la salle m'encourage à me livrer chaque soir davantage. P. 75

Avec ce magnifique roman, Gilles MARCHAND nous fait prendre conscience du pouvoir de l’imaginaire, tant pour le conteur lui-même que pour celles et ceux qui écoutent les histoires. Chacun en retire un bien-être lié à sa culture, son éducation, son statut dans la société, son âge…

Vous vous posez certainement la question du rôle du grand-père dans la vie de cet homme. Pourquoi est-ce lui qui raconte les histoires justement ? Nous pourrions imaginer que ça soit la mère, ou bien le père. Mais là, c’est justement toute une histoire, de celle d’une famille qui vient côtoyer celle d’un pays, cette histoire avec un grand H. Je ne vous donnerai pas d’indice parce qu’il s’agit du charme de ce roman que d’appâter pour ne dévoiler l’épisode en question que dans les toutes dernières pages et avec une force ô combien magistrale. En fait, ce roman en assure la mémoire pour qu’elle ne soit pas oubliée ni reproduite ! La citation empruntée au roman « La conscience de Zeno » d’Italo SVEVO :


Les choses que tout le monde ignore et qui ne laissent pas de traces n'existent pas.

illustre parfaitement la démarche de l’écrivain.

Ce roman aborde aussi le sujet de la différence. Vous savez, celle qui fait que les regards se retournent sur vos pas ! Il y a les regards d’adultes, mais aussi ceux des enfants. Et ceux-là, ils sont aussi violents que spontanés. Alors, quand vous allez à l’école et que vous ne côtoyez que des enfants, imaginez un peu ce qu’un individu peut endurer. Et bien, si vous ne le soupçonnez pas encore, Gilles MARCHAND nous en dresse un portrait ô combien douloureux et qui peut permettre de nous éclairer sur des comportements que l’on peut avoir, dans la vie, mine de rien, mais qui laissent des traces indélébiles dans l’esprit de ceux qui en sont victimes.


Les enfants différents sont à part. Il faut rentrer dans un moule dès le plus jeune âge. Et mon moule personnel était sacrément ébréché. P. 146

C’est aussi un roman qui aborde la solitude. Tous ces compagnons de bar partagent la même situation personnelle. Ils y viennent pour passer un bon moment, « en famille », avec les habitués, de ceux qui donnent des repères, rythment les journées.


Si on se retrouve quasiment tous les soirs depuis si longtemps, c'est qu'il y a une bonne raison. Et cette raison, c'est que nous sommes tout seuls. P. 31

Il évoque aussi l’amitié et les relations qui se tissent entre des individus. Une fois n’est pas coutume d’ailleurs, je trouve que l’image de couverture est tout à fait représentative de ces vies qui lentement se tricotent, se nourrissent les unes des autres, allez savoir sur quoi...


Oui, mais où est-ce que cela me mènerait de tout raconter ? Personne n'est obligé de faire le récit de sa vie à ses amis et j'ai toujours estimé que l'on pouvait se contenter des instants partagés ensemble. P. 24

Ces parcours de vie justement, que seraient-ils sans les souvenirs ? Il y en a de bons, et puis il y a les autres, les mauvais, souvent cachés pour prendre la dimension de secrets. Dans ce domaine, le roman de Gilles MARCHAND est haut en couleur. Le narrateur ploie sous le poids d’un terrible secret.


Au fur et à mesure que les souvenirs me reviennent, je commence à comprendre ce qu'il voulait dire lorsqu'il m'a fait promettre de ne rien oublier sans y accorder trop d'importance. Il n'a jamais oublié d'où nous venions et il n'a jamais su où nous allions. Il a fait en sorte que le chemin sur lequel il m'accompagnait soit le plus heureux possible. Pour cela il fallait travestir un peu la réalité... P. 106

Ce roman aurait pu être plombant et rapidement devenir insupportable mais il n’en est rien. Tout simplement parce que Gilles MARCHAND sait aussi lui donner un peu de légèreté avec des situations loufoques comme celle des sacs d’ordures ménagères amoncelés devant la copropriété du narrateur au point de l’obliger à creuser un tunnel pour pouvoir accéder à son propre logement. J’avoue que l’affaire de la fontaine à eau au travail m’a aussi beaucoup fait rire. Il est rare de rencontrer des écrivains qui sachent dans un même roman jouer avec les 2 registres, c’est là certainement la preuve d’un immense talent.

