Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #mes interviews catégorie

2023-01-31T07:00:00+01:00

Quand un auteur se livre... Portrait de Frédéric COUDERC

Publié par Tlivres
Ce portait est extrait d'une expo en 2022 au Mémorial de la Shoah

Ce portait est extrait d'une expo en 2022 au Mémorial de la Shoah

Frédéric COUDERC, j'ai découvert votre plume avec "Yonah ou le chant de la mer" aux édiions Héloïse d'Ormesson. C'était il y a trois ans. J'ai rechuté tout récemment avec "Hors d'atteinte" que j'ai eu le plaisir de lire en avant-première. Je remercie les éditions Les Escales.

Quel plaisir de vous voir m'accorder de votre temps précieux pour répondre à quelques-unes de mes questions.

Du roman "Hors d'atteinte", je suis sortie ébranlée. C'est une lecture coup de poing qu'il m'a été particulièrement difficile de résumer. Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots ? 

Le roman commence par révéler l’existence d'un Doktor d’Auschwitz au parcours bien plus meurtrier que Mengele : Horst Schumann, un DoKtor SS qui castrait les hommes et stérilisait les femmes au Block 10 du camp d’extermination, hélas aussi responsable de l’assassinat de 15 000 handicapés sous le programme dit Aktion T4. Surtout, par-delà la révélation d’un assassin de masse impuni, à mesure des pages de nombreux personnages fictifs et leur intériorité se révèlent, équilibrant le texte, je crois, entre les veines intimistes et historiques, avec tout au long, une passion amoureuse. 

Dans ce roman, qui en réalité est un mixte de tout un tas de genres littéraires, il y a la forme, un livre dans un livre. Vous écrivez l'histoire d'un écrivain, Paul, un personnage de fiction, qui part sur les traces de l'histoire de son grand-père, Viktor, de 92 ans. Vous évoquez le métier d'auteur condamné à vivre des subsides de son inspiration, l'inquiétude de l'écrivain juste avant la parution d'un livre. Que nous dit Paul de vous ? 

J'ai consacré deux années à "Hors d’atteinte", du temps long pour choisir le bon dispositif de narration. Je suis convaincu, comme Paul, qu’il ne faut plus entrer dans Auschwitz, qu’écrire le nom suffit, que les élypses et les silences sont plus forts qu’une description forcément obscène, des auteurs anglo-saxons se le permettent, le Tatoueur de Auschwitz, la Bibliothécaire de Auschwitz, à quand la couturière des pyjamas ? C’est dégueulasse, une espèce de filon, pas loin d’une forme de pornographie mémorielle. Bref, Paul est un alias, aussi, et nous partageons cette pudeur à ne pas vouloir banaliser la Shoah. Le Mémorial de la Shoah à Paris m’a bien aidé dans mes réflexions. Paul partage ses doutes avec le lecteur, c’est un type normal, loin des poses des écrivains que l’on croise malheureusement trop souvent dans les salons du livre. Tellement d’auto-proclamés génies sont des êtres humains médiocres, tournés sur leur petit nombril. Je note que ce sont surtout les hommes… Ils font les malins mais la vérité c’est que la plupart des écrivains sont anéantis à la parution de leur livre, effondrés, prêts à mettre la clef sous la porte.  

Je l'ai dit, ce roman, il est tantôt un récit de vie avec le témoignage de Génia OBOEUF-GOLDGICHT, tellement bouleversant, tantôt une fiction avec la famille de Viktor. J'avais déjà remarqué votre tendance à vous affranchir des frontières de la littérature dans "Yonah ou le chant de la mer". Est-ce chez vous quelque chose de singulier et naturel ou bien vous contraignez-vous à cette performance ? 

C’est assez naturel. Il y a cette idée de créer un tremblement nécessaire entre la réalité et la fiction, au final le pacte avec le lecteur me semble quand même moral puisque les personnages réels et ceux inventés sont précisés. Mais ça n’intervient qu’à la toute fin. En cours de route, j’espère bien qu’on se pose des questions, ainsi c’est une lecture active, avec des tiroirs dans tous les coins.

D'ailleurs, pouvez-vous nous dire comment vous écrivez ? Est-ce que vous saisissez à la volée toutes les informations qui vous arrivent au moment où vous êtes lancé dans l'écriture d'un roman ou bien l'écriture fait elle suite à la consultation de nombreuses archives et d'un travail studieux de recherche ? 

Un peu des deux, mais cette fois-ci, trouver Paul était une bénédiction car, avec lui, j’ai avancé à peu près au même rythme. J’avais Schumann au début mais j’ai partagé ses doutes sur la nécessité d’écrire cette histoire. À quoi bon, un boucher de plus ? Et puis, c’est en voyant la photo de cet homme, tout juste émasculé par ce monstre que, comme Paul, je me suis dit que les victimes me commandaient un livre.

Dans le même ordre d'idée, comment construisez-vous vos personnages ? Je pense à Paul et Viktor bien sûr, mais aussi Vera et Nina... Est-ce que dès le début de l'écriture, vous en connaissez la vie ? 

À grands traits, oui, mais les unes et les autres prennent vie, commandent des tours et détours, une forme de magie se met en place.

Dans ce roman, comme dans "Yonah ou le chant de la mer", la grande Histoire est votre terrain de jeu et là, j'avoue que c'est une pure merveille. Vos livres explorent des opérations ou des événements qui ont échappé aux manuels scolaires. Il y a le déminage des plages danoises, les deux éléphants survivants du zoo d'Hagenbeck, le Pont de Hambourg, ce centre d'information britannique où viennent manger les gens, là aussi que s'organise le marché noir. Je pense aussi à l'intervention de Max Warburg. Je pourrais en citer d'autres qui rendent votre livre foisonnant. Comment découvrez-vous toutes ces pépites ? et surtout, comment travaillez-vous pour les organiser pour qu'au final le roman soit accessible à tous ? 

Merci !!! Dans l’écriture, il y a surtout une réinvention permanente, je juge une première version plate et travaille une seconde, puis une troisième… Du boulot, donc, car je cherche un effet « montagne russe ». Déjà, il me faut connaître les lieux, voyager, donc, pour chasser les lieux communs et bannir une certaine emphase. Il arrive un moment où il faut mettre la doc de côté, ne surtout pas dépendre de ses sources et archives, sinon ce n’est plus du roman mais une copie de fiche Wikipédia. Ne jamais perdre de vue qu’il y aura bientôt une lectrice ou un lecteur. Au final, j’ai bien enlevé 100 pages de digressions et sources historiques…

Entre "Yonah ou le chant de la mer" et "Hors d'atteinte", il s'est passé trois années. C'est le temps qui vous était nécessaire pour capitaliser la matière ? 

Le Covid a un peu faussé les dates, "Hors d’atteinte", c’est en réalité deux ans de travail. Dès le départ je voulais un pavé, j’aurais même pu continuer, le personnage réel est à ce point dingue qu’on peut imaginer, encore de nombreux chapitres. Sa vie au Japon, par exemple, c’est fou ! Sans compter que je parle de ses crimes à Sonnenstein puis Auschwitz. Mais les mois qu’il passe dans le camp de Ravensbruck. Là-aussi, il torture… 

Avant de nous quitter, je voudrais revenir sur la forme. Ce roman fait 500 pages. Pas un instant je n'ai voulu le poser. Il est haletant. Comment travaillez-vous le rythme d'un livre ? 

Merci encore, c’est tout le pari, et franchement quand on écrit on n'est certain de rien. Sans doute que la faille spatio-temporelle du récit, hier et aujourd’hui, l’Europe et l’Afrique, permet, je crois, de ne pas s’ennuyer. C’est presque deux romans en un. Et des personnages forts, multiples, j’espère, que l’on a envie de suivre… 

Est-ce qu'en dehors de l'écriture vous réussissez à lire ? Je crois savoir que vous affectionnez tout particulièrement la plume de Sandrine COLLETTE. Avez-vous des auteurs fétiches ?  

Oui, je suis un gros lecteur, pas forcément des chefs-d’œuvre incontestables, mais des textes dont les personnages m’inspirent et me bouleversent. En France, la patronne, pour moi, c’est Virginie Despentes, de loin. J'aime aussi bien Joncourt que Jaenada, mais je place par-dessus tous les auteurs anglo-saxons. Mes découvertes de jeunesse, Scott Fitzgerald, William Styron, Philip Roth, Paul Auster, Joyce Carol Oates, Dona Tart, Jonathan Franzen, James Salter, Denis Lehane, Russel Banks, Jim Harrison, font place chaque année à des nouveaux. Avez-vous lu Mécanique de la chute de Seth Greeland ?
 

Non... pas encore ! 

Je vous ai demandé un cliché que vous aviez envie de partager. Vous m'avez transmis une photo de la Baie d'Audierne, près de chez vous, en Bretagne, "des lieux (relativement) hors d'atteinte qui façonnent votre écriture". Merci de nous émerveiller avec ce paysage !

 

Cette fois, c'est décidé. Il est temps de nous quitter ! Merci, très sincèrement, Frédéric. Je vous souhaite beaucoup de succès avec "Hors d'atteinte".

