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2020-12-28T18:30:00+01:00

L’éternelle lune de miel de Fares MICUE

Publié par Tlivres
© Fares MICUE

© Fares MICUE

Je vous propose de clôturer cette année 2020 avec une #lundioeuvredart choisie dans le registre de la photographie.

 

« Lune de miel éternelle », c’est son titre, avouons que son message a tout pour plaire. Une invitation à s’aimer soi-même à jamais, quelle plus belle philosophie pour apprendre à oublier ses défauts et se focaliser sur ses qualités. Nul doute que cette oeuvre pourrait s’inscrire dans un parcours de développement personnel, histoire de (re)construire sa confiance en soi. 

 

L’artiste dit elle-même toujours donner un sens à ses clichés qu’elle a commencé à réaliser par passion et qui, après 6 années de publication, en lien avec l’écriture qu’elle affectionne tout particulièrement, ont révélé un immense talent artistique.

 

Cette création est le fruit du travail de Fares MICUE, une jeune femme espagnole née à Lanzarote. 
 

Elle met beaucoup d’elle dans ses œuvres, non seulement ses états d’âme, mais aussi son corps comme modèle. Elle réalise des autoportraits hauts en couleur dans lesquels la tête est souvent remplacée par des fleurs en grand format et aux nuances chatoyantes. J’aime le côté vivant des végétaux qui donne au cerveau humain un côté exaltant.

 

Vous vous souvenez peut-être des créations en relief de Sage BARNES

 

là nous sommes dans le champ de la photographie que je connais peu mais que j’apprécie de découvrir.

 

Je crois d’ailleurs que mon amie Christine y est pour quelque chose, souvenez-vous de ses publications pour #Octobrerose !

 

 

Quelques mois avant, pendant le confinement, il y avait eu la découverte de Astrid DI CROLLALANZA, premier hameçonnage avec des autoportraits tout à fait fascinants. 
 

 

Avec Fares MICUE, nous restons dans ce registre photographique avec des choix esthétiques tout à fait singuliers, depuis la posture de son corps jusque dans la mise en scène globale. 

 

Souvent sur fond noir, mais pas que, elle use de son corps, soit vêtu, soit nu, dévoilant un rapport aiguisé à la beauté de l’intimité. 

 

Là, le port altier, un buste droit et fier portant un chemisier jaune soleil, de cette couleur qui donne de l’énergie et fait rayonner ceux qui la portent. Les bras relevés révèlent la force de caractère du personnage et les doigts élégamment posés sur les épaules magnifient tout en finesse le tableau. Une composition d’un feuillage doré foisonnant en forme de lune surplombe le corps à l’image d’une nature généreuse que les abeilles butinent inlassablement pour produire le nectar au goût sucré et sirupeux. L’expression « être dans la lune » n’a jamais été aussi bien illustrée.

 

Si les photographies de Fares MICUE rappellent parfois celles de Anne GEDDES, ces bébés endormis et associés à des fleurs, l’artiste va plus loin dans la maîtrise de son art puisqu’elle se photographie elle-même. 

 

Loin du selfie aujourd’hui largement pratiqué et véhiculé sur les réseaux sociaux, les clichés de Fares MICUE font appel à une technicité artistique exceptionnelle depuis l’imagination de l’œuvre, la conceptualisation, la réalisation et enfin la diffusion, quatre champs de compétences que l’artiste maîtrise à la perfection pour produire des images « mémorables » comme le dit David HOCKNEY dans une interview de Augustin TRAPENARD pour Boomerang sur France Inter.

 

Je ne peux que vous inviter à découvrir son univers, c’est toute une histoire !

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2020-12-27T17:58:56+01:00

Beau-Papa par VIANNEY

Publié par Tlivres
Beau-Papa par VIANNEY

Un peu d'amour en cette fin de week-end ne peut pas nuire à des coeurs attendris... Vianney est une nouvelle fois à l'honneur pour ma #chansondudimanche avec ce titre, "Beau-Papa" écrit et interprété par l'artiste.

Tout commence avec quelques notes de musique comme sorties d'une boîte à musique enfantine et puis viennent des paroles très touchantes dans ce qu'elles évoquent des liens d'amour qui peuvent se tisser en famille.

Quand la magie opère, le bonheur est garanti. Ecoutez un peu... 

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2020-12-24T08:49:57+01:00

Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Publié par Tlivres
Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Aujourd'hui s'achève #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, un grand merci pour l'idée, un grand bravo pour tous ces moments de littérature égrenés tout au long de ces 24 jours, que de souvenirs et que de références pour amorcer 2021 sans ciller !!!

Aujourd'hui est un jour un peu particulier, celui de choisir "Un livre pour finir en beauté".

Sans aucune hésitation, je choisis "Rivage de la colère" de Caroline LAURENT aux éditions Les Escales, mon premier coup de coeur de cette année 2020, un énorme coup de coeur.

Tout commence avec une conversation établie par un fils avec sa mère, que l'on soupçonne disparue. Il lui rend compte de sa mission, de son combat, et d'un aboutissement que l'on comprend imminent. L’heure est grave, rendez-vous est donné à la Cour de Justice Internationale de La Haye. L’instant d’après, nous sommes en 1967 au nord de l’océan Indien. Marie-Pierre Ladouceur dite Marie vit sur l’île Diego Garcia avec sa fille, Suzanne, et toute sa famille. Elle travaille au coprah, la production de noix de coco. L’île est administrée par les Anglais. Marcel Mollinart est administrateur. Un tout jeune garçon, Mauricien, Gabriel, débarque sur l'île, il est recruté pour être secrétaire. Entre Marie et Gabriel commence une histoire d’amour. Après quelques mois, Marie est enceinte. Elle donne naissance à un garçon, Joséphin, bien noir, bien fort, qui ne laisse présumer d’aucun métissage. Le vent de la décolonisation souffle sur l’archipel mais c'est sans compter sur un "arrangement" préalable entre puissants. Alors que l’île Maurice accède à son indépendance en 1968, celle de Diego Garcia reste dans le giron britannique sous le statut de British Indian Ocean Territory. Elle a été monnayée, comme l'existence de ses habitants, trois millions de livres. Et pour en faire quoi ? Une base militaire américaine ! Mollinart a bien essayé de séduire les foules pour un départ volontaire vers l'île Maurice mais tous n'y succomberont pas. Marie tient a sa terre d'origine, elle tient à sa dignité aussi. La pression s'organise alors jusqu'à la déportation manu militari des Chagossiens. Marie se retrouve dans la cale d’un navire avec sa fille, malade, son fils, et quelques menus effets personnels. Une nouvelle vie commence alors.

Dès les premières lignes, j’ai ressenti la force d’un propos au service d’un peuple exilé, arraché à sa terre, pour que justice lui soit rendue. Prêter sa plume aux Chagossiens est devenu pour elle :


Comme une nécessité... P. 292

Avec "Rivage de la colère", l'autrice explore les sujets de l'identité, de l'indépendance, de la mémoire. 

Caroline LAURENT mêle astucieusement et avec un immense talent la fiction à la réalité. Par le jeu de l'écriture et l'alternance des narrations, elle trace le sillon de la reconnaissance des droits de tout un peuple, peut-être la voie de la justice...

La cause est belle, l'épopée éminemment romanesque, la plume délicieuse, c'est un coup de coeur, quoi... et un coup de coeur ne s'oublie pas !

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2020-12-24T07:00:00+01:00

Anatomie d'un scandale de Sarah VAUGHAN

Publié par Tlivres
Anatomie d'un scandale de Sarah VAUGHAN

Pour le 24ème et dernier jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose une plume étrangère, celle de Sarah VAUGHAN découverte avec le #GrandPrixdesLectricesElle2019 et son roman "Anatomie d'un scandale", publié chez Préludes et désormais chez Le Livre de poche, traduit de l'anglais par Alice DELARBRE.

La première scène du livre surprend Kate en pleine décompression. Nous sommes en décembre 2016. L'avocate pénaliste depuis 19 ans sort d'une plaidoirie difficile, elle a échoué dans la défense d'une femme violée par son mari. Elle s'est spécialisée depuis plusieurs années dans ce genre d'affaires. La perruque enlevée, les pieds déchaussés, elle reprend ses esprits dans son bureau en sirotant un whisky. Elle se laisse bercer par des pensées qu'elle ne peut avoir que dans l'intimité de son bureau. C'est le moment que choisit son clerc pour lui proposer le dossier de sa vie. Il n'en faut pas plus pour que la professionnelle, carriériste, passionnée, se remette au travail. Elle ne sait pas encore que l'affaire qui oppose Olivia Lytton, assistante parlementaire, à James Whitehouse, sous-secrétaire d'Etat, son patron, va lui donner du fil à retordre et faire resurgir du passé de douloureux souvenirs.

Avec ce roman, Sarah VAUGHAN nous immerge dans des décors britanniques d'aujourd'hui et des années 1990. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire toutes les descriptions de ces colleges. J'ai retrouvé l'ambiance de celui de Benjamin WOOD : "Le complexe d'Eden Bellwether", un coup de coeur, l'occasion de faire un petit clin d'oeil aux éditions Zulma.