Enfin, je voudrais saluer la qualité de la plume de cet écrivain. Je ne sais pas si j’ai encore glané autant de citations pour noircir mes petits carnets. J’ai noté des dizaines de belles phrases aux résonnances émouvantes et dont les mots sont d’une grande sensibilité. Clairement, je l’ai adorée. Vous comprendrez qu’en choisir soit rapidement devenu une torture.

Ce livre, il faut le lire, ABSOLUMENT !

Une bouche sans personne de Gilles MARCHAND

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2016-09-18T15:31:56+02:00

Frantz de François OZON avec Pierre NINEY

Publié par Tlivres
Frantz de François OZON avec Pierre NINEY

Après une exposition, un ballet, place maintenant au cinéma avec le tout dernier film de François OZON avec Pierre NINEY, Paula BEER, Ernst STÖTZNER...

 
Synopsis :
Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.
Frantz de François OZON avec Pierre NINEY
Mon avis :
C'est un très beau film, tourné en noir et blanc, qui met en scène des acteurs exceptionnels dans des rôles difficiles pour jouer une situation d'après-guerre. 
 
Tout commence effectivement avec les visites quotidiennes d'Anna sur la tombe de son amoureux, mais très vite, le mystère s'installe autour de ce visiteur, un étranger,, plus précisément un Français, venu se recueillir en terre allemande. On peut aisément imaginer le malaise qui peut entourer la présence de cet homme.
 
Et quand il s'agit de permettre à ce Français d'entrer dans la maison des parents du défunt qui commencent tout juste à faire le deuil d'un fils unique, mort au front qui opposait les Allemands aux Français, on peut aussi imaginer que l'entrée en relation va être délicate.
 
Mais, c'est sans compter sur un scénario ô combien surprenant. La lenteur du rythme du film n'en est que plus intense au fur et à mesure que se dévoile le stratagème. Le spectateur est tenu en haleine tout au long de ces presque 2 heures.
Frantz de François OZON avec Pierre NINEY

Conquise par cette nouvelle prestation de François OZON ! Je me souvenais bien sûr de son dernier film : "Une nouvelle amie", et plus avant : "Dans la maison" et "Potiche".

Mais avec François OZON, chaque film est différent parce qu'il joue des registres, des codes... et qu'il le fait avec brio.

Il faut dire qu'il sait s'entourer d'acteurs remarquables : Romain DURIS, Anaïs DEMOUSTIER, Fabrice LUCHINI, Ernst UMHAUER, Kristin SCOTT THOMAS... Cette fois-ci, c'est Pierre NINEY qui s'y colle et le rôle lui va à ravir. Après avoir interprété Yves SAINT-LAURENT, celui d'un être tourmenté par le passé, était fait pour lui !

A 27 ans, il confirme un immense talent.

Si vous hésitez encore, regardez la bande annonce, je suis persuadée qu'elle saura vous séduire !

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2016-09-18T09:21:46+02:00

La Belle au Bois Dormant à l'Opéra Bastille

Publié par Tlivres
© France 3 / Culturebox

© France 3 / Culturebox

Il y a une semaine, j'ai eu l'honneur et l'avantage d'accompagner ma fille à l'Opéra Bastille pour découvrir "La Belle au Bois Dormant", conte de Charles PERRAULT chorégraphié par Alexei RATMANSKY, un artiste russe en résidence à l’American Ballet Theater depuis 2009.

Ce fut un très grand moment de spectacle.

Je ne vous cache pas que ça faisait longtemps que je voulais découvrir un ballet dans la plus pure tradition et là, j'avoue que j'ai été gâtée.

Parler de pointes n'est pas un vain mot pour la prestation des artistes, si peu de pas sont réalisés avec un pied posé à plat, au sol. Quelle tenue, quelle cambrure, quel rythme, tout simplement incroyable. Sans pourtant jamais avoir enfilé un pied dans un chausson de danse, je peux allègrement imaginer les heures de travail pour en arriver à cette maîtrise du mouvement.

