Parce que la rentrée littéraire ça se passe aussi en poche, place aujourd'hui à "Blizzard" de Marie VINGTRAS initialement publié aux éditions de l'Olivier et désormais chez Points. J'ai découvert ce roman avec la #selection2022 des 68 Premières fois.
Les premières lignes sont saisissantes :
Je l'ai perdu. J'ai lâché sa main pour refaire mes lacets et je l'ai perdu.
Dès lors, tout peut arriver. Dans un climat hostile, deux êtres, dont on ne sait rien, qui, il y a encore une seconde, étaient solidaires dans leur destinée, se retrouvent seuls. Bess, une femme raconte son effroi, la culpabilité qui la tenaille déjà. Et puis, vient Benedict, un homme. Quand il découvre la maison ouverte et personne à l'intérieur, il s'inquiète, il peste. Lui sait que dans son pays, le simple fait de lâcher une main se fait au péril de la vie. Il est né là, en Alaska. Et encore, Freeman, un retraité noir. Et enfin, Cole. Dans la situation présente, il y a urgence à agir, à la vie à la mort.
Marie VINGTRAS nous livre un thriller psychologique haletant. Je peux bien l'avouer, une fois commencé, je n'ai pas pu le lâcher, moi !
Il y a d'abord les personnages qui un à un se saisissent d'une réalité et improvisent dans la prise de décision. L'autrice nous livre une galerie aussi mystérieuse qu'hétéroclite. Tous, dans leurs conditions, ne sont pas armés à égalité. Quand un homme ou une femme est exposé.e à des conditions climatiques extrêmes, il y a des choses à faire (ou ne pas faire), il y a des réflexes à adopter, mais encore faut-il les avoir appris, les maîtriser aussi.
Comme j'ai aimé ce roman pour ce qu'il véhicule de puissance, pour ce qu'il génère chez les êtres humains qui imaginent la fin de leur vie imminente et ont cette envie irrésistible d'en dérouler le fil.
Comme j'ai aimé passer des moments d'intimité avec des personnages en introspection, seuls avec eux-mêmes, seuls confrontés à leur propre sort.
Comme j'ai aimé la narration, arriver à chaque fin de chapitre, court pour donner encore plus de vitalité au propos, et découvrir la petite phrase qui va encore faire monter d'un cran l'intensité.
Comme j'ai aimé la chute, prodigieuse.
Comme j'ai aimé ce premier roman exceptionnel dans une plume presque cinématographique. Je crois que je vais garder très longtemps en mémoire les images que Marie VINGTRAS a fait naître dans mon esprit.
Parce que je ne lis plus jamais les quatrièmes de couvertures, je vous propose les premières lignes du roman de Marie-Virginie DRU, "Regarde le vent", aux éditions Albin Michel.
Camille a la quarantaine. Elle est mariée avec Raphaël avec qui elle a eu deux filles, Jeanne et Louise de 12 et 14 ans. Elle est guide conférencière à Paris. Sa grand-mère, Annette, est décédée il y a trois mois. Elle a une irrépressible envie de se mettre à écrire. Comme une adolescente, elle commence à rédiger en cachette. Raphaël est un être torturé et violent. Il met la main sur ce qui apparaît comme le journal intime de sa femme, elle qui s'évertue à remonter le fil des générations passées, des histoires de femmes. Dès lors, tout peut arriver.
Ce roman, je vous le conseille.
Il y a d'abord l'ambiance qui règne dans cette famille, la pression exercée par "le loup dans la bergerie". La tension est palpable, elle va aller crescendo, impossible de lâcher votre livre avant d'avoir tourné la dernière page.
Et puis, il y a le sujet, la mémoire intergénérationnelle, celle qui se transmet, inconsciemment, entre les générations. C'est quelque chose qui m'interpelle et que j'ai envie d'explorer.
Il y a encore des personnages de femmes tout à fait fascinants, des résistantes.