Sarah VAUGHAN sème autant de petites graines dans l'esprit du lecteur qu'il est nécessaire pour le happer et le tenir en haleine jusqu'à la toute dernière page. Véritable thriller psychologique, ce livre se lit quasiment d'une traite. J'ai été personnellement captivée par le destin de ces femmes blessées par des hommes peu scrupuleux de leurs désirs. L'écrivaine décrit un monde politique hanté par la presse, instrumentalisé par le pouvoir. Il n'en est que plus humain et se risque à jouer avec le feu !

La plume est fluide et dense, elle fait de ce roman un très bon livre.

Et si, comme moi, vous ne connaissiez pas encore Sarah VAUGHAN, nul doute que vous aviez déjà lu une traduction d'Alice DELARBRE. Elle a notamment traduit l'intégralité de l'oeuvre de Victoria HISLOP, ça vous donne une petite idée de son talent.

Maintenant, à vous de jouer !

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2020-12-23T07:00:00+01:00

Le Ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Publié par Tlivres
Le Ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Joker : le livre inclassable", "Le Ghetto intérieur" de Santiago H. AMIGORENA aux éditions POL.

Vicente a quitté Varsovie en 1928. Après un long parcours, il s’installe finalement à Buenos Aires. Il rencontre Rosita avec qui il a trois enfants. Il succède à son beau-père dans la gestion du magasin de meubles, héritage familial. Tous habitent un appartement à quelques centaines de mètres de l'entreprise. La vie pourrait être un long fleuve tranquille, et pourtant... Si Vicente, en quittant sa mère, lui a fait la promesse de lui écrire régulièrement, il n’a en réalité pas tenu son engagement. Il n'a pas nourri l’échange épistolaire alimenté exclusivement par elle pendant toutes ces années. Et puis, en 1938, les lettres se font plus rares, elles lui dévoilent à demi-mots la condition des juifs enfermés dans le Ghetto de Varsovie. C’est alors que les origines de Vicente resurgissent cruellement et le conduisent progressivement à se murer dans le silence. Là commence une toute nouvelle histoire...

 

Ce roman de Santiago H. AMIGORENA, dont je ne connaissais pas la plume, est inspiré de la vie familiale de l'écrivain. Vicente n'est autre que son grand-père. Il aurait pu en faire un récit, il a choisi la fiction, la littérature permet de donner à des personnes dites ordinaires l'étoffe de héros éminemment romanesques. Je me suis plongée avec grand plaisir dans cette histoire singulière au rythme soutenu et au suspens intense. 

 

User des mots, jouer avec eux, c'est l'apanage des écrivains. Dans la démarche de Santiago H. AMIGORENA, peut-être y a-t-il quelque chose de l'ordre de la résilience. Ecrire ce roman n'est-il pas la voie qu'il s'est choisi, lui, le petit-fils, homme des mots justement, pour RESISTER aux drames vécus par la génération de ses grands-parents et qui continuent de l'affecter.

 

Vous l'aurez compris, Santiago H. AMIGORENA, auteur contemporain, fait se croiser subtilement la trajectoire d'une famille avec celle de la grande Histoire et nous livre un roman tout à fait saisissant. Quant à sa plume, elle est tout en sensibilité, profondément bienveillante, comme un baume pour panser des plaies ouvertes à jamais.

 

Ce roman me hante bien des mois après sa lecture. Je l'avais qualifié de lecture coup de poing, il pourrait être aussi un coup de coeur mais je crois que plus encore, c'est un inclassable !

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2020-12-23T07:00:00+01:00

Une joie féroce de Sorj CHALANDON

Publié par Tlivres
Une joie féroce de Sorj CHALANDON

Pour le 23ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose de revenir sur le dernier roman de Sorj CHALANDON "Une joie féroce" aux éditions Grasset, disponible maintenant chez Le Livre de poche.

Quatre femmes sont à bord d'une voiture et s'apprêtent à commettre un acte... irréparable. Jeanne fait partie du complot, c'est la narratrice. Avec Brigitte, Mélody et Assia, elles forment une sorte de communauté. Malgré leur différence d'âge, leurs origines, un point commun les rassemblent : le cancer. C'est dans la salle d'attente de l'hôpital qu'elles ont fait connaissance. Jeanne n'était pas accompagnée, Matt disait ne pas pouvoir le supporter. Elles se sont caressées du regard, se sont effleurées des mains, ainsi est née une forme de complicité, de ces relations qui deviennent avec le temps plus fortes que tout. Alors de là à imaginer réaliser un braquage toutes ensembles, il n'y a qu'un pas, non ? 

J'ai beaucoup aimé tous ces passages sur la puissance de leur connivence, une relation établie entre des femmes à un moment de leur vie où elles cumulent les fragilités. Il y a quelque chose de très beau dans l'amitié, voire l'amour, qui les unit. Il y a aussi cette formidable bouffée d'espoir qui les anime dans l'urgence à VIVRE.

Sorj CHALANDON est un formidable conteur. Ses histoires sont rocambolesques à l'envi. Si les personnages ont l'apparence de Monsieur et Madame tout le monde, c'est pour mieux tromper "l'ennemi", nous prendre par surprise, dérouler le fil d'itinéraires hypothétiques au service d'un scénario savamment orchestré. Une nouvelle fois, chapeau !

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2020-12-22T11:46:30+01:00

Les huit montagnes de Paolo COGNETTI

Publié par Tlivres
Les huit montagnes de Paolo COGNETTI

Pour le 22ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose un moment d'évasion, de l'air, de la nature... avec "Les huit montagnes" de Paolo COGNETTI, Prix Médicis étranger 2017, publié initialement aux éditions Stock et maintenant chez Le Livre de poche.

Je vous emmène à Grana dans le Val d'Aoste où les sommets culminent à plus de 4000. Deux amoureux fous, un brin originaux, s'y marièrent en 1962. Rejetés par leurs familles, ils étaient 4, le nombre minimum pour célébrer une union. Rien de plus naturel donc que de fuir la ville au moment des vacances pour aller s'y ressourcer. De cette union, naîtra un garçon, Pietro. Très vite, il est initié aux plaisirs de la randonnée. Le père et le fils y réalisent de nombreuses escapades, de quoi tisser le fil de la complicité. Vient parfois se glisser dans cette intimité, Bruno, cet enfant des montagnes. Lui les regarde d'un tout autre oeil. Elles ne représentent pas ses vacances mais sa vie quotidienne, il y est né, il y mourra aussi. Entre les deux garçons du même âge, le jeu de la concurrence et le sentiment de jalousie viennent parfois troubler les relations. Les année passent et puis un jour, un drame vient assombrir le tableau, les cartes sont rebattues et commence alors une autre vie...

Dans ce roman, Paolo COGNETTI évoque Dame Nature dans tout ce qu'elle peut donner à l'Homme. A chacun sa mesure, il y a les petits randonneurs du dimanche et les alpinistes, chacun peut y trouver sa place.

C'est un peu comme dans le champ des relations humaines. Il y a ceux qui ont besoin d'isolement et ceux qui sont en interaction permanente avec les autres. C'est un peu ça faire société, non ?

 

La plume de Paolo COGNETTI est absolument remarquable, elle est empreinte de sensibilité et d'humanité.

Dans "Les huit montagnes", il fait de la nature sa toile de fond pour examiner en profondeur ce qui compose chacun, ses origines, ses souvenirs, sa manière très personnelle et subjective d'apprécier la vie à sa juste valeur.

Un très beau roman initiatique.

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2020-12-22T11:28:11+01:00

La Dormeuse de Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
La Dormeuse de Catherine ROLLAND

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre le plus original", "La Dormeuse" de Catherine ROLLAND aux éditions Okama.

 

Sofia Loison est en entretien d'embauche pour un poste d’aide-ménagère. La posture et les échanges avec son recruteur, Léo, l'interpellent. Sofia découvrira qu'il s'agit du neveu de Marie Montès et son mari, Tiago, vivant dans une maison troglodyte de Touraine, et chez qui l'aide-ménagère est censée intervenir. Sofia n'est pas au bout de ses surprises. Elle comprend très vite que bon nombre de personnes se sont déjà collées à la mission mais n'ont pas résisté à la forte personnalité de Marie. La voilà prévenue. Quant à la mission réelle, elle est un brin en décalage avec celle annoncée ! Parallèlement, une enfant disparaît lors d'un séjour familial à Pompéi, l'enfant de 6 ans a quitté la caravane. Elle sera retrouvée quelques années plus tard dans des conditions aussi mystérieuses que sa disparition. Devenue adulte, elle décide de partir en quête de souvenirs. Pompéi, il fut un temps où la cité n'était pas encore ensevelie. En août 79, les hommes et les femmes y vivaient sereinement. Ils ne savaient pas encore que leur temps était compté.