Retrouvez mes autres entretiens :

Roland BOUDAREL

Alexandra KOSZELYK

Claude JUSTAMON

Jean-Luc MANIOULOUX

Catherine ROLLAND

Sandrine COLLETTE

 

Mathieu MENEGAUX

 

Gilles MARCHAND

 

Lenka HORNAKOVA CIVADE

 

Anne DE ROCHAS

 

Alexandre SEURAT

 

Valérie TONG CUONG

 

Alain JASPARD

 

Caroline CAUGANT

 

Caroline LAURENT écrivaine et éditrice

 

Jean-Maurice MONTREMY éditeur

 

Marie et Antoine de la Librairie Le Renard qui lit

Voir les commentaires

2022-12-10T07:00:00+01:00

Quand un auteur se livre... Portrait de Roland BOUDAREL

Publié par Tlivres
Quand un auteur se livre... Portrait de Roland BOUDAREL

Roland BOUDAREL, bonjour. Nous ne nous connaissons que depuis quelques mois, tout s’est joué à partir du moment où ma chronique de « Place Médard » a été publiée sur le blog et les réseaux sociaux. De ce premier roman, un coup de cœur, m’est venue l’idée de vous interviewer. 

C’est parti pour une rencontre, à distance, des plus riches et enthousiasmantes.


Tout d’abord, Roland (je me permets), pouvez-vous, en quelques lignes, nous résumer « Place Médard » ?

Avant toute chose Annie, merci de vous être si bien intéressée à « Place Médard » et de m’accueillir pour ce jeu de questions réponses. 

« Place Médard », c’est le nom d’une place de Quimper où au XIXème siècle, les paysannes des environs viennent vendre le lait de leurs vaches. Gwenn est l’une d’entre elles. Sa vie semble toute tracée pour une existence où on naît, vit, meurt dans le même village, jusqu’au jour où elle rencontre un artiste qui peint son portrait. Gwenn devient alors la victime d’un mari
jaloux qui, pour la punir d’avoir accepté, la marque au fer rouge de la flétrissure. Le destin de Gwenn s’en trouve bouleversé et cet acte indélébile, mais secret, se transmettra de génération en génération. A la suite de Gwenn, « Place Médard » nous permettra d’accompagner les existences de toutes ses descendantes, de la Bretagne à la Toscane, en passant par le Montparnasse des années vingt, l’Algérie, les rives du lac d’Annecy. Tour à tour, cet héritage transgénérationnel deviendra porteur d’espoir, de luttes, de révoltes ou de soumission.


« Place Médard », c’est un premier roman. Où en avez-vous puisé l’inspiration ?

Je portais ce roman depuis 2007, date à laquelle mon épouse avait commencé sa lutte contre un cancer du sein. Les points de tatouage précédant les rayons, la perte de cheveux succédant à la chimiothérapie, furent, pour moi, les déclencheurs de l’histoire où, à l’époque, j’imaginais deux femmes, à un siècle d’écart, confrontées aux mêmes stigmates. Mais je ne pouvais rien faire de cette matière-là qui est restée endormie, jusqu’à ce que je participe sur internet aux Master Class d’Eric Emmanuel SCHMITT en 2019. J’y recueillais désormais la méthodologie et les clefs pour ouvrir la porte. Durant les trois mois de préparation de « Place Médard », je me suis laissé guider par l’inspiration, j’ai lu, écouté de la musique, rêvé, réfléchi, pris des notes … et un matin, j’étais prêt à me lancer avec un plan détaillé pour toute mon histoire.


Le dessin est particulièrement présent dans l’histoire de Gwen. Pourquoi ? Pouvez-vous nous dire qui est Marguerite Marie CHABAY à qui vous rendez hommage ? Que représente cette femme pour vous ?

Le dessin est particulièrement présent dans l’histoire de Gwenn car toute ma vie professionnelle je l’ai passée dans le monde du papier pour terminer, durant une quinzaine d’années, dans l’univers prestigieux des beaux-arts, chez un fabricant de papier célèbre pour sa pochette de dessin. La cellulose et le coton coulent autant dans mes veines que mon propre
sang.


Quant à Marguerite CHABAY, c’est une rencontre extraordinaire, mais a posteriori. Jamais je n’avais entendu parler de cette femme ayant vécu à Quimper, profondément handicapée, mais passant ses journées à dessiner et à illustrer des livres pour enfants.

Et puis, un jour où je cherchais des idées pour la couverture de mon manuscrit, je découvre une illustration de Marguerite CHABAY représentant les laitières de la Place Médard, ainsi que d’autres scènes du début du siècle dans les rues de Quimper. Et là, je suis fortement secoué, car ces images-là, je les avais vues dans mon imaginaire lorsque j’écrivais. Je me sens poussé à tirer le fil de la pelote de laine. Je découvre que les fenêtres de l’appartement où vivait Marguerite CHABAY sont celles que je vois face aux miennes lorsque je suis à Quimper. Je découvre qu’elle a illustré le conte de "La petite fille aux allumettes". Cette histoire-là, je l’ai découverte à six ans lors d’une séquence scolaire, avec un autre intitulé "La Révolte des joujous", celui-là même qui m’a ouvert les portes de l’imaginaire pour me donner l’envie d’écrire…. Marguerite CHABAY est une illustratrice dont les dessins sont aussi charmants, désuets, qu’actuels et inspirants. Elle mérite vraiment d’être reconnue à sa juste valeur. Lorsque j’écrivais « Place Médard », j’avais parfois le sentiment de ressentir près de moi une présence bienveillante qui me guidait pour écrire. Aujourd’hui, j’aurais tendance à penser que sans doute c’était Marguerite CHABAY.


Parlons maintenant des personnages, une lignée de femmes dont vous brossez des portraits EXTRAordinaires, des femmes résistantes. Comment les avez-vous construits ? Est-ce que, dès le début, vous connaissiez leurs parcours ?

Comme chaque chapitre est rédigé par un personnage différent, souvent une femme d’ailleurs, tel un acteur, je me suis immergé dans la vie que je leur inventais. Pour chaque personnage, j’ai construit un dossier où je regroupais une multitude de renseignements physiques, psychologiques, des défauts, des qualités, des habitudes, des peurs, des phobies, des passions. 

J’ai bâti l’arbre généalogique de cette famille, avec des dates qui réapparaissaient à plusieurs reprises durant ces cent trente années. Pour chaque membre, j’ai mis des photographies de portraits afin de donner vie à tous. Comme je l’ai dit précédemment, au moment de commencer l’écriture j’avais un plan très détaillé, ce qui m’a évité toute panne d’inspiration,
mais mes personnages n’en ont fait qu’à leur tête. Certains ont disparu, d’autres ont gagné une consistance qu’ils n’avaient pas du tout. Lucie, qui était par exemple un personnage pour quelques pages, est devenue un personnage de premier plan. Je peux dire que cette histoire, je ne l’ai pas écrite seul, mais avec mes personnages. Et puis, il y a ce secret que l’on transmet
sans le savoir de génération en génération, c’est un personnage à part entière. Je trouve cela passionnant. Je ne suis pas allé plus loin dans l’analyse car je n’ai pas les compétences pour le faire et je préfère rester romancier plutôt que pseudo-expert. En revanche, souvent j’ai moi-même la sensation d’un déjà vu, d’un déjà vécu, d’une répétition. C’est une situation qui me
parle.


Et puis, il y a ce fils d’Ariane entre toutes ces femmes, leurs seins. Pourquoi ? Quel regard portez-vous sur leur poitrine ? 

Le sein, vous l’avez compris par une de mes réponses précédentes était le point de départ, mais la deuxième étape était ma période ‘ d’incubation «  de trois mois où j’ai construit mon roman. Je suis historien de formation et j'ai réalisé plusieurs recherches universitaires, ce qui me permet d’être familier dans cette démarche du retour aux sources. Je me suis toujours servi de livres que j’indique en bibliographie à la fin du roman. Partant du sein, j’ai lu des ouvrages traitant du sujet. Lorsque je découvre Santa Reparata à Florence, porteuse des mêmes stigmates que Gwenn, c’est du pain béni pour mon roman. Ce sont les scientifiques et leurs ouvrages qui m’ont permis de charpenter tout mon roman.


Il faut dire qu'en guise d'incipit, vous avez choisi une citation de Jacques PREVERT : 


"Sanguine, joli fruit,
Soleil de nuit."


Pourquoi ?

Le hasard ou cette bienveillance qui m’a accompagné durant toute cette écriture. Afin de décompresser durant ma phase d’écriture, les soirs je passe en mode lecture. Je découvre ainsi l’ouvrage de Patrick ROTMAN intitulé "Ivo et Jorge" et consacré à l’amitié entre Yves MONTAND et Jorge SEMPRUN. L’auteur fait référence à ce poème de PREVERT qui fut chanté par MONTAND. Immédiatement, les paroles m’inspirent, me parlent. Je pianote sur internet pour trouver le poème devenu chanson et je l’écoute en boucle jusqu’à ce que l’émotion me submerge avant de devenir celle de mes personnages, Marianne et Carole.

Le choisir comme incipit était une évidence, avec ce fruit qui avait le même nom que cette œuvre rapportée de Florence par le père de Gwenn, « et soleil de nuit « qui était le parfait résumé de la destinée de toutes ces femmes.

J’avais fini la rédaction de « Place Médard » et étais dans la phase de correction, mais il m’a été très facile d’ajouter cette sanguine de PREVERT dans mon histoire, comme la dernière pièce d’un puzzle.


La forme même de votre roman, un roman choral, permet aux différentes voix de résonner ensemble. Est-ce qu'elle s'est imposée à vous ?

Je ne voulais pas me contenter de raconter une histoire sur un siècle. Je souhaitais m’accorder encore plus de plaisir en me lovant dans le corps de tous mes narrateurs. Mon plaisir d’écriture serait ainsi démultiplié par le nombre de personnages pour lesquels je parle.