Il y a enfin toutes ces références culturelles citées par l'autrice qui sont autant d'opportunités à se documenter sur les sculptures, des poèmes, des chansons...
Dernier point, la plume, une découverte pour moi. Elle est foisonnante. Les personnages sont de fiction mais Marie-Virginie DRU réussit formidablement bien à leur donner corps. Les descriptions et les vies trépidantes de celles qu'elle décrit sont autant d'invitations à s'identifier à elles. Pari réussi du second roman !
Ma #citationdujeudi est extraite du premier roman d'Anthony PASSERON : "Les Enfants endormis" aux éditions Globe.
Je vous en dis quelques mots :
Il y a cette famille d’artisans bouchers, de pères en fils, des gens connus de tout le village, des gens qui se tuent au travail. Alors, quand le fils aîné, Désiré, se destine à des études, un nouvel élan souffle sur la lignée. C’est le fils cadet qui, lui, sera soumis à la relève, lui n’aura pas le choix de son avenir professionnel. Mais avec les études, Désiré découvre la vie en ville. Il côtoie des jeunes qui n’ont que faire du modèle ancestral. Ce qu’ils veulent, eux, c’est vivre. Dès lors, ils repoussent les limites, bravent tous les dangers. Désiré lâche l’école. Direction Amsterdam. Quand il en reviendra, plus rien ne sera pareil. La drogue fait partie de sa vie, la drogue dure, l’héroïne. Il se pique, lui et ses amis de l’époque. Ils partagent les mêmes seringues, celles-là mêmes qui véhiculent le VIH. Mais le virus est à cette époque loin d’être maîtrisé. Ce ne sont que les balbutiements de la recherche médicale dans le domaine, le début d’un des plus grands combats scientifiques du XXème siècle.
Ce roman résonne profondément avec l'actualité. Peut-être avez-vous entendu parler du décès de Daniel DEFERT... cet homme ne vous dit peut-être rien. C'est pourtant lui qui est à l'origine de la création de l'association Aides.
Si nous avons beaucoup parlé d'un virus ces trois dernières années, il en était un autre dans les années 1980 qui décimait les 4 H. Il en faisait aussi des parias.
J'ai énormément appris avec ce roman parfaitement construit.
"Les Enfants endormis", c'est aussi une autre époque. L'auteur décrit la vie dans un village de campagne orchestré par les notables, les artisans faisaient partie des rouages du système. Alors, quand un fils tombe malade, sa femme et leur fille aussi, tout ce qui a été construit à mains nues s'écroule.
Ce roman, il est militant.
Il assure la mémoire de celles et ceux qui ont succombé. Ils étaient des hommes et des femmes, comme nous, et pourtant, ils sont décédés d'un virus pendant que les instituts de recherche menaient une autre guerre, celle de la notoriété, de l'argent. C'est abject. Plus jamais ça !
Il honore aussi Willy ROZENBAUM, infectiologue, qui a fait preuve d’une incroyable ténacité. S'il est passé à côté du Prix Nobel de Médecine en 2008, il trouve là un hommage vibrant qui vient couronner son combat.
Marie CHARREL, j'ai découvert votre talent avec votre roman "Les Danseurs de l'aube", un énorme coup de cœur, et puis, le dernier sorti, "Les Mangeurs de nuit", m'a de nouveau transportée.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'accorder un peu de votre temps précieux pour répondre à quelques-unes de mes questions.
Donc, comme je l'évoquais, votre roman, "Les Mangeurs de nuit" publié aux éditions de l'Observatoire, est sorti en librairie tout début janvier. Si vous deviez nous le présenter, qu'en diriez-vous ?
« Les Mangeurs de nuit » évoquent la rencontre entre deux solitaires, Hannah et Jack, au cœur des forêts de Colombie britannique – une rencontre bercée par les mythes et le rapport à la nature. Hannah et Jack ont en commun d’avoir derrière eux un passé difficile, lié aux tourments de l’Histoire. Pour Hannah, il s’agit de l’immigration japonaise en Amérique du Nord, et pour Jack, de la tragédie des Amérindiens. Ils partagent également une même connexion au « monde sensible » et sauront s’apprivoiser grâce à cela, malgré leurs différences. Les légendes sont très présentes au fil du récit, tout comme la figure de l’ours. Elles tissent un lien entre les histoires d’Hannah et Jack.