La sorcière de "La belle au bois dormant" est interprétée par un homme après de longues heures de maquillage © France 3 / Culturebox

La sorcière de "La belle au bois dormant" est interprétée par un homme après de longues heures de maquillage © France 3 / Culturebox

Les costumes sont absolument splendides, dans la tradition des modèles russes des années 1920. De petits bijoux !

Un nombre hallucinant d'artistes en représentation. Ils étaient 200 dont 80 danseurs, vous pouvez imaginer cette frénésie sur scène et la nécessité d'avoir un oeil qui se promène en permanence y compris dans les moindres recoins pour y découvrir la petite perle.

Un artiste français, un seul, en faisait partie. Alexandre HAMMOUDI, soliste à l'American Ballet Theater. Le prince qui dépose le baiser magique et réveille Aurora, c'est lui ! Un rôle ô combien précieux !

Le danseur français Alexandre Hammoudi interprète le prince qui réveille Aurora d'un baiser magique  © France 3 / Culturebox

Le danseur français Alexandre Hammoudi interprète le prince qui réveille Aurora d'un baiser magique © France 3 / Culturebox

Que dire de la musique ? De TCHAIKOVSKIU, elle était superbement interprétée sous la direction de Ormsby WILKINS, Charles BARKER et David LAMARCHE. Envoûtante !

Personnellement, je crois que je me souviendrais longtemps des petits pas réalisés par les danseuses sur un rythme saccadé à l'image de ces poupées des boîtes à musique.

Ce spectacle, c'était une pure merveille. Si vous voulez vous en donner une petite idée, je ne peux que vous inviter à visualiser ces quelques images...

Un grand MERCI à ma fille d'avoir eu cette très belle idée de demander à sa mère de l'accompagner !

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2016-09-15T21:17:44+02:00

Louis STETTNER, exposition de photographies au Centre Pompidou

Publié par Tlivres
Louis STETTNER, exposition de photographies  au Centre Pompidou

Quand je m’offre une petite escapade sur Paris, je regarde toujours le programme des expositions et là, je me suis arrêtée sur celle de Louis STETTNER.

Il s’agit d’un photographe américain né dans les années 1920 à Brooklyn. Il est arrivé en France en 1946. Il a réalisé de nombreux clichés d’hommes et de femmes au lendemain de la fin de la seconde guerre mondiale, alors même qu’ils entretenaient encore une méfiance terrible à l’encontre de l’Autre.

Les clichés sont en noir et blanc. Ils ressemblent beaucoup à ceux réalisés par Doisneau.

Il a régulièrement réalisé des allers et retours aux Etats-Unis.

C’est ainsi que dans les années 1970, il a photographié des ouvriers américains. Il y en a toute une série particulièrement révélatrice des conditions de travail d’alors. Avec ces clichés, Louis STETTNER menait un acte militant :


J’ai toujours eu de l’affection pour les travailleurs : ils nous nourrissent, ils nous font vivre ! […] Le visage de ces hommes et femmes est magnifique, et leur personne tout autant !

Louis STETTNER, exposition de photographies  au Centre Pompidou

Personnellement, j’ai été troublée par un cliché pris dans les mêmes années. 3 jeunes femmes noires, toutes vêtues d’une robe en satin blanche, attendent la remise des diplômes. On peut imaginer un instant ce que devait représenter cette cérémonie pour elle. Je ne l’ai malheureusement pas trouvé sur la toile mais croyez-moi, l’émotion est là !

Si vous ne le connaissiez pas encore, je ne peux que vous inviter à s’intéresser à son œuvre, elle est profondément humaniste et mérite d’être diffusée !

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2016-09-07T06:53:50+02:00

Le 6000ème visiteur est passé !

Publié par Tlivres
Le 6000ème visiteur est passé !

Merci à toutes et à tous d'illuminer mes lectures de nos échanges !