Ecrire de cette manière-là me paraissait aussi plus enrichissant pour le lecteur car son avis pourrait changer d’un chapitre à l’autre, car tel, ou telle, qu’il avait malaimé, deviendrait différent par la vision d’un autre personnage. La fille attachante pouvait se muer en une mère dérangeante.


Mais ce roman ne serait pas ce qu’il est sans inviter à la table de vos personnes la grande Histoire. Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

L’Histoire, c’est une passion pour moi. J’ai soutenu un DEA d’Histoire Moderne en 1996 à l’Université de Saint Etienne. Il était consacré à la connaissance de la femme du XIXème siècle à travers l’œuvre des Frères GONCOURT. Sujet récurrent chez moi ! Autant je me laisse porter par mon imagination pour la construction de mon roman, autant je retrouve ma rigueur absolue pour faire en sorte d’être extrêmement précis, sérieux et scientifique dans mes recherches. Max JACOB, par exemple, est en fil rouge dans ce roman. J’ai beaucoup lu à son sujet pour ne pas faire d’erreurs. Lorsque j’ai vu qu’Emile ZOLA était venu à Sainte Marine à l’époque de mon roman, j’ai voulu lui laisser quelques lignes. Et les exemples seraient nombreux.


Parlez-nous de l’écriture. Est-ce que vous vous y exercez depuis votre plus jeune âge ?

J’y pense depuis mon plus jeune âge, incontestablement. Il y a peu, je réfléchissais pour savoir d’où me venait l’envie d’écrire. Comme souvent en effet, cela remonte à l’enfance. En classe, j’étais un petit garçon plutôt discret, secret, qui ne faisait pas parler de lui. Pas vraiment d’amis, ni heureux, ni malheureux. J’étais dans une école de frères maristes et un jour, le directeur nous demanda à chacun d’écrire une histoire, puis de la lire devant la classe. Les plus intéressantes seraient enregistrées pour être lues aux enfants d’une école mariste à Nouméa, en Nouvelle Calédonie. La mienne fut retenue et tous mes camarades de classe m’applaudirent. Pour la première fois, j’étais sur le devant de la scène. Et aujourd’hui, lorsque je reçois des commentaires enthousiastes pour « Place Médard », je retrouve ce bonheur-là. Comme vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est présente dans ce roman, et vous, vous saurez que ce n’est pas un hasard.


Avez-vous chez vous une pièce dédiée ou bien faites-vous partie de ces écrivains qui, comme Alexandra KOSZELYK, ont leur carnet en poche pour y noter tout ce qui vous vient par la tête au fil de vos journées ?

« Place Médard », je l’ai cherché, écrit, corrigé à 100 % dans un bureau de ma maison dans la Drôme.


J’ai lu que vous aviez commencé par d'autres écrits, des nouvelles je crois, et des livres type dictionnaires. Pourquoi ?

Mon premier livre est intitulé "Vitoucha". C’est en effet un recueil de nouvelles qui toutes racontent l’histoire d’un objet monogrammé. Mon deuxième livre fut édité aux Editions Sutton. Je me suis servi de mon mémoire de maîtrise consacré à la fête et aux loisirs dans la région stéphanoise au XIXème siècle. C’était un sujet non encore défraîchi par l’université et mon directeur de recherches craignait l’échec. Ce ne fut pas le cas puisqu’il donna lieu à un livre, embelli par de nombreuses illustrations et un texte plus attrayant qu’un travail universitaire. Le dernier livre est un guide sur la région du Valentinois. J’avais carte blanche pour l’écrire et il devait être largement illustré par mes propres photographies, ce qui me permit ainsi d’assouvir une autre de mes passions.

Pourquoi maintenant la fiction ? Qu’est-ce qu’elle vous apporte de plus, de différent ?

J’aime beaucoup créer, laisser libre cours à mon imagination, donc la fiction est un genre où je me sens à l’aise. C’est une totale liberté, mais j’aime aussi qu’elle puisse trouver certaines aspérités sur la réalité, d’où ce choix parfois de lier mon écriture avec la vérité historique. Je suis très tenté aussi par la rédaction d’une biographie, c’est un genre auquel j’aimerai
m’essayer.


Parlez-nous de votre maison d'édition. Comment ça s'est passé avec Librinova ?

Je ne suis pas déçu par Librinova car pour la conception et l’accompagnement au lancement de « Place Médard », ils ont été chaque fois au rendez- vous. Librinova a toutefois la particularité de proposer « Place Médard » en impression à la demande. C’est un concept vertueux et responsable car on ne produit que ce qu’on vend, ce qui évite le gaspillage. Avec Librinova, le
livre est commandable sur tous les sites, chez tous les libraires, dans toutes les chaînes de magasins. Il faut compter entre trois et sept jours pour l’avoir entre les mains. En revanche, aucune mise d’office en librairie, et comme il n’y a pas de retour possible, les libraires sont frileux et globalement ne jouent pas le jeu. C’est le gros écueil et la plus grosse difficulté pour
« Place Médard ». Cette désillusion est compensée par l’enthousiasme de gens comme vous qui sans me connaître avez lu ce roman, l’avez aimé, l’avez dit, l’avez expliqué. Tous les jours, je reçois des messages enthousiastes de lecteurs qui ont apprécié cette histoire. Le bouche à oreilles a toujours été porteur de réussite. Donc, merci aux internautes, aux organisateurs de salons où les dédicaces sont un moment d’échanges inoubliables, aux médiathèques, aux associations qui ont organisé des rencontres pour parler de « Place Médard ».


Dans votre roman, vous évoquez une formidable bibliothèque, celle de l'Amiral. Dans la vôtre, pourriez-vous nous présenter un ou deux titres qui vous sont chers ?

Je lis beaucoup, mais lentement … donc je pourrais lire plus, mais j’aime écouter les phrases que j’ai lues, noter des citations, aller chercher sur internet un complément… Je flâne. J’ai une bibliothèque bien fournie, car n’ayant pas eu de livres étant enfant, je suis devenu un acheteur compulsif, mais raisonné, car mes achats s’effectuent après de nombreuses recherches.

J’ai des lectures très variées, même si des genres comme la science-fiction ou les policiers ne m’attirent qu’épisodiquement. En 2021, mon livre préféré a été "La carte Postale" de Anne BEREST. J’ai été captivé par cette recherche familiale. En 2022, j’ai beaucoup aimé le livre de souvenirs de l’historien Michel WINOCK, "Jours anciens". L’autobiographie ou la biographie sont des genres que j’apprécie, car ce sont des partages de vies et d’expériences qui m’apportent beaucoup, notamment dans ces instants particuliers où le choix ou l’absence de choix décident de la suite.

Un ouvrage que je mets au-dessous de mes dernières lectures est celui de Joseph KESSEL, "Les mains du miracle", un ouvrage captivant qui témoignage de premières main au cœur du réacteur nazi.


A l'heure de vous quitter, impossible de ne pas vous questionner sur un éventuel second roman . Est-il au travail? Pouvez-vous susciter les convoitises de nos « followers » 

Dois-je vous avouer que « Place Médard » regorge d’indices masqués qui donnent déjà la construction de sa suite ? Dans mon imaginaire, quatre cents pages sont prêtes à être écrites. La seule question est quand ? Maintenant ou intercaler un roman contemporain que je situerai à Gallipoli, dans cette Italie qui m’inspire tant ?

Merci infiniment d’avoir consacré de votre temps précieux à répondre à mes questions. Je vous souhaite le plus beau des succès en littérature. Bravo !

Merci encore un fois à vous, car vous l’avez compris, votre énergie et votre conviction pour faire connaître « Place Médard » sont autant de sources de motivation pour que je continue à le défendre par tous les chemins de traverse.

 

Au plaisir de vous croiser en librairie ou lors d'un salon du livre !

Voir les commentaires

2022-09-24T07:23:44+02:00

Entretien avec une artiste, Claude JUSTAMON

Publié par Tlivres
Le passager, création de Claude JUSTAMON

Le passager, création de Claude JUSTAMON

Il y a des rencontres qui s'imposent à vous.

Comme pour Jean-Luc MANIOULOUX, tout a commencé avec une promenade rue des Lices et la découverte d'une sculpture, "Plénitude", exposée à la Galerie In Arte Veritas, pour que, de fil en aiguille, j'ai l'envie d'échanger avec l'artiste, Claude JUSTAMON, qui a accepté de répondre à mes questions. 

 

Dans le panel des créations exposées, il en est une qui a retenu toute mon attention, c'est "Plénitude". Pouvez-vous nous dire ce qui a inspiré cette réalisation ?
Ma démarche consiste à exprimer un ou des états d’âme par une gestuelle, des formes, des lignes, des volumes. Comme son nom l’indique Plénitude exprime un état intérieur. Le but était donc de rendre visible, matériel, un sentiment qui ne l’est pas. Son enveloppe corporelle me semblait devoir être douce, toute en rondeurs dans une posture bien ancrée. C’est pour le moment la seule à avoir ces caractéristiques morphologiques.

Effectivement, à bien y regarder, cette sculpture "Plénitude" se distingue de vos autres oeuvres avec des corps plutôt androgynes. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous appréciez de traiter le corps de cette manière ?

A vrai dire, mon but n’est pas d’exprimer, de représenter ou d’explorer les multiples caractéristiques de la féminité ou de la virilité. Ce qui m’importe, bien plus que les différences, ce sont les similitudes, ce qui pourrait être humainement universel au-delà des cultures, au-delà des genres, au-delà des différentes caractéristiques raciales ou religieuses à plus forte raison. Mes personnages sont androgynes mais leur physionomie rassemble aussi une pluralité de caractères qui brouille et efface leur provenance géographique. Peu d’éléments nous renseignent sur leur individualité.