Parce que le défi des tempos était trop simple à relever, l'autrice a imaginé le projet fou d'écrire un livre dans un livre. "La Dormeuse" est un roman dicté à un scribe des temps modernes, l'occasion d'explorer ce champ que Catherine ROLLAND débroussaille elle-même en nous livrant son sixième roman. Si dans la fiction, la question du maintien du suspens est régulièrement posée, qu'elle se rassure, elle en maîtrise parfaitement les rouages. 

Mais là où le talent est exceptionnel, c'est dans la construction de l'édifice. Le jeu des narrations est prodigieusement orchestré. Trois histoires s'entrecroisent à deux mille ans d'intervalle sans qu'à aucun moment vous ne perdiez pied, le tout dans une rythme frénétique. Je n'ai pas vu les 480 pages passer et encore, j'en redemande !  

Ce roman de Catherine ROLLAND, le deuxième pour moi, vient confirmer ses qualités d'écriture. Je crains fort d'en devenir une inconditionnelle !

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2020-12-22T07:00:00+01:00

L’Âge de la lumière de Whitney SCHARER

Publié par Tlivres
L’Âge de la lumière de Whitney SCHARER

Les éditions de l’Observatoire

Traduction de l’anglais par Sophie BASTIDE-FOLTZ

Lee Miller, je l’ai découverte avec le premier roman de Sébastien SPITZER, « Ces rêves qu’on piétine ». J’avais alors été subjuguée par le travail de la photographe à la sortie des survivants des camps de la mort. Et puis, il y a eu en septembre dernier la visite de l’exposition du Musée du Luxembourg dédiée à Man RAY qui fut son compagnon pendant de longues années avec des clichés de l’égérie absolument sublimes :

 

Il n’y avait donc plus qu’un pas à franchir pour me lancer dans la biographie écrite par Whitney SCHARER... grand bien m’en a pris.

Tout commence avec la préparation d’un dîner. Lee MILLER a une soixantaine d’années. Elle est en cuisine. Elle s’apprête à accueillir Audrey WITHERS, Rédactrice en Chef du Magazine Vogue, une amie de longue date. Lee MILLER est hantée, de nombreuses années après, par ce qu’elle a vécu à Saint-Malo lors des bombardements des alliés, la libération d’un territoire qu’elle fut chargée d’immortaliser. Elle lutte contre ses visions en buvant whisky sur whisky. Si un nouveau contrat semble difficile à envisager dans l’état de santé actuel de Lee MILLER, c’est toutefois l’opportunité rêvée de revenir sur une carrière... hallucinante.

La photographie, Lee MILLER est née dedans avec un père amateur du genre. Mais plus que ça, la photographie, elle en fit son alliée, la voie du rebond, après avoir vécu un drame. Dans l’intimité familiale, son père lui proposa de se réconcilier avec son corps. Il réalisa jusqu’à son adolescence des clichés d’elle, nue, peut-être la prédisposition à quelques années de mannequinat. Et puis, Lee MILLER a eu besoin de partir, loin. C’est ainsi qu’elle arriva à Paris en 1929. Elle n’y connaissait personne. C’est à l’inconnu qu’elle accepta d’être conduite dans une fumerie d’opium de Montmartre, chez Drosso très précisément. Elle y fut accueillie par un homme. Elle découvrira plus tard qu’il s’agissait de Man RAY, l’homme avec qui elle partagera une grande partie de sa vie. Man RAY était fils d’un tailleur, il était promis à la succession de l’entreprise familiale mais Man RAY souhaitait être un artiste. Il commença par acheter une presse à imprimer pour éditer une revue avec un ami. C’est à cette époque qu’il commença à peintre. Et puis, il y eut la rencontre avec Adon qu’il épousa. Lui voulait partir vivre à Paris, elle non, leur mariage ne résista pas. Il vécut une dizaine d’années avec Kiki DE MONTPARNASSE, juste avant de rencontrer Lee MILLER. Elle, elle souhaitait faire comme son père, découvrir la technique photographique.


Mais à l’époque, lors de ce premier été à Paris, elle ne connaissait pas encore le pouvoir des photos, la façon dont un cadre crée une réalité, dont une photographie devient un souvenir qui devient vérité. P. 28

Quel plus grand maître alors que Man RAY, l’inventeur de la rayographie. A force de ténacité, elle réussira à se faire embaucher par Man RAY comme assistante, la voie royale pour se former. C’est là aussi qu’elle découvrira l’amour. A son bras, elle rencontrera les intellectuels et artistes du tout Paris, nous sommes dans les années folles, le groupe Dada brille dans les salons du Dôme, les surréalistes revisitent le monde. Entre le photographe et l’amant se sont toutefois insinuer de pernicieuses interactions, pour le meilleur comme pour le pire. Vivre aux côtés d’un artiste reconnu laissait peu de place à cette époque à une femme confinée dans l’ombre des tâches accessoires. Lee MILLER souhaitait être une artiste à part entière. Pour Man RAY, elle devint rapidement une rivale dans l’acte de créer :


Pouvoir manipuler le négatif, ses propriétés chimiques, la nature même de la chose, au lieu de le changer manuellement en le grattant ou en le coupant, leur donne la sensation de créer un support entièrement nouveau. P. 203

Il faudra quelques années pour Lee MILLER pour affirmer ses propres choix, une rencontre avec Jean COCTEAU, et enfin décider de s’émanciper de cet amour dévorant. Lee MILLER deviendra reporter de guerre.


Elle veut créer des moments et les saisir sur la pellicule. Saisir l’expérience en train de se vivre, la sensation d’être vivant. P. 378

C’est là qu’elle sera confrontée à des images qui ne la quitteront plus jamais, celles des bombardements de Saint-Malo. Ainsi la boucle sera-t-elle bouclée, à moins de prolonger l’expérience jusqu’à se souvenir de son séjour, à Munich, dans l’appartement privé du Führer allemand.

Cette biographie de Whitney SCHARER est un petit bijou.

C’est une manière tout à fait originale de s’acculturer à la discipline artistique de la photographie. J’ai adoré vivre dans la chambre noire avec Man RAY et Lee MILLER des moments de tension inouïe, aussi fugaces que vertigineux, à l’approche de ce qui pourrait être LE cliché des années 1930.

J’ai aussi et surtout beaucoup aimé découvrir la femme qu’était Lee MILLER, une enfant blessée, une femme en mal d’exister, une artiste en mal de reconnaissance, son apogée et sa descente aux enfers.

Dans une version romancée, Whitney SCHARER et la traductrice Sophie BASTIDE-FOLTZ nous livrent une biographie hors norme, à l’image de la femme dont les clichés dans des robes luxueuses ne sauraient résumer les 70 années de la vie d’une passionnée.

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2020-12-21T16:43:17+01:00

A l'ombre des saules en pleurs de Martine MAGNIN

Publié par Tlivres
A l'ombre des saules en pleurs de Martine MAGNIN

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, voilà "Le plus beau titre", "A l'ombre des saules en pleurs" de Martine MAGNIN aux éditions Fleuve.

Pauline et Antoine partagent leur vie depuis une trentaine d'années. Leur fils, Louis, est parti au Québec vivre sa passion de pêcheur. Elle, est coiffeuse, lui, plombier, mais chacun regorge de talents cachés. Elle, altruiste, s'évertue à apporter du bien-être à celles et ceux qui l'entourent, lui, est sculpteur. Antoine est passionné d'entomologie, la science des insectes qu'il magnifie avec la réalisation d'oeuvres métalliques monumentales. Un jour, une cliente de Pauline évoque la recherche de gardiens pour une copropriété de huit maisons sur l'île des Saules. Pauline et Antoine, qui vivent dans un petit appartement sans âme, présentent leur candidature. Elle est acceptés, c'est là que commence une nouvelle histoire.

J'ai adoré l'approche de l'art de sculpter le fer. L'écrivaine décrit avec beaucoup de précision tout ce que ce travail exige de maîtrise. Je connaissais le travail artisanal, mais sous la plume de Martine MAGNIN, la discipline devient artistique. Immense bonheur que d'accompagner Antoine dans sa quête de la perfection, tant dans l'équilibre de ses oeuvres que dans la nuance des tons du matériau.

 

Et puis, bienvenue dans le monde des insectes. Plus jamais vous ne verrez ces petites bêtes comme avant mais bien comme des éléments essentiels de cette chaîne qu'est la biodiversité, nécessaire à la (sur)vie de la planète.
 
Enfin, il y a l'approche, un brin singulière, des arbres. Bien sûr, l'écrivaine met en lumière l'essence des saules pleureurs, très présents dans les environs de l'Oise, et de l'île sur laquelle elle choisit de faire vivre ses personnages, mais Martine MAGNIN va aussi sur le terrain de leur sensibilité largement véhiculée par Peter WOHLLEBEN, forestier allemand.
 
Par son écriture et à travers une galerie de personnages, tous très attendrissants, chacun dans son genre, Martine MAGNIN m'a fait vivre des moments d'une très grande beauté, d'autres d'une profonde tristesse. Ainsi va la vie ! Ce qui distingue sa plume, c'est assurément le ton, celui de l'humour, de la malice et de la BIENVEILLANCE, un mot qui vient régulièrement ponctuer sa prose, histoire de ne pas l'oublier. 