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2016-09-05T22:28:52+02:00

Le grand marin de Catherine POULAIN

Publié par Tlivres
Le grand marin de Catherine POULAIN

Après l'internement en hôpital psychiatrique, évadons-nous. Embarquons pour de nouveaux horizons, pas à bord d'un bateau de croisière en touriste, non, en professionnel sur un bateau de pêche. Bienvenue à bord sur "Le Rebel" ! Son nom, c'est déjà toute une histoire ! Ne nous arrêtons pas là. Naviguons jusqu'en Alaska pour une campagne de pêche à la morue noire. Quitte à partir, autant que ça soit pour les conditions de l'extrême. Là-bas, le climat y est hostile, il va falloir se battre contre les éléments en furie. Mais il n'y a pas que le climat, il y a les hommes aussi, et puis les conditions de travail. Il va falloir cohabiter dans des espaces exigus, dormir dans des cabines envahies par l'odeur du poisson, s'exposer aux risques de la mer, manger à des horaires irréguliers, non pas quand la faim vous tenaille mais quand le travail est terminé, dormir aussi seulement quand les filets sont relevés et que le poisson sombre dans la glace... Alors, quand on est une femme comme Lily et d'un poids plume, ce voyage revêt une dimension toute particulière.

Ce roman, c'est un roman d'apprentissage. Quand on pense roman d'apprentissage, on pense souvent aux adolescents, aux jeunes adultes, à celles et ceux qui commencent leur vie et apprivoisent l'autonomie. Mais en réalité, on peut apprendre toute sa vie. Et pour s'en convaincre, il suffit de suivre le chemin tracé par cette femme au parcours atypique et qui, un jour, décide d'embarquer pour le bout du monde. Elle ne connaît rien à ce métier, n'a aucune qualification, aucune compétence à valoriser, seulement sa motivation, son mental, n'est-ce pas l'essentiel ? Grâce à sa pugnacité, et malgré son petit gabarit, fluet, elle va prendre le large et vivre les conditions d'une campagne de pêche.

Elle a bien échangé avant de se lancer dans cette aventure. Elle les a bien écoutés ces hommes de la mer qui connaissent le travail. Ils ne lui ont rien caché...


Embarquer, c'est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T'as plus de vie, t'as plus rien à toi. Tu dois obéissance au skipper. P. 37

Mais pour Lily, il n'y a déjà plus de débat. Dans sa tête, elle est déjà partie. Pourquoi fait elle ça Lily ? Elle va s'en poser des questions, y compris, voire surtout, dans les moments les plus difficiles de l'aventure. Et même si elle n'est sûre de rien, elle va tenter de trouver un sens à cette quête :


Peut-être aussi que je voulais aller me battre pour quelque chose de puissant et beau, je continue en suivant des yeux l'oiseau. Risquer de perdre la vie mais au moins la trouver avant... Et puis je rêvais d'aller au bout du monde, trouver sa limite, là où ça s'arrête. P. 163

Lily fait partie de ces femmes que rien n'arrête. Alors, l'égalité hommes/femmes, vous pensez bien qu'elle n'en a rien à faire. Pour autant, elle est bien obligée de constater qu'elle est seule sur "Le Rebel", et qu'elle seule aussi dans les ports quand les marins fréquentent les quais et les bars, le temps de la livraison du poisson. Les hommes, eux, par contre, ont un avis sur le sujet. Ils ne sont pas tous contents de voir une femme embarquer sur leur navire. L'un d'entre eux lâche le morceau et lui laisse à voir une réalité :


Les hommes qui les veulent pas à bord - pas les petits mecs comme Simon qui ne font que répéter sans savoir mais les vrais hommes -, c'est peut-être parce qu'ils ont peur qu'on leur prenne leur bateau, s'elles se l'approprient, qu'elles veuillent tout révolutionner, foutre de l'ordre - le leur - flanquer leur merde.
- Leur merde ?
- Ben oui, ces histoires de pouvoir toujours, leurs colères, leurs rancoeurs, leurs comptes à régler avec la race des mecs, toutes ces conneries qu'ont pas leur place à bord. P. 132

C'est le regard d'un homme, mais quand Lily découvre une femme, au même physique qu'elle, elle s'interroge sur ce qu'elle fait, le rôle qu'elle joue à bord du navire et là, il y a un mentor, quelqu'un qui a déjà fait sa place dans cet univers masculin et qui a tenu dans la durée. Elle lui livre son regard sur le métier de marin et quelques conseils pour l'avenir :


Tu dois bien le savoir, l'important c'est pas la grosseur des muscles. L'important c'est de tenir bon, regarder, observer, de se souvenir, d'avoir des de la jugeote. Ne jamais lâcher. Jamais te laisser démonter par les coups de gueule des hommes. Tu peux tout faire. L'oublie pas. N'abandonne jamais. P. 93

Bien sûr, il y a des moments difficiles à bord. Lily va devoir surmonter les effets d'une vilaine blessure pour survivre. Mais il y a aussi la beauté de la nature, des moments fugaces faits d'enchantement.