Les personnages sculptés m'inspirent une certaine sérénité, les yeux fermés, les visages apaisés. Ils me font penser à des postures de méditation, est-ce que je me trompe ?

Disons que leur regard est souvent tourné vers l’intérieur sans qu’ils soient déconnectés du monde qui les entoure. Tous n’ont pas les yeux fermés mais c’est vrai que c’est souvent le cas. Pour moi, ils portent avec recul une réflexion sur le comportement humain, la possibilité d’une autre forme de pensée, une autre forme de cohabitation avec ce qui nous entoure, d’autres possibles . L’un de mes premiers bronzes s’appelait d’ailleurs L’Univers des possibles.

Vos sculptures sont toutes, je crois, en bronze patiné. Pouvez-vous nous expliquer la relation que vous entretenez spécifiquement au matériau et comment vous avez l'habitude de le travailler ?

En réalité, mon matériau est la terre. C’est celui que je modèle. Les pièces originales de mes bronzes sont en terre cuite. Le bronze est une reproduction noble et pérenne des originaux. Chaque exemplaire est numéroté et un certificat d’origine de la fonderie l’accompagne.

Je confie mes pièces originales à la Fonderie Barthélémy pour l’édition des bronzes réalisés avec la technique de la cire perdue. C’est un long processus . J’interviens à la fonderie au niveau des retouches sur les cires et les finitions sur le métal avant la patine. C’est une collaboration très enrichissante, un univers tout particulier, des compétences ajoutées.

Deux couleurs ressortent de la collection exposée, le gris (très majoritaire) et le bleu (pour lequel j'avoue avoir un petit faible), pourquoi ?

Le clair pour la douceur, à base de cuivre qui va se patiner, évoluer dans le temps en fonction des conditions dans lesquelles il sera exposé, personnalisant ainsi chaque exemplaire. Je trouve que cette patine donne une bonne lecture des expressions du visage

Le bleu pour plus de force, plus stable aussi dans le temps et en extérieur.

Parlez-nous de ce bleu... il est unique, non ?

Ce bleu est réalisé à base de cobalt et plus ou moins intense. Il est la couleur de la mer et du ciel, de l’infini...

Vos sculptures révèlent des personnages en entier. Est-ce caractéristique de votre production ?

Pas totalement car je réalise aussi des visages. Mais je pense que le corps révèle certaines choses que le visage seul ne suffit pas à exprimer.

Quand on danse, chaque parcelle de notre corps est porteur d’une émotion que la gestuelle procure ou illustre, de la tête aux pieds.

Il s'agit aussi de sculptures autour desquelles le visiteur peut tourner. J'imagine qu'il s'agit de créations exigeantes, toutes les faces devant être soignées avec la même qualité. Est-ce là aussi caractéristique de votre travail ?

Oui, bien sûr. Le travail en 3 dimensions est le propre de la sculpture. Le tout doit être cohérent. Mais c’est un parti pris et chacun est libre de représenter ce qu’il ressent comme il l’entend. Cela pourrait aussi bien être parfaitement déstructuré. Ce n’est pas mon propos.

Vous créez dans un atelier qui vous est propre ou bien que vous partagez avec d'autres artistes ?
Je travaille dans mon atelier, chez moi. J’ai participé par le passé à des ateliers collectifs. C’était très agréable mais la démarche n’est pas la même.  

Parlez-nous un peu de votre itinéraire... Quand avez-vous commencé à sculpter ? Quelle formation avez-vous suivi ?

J’ai commencé le modelage de la terre par la céramique Raku qui est une technique ancestrale japonaise liée à la philosophie zen, faisant appel aux principes du Wabi Sabi. J’ai gardé ces principes que j’ai appliqué à mon travail de sculpture ce qui explique le dénuement, la simplicité dans laquelle se trouvent mes personnages.

 

Merci infiniment, Claude JUSTAMON, de m'avoir consacré de votre temps précieux. Je crois que vous êtes peu présente sur les réseaux sociaux et internet en général. Ce cadeau m'est d'autant plus cher. J'espère qu'il permettra à d'autres que moi de découvrir votre registre artistique empreint d'un profond humanisme. MERCI.

Voir les commentaires

2022-02-12T07:00:00+01:00

Quand une écrivaine se livre... Portrait d'Alexandra KOSZELYK

Publié par Tlivres
©Patrice Normand/Robert Laffont

©Patrice Normand/Robert Laffont

Chère Alexandra, merci infiniment d’avoir accepté de répondre à mes questions. Après la lecture de ton troisième roman, "Le sanctuaire d'Emona", cet entretien s’est imposé de lui même. Mais revenons à nos débuts, ils datent maintenant !

Tout a commencé, enfin l’écriture je veux dire, avec un blog de chroniques littéraires, Bric à book, tiens, tiens, tu nous racontes ?

Oui ! Certains diraient que c'était il y a fort fort longtemps... Nous étions en 2006, je venais d'arriver en région parisienne. Je ne connaissais alors personne ou presque, je lisais énormément, sans pouvoir partager cette passion avec mon entourage... 
Après une virée en librairie, je me suis rendue compte que j'avais envie de garder une trace de mes lectures. Je me suis lancée dans la création d'un blog, rapidement aidée par mon frère (qui s'y connaît bien mieux que moi.) L'aventure venait de débuter ! Je ne connaissais rien à cet univers. Très rapidement, c'est devenu une passion, j'y ai connu des personnes qui sont devenus des amis. C'est tellement galvanisant de pouvoir partager sa passion avec d'autres ! 

Puis, j'ai ouvert un atelier d'écriture, toujours sur ce blog, cela doit faire plus de dix ans maintenant. Il s'agissait d'écrire un texte court à partir d'une photo. C'est grâce à ce média que j'ai osé me lancer un jour dans l'écriture d'un roman. 


J’ai toujours été une grande fan de tes publications, au point de lancer L’Antre des Mots et depuis 2015, T Livres ? T Arts ? D’ailleurs, tu te souviens de cette aventure ensemble, le Prix France Bleu Page des Libraires ?

Mais bien entendu ! Quel plaisir encore une fois de lire une sélection de livres, puis d'échanger avec d'autres membres du jury...


Et puis, il y a eu les 68 Premières fois, nos lectures communes de premiers romans, de nouvelles rencontres en chair et en os, jusqu’à ce que ça soit toi qui décide d’écrire un premier roman. Tu nous racontes ?

C'est l'atelier d'écriture qui m'a permis de "faire mes armes". L'écriture est comme d'autres arts, elle s'affine avec le temps, j’ai ainsi pu trouver ma voix et ma voie, de mieux connaître les thèmes qui m’étaient chers. 

Je crois que tout est lié : à mes yeux, il serait étrange d'écrire sans aimer lire. Nous écrivons sous le regard des auteurs qui nous ont précédés, nous en sommes imprégnés, que ce soit de façon consciente ou non. Quand j'écris, je lis beaucoup de poésie, j'en picore : c'est un genre qui me nourrit, par ses images, et les émotions qu'il véhicule. 


Alors, comment as-tu franchis le cap ? Ce roman « À crier dans les ruines », il représente quoi pour toi ?

Avec le temps, je me rends compte que ce premier roman était un cri du coeur, ce n'est pas un hasard si le titre contient ce nom. Un cri, car c'était avant tout un hommage à la terre de mes ancêtres, souvent bafouée et outragée par l'Histoire. Encore actuellement, c'est un pays de cicatrices. 

Il représente cette place que j'ai osé prendre un jour, celle qui est la mienne. J'ai cessé d'être un derviche tourneur. 


 

Forte d’un très grand succès, un énorme coup de ❤️ pour moi, tu as poursuivis avec « La dixième Muse ». Quelle relation entretiens-tu avec Guillaume APOLLINAIRE ?

Ha ! Guillaume... plus je me documentais sur lui, plus je l'aimais. Il y a dans l'enfance de son poète une absence qu'il a comblée grâce à son art. 

Au départ, je voulais écrire un portrait inversé d’Apollinaire. A la manière du roman Les dix amours de Nishino où un homme est vu par les femmes qui ont marqué sa vie, sans que lui soit narrateur. Puis, après avoir corrigé mon premier roman "A crier dans les ruines", j’ai eu envie de continuer de parler de la Nature, c’était une sorte d’appel. Apollinaire a eu une première partie de son oeuvre où elle avait une place prépondérante… J’avais mon sujet pour mon deuxième livre ! 


Ces deux romans ont été publiés Aux Forges de Vulcain, l’occasion d’un petit clin d’œil à David 😉 Comment s’est passée la rencontre avec cet éditeur ?

Nous avons d'abord échangé par mail, puis, David a voulu me rencontrer pour faire plus ample connaissance. C'est un moment primordial : le texte a besoin d'une bonne entente entre un écrivain et son éditeur. Ecrire est un acte intime, on s'y dévoile souvent, on s'y met à nu, aussi sans une véritable confiance, le texte pourrait en pâtir. 

J'ai la chance d'avoir rencontré deux éditeurs avec lesquels cette confiance existe, l’un pour les parutions « adultes » aux Forges, l’autre pour la jeunesse, dans la Collection R chez Robert Laffont. Nous partageons des références communes, des univers semblables. C'est un terreau pour déployer mes ramifications. 


Aujourd’hui, avec ce troisième roman, « Le sanctuaire d’Emona », changement de maison, il est donc édité chez Robert Laffont, pourquoi ?