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2020-12-21T12:23:47+01:00

Coeur naufrage de Delphine BERTHOLON

Publié par Tlivres
Coeur naufrage de Delphine BERTHOLON

Pour le 21ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose de retrouver Delphine BERTHOLON avec son roman "Coeur naufrage" publié chez Lattès disponible maintenant en poche chez Le Livre de poche.

"Coeur-Naufrage", c'est le titre donné par Lyla à un poème qu'elle a écrit à l'attention d'un garçon, Hervé, son 1er petit amoureux. Mais là, elle a 17 ans, c'est l'été, elle est en vacances, elle prend son vélo et part seule en direction de l'océan. Il fait très chaud, elle est insouciante et se laisse porter par un vent de liberté. Et puis, il y a une chute, la chaîne qui saute et son incapacité à la remettre. Elle décide de marcher à côté de sa bicyclette. Elle se souvient d'un endroit fréquenté par des surfeurs et un bar ambulant. Elle y trouvera bien de l'aide. Fatiguée, elle laisse son vélo sur le bord de la route et continue son chemin à pied. A son arrivée près du van, et voyant des garçons plus âgés qu'elle, Lysa se demande si elle a fait le bon choix. Elle mesure maintenant sa prise de risque. La jeunesse aidant, elle décide de la jouer familière, elle fume avec eux, elle boit avec eux. L'heure passe, la nuit tombe, il va bien falloir penser à rentrer. Mais, son vélo, qui va le retrouver pour le réparer ? Et elle, qui va la ramener ? Joris, l'un des 3 surfeurs, décide de faire un effort, il part avec elle, et là commence une toute nouvelle histoire !    

Avec Delphine BERTHOLON, je suis habituée aux lectures Coup de poing, il y avait eu "L'effet larsen" et puis "Les corps inutiles". Tantôt je fuie les coups, tantôt je les recherche, tantôt je les esquive, tantôt je les prends pleine figure.

Ce que j'aime tout particulièrement chez Delphine BERTHOLON, c'est la puissance de la personnalité des femmes. A l'image de Clémence dans "Les corps inutiles", Nola dans "L'effet larsen", Lyla prend son destin en main, décide d'assumer ses actes et trace son chemin. Bien sûr, il y a des fragilités, des moments où les vannes sont ouvertes et les larmes coulent à flot, mais il y a aussi cette force intérieure qui permet d'avancer, d'afficher à l'extérieur une certaine dimension et sous le regard des autres de prendre de la hauteur.

La narration de ce roman devient une lecture à deux voix, celle de Lyla et celle de Joris, un formidable regard croisé sur les événements, un procédé ingénieux, audacieux diront certains, mais parfaitement maîtrisé par une écrivaine à la plume remarquable et totalement addictive.

Préparez-vous, Delphine BERTHOLON a annoncé son grand retour. Rendez-vous en mars 2021 avec "Dahlia".

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2020-12-20T07:00:00+01:00

La femme révélée de Gaëlle NOHANT

Publié par Tlivres
La femme révélée de Gaëlle NOHANT

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre dont j'aurais aimé rencontrer le héros", en l'occurrence l'héroïne. J'ai choisi "La femme révélée" de Gaëlle NOHANT aux éditions Grasset.

Le tout dernier roman de Gaëlle NOHANT est sorti en janvier 2020, une épopée romanesque comme l'écrivaine sait les écrire. Vous vous souvenez peut-être de la "Légende d'un dormeur éveillé" ? Et bien, vous allez rechuter !

Eliza Bergman est née en 1919. Elevée à Hyde Park, enfant, elle se souvient de toutes ses promenades avec son père dans des quartiers défavorisés. Il était médecin, reconverti dans la recherche en sociologie à l’université de Chicago, et aimait faire découvrir à sa fille la diversité des hommes. A 31 ans, elle laisse son fils, Martin, alors âgé de 8 ans, et quitte précipitamment les Etats-Unis à destination de la France. Armée de son Rolleiflex, son seul effet personnel, et devenue Violet, elle immortalise le tout Paris des années 1950. C'est là qu'elle va lentement se (RE)construire, au gré des rencontres, des relations d'amitié, d'amour aussi, qu'elle va savamment tisser entre authenticité et imposture. Comme une funambule sur son fil, elle va éprouver le jeu de l'équilibre pour mieux savourer les joies de sa liberté retrouvée et aller jusqu'au bout de ses convictions pour peut-être, un jour, retrouver son pays, ses racines.

Cette lecture m'a captivée par l'entrée en matière, artistique. Le Rolleiflex est à lui seul un personnage. Créé en 1929, c'est le nec plus ultra des appareils, aujourd'hui encore largement plébiscité. Avec lui, c'est le pouvoir de l'oeil qu'elle va explorer. Gaëlle NOHANT nous fait ainsi entrer dans le monde de la photographie, cette discipline qui permet de porter un regard singulier sur le monde. 

Je ne vous en dirais pas plus parce que c'est là aussi le charme de ce roman mais Eliza devenue Violet a un dessein. Certains évoqueraient son histoire sur fond d'abandon, elle, non !

Avec cette fresque, il est question de transmission, de mémoire. Gaëlle NOHANT qui dédie ce livre à sa mère et à sa fille, aborde aussi la condition noire, un sujet malheureusement d’actualité encore en 2020 dans ce qu’elle évoque d’injustice et de maltraitance. Si certains préfèrent effacer toute trace du passé, l'écrivaine nous propose une autre alternative, celle d'en graver l'empreinte dans la mémoire des hommes pour qu'ils puissent mieux s'en émanciper. 

A l'image de l'itinéraire d'Eliza devenue Violet construit par Gaëlle NOHANT, l'Homme a cette capacité à grandir, à s'élever, à condition qu'il VOIT. Si toutes ces années n'ont pas suffi à lui ouvrir les yeux, il est temps aujourd'hui qu'il puisse le faire parce qu'il est question de dignité, mais aussi de vie ou de mort ! Et si les médias ordinaires n'y suffisent pas, que la littérature puisse elle aussi apporter sa pierre à l'édifice.

La plume de Gaëlle NOHANT est absolument magnifique. D'une profonde sensibilité, elle est presque cinématographique. Tout au long de cette lecture, j'ai eu l'impression de regarder un film défiler sous mes yeux. Et puis, elle a cette capacité à embrasser cinquante ans de l'Histoire transatlantique, naviguant entre fiction et réalité, par la voie de personnages extrêmement attachants, la garantie d'un immense talent. 

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2020-12-20T07:00:00+01:00

Les recettes de la vie de Jacky DURAND

Publié par Tlivres
Les recettes de la vie de Jacky DURAND

Pour le 20ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose une plume exquise à savourer. J'espère que vous commencez à saliver... place donc à celle de Jacky DURAND, une petite gourmandise, avec "Le cahier de recettes" chez Stock devenu "Les recettes de la vie" en version poche, chez Folio.

Alors, si on se mettait à table !

"Le cahier de recettes" vous fait entrer de plein fouet dans le monde hospitalier, Monsieur Henri y vit ses derniers jours. Avec son décès et cette dernière page du cuisinier du Relais fleuri qui se tourne,  mille et un souvenirs affluent dans l'esprit de Julien, son fils, le narrateur. Il nous dévoile le livre tout entier de la vie d'un homme passionné de cuisine, un taiseux qui a dédié toute son existence à offrir à ses clients des mets de qualité, empreints de tradition. Sa cuisine, son antre, il la partageait avec son ami Lulu, un homme avec qui il a combattu en Algérie. Tous deux entretiennent une relation inébranlable, unis à la vie à la mort, par autant de blessures qui font des hommes des êtres meurtris par la douleur.  Sa cuisine, ses recettes, il s'est toujours attaché à les conserver dans sa mémoire comme autant de bijoux que l'on sauverait du regard. Pourtant, Julien se souvient d'un cahier dans lequel sa mère s'évertuait à recopier quelques bribes obtenues à la volée d'un homme qui préférait le silence aux grands discours. Mais où est-il ? Et si "Le cahier de recettes" était la clé de secrets trop bien gardés...

Après "Marguerite" découvert avec les 68 Premières fois, Jacky DURAND nous revient avec un roman qui porte tous les stigmates de ses chroniques culinaires diffusées sur France Culture et rédigées pour Libération. Il nous fait entrer par la petite porte d'un restaurant et découvrir la gastronomie française, il nous fait saliver de bonheur, le temps d'une lecture, je m'y suis crûe, les sens en éveil ! Quant à Julien, qui a pris la succession de son père, il le fait revivre à travers ses plats. Que son père le veuille ou non, il est partout présent ! 