Dans les yeux des hommes, ce même émerveillement toujours quand ils croisent la reine des mers. [...] Plus tard, ce sera une loutre de mer qui fait la planche, entre ses pattes avant un poisson qu'elle mange d'un air cocasse. P. 127

Et ensuite, il ne s'agit plus qu'un besoin irrépressible de reprendre le large...


On franchit l'étroit goulet du port, on passe les premières bouées. Il fait si beau dans tous ces cris. Le soleil était presque tiède au port, la brise, sitôt quitté l'abri de la jetée, nous donne la chair de poule, hérissant nos bras nus, rabat nos cheveux dans les yeux, m'enivre, avec ses odeurs d'algues, ses parfums âpres et puissants comme des appels vers le grand large. P. 160

Ce roman, c'est aussi un récit de vie. L'écrivaine, Catherine POULAIN, a réellement embarqué pour l'Alaska, ce territoire magique, à la fois fascinant et à la fois angoissant :


C'est comme l'Alaska je dis encore. On oscille sans cesse entre la lumière et l'obscurité. Toujours les deux courent et se poursuivent, toujours l'une veut gagner sur l'autre, et l'on bascule du soleil de minuit à la grande nuit d'hiver. P. 333

Elle est partie à sa conquête et en est revenue avec une formidable philosophie de vie :


Résister, aller au-delà, surpasser. Tout. [...] Résister. Lutter pour notre vie dans des éléments qui nous dépasseront toujours, qui seront toujours les plus forts. Le challenge, aller au bout, mourir ou survivre. P. 333

Entre fiction et réalité, mon coeur balance ! Mais dans tous les cas, Catherine POULAIN m'apparaît comme un sacré personnage !

Le grand marin de Catherine POULAIN

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2016-09-03T22:02:37+02:00

Branques d’Alexandra FRITZ

Publié par Tlivres
Branques d’Alexandra FRITZ

Ce roman fait partie de la sélection des 68 premières fois

Certaines lectures se suivent et se ressemblent !

Jamais 2 sans 3, après « L’heure bleue » et « Treize », nous restons dans le domaine de la maladie mentale et de la psychiatrie.

Jamais 203, c’est aussi le numéro de la chambre de l’hôpital psychiatrique qui accueille Jeanne. C’est son 2ème séjour et ce numéro l’interpelle. Est-il l’annonce d’une rechute ultérieure ? Elle ne saurait y répondre aujourd’hui. Comme Tête d’ail (venu du Gers bien sûr !), Frisco (dealer de 25 ans en mal de voyages) et So called Isis (jeune mère d’une petite fille de 3 ans), Jeanne parle à la 1ère personne du singulier. Ces 4 personnages, 2 hommes, 2 femmes, nous font découvrir de l’intérieur la maladie mentale.

Ici, nul regard d’une jeune fille sur sa mère malade, non, le propos est tenu par les malades eux-mêmes. Malades, ils le sont plus ou moins. Frisco, par exemple, vient d’être interné parce que ses parents craignaient qu’il se mette en danger. Il leur en veut à ses parents, lui qui rêvait de voyages se retrouve emprisonné. Même pas dans une prison pour avoir être pris en flagrant délit de vente de drogue, non, enfermé à la demande de ses propres parents !

Ces 4 malades nous donnent à voir leur propre réalité.