Là aussi, c'est une rencontre entre Elsa (mon éditrice) et moi : elle venait de lire "A crier dans les ruines", et trouvait que j'avais parlé avec justesse des adolescents. Elle m'a envoyé un mail pour savoir si je souhaitais écrire pour cette tranche d’âge. Je n'y avais pas pensé, mais l'idée me séduisait. J'en ai parlé à David, qui ne publie pas de jeunesse, puis j'ai rencontré Elsa. 

Très vite, je lui ai proposé un synopsis qui lui a plu, c'était parti pour une nouvelle aventure. Je ne pensais pas que cette écriture m'emporterait ainsi. En fait, je côtoie tous les jours des adolescents : à l'origine, c'est un public que j'adore, pour son authenticité, sa façon d'être enthousiaste. Ecrire pour eux a été une véritable révélation : pour eux, j'ai eu envie de me dépasser. 


Alors, là, oui, changement de registre, tu t’improvises dans le roman jeunesse. Tu nous dis quelques mots de l’histoire ?

Il est question de magie, de coïncidences qui n'en sont pas, d'amitié qui renverse tout sur son passage et fait devenir meilleur, mais aussi de quête des origines, de civilisations perdues... 


Pourquoi cette histoire ?

Pour l'imaginer, je me suis replongée quelques années en arrière. Quelle histoire aurais-je voulu lire à cette époque ? Quel message aurais-je voulu entendre ? Ecrire pour la jeunesse est une façon d'écrire à l'adolescente que j'étais...


Séléné comme Irina sont en quête de leurs origines, leurs racines. Je crois que ton propre regard est porté par l’Est. Cette quête là n’est-elle pas aussi un peu la tienne ?

Je crois bien qu'il me serait difficile d'écrire sur un thème qui ne me plairait pas. Nous restons des mois, voire des années avec nos personnages, leurs joies comme leurs tristesses. Sans que mes personnages soient un miroir de moi-même, il y a des thématiques que je creuse. Et je pense vraiment que je ne pourrais pas écrire un roman qui ne se passe pas à l'Est. C'est un territoire tellement riche... Et je trouve qu’on n’en parle pas assez en littérature française. 


Pourquoi un roman jeunesse alors ?

Parce que c'est une histoire que j'ai imaginée pour eux, qu'écrire pour eux se rapproche aussi de ce que je fais tous les jours avec eux : les guider vers l'âge adulte. Il y avait une sorte de défi que je me devais de relever tant l'estime que j'ai pour eux est grande. 


Moi qui suis totalement tombée sous le charme de ce conte fantastique (il faut dire que mon adolescence date seulement d’hier.. enfin avant-hier ! Vous pouvez donc toutes et tous en déduire que ce livre est aussi pour vous 😉), j’ai eu l’immense joie de découvrir en 4ème de couverture qu’il s’agit d’une saga. Pourquoi ?

Oh, d'emblée, quand j'ai vu mon éditrice, elle m'a dit que c'était une saga, j'ai donc construit aussi mon synopsis selon cette donnée. Et c'est très grisant de ne pas terminer une histoire une fois le premier livre terminé, je vais pouvoir faire évoluer mes personnages, les faire grandir, c'est tout simplement génial ! Elles ne me quittent pas, mais restent encore un peu, comme ces élèves que je vois de la 6e aux études supérieures. Je les regarde toujours avec un regard attendri. C'est ça aussi le métier de professeur : voir deux ou trois générations défiler, apprendre quelles études puis quels métiers ils font, savoir qu’ils sont devenus parents.  


Combien de tomes prévois-tu ?

Plusieurs ! 😊


Je suppose que le public jeunesse va aussi modifier ta tournée des libraires plus orientée vers les lycées, non ?

Je ne sais pas vraiment, car j'ai déjà énormément vu des lycéens avec mon premier roman. Il a été sélectionné sur de nombreux prix de lycées. C'est un peu pareil pour la « La dixième Muse » : certains professeurs le conseillent à leurs classes de Première. Avec "Le sanctuaire d'Emona", ce sera sans doute une continuité de ce qui a été amorcé. 


Tu abandonnes les adultes un temps ou bien nous prépares-tu aussi un roman à venir ?

Oh non, je n'abandonne personne ! J'ai déjà réfléchi à mon prochain roman aux Forges, je l'ai commencé lui aussi. J'ai toujours été hyperactive et boulimique : l'écriture est un trésor dans lequel je nage sans éprouver de fatigue. 

Je ne voudrais pas te mettre la pression mais je suis déjà en sevrage de ta plume et je ne sais pas comment je vais pouvoir tenir !!! Mais oublions-ça, pour le moment, tapis rouge à ce dernier roman sorti il y a quelques semaines seulement. Je te souhaite un immense succès. Que la jeunesse te rende bien tout l’amour que tu lui donnes !

Hahaha ! Merci ! A très vite pour la suite des aventures, alors ! 

 

Vous avez envie de lire d'autres interviews ? Retrouvez 

Jean-Luc MANIOULOUX

Catherine ROLLAND

Sandrine COLLETTE

 

Mathieu MENEGAUX

 

Gilles MARCHAND

 

Lenka HORNAKOVA CIVADE

 

Anne DE ROCHAS

 

Alexandre SEURAT

 

Valérie TONG CUONG

 

Alain JASPARD

 

Caroline CAUGANT

 

Caroline LAURENT écrivaine et éditrice

 

Jean-Maurice MONTREMY éditeur

 

Marie et Antoine de la Librairie Le Renard qui lit
 

Voir les commentaires

2021-02-13T11:56:18+01:00

Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Publié par Tlivres
Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Il y a des rencontres qui s'imposent à vous, c'est certain. 

Tout a commencé avec une promenade rue des Lices et la découverte d'une oeuvre, "Impact", exposée en vitrine de la Galerie In Arte Veritas, pour que, de fil en aiguille, je sois mise sur la voie de Jean-Luc MANIOULOUX.

Fascinée par vos créations, je vous remercie de répondre à mes questions.

Jean-Luc, pouvez-vous nous dire quelques mots de votre itinéraire ?

Après avoir passé ma jeunesse dans le sud de la France, je suis venu à Paris faire des études de publicité. Puis je me suis consacré à l'illustration médicale pendant de nombreuses années au cours desquelles j'ai fréquenté les blocs opératoires des hôpitaux parisiens. Plus tard j'ai été illustrateur dans l'édition avec une prédilection pour la représentation des animaux et de la nature. Depuis une dizaine d'années, je me consacre exclusivement à mon activité d'artiste plasticien.  

Alors, personnellement, je suis restée "scotchée" par l'esthétisme de votre création. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez commencé à décliner le thème de l'impact ?

Cette question m'intéresse car elle m'oblige à mener une sorte d'enquête et à remonter le fil du temps jusqu'à la réalisation, un peu oubliée, d'une toute petite œuvre faite à mes moments perdus, un frelon percutant un carrelage et le fendillant.

Maintenant, à savoir pourquoi j'ai fait ça ? c'est la question que posent aux artistes les trois quarts des gens : "Comment avez-vous eu cette idée ?" question à laquelle je réponds souvent par un "bin, euh, c'est comme ça" lamentable. J'ai parfois expliqué que, tel Claudel, j'avais eu une révélation près d'un pilier de Notre Dame mais ça ne marche pas toujours. En fait, la plupart des artistes ne peuvent pas répondre à cette question. Tout cela relève d'un processus lent et mystérieux qui fait que chacun évoluera dans son propre univers et cela me fascine souvent de voir des artistes creuser et recreuser leur sillon au fil des ans comme une quête en m'apercevant que je fais la même chose après tout.

J'en suis à mon 170e Impact et même s'ils sont tous différents, cela peut ressembler effectivement à une obsession. Ceci dit, si vous allez sur mon site web ou mon Instagram, vous verrez que je ne fais pas que des Impacts.

Vous avez une vraie singularité dans l'association de matériaux et leur mise en scène. Comment en avez-vous eu l'idée ?

Pour la série justement des Impacts, j'utilise du verre ou du carrelage avec des insectes. Les plaques de verre me permettent de jouer sur la profondeur, la transparence et donner cette impression de temps figé, suspendu où la mouche, le bourdon ou les papillons sont surpris en pleine course. Les œuvres sont toujours protégées par des écrins en plexi que je fais réaliser par une société travaillant pour les musées nationaux.
Je délaisse de plus en plus le carrelage à cause de son poids et, en ce moment, je travaille avec du bois brûlé qui est une matière spectaculaire.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la mise en oeuvre ?

Mes œuvres requièrent beaucoup de minutie et de patience. Lorsque vous voulez qu'une fourmi ou une mouche fasse un certain geste, il ne suffit pas de lui expliquer, il faut pas mal de doigté et, à propos de doigts, j'ai la confirmation que le verre est coupant.

Vous mettez notamment en scène des insectes. Pouvez-vous nous parler de votre rapport à l'entomologie ?

J'adore l'ambiance des cabinets de curiosités, des muséums d'histoire naturelle. À Paris où je travaille, j'habite à côté de la maison Deyrolle, rue du Bac, vénérable institution deux fois centenaire, référence dans le domaine de l'entomologie et de la taxidermie, prestigieux cabinet de curiosité fréquenté par des artistes tels Dali ou André Breton, j'aimais flâner plus jeune dans ses salles et j'ai la chance, à présent, d'y exposer mon travail en permanence.

L'entomologie ce n'est pas seulement épingler des insectes dans des boîtes, c'est prendre conscience de la richesse incroyable d'un monde souvent caché et mis à mal ces derniers temps.

Plus que la technique, est-ce que ces créations ne disent pas aussi quelque chose de notre époque ? N'y a-t il pas un message véhiculé par vos créations ?