Habilement, Jacky DURAND fait se côtoyer l'art culinaire et la littérature avec cette mère, professeure de lettres au lycée. Petit garçon, Julien s'invitait dans la chambre des parents où les livres envahissaient l'espace. Cette chambre était aussi le lieu de partage du repas familial, la tendresse y était reine. Pas très étonnant qu'en guise de plan B, Julien prenne la voie de sa mère et choisisse les lettres pour des études supérieures...

"Le cahier de recettes" est un roman empreint de générosité, de bienveillance et de bonté. La plume est délicate et poétique. 

Le menu est alléchant, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter : "Bon appétit". 

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2020-12-19T08:11:11+01:00

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
Copyright Guillaume Perret Agence lundi 13

Copyright Guillaume Perret Agence lundi 13

Ma chère Catherine, quel plus joli cadeau que cette interview pour clôturer l’année 2020, une année tout à fait particulière ?

 

Tout d’abord, et cette question est loin d’être anodine, comment vas-tu ?

 

Je vais très bien, je te remercie. Le contexte est assez morose, il faut le reconnaître, mais tous mes proches sont en bonne santé et je suis d’un naturel extrêmement positif. Donc je me dis que j’ai de la chance par rapport à beaucoup, et je patiente bien sagement en attendant que les choses aillent mieux.

 

Tu es Médecin urgentiste de profession, c’est bien ça ?

 

Mon autre profession, oui ! L’année, de ce point de vue, a été particulière aussi. Qui sait, j’en tirerai peut-être un roman un de ces prochains jours… (on ne se refait pas)

 

Nous avons donc eu la chance de nous rencontrer il y a quelques années maintenant sur le Salon du Livre de Paris, un moment inoubliable qui m’a permis de découvrir ta plume avec « Le cas singulier de Benjamin T. » mais ça n’était pas ton premier roman. Raconte-nous ton rapport à l’écriture...

 

Mon rapport à l’écriture est un peu compulsif ! « Le cas singulier de Benjamin T. » qui, en effet, nous a permis de nous rencontrer, était mon 5ème roman publié. Depuis, j’ai continué – sans surprise – à beaucoup écrire, en publiant un roman et en participant à trois recueils de novellas fantastiques… pour ne parler que de ce qui est déjà paru. 

 

Pour rester un peu sur « Le cas singulier de Benjamin T. », les sujets de la santé mentale et des hallucinations y sont explorés minutieusement. Est-ce que tu as puisé ton inspiration dans ta vie professionnelle ou bien avais-tu envie, par une fiction, d’aller sur un terrain de jeu inconnu ?

 

Un peu les deux, je pense. Il est clair que le fait d’être médecin m’a aidée pour imaginer le personnage de Benjamin, un ambulancier atteint d’épilepsie. Le contexte dans lequel il évolue, sa maladie, l’hôpital ou l’univers des essais thérapeutiques, sont des domaines familiers pour lesquels je n’ai pas eu besoin de beaucoup me documenter.

 

En revanche, pour ce livre dont une partie de l’intrigue se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, j’ai effectué un important travail de recherche historique. Il s’agit d’une fiction, mais mes héros sont confrontés à des événements et à des personnes qui ont réellement existés. Il était très important pour moi de ne pas commettre d’erreur en mettant en place ce décor spécifique. 

 

Ce n’était pas une corvée, bien au contraire. Je suis une fand’Histoire et j’ai pris un immense plaisir à décortiquer la période et les lieux qui m’intéressaient.

 

  

Tu souhaitais honorer la mémoire d'hommes et de femmes qui se sont battus par le passé pour que la Haute-Savoie, et notamment le petit village de Saint-Calixte, demeure française. Pourquoi ?

 

La Résistance au sens large du terme, le combat pour défendre ses idées, la lutte contre l’oppresseur sont des thèmes extrêmement classiques en littérature.

 

Mon roman se situe pour une grande part dans le maquis de Haute-Savoie, en effet, mais j’aurais pu choisir une autre guerre, un autre pays.

 

D’ailleurs, si les dates, les faits et les personnages historiques sont réels, comme je l’ai dit plus haut, le village de Saint-Calixte est, lui, fictif.

 

En réalité, ce qui m’importait surtout était de transporter mon héros, Benjamin, de son époque contemporaine à un passé à la fois proche et tumultueux. La Seconde Guerre mondiale était donc le choix idéal pour l’intrigue que j’avais en tête.

 

Dans la même veine, est sortie en 2020 « La Dormeuse », un roman dont l’exercice littéraire est juste vertigineux. Au fur et à mesure que je le lisais, je voyais les personnages se construire sous mes yeux, un peu comme si j’étais au théâtre et que, sur scène, deux décors se distinguaient avec une porosité hallucinante malgré les deux milles années d’écart. Peux-tu nous en dire quelques mots et nous expliquer comment tu en as eu l’idée ?

 

Tu as raison, « La Dormeuse » est en quelque sorte le prolongement de Benjamin. Les passages d’une époque à l’autre y sont plus complexes, puisque trois lignes temporelles s’entremêlent : une narration contemporaine où Marie, une écrivaine au crépuscule de sa vie, dicte son dernier livre à Sofia, son auxiliaire de vie ; une seconde intrigue revenant sur l’adolescence de Marie et l’époustouflante expérience qu’elle va vivre à Pompéi alors qu’elle a seulement 18 ans ; enfin, un retour-arrière de deux millénaires, toujours à Pompéi, mais cette fois en l’an 79, à quelques jours de l’éruption du Vésuve.

Les intrigues se croisent, s’intercalent et se répondent jusqu’au dénouement final qui permet de les relier.

 

Comme la plupart des écrivains, je serais incapable de te dire précisément comment m’est venue l’idée. Avec Benjamin, j’avais expérimenté l’élaboration d’une fiction rencontrant la vérité historique, mâtinée d’un soupçon de fantastique, et l’exercice m’avait plu. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de me rendre à Pompéi. La cité pétrifiée que nous connaissons aujourd’hui est aussi fascinante que le mode de vie à l’époque antique et les récits que Pline le Jeune a pu faire de l’éruption. Entre présent et passé, j’ai choisi de ne pas trancher !

 

 

Donc, on en sait maintenant un peu plus sur l’idée... quant à la construction narrative, peux-tu nous expliquer comment tu as travaillé à l’édifice ?

 

Avant de commencer la phase d’écriture proprement dite, j’ai défini les trois lignes temporelles et leurs événements-clés, ainsi que les nœuds de l’intrigue, là où les récits se rejoignent (je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler l’histoire, bien sûr !).

 

Ce qui est un peu compliqué dans ce type de construction est qu’il faut bâtir quatre romans en un : 3 intrigues qui, d’une certaine manière, pourraient se suffire à elles-mêmes, c’est-à-dire avec un début, une problématique et un certain nombre de ressorts dramatiques, et une fin. Puis un quatrième niveau qui englobe les trois autres.

 

Dit comme ça, je me rends compte que ça semble compliqué ! Ce que je viens de t’expliquer est en fait une analyse a posteriori, car une fois les bases posées, j’ai laissé faire les personnages et ce sont eux qui m’ont emmenée où ils voulaient. Si on s’attache trop à prévoir le moindre petit détail, on ne commence jamais le premier chapitre…

 

Pour ce type d’épreuve littéraire, je t’imaginerai assez bien dans une pièce de ta maison dédiée à la réalisation d’un puzzle à taille humaine. C’est un peu ça ou pas du tout ?

 

 Ah, le fantasme de l’écrivain contemplant le mur de son bureau constellé de post-it !

Je reconnais que j’ai pris pas mal de notes et que j’ai dessiné une sorte de frise chronologique avec des flèches qui partaient dans tous les sens pour ne pas me perdre, mais ensuite les choses se sont enchaînées assez naturellement.

 

Cette histoire de post-it est un vague fantasme personnel qu’il faudra que j’expérimente un jour, ceci dit. 

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Catherine ROLLAND

Et les personnages ? Est-ce qu’ils t’apparaissent quasi achevés quand tu te lances dans l’écriture ou bien te laisses-tu porter par leurs propres aventures pour en affiner la psychologie, la vie au sens large du terme.

 

En fait, les deux à la fois.

 

J’entends par là que dans la phase qui précède l’écriture, je réfléchis et je fouille davantage les personnages que l’intrigue elle-même. Quand je commence à écrire, je peux n’avoir qu’une idée encore globale de la trame, voire ne pas savoir exactement ce qui se passe à la fin, mais j’ai besoin de bien connaître mes personnages pour commencer à écrire.

 

D’une certaine façon, c’est logique : au début de l’histoire, eux non plus ne savent pas ce qui les attend, ils le découvrent en même temps que le lecteur. En revanche, leur personnalité et leur vécu sont déjà là, et il est essentiel que je les connaisse bien dès le premier chapitre pour leur donner une âme, une profondeur fondamentale pour que le lecteur s’attache à eux.

 

Cependant, il arrive que les personnages me surprennent, qu’ils prennent des initiatives étonnantes, révèlent des traits de caractère que je n’avais pas anticipés au fil de l’intrigue. Ainsi, un héros secondaire peut s’imposer sur le devant de la scène ou, a contrario, un personnage principal décéder de façon impromptue, un bon devenir méchant ou inversement.