La vue du bureau de Marie CHARREL, là où elle a écrit une grande partie de son dernier roman
Ce roman est historique. Il témoigne d'une page du début du XXème siècle de la grande histoire nord-américaine. Nous sommes au Canada dans la province de la Colombie-Britannique. Pourquoi explorer cette migration japonaise ?
Le roman s’est d’abord construit autour de Jack, un « compteur de saumon » : son travail est de remonter les cours d’eau afin de compter - littéralement- les saumons à la haute saison. Ces informations, récoltées par 150 autres comme lui, permettent au autorités canadiennes d’établir les quotas de pêche.
La région où il vit, la Colombie Britannique, est aussi celle où les immigrés japonais ont, durant la Seconde guerre mondiale, été enfermés dans des camps d’internement : suite à Pearl Harbor, le gouvernement, calquant sa politique sur celle des Etats-Unis, redoutait que certains soient des espions à la solde de Tokyo. Il s’agissait bien sûr de simples travailleurs, souvent là depuis deux générations, et relativement peu nombreux…
Mêler ces deux histoires m’est très vite apparu comme une évidence : la concordances des lieux l’imposait.
La migration, c'était également un thème scruté dans "Les Danseurs de l'aube" avec les Roms condamnés à abandonner leur logement social en Hongrie. Qu'avez-vous à nous dire ?
On réalise souvent a posteriori qu’un thème traverse plusieurs livres ! Sans prétendre que l’histoire ne cesse de se répéter -elle ne le fait jamais à l’identique-, il est frappant de constater que lors des périodes de crise, en particulier économique, c’est sur les immigrés, les étrangers ou les personnes considérées comme telles que les crispations se concentrent. Ils servent de bouc-émissaires, sont ostracisés. Ces résurgences de l’intolérance est terrifiante. L’actualité ne manque hélas pas d’exemples, quel que soit le continent. En la matière, il n’y a aucun progrès, il est impossible d’avoir la certitude qu’une page est tournée pour de bon.
Et puis nous restons sensiblement à la même époque. Que représente pour vous cette période ? Qu'est-ce qu'elle vous inspire ?
Cette période est un concentré de tout ce que la nature humaine est capable de produire en termes d’horreur et de cauchemardesque, mais aussi de courage, de résistance et de don de soi. C’est un terreau romanesque très fort lorsque l’on tente d’ausculter la nature humaine, justement.
D’un point de vue personnel, mon arrière-grand-tante, connue sous le nom d’artiste de Yo Laur, a été déportée à Ravensbrück après une vie de peintre et d’aventurière. Elle a réalisé des dessins dans le camp, qui ont pu être miraculeusement sortis. Nous les avons retrouvés. J’ai tenté de retracer son destin dans un livre précédent (« Je suis ici pour vaincre la nuit », chez Fleuve Editions) et pour ce, j’ai passé énormément de temps dans les archives européennes. Je suis également allée en Allemagne et en Algérie pour enquêter sur elle. Depuis ce livre, cette période m’habite un peu plus fort encore.
Le bureau de Marie CHARREL
Vous êtes journaliste de profession. Pourquoi opter pour le roman ? Qu'est-ce qu'il permet de plus ou de différent ? Pourquoi pas une biographie des Jumeaux Rubinstein ?
Le journalisme et l’écriture romanesque sont bien sûr des exercices très différents, mais il existe une forme de correspondance entre les deux. Dans le cadre des recherches pour mes livres, j’utilise des méthodes d’enquête parfois comparables à celles du journalisme. Grâce à cela, mes trois derniers romans sont construits sur des faits réels.