Dans une œuvre, chacun trouve l'interprétation qu'il veut.

En France, contrairement aux USA par exemple, le discours passe souvent avant l'œuvre elle-même. Vous avez des galeristes, des critiques d'art, des commissaires d'exposition dont c'est le métier, qui sauront sortir un papier incroyable sur les intentions d'un artiste qui découvre ça en même temps que le lecteur.

Pour moi, le côté graphique, esthétique l'emportera toujours. Cela ne veut pas dire qu'un certain message ne se dégagera pas de l'œuvre.

Il est évident que la série Impact met en scène des insectes brisant systématiquement des objets manufacturés, ampoules, néons, murs de bétons, carrelages ; toutes créations de l'homme. Tout cela était inconscient mais reflète une croyance profonde. Je suis un écologiste convaincu. Les insectes disparaissent à une allure dramatique ! Lorsque, étant jeune, je traversais la France dans ma 4L je me retrouvais à la fin du voyage avec mon pare-brise recouvert d'insectes écrasés, des gros papillons qu'il fallait gratter en pestant. À présent, c'est un véritable crève cœur lorsqu'en plein été, votre voiture est aussi propre à l'arrivée qu'au départ. Vous vous rendez compte ? En si peu de temps ? Un monde vidé de ses insectes faute d'une simple volonté politique. Et ne vous extasiez pas devant un immense champ recouvert d'un blé en herbe d'un vert tendre, ce n'est qu'un désert où toute vie a été détruite par des produits chimiques.

Une de mes œuvres que j'ai appelé "Icare" représente un papillon qui tombe en flamme, foudroyé. Elle émeut beaucoup de visiteurs. 

undefined
Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


L'humanité s'auto-détruit et les insectes, aussi peu qu'il en restera, sauront bien un jour renaître de leurs cendres et, comme "Sisyphe" mon Timarcha tenebricosa si mignon qui roule un morceau de tapisserie, sauront "ranger le décor".

Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


On peut trouver cela sombre mais comme beaucoup de pessimistes, l'humour est souvent au rendez-vous et prédomine la plupart du temps dans mes œuvres. On peut considérer cela également comme un message de renaissance de la nature.

La nouvelle série que je consacre aux migrations climatiques met en scène, sur une terre brûlée, des insectes tel ce bousier poussant sa boule, qui prêtent à sourire sur un sujet dramatique s'il en est.   

Dans ma première interprétation de votre création lundi, j'évoquais l'instant figé. Quel rapport entretenez-vous au temps ?

J'avais fait une expo il y a quelques temps, effectivement, intitulée "Ô TEMPS" faisant référence au vers de Lamartine "Ô temps suspends ton vol" car, comme je le disais précédemment, dans mes œuvres le temps semble souvent effectivement suspendu, figé tel un instantané photographique en trois dimensions.

Votre exposition est programmée jusqu'au 21 février prochain sur Angers. Pourquoi Angers ?

La Galerie In Arte Veritas a découvert mon travail et m'a contacté il y a quelques temps. je suis heureux de cette collaboration. Le dirigeant Stéphane DEBOST pratique un vrai travail de galeriste et cet établissement de 600 m2 est une institution à Angers.

Et après ? Vous avez des projets ?

Bien sûr, les temps ne sont pas propices aux projets de toutes sortes et une grande partie de mes collectionneurs sont étrangers et notamment américains, donc absents.

Mais il faut en profiter pour explorer des voies nouvelles et produire. Je vais également entamer une nouvelle collaboration avec une galerie de New York, ce qui est assez excitant.

Pour celles et ceux qui nous lisent, je ne peux que vous inviter à visiter cette exposition absolument remarquable. Infos pratiques : la Galerie In Arte Veritas est située 16 rue des Lices à Angers. Elle est ouverte du mardi au samedi de 10h30 à 19h. Les expositions ouvertes au public en ce moment sont rares. Profitez-en, elle est d'exception !

Merci Jean-Luc pour cet entretien.

Je vous en prie Annie, ce fut un plaisir.

Voir les commentaires

2020-12-19T08:11:11+01:00

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
Copyright Guillaume Perret Agence lundi 13

Copyright Guillaume Perret Agence lundi 13

Ma chère Catherine, quel plus joli cadeau que cette interview pour clôturer l’année 2020, une année tout à fait particulière ?

 

Tout d’abord, et cette question est loin d’être anodine, comment vas-tu ?

 

Je vais très bien, je te remercie. Le contexte est assez morose, il faut le reconnaître, mais tous mes proches sont en bonne santé et je suis d’un naturel extrêmement positif. Donc je me dis que j’ai de la chance par rapport à beaucoup, et je patiente bien sagement en attendant que les choses aillent mieux.

 

Tu es Médecin urgentiste de profession, c’est bien ça ?

 

Mon autre profession, oui ! L’année, de ce point de vue, a été particulière aussi. Qui sait, j’en tirerai peut-être un roman un de ces prochains jours… (on ne se refait pas)

 

Nous avons donc eu la chance de nous rencontrer il y a quelques années maintenant sur le Salon du Livre de Paris, un moment inoubliable qui m’a permis de découvrir ta plume avec « Le cas singulier de Benjamin T. » mais ça n’était pas ton premier roman. Raconte-nous ton rapport à l’écriture...

 

Mon rapport à l’écriture est un peu compulsif ! « Le cas singulier de Benjamin T. » qui, en effet, nous a permis de nous rencontrer, était mon 5ème roman publié. Depuis, j’ai continué – sans surprise – à beaucoup écrire, en publiant un roman et en participant à trois recueils de novellas fantastiques… pour ne parler que de ce qui est déjà paru. 

 

Pour rester un peu sur « Le cas singulier de Benjamin T. », les sujets de la santé mentale et des hallucinations y sont explorés minutieusement. Est-ce que tu as puisé ton inspiration dans ta vie professionnelle ou bien avais-tu envie, par une fiction, d’aller sur un terrain de jeu inconnu ?

 

Un peu les deux, je pense. Il est clair que le fait d’être médecin m’a aidée pour imaginer le personnage de Benjamin, un ambulancier atteint d’épilepsie. Le contexte dans lequel il évolue, sa maladie, l’hôpital ou l’univers des essais thérapeutiques, sont des domaines familiers pour lesquels je n’ai pas eu besoin de beaucoup me documenter.

 

En revanche, pour ce livre dont une partie de l’intrigue se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, j’ai effectué un important travail de recherche historique. Il s’agit d’une fiction, mais mes héros sont confrontés à des événements et à des personnes qui ont réellement existés. Il était très important pour moi de ne pas commettre d’erreur en mettant en place ce décor spécifique. 

 

Ce n’était pas une corvée, bien au contraire. Je suis une fand’Histoire et j’ai pris un immense plaisir à décortiquer la période et les lieux qui m’intéressaient.

 

  

Tu souhaitais honorer la mémoire d'hommes et de femmes qui se sont battus par le passé pour que la Haute-Savoie, et notamment le petit village de Saint-Calixte, demeure française. Pourquoi ?

 

La Résistance au sens large du terme, le combat pour défendre ses idées, la lutte contre l’oppresseur sont des thèmes extrêmement classiques en littérature.

 

Mon roman se situe pour une grande part dans le maquis de Haute-Savoie, en effet, mais j’aurais pu choisir une autre guerre, un autre pays.

 

D’ailleurs, si les dates, les faits et les personnages historiques sont réels, comme je l’ai dit plus haut, le village de Saint-Calixte est, lui, fictif.

 

En réalité, ce qui m’importait surtout était de transporter mon héros, Benjamin, de son époque contemporaine à un passé à la fois proche et tumultueux. La Seconde Guerre mondiale était donc le choix idéal pour l’intrigue que j’avais en tête.

 

Dans la même veine, est sortie en 2020 « La Dormeuse », un roman dont l’exercice littéraire est juste vertigineux. Au fur et à mesure que je le lisais, je voyais les personnages se construire sous mes yeux, un peu comme si j’étais au théâtre et que, sur scène, deux décors se distinguaient avec une porosité hallucinante malgré les deux milles années d’écart. Peux-tu nous en dire quelques mots et nous expliquer comment tu en as eu l’idée ?

 

Tu as raison, « La Dormeuse » est en quelque sorte le prolongement de Benjamin. Les passages d’une époque à l’autre y sont plus complexes, puisque trois lignes temporelles s’entremêlent : une narration contemporaine où Marie, une écrivaine au crépuscule de sa vie, dicte son dernier livre à Sofia, son auxiliaire de vie ; une seconde intrigue revenant sur l’adolescence de Marie et l’époustouflante expérience qu’elle va vivre à Pompéi alors qu’elle a seulement 18 ans ; enfin, un retour-arrière de deux millénaires, toujours à Pompéi, mais cette fois en l’an 79, à quelques jours de l’éruption du Vésuve.

Les intrigues se croisent, s’intercalent et se répondent jusqu’au dénouement final qui permet de les relier.

 

Comme la plupart des écrivains, je serais incapable de te dire précisément comment m’est venue l’idée. Avec Benjamin, j’avais expérimenté l’élaboration d’une fiction rencontrant la vérité historique, mâtinée d’un soupçon de fantastique, et l’exercice m’avait plu. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de me rendre à Pompéi. La cité pétrifiée que nous connaissons aujourd’hui est aussi fascinante que le mode de vie à l’époque antique et les récits que Pline le Jeune a pu faire de l’éruption. Entre présent et passé, j’ai choisi de ne pas trancher !

 

 

Donc, on en sait maintenant un peu plus sur l’idée... quant à la construction narrative, peux-tu nous expliquer comment tu as travaillé à l’édifice ?