 

Ces retournements de situation sont plus ou moins décrits par tous les écrivains et, le plus souvent, je dirais qu’il faut bien se garder de contrarier les personnages lorsqu’ils prennent les commandes. Leurs idées sont meilleures que celles de l’auteur, en général.

  

Le roman n’est que la partie visible de l’iceberg de tes capacités littéraires. Je crois que tu aimes aussi beaucoup les nouvelles, n’est-ce pas ?

 

J’ai effectivement des « phases » nouvelles. Contrairement à un certain nombre de mes confrères, je n’ai pas débuté par les nouvelles pour passer ensuite au roman.

 

J’ai commencé à en écrire sur le tard, il y a quelques années. J’étais entre deux projets d’écriture et je ne voulais pas m’attaquer tout de suite à un nouveau roman, car une période de correction m’attendait pour ma prochaine publication. 

 

Quand je me lance dans un projet, je déteste devoir le suspendre, ne serait-ce qu’une semaine ou deux. Le format court était donc la solution. Je me suis amusée à répondre à des appels à texte pour des concours ici ou là. L’écriture sous contrainte (thème imposé, longueur de texte) est un exercice intéressant. 

 

Contrairement à ce qu’on entend parfois dire, l’écriture d’une nouvelle n’est pas du tout comparable à celle d’un roman. Il y a des contraintes de rythme, de concision de l’intrigue, il faut taper vite et fort, et surtout que la chute soit spectaculaire. C’est à mon sens le secret d’une nouvelle réussie et, mine de rien, c’est extrêmement technique. Mais si on y arrive, c’est réjouissant !

 

Qui plus est, dans le champ du fantastique. C’est un genre à part entière, non ? 

 

Bien sûr, le fantastique est un genre à part entière. Il existe d’ailleurs de nombreux sous-genres la fantasy, la bit-lit, l’urban fantasy… Je ne les connais pas tous, je l’avoue ! 

 

J’ai un goût particulier pour l’urban fantasy : l’histoire commence dans le monde réel, avec un héros très normal à qui on peut s’identifier… puis le héros découvre l’existence d’un autre monde magique, des peuples dotés de pouvoirs, par exemple, coexistant en secret avec les humains conventionnels. 

Cela laisse une immense place à l’imagination, tout en obligeant à conserver un cadre et des repères connus. Cette coexistence entre réalisme et merveilleux me plaît particulièrement.

Côté édition, tu es passée des Escales à Okama. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui te lie maintenant à cette maison d’édition ?

L’aventure aux Escales a été une grande chance pour moi. Le fait d’être éditée dans une maison parisienne est le fantasme de beaucoup d’auteurs et, en effet, j’ai eu affaire à une équipe très professionnelle et cela m’a permis de participer à des salons internationaux, d’avoir une visibilité dans certains médias… et de te rencontrer, bien sûr ! Cependant, depuis la parution du « Cas singulier de Benjamin T. », l’équipe a changé plusieurs fois, et leur ligne éditoriale actuelle ne correspond plus vraiment à ce que j’écris.

Les éditions Okama et Laurence Malè, leur fondatrice, sont arrivées à point nommé pour accueillir mes incursions de plus en plus marquées dans les domaines du fantastique et de l’imaginaire. Laurence m’a fait confiance et j’ai eu l’honneur, outre « La Dormeuse », de participer à trois recueils de nouvelles aux côtés d’autres auteurs (« L’étrange Noël de Sir Thomas » en 2019, et « Léa » et « Nuits blanches en Oklahoma » en 2020).

Nous nous entendons extrêmement bien et d’autres parutions sont déjà prévues chez elle.

Tu as des projets je crois...

 Effectivement, 2021 va être une grosse année pour moi !

Attention, ce qui suit n’a pas encore été révélé officiellement, tu tiens donc un scoop !

Au printemps, « Les inexistants », un roman auquel je tiens beaucoup, sortira chez BSN Press, une maison d’édition suisse spécialisée dans le roman noir et le polar. C’est donc un tout autre genre auquel je me suis attaquée. L’histoire de trois personnages singuliers qui se croisent, le temps d’une nuit, dans un petit restaurant de bord d’autoroute : une serveuse, un migrant irakien et un marginal… ceci alors que, dans cette petite ville de province, sévit un tueur en série. 

J’ai également été invitée à écrire une nouvelle pour une anthologie autour de la thématique d’Halloween, aux côtés d’autres auteurs, pour une autre maison suisse. Elle devrait paraître à l’automne.

Enfin, à l’automne 2021également, sortira le premier tome de ma toute première série fantastique ! C’est encore un peu tôt pour te livrer tous les détails, mais je peux te dire qu’il y aura du suspense et surtout beaucoup d’humour. J’ai créé un univers assez déjanté peuplé de créatures improbables et caractérielles et truffé de situations cocasses et décalées. Après cette année difficile, je crois qu’une histoire légère et drôle, avec des personnages attachants et émouvants, sera particulièrement bienvenue. Je suis actuellement en train d’écrire le tome 2 et que j’y prends un plaisir fou !

Et puis, tu viens tout juste de te lancer dans une nouvelle aventure, sur la toile cette fois, avec la création d’un blog et la diffusion d’une newsletter régulière. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui j’avais un peu de temps, le jeudi entre 16 :00 et 16 :25, alors je me suis dit « pourquoi pas ? »

Plus sérieusement, comme nous le savons tous, 2020 a été une catastrophe pour le milieu de la culture. Même si les écrivains s’en sortent forcément mieux que les artistes de théâtre, les musiciens ou autre, nous avons tout de même été privés des dédicaces et des salons littéraires qui sont l’occasion de présenter notre travail et d’aller à la rencontre de nos lecteurs.

Cela m’a fait réfléchir à la manière de contourner le problème pour maintenir le lien avec mes lecteurs. Les réseaux sociaux sont évidemment un outil intéressant, mais les publications sont très éphémères et les interactions limitées par des algorithmes sur lesquels nous n’avons pas de prise. J’avais déjà un site internet depuis quelques années, mais la plateforme qui m’hébergeait n’offrait pas la possibilité de créer une newsletter et les fonctionnalités étaient réduites.

Avec l’aide de mon fils Guillaume, j’ai donc retroussé mes manches pour concevoir un nouveau site internet.

J’ai effectivement créé un blog, où je compte proposer régulièrement des articles sur mon quotidien d’écrivain, ainsi que des anecdotes, des mini-nouvelles, inspirées notamment de mon travail de médecin (puisque jusqu’ici, je n’ai pas spécifiquement exploré ce domaine dans un roman… mais qu’il y a beaucoup à raconter !)

Je ne veux surtout pas harceler mes abonnés avec des newsletters trop fréquentes : il y en aura une à deux par mois avec, chaque fois, du contenu exclusif qui ne sera accessible que pour eux : nouvelles inédites, extraits de romans à paraître, découverte de la couverture des prochaines publications en avant-première, etc.

Pour s’abonner, rien de plus simple : il suffit de se rendre sur le site et de remplir le formulaire situé dans la colonne latérale. On peut aussitôt accéder à une première nouvelle de bienvenue !

 

Et dans cet emploi du temps on ne peut plus chargé, arrives-tu encore à trouver un peu de temps pour lire ?

 Oh oui ! Un écrivain qui ne lit pas, c’est impossible ! Je suis une boulimique de lecture et une des meilleures clientes de la bibliothèque de ma ville (ce qui présente un autre avantage : à force, les bibliothécaires sont devenues des amies qui se mettent en quatre pour me sélectionner de la documentation adaptée à chaque nouveau projet… et l’une d’elles fait même partie de mes bêta-lectrices !)

Quel est ton dernier coup de coeur ?

Moi qui ne suis pas acharnée aux découvertes de la rentrée littéraire, j’ai pourtant adoré « L’anomalie » d’Hervé Le Tellier, le lauréat du Goncourt 2020 (sans doute le côté surnaturel de l’intrigue !). 

Dans un autre genre, j’ai découvert Anne-Laure Bondouxgrâce à mon éditrice, et le poétique et merveilleux « Tant que nous sommes vivants » qui m’a littéralement emportée.

Le « Comme des sauvages » de mon copain Vincent Villeminot m’a coupé le souffle, il a une façon unique de décrire la nature brute, la violence de l’homme, c’est à la fois dépouillé et poétique, je conseille vraiment. 

Et, encore dans un style différent, je ne peux que te parler dela plume d’Abigail Seran, une auteure suisse et aussi une amie (j’avoue, mais je ne cite pas tous mes amis-auteurs en coup de cœur, promis). Elle sait à merveille raconter les histoires mélancoliques, tout en retenue et en clair-obscur. Son dernier, « D’ici et d’ailleurs », vient tout juste de paraître.

Bon, je crois bien que ça fait plus qu’UN coup de cœur.

Quelle sera ta prochaine lecture ?

Après tout le monde, je viens d’acheter le premier tome du « Passe-miroir », une série fantastique française, écrite par Christelle Dabos.

