Cécile COULON, je l’ai découverte il y a très longtemps maintenant avec "Le roi n'a pas sommeil".
Et puis, il y a eu toutes ces années, sans, honte sur moi. Heureusement, le Bon club est là et Gwen me l’a tendu, tout droit, elle a très bien fait.
Le Paradis, c’est la ferme où vit la famille Émard. Il y a Émilienne, cette personne âgée de 80 ans, la patronne. Et puis, il y a Blanche, sa petite fille qui vit sa première expérience amoureuse avec Alexandre, un jeune garçon. Il y a Gabriel, le frère de Blanche. Il y a Louis aussi, lui, il est maltraité par son père. Émilienne l’a accueilli sur ses terres. Il est commis. Cette ferme porterait bien son nom s’il n’y avait eu le décès accidentel d’Etienne et Marianne, les parents de Blanche et Gabriel. Et puis aussi, le départ d’Alexandre pour aller faire ses études, abandonnant Blanche à son triste sort. Et Gabriel, dont le corps frêle ploie sous le poids de la douleur de l’absence de ses parents. Que d’être meurtris qui, bon an, mal an, se tuent aux tâches agricoles, les poules, les canards, les pintades, les cochons. Ils vouent leur vie à la terre, du lever au coucher du soleil. Mais cet équilibre ne saurait durer sans quelques bouleversements, là commence une nouvelle histoire.
Il y a le rapport à la terre qu’entretiennent les paysans et la valeur travail. Dans le genre, il y a bien sûr Serge JONCOUR qui excelle dans l'approche du monde agricole, ses valeurs, ses codes, ses rouages. Plus récemment, j'ai été happée par le destin de "La fille de la grêle" de Delphine SAUBABER
Ce qui m'a frappée dans la prose de Céline COULON, c'est le rapport aux animaux, de ceux qui sont élevés pour nourrir les hommes dans un circuit court, depuis la production jusqu'à la consommation. Elle met ainsi le doigt sur le modèle économique mis en place avec une certaine autarcie dans la satisfaction des besoins physiologiques de la pyramide de Maslow, les besoins primaires des hommes et des femmes, manger, boire, dormir.
Dans les toutes premières lignes, l'autrice décrit le rituel de tuer le cochon, cet événement qui vient rythmer la vie des agriculteurs. Dans cette scène, j'ai été frappée par la présence du sang qui irrigue le corps et répond lui aussi aux besoins vitaux des êtres. Mais il y a aussi l'image des liens du sang. J'ai lu personnellement dans le propos de Céline COULON la filiation, le lien établi entre les générations dans la succession des exploitations. Pérenniser l'outil de travail devient une responsabilité qui incombe, presque naturellement, aux descendants. Là, Emilienne montre à quel point certains s'inscrivent dans une abnégation totale au profit de la ferme, la pierre et les terres.
Comme une prédisposition des femmes au Paradis, c'est Blanche qui s'inscrit dans ses pas.
Et puis, il y a le parcours initiatique d’une jeune femme dont la transmission est assurée par la voie de la grand-maternité, deux portraits de femmes complexes, oscillant entre le courage, la force, et les fragilités.
Il y a encore la narration. Des verbes à l’infinitif pour marquer l’action et le rythme effréné du roman. Une tension exercée dès les premières pages. Un mystère incroyable est entretenu tout au long du livre avec la bombe qui explose, une déflagration aux milles éclats, le tout servi par une plume éminemment poétique.
commentaires