J’ai choisi d’écrire un roman où Sylvin Rubinstein apparaît comme un personnage plutôt qu’une biographie pour profiter de la liberté qu’offrent le roman et la fiction : celle d’imaginer son intériorité, les sentiments qui le traversaient, les décrire – ce que l’on ne peut dresser qu’à l’état d’hypothèses dans une biographie -, tout en se basant sur les éléments véritables de sa vie.
J’avais également à cœur d’entremêler son histoire à celle de deux danseurs contemporains, Lukas et Iva, qui partent sur ses traces. Ce, afin d’explorer les échos de l’histoire.
Au reste, il existe déjà une merveilleuse biographie de Sylvin (non traduite, écrite par Kuno Kruse), retraçant son incroyable destin de danseur de flamenco, tueur de nazi travesti pendant la guerre, et ce qu’il a vécu ensuite. Mon roman n’évoque que quelques épisodes du début de sa vie. Il ne vise pas à l’exhaustivité, mais à faire découvrir ce résistant hors du commun en le mettant en scène.
J'imagine que vous réalisez de nombreuses recherches en amont de vos romans. Comment les organisez-vous ?
Oui ! Il y a d’abord une phase assez joyeuse et chaotique où j’amasse énormément de matériau autour du thème qui m’intéresse : livres, ouvrages scientifiques, films, documentaires, articles, interviews…
Je me rends autant que possible dans les lieux évoqués. Pour « Les danseurs de l’aube », je suis allée à Hambourg où Sylvin a vécu pour rencontrer son biographe, puis à Grenade pour mieux comprendre le flamenco. J’avais également déjà visité plusieurs villes évoquées dans le livre lors de reportages, comme Varsovie ou Lisbonne.
Je fais feu de tout bois, je tâtonne et accumule des pages et des pages de notes dans lesquelles je puise lorsque je tiens le fil rouge de l’histoire.
Chez vos personnages, il y a aussi dans ces deux derniers romans quelque chose en commun de l'ordre de la résistance, individuelle (chez vos personnages principaux) et collective (je me souviens de la communauté anarchiste dans le théâtre du Schanzenviertel dans "Les Danseurs de l'aube" et puis là, le mouvement des Bâtisseurs). Pourquoi ?
Là encore, ce n’est pas de l’ordre du conscient – j’ai réalisé que les personnages ont ce point commun après coup. Ce thème était d’ailleurs déjà très présent dans les livres précédents. Cela tient sans doute au fait que la résistance est l’une des qualités que j’admire le plus. La capacité de dire non. De se battre pour ses valeurs. Je me demande souvent pour quelles raisons certains individus se lèvent un jour pour résister, et pas d’autres. Comment savoir si le moment de le faire est venu ? Si le combat est le bon ? Comment choisir les bonnes armes et ne pas s’y brûler corps et âme ? Doit-on être prêt à tout sacrifier, y compris sa famille ? Ce sont, je crois, des questions que mes personnages se posent également.
Comment créez-vous vos personnages ? Est-ce que dès le début de votre roman vous connaissez leur trajectoire ou bien se construit-elle au fur et à mesure de l'écriture ?
Je m’attache à construire des personnages qui évoluent au fil des pages : il me semble que c’est l’élément essentiel d’un récit romanesque. Qu’ils apprennent, sur eux-mêmes et les autres, qu’ils progressent. Je pose la trame de leur trajectoire avant de commencer à écrire. Et bien sûr, je ne la respecte jamais complètement.
Et puis, il y a l'art aussi en commun dans ces deux romans. Vous nous offrez de somptueuses descriptions du flamenco dans "Les Danseurs de l'aube", elles sont incandescentes. Avec "Les Mangeurs de nuit", ce sont les contes. Quel rapport entretenez-vous avec les disciplines artistiques ?
Toutes sont des sources d’inspiration. La peinture est un refuge, littéralement : rien de mieux qu’une heure dans un musée pour expérimenter un voyage intérieur puissant. J’apprécie en particulier les peintres de la première moitié du XXe siècle.