J’en ai entendu dire beaucoup de bien, alors comme toujours, c’est à double tranchant et j’ai un peu peur : quand on attend énormément d’un livre, on est plus facilement déçue… J’espère sincèrement que ça ne sera pas le cas : la série comporte quatre tomes, il y a de quoi se faire vraiment plaisir !

 

Bien sûr, nous pourrions poursuivre indéfiniment cette discussion, le plaisir d’échanger ensemble est juste un petit bonheur mais, même les bonnes choses ont une fin, n’est-ce pas ! 

 

Je te remercie très sincèrement Catherine de cette interview. On est déjà dans les starting-blocks de cette rentrée littéraire d’hiver. D’ici là, je te souhaite des fêtes qui soient les plus belles possibles. J’espère pouvoir te retrouver très vite sur un salon du livre...

 

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2020-12-19T07:00:00+01:00

Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre le plus émouvant". Sans aucune hésitation, j'ai choisi "Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD, un premier roman publié aux éditions de l'Observatoire, un énorme coup de coeur 2020.

Il y a des romans qui vous prennent à la gorge dès les premières lignes, assurément, celui de Thibault BERARD fait partie de ceux-là. 

Sarah, la narratrice, est morte à l’âge de 42 ans. Elle se remémore son adolescence, sa première histoire d’amour avec un homme de 15 ans de plus qu’elle, ses actes de bravoure à l’encontre de la grande faucheuse. Si elle ne l’a pas emmenée lorsqu’elle avait vingt ans, Sarah était persuadée qu’elle viendrait la chercher avant la quarantaine. Elle l’a toujours dit à Théo, son amour, son lutin. Elle n’était donc pas surprise quand, à 38 ans, alors qu’elle est enceinte de 7 mois de son deuxième enfant, un garçon, le couperet tombe avec l’annonce d’une tumeur cancéreuse très mal placée la menaçant de mort imminente. Théo s’est battu comme un fou pour sauver son moineau mais il n’était pas de taille, les dés étaient jetés, les jours comptés, impossible de reculer.
 
Ce roman, je vous vois déjà vous dire, il n’est pas pour moi, et pourtant ! Thibault BERARD, éditeur chez Sarbacane, nous livre un hymne à la vie. Largement inspiré de son histoire personnelle, le propos de ce livre ô combien audacieux est un petit bijou de la littérature. Thibault BERARD aurait pu en faire un essai à l’image de ce qu’a livré Mathias MALZIEU dans son "Journal d'un vampire en pyjama", il a décidé d’en faire une fiction et c’est somptueusement réussi.
 
En ouvrant ce livre, vous acceptez de monter dans l’ascenseur émotionnel parfaitement maîtrisé par l’écrivain, vous allez vivre d’intenses moments de bonheur, vous envoler très haut, et puis, vous allez vivre des moments de grand désespoir, tomber très bas. 

Et puis, il y a ce brin de fantaisie, cette fraîcheur d’esprit, tout ce qu’un jeune couple peut vivre d’original, de drôle, de fantasque, se retrouve dans la plume de ce primo-romancier. 

Les mots sont beaux, les phrases délicates et sensuelles, les métaphores joueuses, les personnages sublimés, les sentiments magnifiés, le livre profondément touchant.

Ce roman, c’est aussi un hymne à l’amitié. Le réseau d’amis proche résiste à tout, y compris la maladie. Il y a toute une galerie de personnages autour du couple, ils aident Sarah à vivre les événements, ils aident Théo à les surmonter.

Mais pour que cette chronique soit complète, impossible de vous quitter sans partager avec vous « I Don’t Want To Miss A thing » par Aerosmith, l’une des nombreuses références de Théo, enfin, Thibault BERARD, quoi ! Elle risque de vous faire craquer...

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2020-12-19T07:00:00+01:00

Né d'aucune femme de Frank BOUYSSE

Publié par Tlivres
Né d'aucune femme de Frank BOUYSSE

Pour le 19ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose de revenir sur le lauréat du #GrandPrixdesLectricesElle2019 dans la catégorie polar. Il s'agit bien sûr du roman de Franck BOUYSSE, "Né d'aucune femme", publié initialement chez La manufacture des livres et désormais disponible chez Le livre de poche.

Rose a 14 ans, c'est l'aînée d'une fratrie de 4 filles. Ses parents sont des paysans. Un jour, son père, Onésime, l'emmène avec lui. Rose fait l'objet d'un contrat diabolique. Elle est vendue à un homme moyennant une petite somme d'argent, de quoi assurer pour quelques temps la survie du reste de la famille. Les remords n'y feront rien, le sort de Rose est ainsi jeté. Elle devient l'employée d'une maison qui renferme de nombreux secrets, à commencer par l'existence de l'épouse de "l'acheteur" qui serait gravement malade. Rose ne l'a jamais vue. Le médecin du village vient régulièrement lui rendre visite, de quoi susciter la curiosité de l'adolescente. Elle sera bien malgré elle entraînée dans un scénario des plus machiavéliques.
Franck BOUYSSE imagine une histoire absolument démoniaque, un scénario morbide dont je n'ose pas imaginer les images portées au cinéma.
 
Si la première partie est empreinte de sauvagerie, j'ai beaucoup aimé la seconde dans ce qu'elle a de plus fort. Rose incarne le personnage d'une jeune femme révoltée, pleine de courage, que rien ne saurait abattre, pas même l'indicible, impossible à vous dévoiler. Rose va trouver le moyen de s'extraire de toute cette violence, elle va puiser la force dans son âme pour surmonter tout ce qu'elle endure physiquement, elle va trouver la voie des mots.
 
Ce roman est un hymne à l'écriture. Nul besoin de vouloir être écrivain pour se plier à l'exercice, le seul fait de coucher les mots sur le papier peut délivrer du poids qui vous assaille. Franck BOUYSSE fait preuve d'énormément de poésie à leur égard.
 
Parfaitement structuré dans un roman choral, le propos est servi par une plume éminemment belle. La chute est juste magistrale.

Cette chronique est aussi l'occasion de souhaiter de belles fêtes à Marie de la librairie "Le Renard qui lit" qui l'encense, c'est évidemment un très bon conseil de lecture.

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2020-12-18T12:28:27+01:00

Par la fenêtre de Nicole GIROUD

Publié par Tlivres
Par la fenêtre de Nicole GIROUD

Cette lecture, je l’ai réalisée à l’invitation des Editions Les Escales et dans la perspective d’une rencontre littéraire à distance avec l’autrice le 1er décembre dernier. Merci à Sarah RIGAUD, Anne LABORIER et leur équipe de cette organisation.

Amandine Berthet a 80 ans. Elle est hébergée depuis trois ans à l’EMS (établissement médico-social) Les Chênes, une pension en Suisse Romande. Toute sa vie elle a raconté des histoires ; d’abord, à ses frères et soeurs quand elle était enfant, ensuite aux élèves de sa classe quand elle allait à l’école. C’est donc assez naturellement qu’elle s’est mise à raconter l’histoire d’Amanda Wilkson aux résidents de l’EMS. Quelle fut la surprise du personnel de l’établissement de découvrir des personnes âgées, des hommes et des femmes, suspendus aux péripéties des personnages imaginés par Amandine. Une entorse au règlement a même été décrétée pour autoriser ce moment d’évasion à un moment où chacun devrait avoir pris ses médicaments et respecter le couvre-feu de l’EMS. Avouons qu’Amandine avait plus d’un tour dans son sac. Proposer un voyage en pleine Amazonie à des personnes « condamnées » à vivre dans cette pension n’était pas pour déplaire aux résidents, parfois meurtris par un passé lourd qu’ils passeraient la journée à ressasser. C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent au Brésil dans une fazenda située à l’embouchure du delta de la baie de Guajará. Mais, si les résidents se reposaient sur leur conteuse pour leur ouvrir des portes sur le monde, Amandine, elle, rêvait d’un vrai voyage. Elle décida donc d’échapper à la surveillance du personnel de l’EMS (!) et de fuguer. Amandine se retrouva en pleine manifestation, une Street parade. C’est là qu’elle rencontra une charmante personne avec qui elle vivra de sacrées aventures. Mais là, commence une toute nouvelle histoire.

Ce roman, s’il est exigeant pour le lecteur en termes de forme, en lien avec l’imbrication des histoires de deux femmes, tantôt Amandine, tantôt Amanda, a pourtant eu raison de mes émotions.

D’abord ce roman c’est une invitation à un ailleurs que la littérature propose inlassablement. J’aime beaucoup la citation de Grégoire DELACOURT extraite de son roman "La liste de mes envies" :

"Il n’y a que dans les livres que l’on peut changer de vie. Que l’on peut tout effacer d’un mot. Faire disparaître le poids des choses. Gommer les vilénies et au bout d’une phrase, se retrouver soudain au bout du monde."

C’est exactement ce que vivent les résidents de l’EMS Les Chênes lors des séances de conte animées par Amandine Berthet.

