Lors de la dernière rencontre littéraire organisée par Les Bouillons le 16 décembre au Théâtre Le Quai d'Angers, j'ai découvert une autrice, Christine MONTALBETTI, et passé une excellente soirée.
Si elle a écrit plusieurs romans (presque une vingtaine, honte sur moi), j'ai choisi de retenir personnellement "Mon ancêtre Poisson" publié chez P.O.L, formidable idée.
Christine MONTALBETTI choisit la voie de son arbre généalogique pour tisser le fil de ses origines et brosser le portrait de son arrière-arrière-grand-père, Jules POISSON, né en 1833, recruté comme jardinier par le Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris dans le quartier Latin quand il n'avait que 9 ans et 10 mois. Au gré de ses apprentissages, il deviendra préparateur puis botaniste, publiant moult articles dans la presse spécialisée. Porté par les inventions technologiques de l'époque mais aussi, meurtri par les affres de la première guerre mondiale, après une vie bien remplie, il meurt en 1919.
Ce roman, c'est l'histoire d'un homme qui pourrait être banal mais qui, de par son parcours initiatique, donne à voir une évolution de carrière prestigieuse et laisse une trace dans l'étude des végétaux. Si hier, elle n'était accessible qu'aux initiés du genre, la voilà désormais partagée avec le grand public, de quoi lui assurer la postérité.
Mais plus que ça, ce roman, c'est une tonalité, une expression. Christine MONTALBETTI use d'une formule pleine de fantaisie, tendre et délicate. La plume est joueuse. Elle interpelle tantôt son arrière-arrière-grand-père à la 2ème personne du singulier, tantôt le.a lecteur.rice en le.a vouvoyant. Que de questions auxquelles on aurait envie, nous aussi, de répondre.
Ce roman, c'est un exercice littéraire, un peu comme une conversation qui, au gré de l'imagination, établirait un lien entre les siècles et les générations. Christine MONTALBETTI côtoie, par la voie de l'écriture, cet ancêtre à qui elle voue une profonde affection.
C’est comme une folle conversation avec toi, une tresse joyeuse de nos phrases, qui s’entremêlent. P. 63
Et puis il y a le rôle de la génération intermédiaire, celle de la grand-mère de l'écrivaine, le dénominateur commun entre l'arrière-arrière-grand-père et Christine MONTALBETTI. Elle aussi entre dans l'entretien.
[…] ce que je me dis, c’est que tout ça passe par elle, qui est comme le bâton de relais d’une affection possible entre nous, notre point d’intersection, en somme, ma-grand-mère-ta-petite-fille sur laquelle toi et moi, si on y pense, nous avons tous les deux posé nos yeux. P. 28/29
Le fil tissé est ingénieux, c'est celui autour duquel toute l'histoire familiale repose en termes de transmission. Quand on fait l'éloge aujourd'hui (tout à fait justifié d'ailleurs) de la grand-parentalité, avouons que sous la plume de Christine MONTALBETTI, elle porte ses plus beaux atours.
Mais le roman serait incomplet s'il n'embrassait la grande Histoire, une manière tout à fait singulière de revisiter ces 80 années...
A travers cette musique de tes phrases, j’accède au rythme de ta pensée, à la manière dont tu entendais le monde. P. 88
Ce roman, c'est assurément une très belle surprise, la rencontre avec une très belle plume, douce et soyeuse, gaie et malicieuse.
Et puis, impossible de ne pas faire un petit clin d'oeil à ma chère Eglantine. Figurez-vous, ce soir-là, je portais mon plus beau trench, celui réalisé par ma couturière préférée, et devinez quoi, il était couvert de poissons. Vous pouvez allègrement imaginer la teneur de la dédicace... Quand je dis qu'il n'y a pas de hasard dans la vie !