 

Avant de commencer la phase d’écriture proprement dite, j’ai défini les trois lignes temporelles et leurs événements-clés, ainsi que les nœuds de l’intrigue, là où les récits se rejoignent (je n’en dis pas plus pour ne pas dévoiler l’histoire, bien sûr !).

 

Ce qui est un peu compliqué dans ce type de construction est qu’il faut bâtir quatre romans en un : 3 intrigues qui, d’une certaine manière, pourraient se suffire à elles-mêmes, c’est-à-dire avec un début, une problématique et un certain nombre de ressorts dramatiques, et une fin. Puis un quatrième niveau qui englobe les trois autres.

 

Dit comme ça, je me rends compte que ça semble compliqué ! Ce que je viens de t’expliquer est en fait une analyse a posteriori, car une fois les bases posées, j’ai laissé faire les personnages et ce sont eux qui m’ont emmenée où ils voulaient. Si on s’attache trop à prévoir le moindre petit détail, on ne commence jamais le premier chapitre…

 

Pour ce type d’épreuve littéraire, je t’imaginerai assez bien dans une pièce de ta maison dédiée à la réalisation d’un puzzle à taille humaine. C’est un peu ça ou pas du tout ?

 

 Ah, le fantasme de l’écrivain contemplant le mur de son bureau constellé de post-it !

Je reconnais que j’ai pris pas mal de notes et que j’ai dessiné une sorte de frise chronologique avec des flèches qui partaient dans tous les sens pour ne pas me perdre, mais ensuite les choses se sont enchaînées assez naturellement.

 

Cette histoire de post-it est un vague fantasme personnel qu’il faudra que j’expérimente un jour, ceci dit. 

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Catherine ROLLAND

Et les personnages ? Est-ce qu’ils t’apparaissent quasi achevés quand tu te lances dans l’écriture ou bien te laisses-tu porter par leurs propres aventures pour en affiner la psychologie, la vie au sens large du terme.

 

En fait, les deux à la fois.

 

J’entends par là que dans la phase qui précède l’écriture, je réfléchis et je fouille davantage les personnages que l’intrigue elle-même. Quand je commence à écrire, je peux n’avoir qu’une idée encore globale de la trame, voire ne pas savoir exactement ce qui se passe à la fin, mais j’ai besoin de bien connaître mes personnages pour commencer à écrire.

 

D’une certaine façon, c’est logique : au début de l’histoire, eux non plus ne savent pas ce qui les attend, ils le découvrent en même temps que le lecteur. En revanche, leur personnalité et leur vécu sont déjà là, et il est essentiel que je les connaisse bien dès le premier chapitre pour leur donner une âme, une profondeur fondamentale pour que le lecteur s’attache à eux.

 

Cependant, il arrive que les personnages me surprennent, qu’ils prennent des initiatives étonnantes, révèlent des traits de caractère que je n’avais pas anticipés au fil de l’intrigue. Ainsi, un héros secondaire peut s’imposer sur le devant de la scène ou, a contrario, un personnage principal décéder de façon impromptue, un bon devenir méchant ou inversement.

 

Ces retournements de situation sont plus ou moins décrits par tous les écrivains et, le plus souvent, je dirais qu’il faut bien se garder de contrarier les personnages lorsqu’ils prennent les commandes. Leurs idées sont meilleures que celles de l’auteur, en général.

  

Le roman n’est que la partie visible de l’iceberg de tes capacités littéraires. Je crois que tu aimes aussi beaucoup les nouvelles, n’est-ce pas ?

 

J’ai effectivement des « phases » nouvelles. Contrairement à un certain nombre de mes confrères, je n’ai pas débuté par les nouvelles pour passer ensuite au roman.

 

J’ai commencé à en écrire sur le tard, il y a quelques années. J’étais entre deux projets d’écriture et je ne voulais pas m’attaquer tout de suite à un nouveau roman, car une période de correction m’attendait pour ma prochaine publication. 

 

Quand je me lance dans un projet, je déteste devoir le suspendre, ne serait-ce qu’une semaine ou deux. Le format court était donc la solution. Je me suis amusée à répondre à des appels à texte pour des concours ici ou là. L’écriture sous contrainte (thème imposé, longueur de texte) est un exercice intéressant. 

 

Contrairement à ce qu’on entend parfois dire, l’écriture d’une nouvelle n’est pas du tout comparable à celle d’un roman. Il y a des contraintes de rythme, de concision de l’intrigue, il faut taper vite et fort, et surtout que la chute soit spectaculaire. C’est à mon sens le secret d’une nouvelle réussie et, mine de rien, c’est extrêmement technique. Mais si on y arrive, c’est réjouissant !

 

Qui plus est, dans le champ du fantastique. C’est un genre à part entière, non ? 

 

Bien sûr, le fantastique est un genre à part entière. Il existe d’ailleurs de nombreux sous-genres la fantasy, la bit-lit, l’urban fantasy… Je ne les connais pas tous, je l’avoue ! 

 

J’ai un goût particulier pour l’urban fantasy : l’histoire commence dans le monde réel, avec un héros très normal à qui on peut s’identifier… puis le héros découvre l’existence d’un autre monde magique, des peuples dotés de pouvoirs, par exemple, coexistant en secret avec les humains conventionnels. 

Cela laisse une immense place à l’imagination, tout en obligeant à conserver un cadre et des repères connus. Cette coexistence entre réalisme et merveilleux me plaît particulièrement.

Côté édition, tu es passée des Escales à Okama. Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui te lie maintenant à cette maison d’édition ?

L’aventure aux Escales a été une grande chance pour moi. Le fait d’être éditée dans une maison parisienne est le fantasme de beaucoup d’auteurs et, en effet, j’ai eu affaire à une équipe très professionnelle et cela m’a permis de participer à des salons internationaux, d’avoir une visibilité dans certains médias… et de te rencontrer, bien sûr ! Cependant, depuis la parution du « Cas singulier de Benjamin T. », l’équipe a changé plusieurs fois, et leur ligne éditoriale actuelle ne correspond plus vraiment à ce que j’écris.

Les éditions Okama et Laurence Malè, leur fondatrice, sont arrivées à point nommé pour accueillir mes incursions de plus en plus marquées dans les domaines du fantastique et de l’imaginaire. Laurence m’a fait confiance et j’ai eu l’honneur, outre « La Dormeuse », de participer à trois recueils de nouvelles aux côtés d’autres auteurs (« L’étrange Noël de Sir Thomas » en 2019, et « Léa » et « Nuits blanches en Oklahoma » en 2020).

Nous nous entendons extrêmement bien et d’autres parutions sont déjà prévues chez elle.

Tu as des projets je crois...

 Effectivement, 2021 va être une grosse année pour moi !

Attention, ce qui suit n’a pas encore été révélé officiellement, tu tiens donc un scoop !

Au printemps, « Les inexistants », un roman auquel je tiens beaucoup, sortira chez BSN Press, une maison d’édition suisse spécialisée dans le roman noir et le polar. C’est donc un tout autre genre auquel je me suis attaquée. L’histoire de trois personnages singuliers qui se croisent, le temps d’une nuit, dans un petit restaurant de bord d’autoroute : une serveuse, un migrant irakien et un marginal… ceci alors que, dans cette petite ville de province, sévit un tueur en série. 

J’ai également été invitée à écrire une nouvelle pour une anthologie autour de la thématique d’Halloween, aux côtés d’autres auteurs, pour une autre maison suisse. Elle devrait paraître à l’automne.

Enfin, à l’automne 2021également, sortira le premier tome de ma toute première série fantastique ! C’est encore un peu tôt pour te livrer tous les détails, mais je peux te dire qu’il y aura du suspense et surtout beaucoup d’humour. J’ai créé un univers assez déjanté peuplé de créatures improbables et caractérielles et truffé de situations cocasses et décalées. Après cette année difficile, je crois qu’une histoire légère et drôle, avec des personnages attachants et émouvants, sera particulièrement bienvenue. Je suis actuellement en train d’écrire le tome 2 et que j’y prends un plaisir fou !

Et puis, tu viens tout juste de te lancer dans une nouvelle aventure, sur la toile cette fois, avec la création d’un blog et la diffusion d’une newsletter régulière. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui j’avais un peu de temps, le jeudi entre 16 :00 et 16 :25, alors je me suis dit « pourquoi pas ? »

Plus sérieusement, comme nous le savons tous, 2020 a été une catastrophe pour le milieu de la culture. Même si les écrivains s’en sortent forcément mieux que les artistes de théâtre, les musiciens ou autre, nous avons tout de même été privés des dédicaces et des salons littéraires qui sont l’occasion de présenter notre travail et d’aller à la rencontre de nos lecteurs.

Cela m’a fait réfléchir à la manière de contourner le problème pour maintenir le lien avec mes lecteurs. Les réseaux sociaux sont évidemment un outil intéressant, mais les publications sont très éphémères et les interactions limitées par des algorithmes sur lesquels nous n’avons pas de prise. J’avais déjà un site internet depuis quelques années, mais la plateforme qui m’hébergeait n’offrait pas la possibilité de créer une newsletter et les fonctionnalités étaient réduites.

Avec l’aide de mon fils Guillaume, j’ai donc retroussé mes manches pour concevoir un nouveau site internet.

J’ai effectivement créé un blog, où je compte proposer régulièrement des articles sur mon quotidien d’écrivain, ainsi que des anecdotes, des mini-nouvelles, inspirées notamment de mon travail de médecin (puisque jusqu’ici, je n’ai pas spécifiquement exploré ce domaine dans un roman… mais qu’il y a beaucoup à raconter !)