J’ai été frappée par l’importance que revêt le temps dans leur quotidien. C’est peut-être le lot de toutes les personnes hospitalisées, mais quand la maladie concerne le mental, c’est peut-être là une dimension décuplée…


La notion primordiale dans la tête de ces enfermés chroniques, c’est celle du temps. Celui qui passe, celui qu’il fait. On n’a que ça à becqueter, à longueur de chronomètre. Nuit et jour. Quand cela finira-t-il. Quand cela a-t-il commencé. Est-ce qu’il pleut. Quelle heure il est. J’ai faim. Vous attendrez votre tour. Je m’ennuie. C’est normal. Faut toujours attendre pour tout. P. 112

Alors quand la fin d’un séjour en hôpital psychiatrique devient une probabilité, le temps prend une importance toute particulière :


Lorsque l’on échoue une fois de plus à l’entretien médical, quelques minutes plus tard il n’est déjà plus question de sortir mais de l’heure du repas, ou la fatigue, entretenue par les puissants antipsychotiques, referme la brèche d’une réflexion à propos du retour au réel à peine entamée. P. 92

Bien sûr, la notion d’enfermement, d’emprisonnement, d’exclusion revient à de nombreuses reprises dans les réflexions de Jeanne, Tête d’ail, Frisco et So called Isis, qui souffrent de vivre dans un monde à part. Outre la maladie à laquelle ils sont confrontés, ils ont à surmonter le sentiment d’être seul et à trouver leurs propres armes pour lutter. Cette phrase m’a particulièrement touchée !


Un humain livré à lui-même dans l’isolement ou la consignation, dont on a ôté la part de société qu’est la marque officielle du temps illustrera son intelligence dans la création d’un système de repères de fortune, sa survie psychologique en dépend, son humanité tout entière. P. 31

Chacun, à sa manière, traduit les effets de la maladie et des traitements sur son propre psychisme, sa manière d’être, de vivre… il est troublant de lire les impressions de Jeanne !


La vie psychiatrique est une succession de faits minuscules dont les proportions ressenties dépassent la moindre évocation. Les regards paisibles y ont le plus de valeur. P. 34

Ce roman aurait pu être déchirant, mais c’était sans compter la qualité remarquable de la plume de son auteure. Alexandra FRITZ sait mettre une pointe d’humour sur un propos terrifiant à l’image de cette réponse faite par le monde médical quand un malade se plaint d’attendre pour tout :


Vous êtes « patient », c’est votre boulot les gars. P. 112

La plume d’Alexandra FRITZ sait être poétique aussi parfois :


Ecrire sur la solitude c’est comme laisser la lumière allumée dans la pièce d’à côté. P. 28

Je tiens à souligner une originalité de ce roman. Ce n’est pas si fréquent de voir une citation ouvrir chaque chapitre. Et bien, c’est ce que fait Alexandra FRITZ en faisant référence à Janis Joplin, Jean Genet, Charlie Chaplin, Antonin Artaud, Amy Winehouse… pour ne citer qu’eux. Et alors, oh, surprise quand je retrouve Nirvana avec son « Smells like teen spirit ».

Si vous avez lu « Treize », vous vous souvenez certainement de cette chanson qui accompagne régulièrement Alice. Comme quoi, il n’y a pas de hasard dans la vie, ces 2 lectures étaient bien faites pour se suivre !

Ce roman m’a rappelé cruellement « Le scaphandre et le papillon » de Jean-Dominique BAUBY, ce regard porté par un malade qui, suite à un accident vasculaire, ne peut plus manger, bouger, respirer sans assistance. Il ne peut plus compter que sur son œil gauche pour communiquer avec son entourage. C’est bien peu quand il s’agit de faire comprendre à un agent hospitalier qu’il voudrait pouvoir regarder le match de foot jusqu’à la fin alors que la télévision et la lumière de la chambre sont éteintes sans aucune précaution particulière à la mi-temps.

Ce roman, il fait aussi un très beau pied de nez à l’actualité et à toutes les polémiques qui tournent autour de ce qui se passe sur les plages françaises. Lisez plutôt !


Comme l’autre jour, à la mer. J’y suis allée seule, sans rien. Je me serais bien baignée toute habillée, tiens. Après tout ça aurait séché. Je n’ai pas osé, va savoir, qui s’en fout sur une plage. Les gens font n’importe quoi, sauf que moi, on m’enferme, non – hos-pi-ta-li-se –à cause de ça. P. 43

Encore un très bel exemple de différence qui nous amène à méditer sur le sens que nous pouvons parfois donner au code vestimentaire. Excessif, non ?

Ce roman, c’est une lecture Coup de poing, à l’image de "Jupe et pantalon" de Julie MOULIN qui fait également partie de la sélection des 68 premières fois. Décidément, cette sélection est haute en émotion, je l’adore !

Branques d’Alexandra FRITZ

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