Son public est âgé. Il surmonte aujourd’hui des fragilités physiques qui entravent sa liberté et parfois le fait souffrir.


Une maison de retraite, c’est comme un pensionnat ou une colonie de vacances, l’urgence en plus. P. 166

Il est hébergé dans un établissement qu’il n’a pas forcément choisi et a vécu le déracinement de sa terre d’origine. Il porte le lourd fardeau d’une existence toute entière, et celui d’Amandine n’est pas plus léger. Jeune fille, elle fut vendue par ses parents, pauvres fermiers, contre trois vaches laitières à un homme tortionnaire. Elle aura avec lui un garçon, Jean, la cinquantaine maintenant.

Ce roman est un hymne au conte. J’ai été profondément touchée par le pouvoir exercé par celle ou celui qui en use :


Tels sont le pouvoir et la frustration des vrais conteurs : ils font naître chez ceux qui les écoutent des rêves encore plus forts que les leurs, et créent des mondes auxquels ils n’ont pas accès. P. 247

Si on a plus l’habitude d’une heure du conte dédiée aux enfants, il est moins fréquent de l’envisager en foyer logement, quelle erreur ! J’espère que ce roman donnera tout un tas d’idées au personnel qui y travaille quotidiennement.

Et puis, ce livre, c’est aussi une formidable rencontre intergénérationnelle. Quand Amanda va quitter l’établissement, elle va se retrouver à côtoyer des jeunes et vivre des aventures éminemment romanesques.

Elle aurait pu avoir des relations avec ses petites filles mais les liens se sont distendus avec le temps. Là, il y a une sincérité profonde, des émotions fortes devant les scènes de fiction de Nicole GIROUD comme si le fait qu’il s’agisse de personnages sans aucune relation préétablie libère les mots, les attentions, les gestes. Si Aurélie et Carla sont de jeunes femmes tout à fait intéressantes à décrypter, j’avoue être tombée sous le charme de Rocco, un jeune homme dont pourrait rêver chaque grand-mère.

Parce qu’Amanda, ce qu’elle voulait, elle, c’était :


La vie en grande largeur ! La vie quand ne vous attend plus que l’ébauche maladroite du dernier pointillé. P. 26

C’est une bien belle manière de revisiter nos relations aux « vieux ». Si on acceptait d’être naturels, d’être nous-mêmes en fait, peut-être que tout deviendrait simple, non ?

Personnellement, je me suis gorgée des plaisirs des dernières pages, un pur bonheur, avec une fin, juste théâtrale.

La plume de Nicole GIROUD est foisonnante. Si elle nécessite de maîtriser quelques codes pour faciliter son acculturation, une fois adoptée, elle sait révéler de bien belles merveilles.

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2020-12-18T12:10:00+01:00

Où bat le cœur du monde de Philippe HAYAT

Publié par Tlivres
Où bat le cœur du monde de Philippe HAYAT

Pour le 18ème jour de l'opération "Noël en poche", je vous propose une épopée romanesque tout à fait remarquable, "Où bat le cœur du monde" de Philippe HAYAT publié aux éditions Calmann Lévy, disponible désormais chez Le Livre de Poche.

Nous sommes en 1935 dans la ville de Tunis. Darius Zaken est un petit garçon de la communauté juive de hara. Quand une tempête de sable sévit sur la ville, les Arabes, très en colère, s'en prennent aux Juifs qu'ils considèrent responsables de la perte de leurs récoltes et de leur misère. Ils mettent le feu à la librairie du père de Zaken qui mourra dans l'incendie, plongeant l'enfant dans un irréductible mutisme émotionnel. Plus un mot ne sortira de sa bouche, on le lit dans les toutes premières pages. Sa mère, fille de médecins d'origine italienne, nouvellement endeuillée, va se sacrifier pour l'avenir du garçon. Elle va s'inspirer du manuel des signes de l’Institut des Jeunes Sourds de Paris pour contrer le handicap de son fils. Elle va multiplier les petits boulots. C’est lors d'une soirée où Darius vient l’aider à gérer le vestiaire du théâtre qu’il se laisse guider par quelques notes de musiques... la voie d'une nouvelle vie.

Ce roman est un « multicarte ». "Où bat le coeur du monde" est un roman initiatique, un roman d'aventure, un roman historique.

Enfin, la cerise sur le gâteau, Philippe HAYAT nous berce avec délice des notes de musique de la clarinette de Darius, il sublime cette discipline artistique avec ses mots. Je ne suis pas musicienne mais avec ce roman, j’ai eu l’impression de ressentir la puissance de la musique, de vibrer, quoi !

C'est roman, c'est aussi l'occasion de souhaiter de belles fêtes de fin d'année à toute l'équipe de Page des Libraires. Je me souviendrais toujours de la présentation de la rentrée littéraire organisée à la BNF avec Philippe HAYAT au micro, présentant son tout nouveau roman !

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2020-12-18T07:58:24+01:00

Avant que j'oublie de Anne PAULY

Publié par Tlivres
Avant que j'oublie de Anne PAULY

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre le plus drôle". Paradoxalement, j'ai choisi "Avant que j'oublie" de Anne PAULY aux Editions Verdier, premier roman et Prix du livre Inter 2020.

Si le sujet abordé est tragique, la mort d'un père, Anne PAULY choisit l’humour pour décrire l’existence d’un unijambiste, alcoolique, un Monsieur devenu vieux, seul, malade, fragilisé. 

Son roman biographique est traité avec une dérision remarquable, quel talent !

Personnellement j'ai beaucoup ri devant la scène de l’entrée dans l’église, bras-dessus bras-dessous avec son amoureuse, Félicie ! Elle m'a accompagnée une partie de ma lecture et m'a offert la distance nécessaire pour ne pas fondre en larmes devant cette fin, universelle.

Que l'on ne se méprenne pas, ce roman est empreint, aussi, d'une profonde tendresse, de quoi assurer un parfait équilibre.

 

 

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2020-12-17T12:35:00+01:00

Carmen et Teo de Delphine GROUES et Olivier DUHAMEL

Publié par Tlivres
Carmen et Teo de Delphine GROUES et Olivier DUHAMEL

Dans le cadre de #MonAventLitteraire2020 lancé par Nicole et Delphine, place au "Livre dont le héros a existé". J'ai choisi "Carmen et Teo", un roman écrit à quatre mains par Delphine GROUES et Olivier DUHAMEL aux éditions Stock, un roman qui retrace une page de l'histoire contemporaine du Chili.

 

Nous partons pour le Chili. Carmen naît dans une famille privilégiée d'une mère aux origines aristocratiques, professeure de littérature et comédienne, d'un père architecte et enseignant à l'Université. Pendant sa jeunesse, Carmen, une urbaine, part un été avec le Père Mariano Puga, elle découvre la tribu Mapuche, sa grande pauvreté, son histoire aussi, une tribu massacrée par les Espagnols, ces colons européens, et les créoles chiliens. Parallèlement, Teo, lui, naît dans une famille pauvre de la région de Tarapaca, une région minière où est alors exploité le salpêtre, cette poudre blanche qui est étendue sur les sols européens pour les enrichir. Quand l'Europe décide d'utiliser des produits alternatifs, toute la chaîne de production s'arrête, obligeant les mineurs à s'exiler vers Santiago pour trouver du travail. L'enfant de la campagne n'a alors que 7 ans. Dans un contexte politique des plus tendus, nous sommes au début des années 1970, Carmen et Teo vont prendre part, chacun à leur mesure, aux événements qui soulèvent leur pays. Salvador Allende décède lors du coup d'Etat du 11 septembre 1973 dans le Palais Présidentiel bombardé. Là commence une toute nouvelle histoire, avec un grand H (aussi) !
 
"Carmen et Teo", c'est avant tout un roman historique. Delphine GROUES est Directrice de l'Institut des compétences et de l'innovation de Sciences Po, elle a écrit une thèse sur la protestation populaire chilienne. Olivier DUHAMEL, connu notamment pour ses interventions sur Europe 1 et LCI au sujet des institutions et de la vie politique, a écrit "Chili" publié en 1974. Tous deux sont des spécialistes et nous font revivre une page de l'Histoire du Chili, une page dont personnellement je n'avais que très peu de connaissances. 
 
Ce qui, personnellement, m'a captivée, c'est la formidable euphorie que vivait à l'époque une jeunesse assoiffée de liberté et qui voyait dans les mouvements communistes l'opportunité d'un régime égalitaire. 
 
Si ce roman concourt à la mémoire d'un pays d'Amérique du Sud et de son Histoire, il est aussi un formidable roman d'aventure qui peut s'apprécier comme un beau moment d'évasion littéraire à parcourir le monde au bras d'attachants personnages.
 
Et pour conclure, quel plus beau cadeau offert par Caroline LAURENT le 6 juin dernier lors de l'interview réalisée par Nicolas AUVINET de la Librairie RICHER avec, dans les toutes dernières minutes, l'intervention de Teo, l'homme dont le parcours a largement inspiré le roman !

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