En outre, je ne pourrai pas vivre sans musique. C’est, avec les livres, le meilleur remède face à la brutalité du monde.
En tant que lectrice, j’aime qu’un roman me plonge dans un univers/pays/lieu/métier/ou autre dont je ne connais rien. C’est également ce que je tente modestement d’offrir dans mes romans : dans les deux précédents, une plongée dans le flamenco, puis dans les forêts de Colombie Britannique… Pour y parvenir, je m’immerge intensément moi aussi dans ces univers avant de leur donner vie par écrit.
Vos deux derniers romans sont publiés aux Editions de l'Observatoire, une maison que j'affectionne tout particulièrement. Comment se passe la phase de (ré)écriture ?
C’est sans doute le moment le plus intense et excitant dans la vie du livre avant sa publication. Mes deux éditrices, Dana BURLAC et Flandrine RAAB, sont les premières lectrices. Elles soulignent ce qui fonctionne dans le texte, les points forts, mais aussi les faiblesses, les facilités auxquelles le récit cède parfois (les ficelles un peu grosses), les manquements. Leurs remarques sont toujours des suggestions subtiles et intelligentes, jamais directives. Elles aident à aller plus loin, à oser un peu plus encore, à se dépasser. A peaufiner encore le texte par petites touches, jusqu’à avoir la certitude d’avoir donné le meilleur de soi.
J'imagine que vous lisez beaucoup. Pouvez-vous nous présenter votre dernier coup de cœur ?
Il y en a tellement ! Ces derniers mois, « L’été où tout a fondu », de Tiffany McDANIEL, m’a particulièrement marqué, par la force des thèmes qu’il aborde et sa construction implacable. Il évoque l’arrivée d’un garçon afro-américain dans une petite ville des Etats-Unis. Il prétend être le diable et, loin de le regarder pour ce qu’il est – à savoir un garçon pauvre et intelligent -, une partie des habitants, engoncés dans leurs préjugés, vont le prendre au pied de la lettre...
Je vous retiendrai bien encore mais je dois me résigner. C'est l'heure de nous quitter. Je vous souhaite un immense succès avec votre dernier roman "Les Mangeurs de nuit" et la version poche du précédent, "Les Danseurs de l'aube". Merci, très sincèrement, pour cet entretien.
Quand l’équipe de Vleel propose un Challenge d’hiver et que je ne suis pas à une folie près, j’accepte bien sûr.
Le défi : publier 9 chroniques de livres lus entre le 27 décembre 2022 et le 27 mars 2023.
Si au ski, vous avez différentes couleurs de pistes, là, des catégories
Un livre à lire tout schuss : d’une traite sans s’arrêter
Un titre de livre qui évoque le froid dans sa globalité
Un livre pour se réchauffer pendant l’hiver
Un auteur reçu par Vleel depuis ses débuts en 2020
Un livre d’une maison d’édition reçue par Vleel depuis ses débuts également
Un livre d’un auteur québécois
Un roman graphique ou BD
Un titre de nature writing
Un livre ho! ho! ho!
j'ai choisi un coup de ❤️ de ce début d'année : "La dernière reine" de Jean-Marc ROCHETTE, c'est ma #mercrediBD.
Tout commence à la prison de Grenoble, la demande de grâce d'Edouard Roux vient d'être rejetée.
Qu'a fait cet homme ?
Jean-Marc ROCHETTE va remonter aux origines. Sa mère, Marie, élève seule son fils de père inconnu. A l'école, c'est le bouc-émissaire, lui, le garçon roux. En 1917, il est accueilli à l'hôpital de Troyes, c'est un survivant de la première guerre mondiale, survivant, mais à quel prix ! Une gueule cassée. Il écrit à sa mère pour lui dire tout son amour mais qu'il ne reviendra jamais. Elle décède dans les années 1920. Etienne est rongé par les regrets et la vie qu'il passe sous un "voile", il sombre dans l'alcool. Alors qu'un jour un enfant l'aide à mettre la clé dans la serrure de sa porte, il lui raconte que son oncle est comme lui et qu'il va voir une femme sur Paris. Elle répare les visages. Avec Jeanne Sauvage, c'est une nouvelle vie qui commence.
Vous l'aurez compris, cette BD est ancrée dans la grande Histoire. Jean-Marc ROCHETTE ne se contente pas de la première guerre mondiale. A travers le passé du Vercors, il va remonter beaucoup plus loin, 100 000 ans avant Jésus Christ, quand le monde animal était encore sauvage.
Et puis, il y a l'art. Derrière Jeanne Sauvage se cache Jane POUPELET qui fit l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, l'Académie Julian de Paris aussi. Cette femme est sculptrice animalière. Elle fréquente RODIN, BOURDELLE, et fait partie du Groupe des Douze. C'est une femme moderne qui va se consacrer dans les années 14-18 à la réalisation de masques, en cuir, pour redonner un peu de dignité à ces hommes revenus de la guerre avec un visage en lambeaux. A chaque homme son masque, l'objet unique comme sait l'être la création artistique.
Je vous conseille absolument cette BD qui sera la dernière de l'auteur, il l'a annoncé. Tellement désespéré de l'espèce humaine, il se réfugie dans ses montagnes chéries.
Si vous aussi voulez participer au Challenge d'hiver Vleel (plus on est de fous, plus on rit), les règles (toutes simples) sontici. #bingovleel #challengedelhivervleel #vleel #varionsleseditionsenlive
Nouvelle référence du Book club, lecture coup de poing, rien de moins !
Ce roman est un brin mystérieux, il est aussi profondément troublant.
Il y a Lily, une enfant accueillie à l’orphelinat de l’île de Jersey, une terre anglo-normande. Elle porte une attention toute particulière à un enfant, le Petit. Tous deux essaient de se protéger des coups, mais, dans les années 1900, la maison de dieu se révèle des plus violentes. En 2008, une découverte macabre met en émoi la population de l'île. La narratrice, une ornithologue, a tout intérêt, des dizaines d’années après, à faire la lumière sur les détails de la tragédie. Une nouvelle page de l'Histoire s'ouvre alors !
Vous vous souvenez peut-être du livre de Michel JEAN, « Maikan » largement plébiscité par l'équipe de Vleel. Il dénonçait alors les sévices et autres mauvais traitement sur des enfants amérindiens retirés de leur famille par des religieux catholiques pour les éduquer, les civiliser, les assimiler. Là nous sommes dans la même veine, les petites victimes sont les enfants de familles pauvres. Honte sur l’Eglise. Maud SIMONNOT nous livre un roman engagé. Elle dénonce les faits et tous ceux qui savaient mais ont laissé faire. Elle concourt à la mémoire des disparus.
Les habitants d’aujourd’hui, eux, ne pouvaient être comptables de crimes anciens, cependant ils étaient complices en continuant de se taire. P. 38
Maud SIMONNOT évoque l’amnésie post-traumatique, la douleur et le déchirement de ceux qui sont marqués à jamais par une enfance maltraitée.
Dans la prose de l’écrivaine, il y a aussi de magnifiques descriptions de la faune et de la flore. L’île de Jersey est aussi appelée l’île aux oiseaux. Elle en compterait pas moins de 300 espèces. Maud SIMONNOT rend hommage à Olivier MESSIAEN, ornithologue et rythmicien, et sa femme Yvonne LORIOD.
À travers le personnage de Lily, l’autrice évoque la puissance de la nature, sa capacité à ressourcer l'Homme.
Lily sent que l’arbre est le centre vivant d’un cercle invisible qui la protège. P. 62
Le jeu de la narration, les chapitres courts... sont autant d'éléments qui renforcent le pouvoir des mots de Maud SIMONNOT. La plume est ciselée, les personnages écorchés. Coup de maître, chapeau !