Je ne veux surtout pas harceler mes abonnés avec des newsletters trop fréquentes : il y en aura une à deux par mois avec, chaque fois, du contenu exclusif qui ne sera accessible que pour eux : nouvelles inédites, extraits de romans à paraître, découverte de la couverture des prochaines publications en avant-première, etc.

Pour s’abonner, rien de plus simple : il suffit de se rendre sur le site et de remplir le formulaire situé dans la colonne latérale. On peut aussitôt accéder à une première nouvelle de bienvenue !

 

Et dans cet emploi du temps on ne peut plus chargé, arrives-tu encore à trouver un peu de temps pour lire ?

 Oh oui ! Un écrivain qui ne lit pas, c’est impossible ! Je suis une boulimique de lecture et une des meilleures clientes de la bibliothèque de ma ville (ce qui présente un autre avantage : à force, les bibliothécaires sont devenues des amies qui se mettent en quatre pour me sélectionner de la documentation adaptée à chaque nouveau projet… et l’une d’elles fait même partie de mes bêta-lectrices !)

Quel est ton dernier coup de coeur ?

Moi qui ne suis pas acharnée aux découvertes de la rentrée littéraire, j’ai pourtant adoré « L’anomalie » d’Hervé Le Tellier, le lauréat du Goncourt 2020 (sans doute le côté surnaturel de l’intrigue !). 

Dans un autre genre, j’ai découvert Anne-Laure Bondouxgrâce à mon éditrice, et le poétique et merveilleux « Tant que nous sommes vivants » qui m’a littéralement emportée.

Le « Comme des sauvages » de mon copain Vincent Villeminot m’a coupé le souffle, il a une façon unique de décrire la nature brute, la violence de l’homme, c’est à la fois dépouillé et poétique, je conseille vraiment. 

Et, encore dans un style différent, je ne peux que te parler dela plume d’Abigail Seran, une auteure suisse et aussi une amie (j’avoue, mais je ne cite pas tous mes amis-auteurs en coup de cœur, promis). Elle sait à merveille raconter les histoires mélancoliques, tout en retenue et en clair-obscur. Son dernier, « D’ici et d’ailleurs », vient tout juste de paraître.

Bon, je crois bien que ça fait plus qu’UN coup de cœur.

Quelle sera ta prochaine lecture ?

Après tout le monde, je viens d’acheter le premier tome du « Passe-miroir », une série fantastique française, écrite par Christelle Dabos.

J’en ai entendu dire beaucoup de bien, alors comme toujours, c’est à double tranchant et j’ai un peu peur : quand on attend énormément d’un livre, on est plus facilement déçue… J’espère sincèrement que ça ne sera pas le cas : la série comporte quatre tomes, il y a de quoi se faire vraiment plaisir !

 

Bien sûr, nous pourrions poursuivre indéfiniment cette discussion, le plaisir d’échanger ensemble est juste un petit bonheur mais, même les bonnes choses ont une fin, n’est-ce pas ! 

 

Je te remercie très sincèrement Catherine de cette interview. On est déjà dans les starting-blocks de cette rentrée littéraire d’hiver. D’ici là, je te souhaite des fêtes qui soient les plus belles possibles. J’espère pouvoir te retrouver très vite sur un salon du livre...

 

Vous avez envie de lire d'autres interviews ? Retrouvez 

 

Sandrine COLLETTE

 

Mathieu MENEGAUX

 

Gilles MARCHAND

 

Lenka HORNAKOVA CIVADE

 

Anne DE ROCHAS

 

Alexandre SEURAT

 

Valérie TONG CUONG

 

Alain JASPARD

 

Caroline CAUGANT

 

Caroline LAURENT écrivaine et éditrice

 

Jean-Maurice MONTREMY éditeur

 

Marie et Antoine de la Librairie Le Renard qui lit

Voir les commentaires

2020-09-02T06:00:00+02:00

Quand une écrivaine se livre... portrait de Anne De ROCHAS

Publié par Tlivres
Copyright Philippe Matsas

Copyright Philippe Matsas

Dans cette rentrée littéraire, j'ai succombé sous le charme de votre premier roman, "La femme qui reste", un énorme coup de coeur. Quelques jours après cette lecture, vous me faites la joie de répondre à mes questions, c'est un immense plaisir de faire un peu plus connaissance avec vous.

Donc, Anne, je crois que vous êtes, avant tout, créatrice textile. Pouvez-vous nous dire quelques mots de votre parcours ?

J’ai eu la chance d’entrer très jeune chez Yves Saint Laurent, et de vivre une grande partie de son histoire. Cette Maison a été mon autre famille. J’ai très vite compris que les tissus m’intéressaient plus que les vêtements. Le monde infini des motifs, des gammes de couleurs m’a apporté beaucoup de plaisirs la fois de l’esprit, car il faut nourrir sa créativité, et de la main : La  préparation des couleurs, le mélange des gouaches, toute cette petite cuisine et ses jolis outils. L’ordinateur est arrivé très tardivement dans nos studios !

Quelle matière aimez-vous travailler ?

La soie, bien sûr, pour sa profondeur.

Quel lien entretenez-vous avez l'écriture ?

J’ai toujours aimé les mots. Depuis l’enfance. Leur sonorité, leur forme, leur couleur, la manière de les accoler. Il faut aller les chercher, parfois ils s’imposent. "Je cherche une phrase pour en faire ma maison", écrit Christian Bobin dans "Un bruit de balançoire". Je crois que cette phrase vaut pour toute création. Mais on a le droit d’avoir plusieurs maisons, et d’aller de l’une à l’autre.

Un premier roman, c'est forcément un saut vers l'inconnu. Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire un roman ?

L’envie a été toujours là, mais pas la disponibilité suffisante pour un travail de cette importance.

Pourquoi écrire sur le Bauhaus ?

Certaines rencontres marquent votre enfance : Les costumes d’Oskar Schlemmer, lors de la première exposition du Bauhaus à Paris en 1969, et Brecht, dont adolescente je connaissais par cœur les chansons de L’Opera de quat’sous. Ils m’attendaient. Même si le fréquentais au travers de ma vie de créatrice textile, je dois avouer que j’avais une image un peu convenue du Bauhaus. Ses maîtres, ses objets iconiques, des photos de fêtes, ce qu’on montre partout, ses théories réduites à des slogans. Ce que j’aurais envie de qualifier de "Bauhaus de l’ouest". La chute du mur a permis de rendre accessible Dessau, l’est, et de recoller les deux moitiés de l’image, de comprendre ses contradictions, de les accepter. Elles sont à l’origine de l’idée de mes trois personnages. Notre époque aussi est faite de clichés, de contradictions entre idéalisme et pragmatisme. D’urgence à reconstruire. Les Bauhaüsler nous parlent aussi de nous.

Comment avez-vous organisé vos recherches ? sur combien de temps ?

Le Bauhaus a fait l’objet de beaucoup de travaux, en France, en Allemagne et dans les pays anglo-saxons. J’ai énormément lu. Chacun a ses points de vue. Depuis quelques années, ils ont eu le bénéfice de faire émerger ceux que l’histoire avait dispersés, qu’on avait oubliés, notamment les femmes du Bauhaus qui ont été plus importantes que ce qu’on voulait bien en dire. Je me suis demandé ce qu’il y avait derrière ces visages, ces regards. Je suis partie sur leurs traces, à Berlin, à Weimar, et bien sûr à Dessau. J’ai parcouru leurs paysages, me suis assise à leur côté dans les ateliers, j’ai dormi dans un de leurs studios.

Je suis devenue leur compagnon de travail. Leur compagnon d’exil et de guerre. Le Bauhaus en lui-même n’a existé que quatorze ans, mais il a déterminé leur vie.

C’est cette histoire humaine qui m’a passionnée et que j’ai voulu partager.

Pourquoi avoir décidé de retenir 50 artistes et/ou intellectuels ? 

Comme je le raconte dans ce roman, le Bauhaus est une communauté très forte, mais connectée à Berlin. La vie sociale et culturelle de cette époque, les tensions politiques, les courants artistiques sont une toile de fond essentielle pour comprendre les aspirations et les enthousiasmes de cette jeunesse. Pour cela aussi j’ai beaucoup lu, beaucoup écouté de musiques, visionné de films. J’ai tenté de capter cette pulsation, parfois mécanique, parfois violente. Une pulsion de survie. Le temps n’était pas au romantisme, mais à l’objectivité. Ce qui fait que ce roman peut sembler parfois un peu dur.

Parmi toutes les personnalités citées, j’ai deux tendresses particulières : Otti Berger et Xanti Schawinsky. L’un comme l’autre me semblent avoir un rayonnement exceptionnel, une humanité, une générosité magnifiques. Le destin d’Otti est tragique, et le regard de Xanti, dans une photo prise après la guerre à New York, en dit long sur ce qu’exil veut dire.

J’ai aussi une très grande admiration pour Hélène Weigel, le roc de Brecht, et pour Lotte Lenya, la voix de Kurt Weill. Artistes pour elles-mêmes, femmes pour leur homme.

Sur la base de toute cette riche matière, comment s'est passée la rencontre avec votre éditeur ? 

Plusieurs éditeurs se sont intéressés à ce roman sans donner suite. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer Les Escales et d’être accueillie dans leur collection. C’est un équipe formidable. J’avais déjà retravaillé plusieurs fois mon manuscrit, et l’essentiel était là. J’ai modifié certains passages selon leurs conseils, d’autres parce qu’on peut toujours faire mieux. C’est un travail qui pourrait ne jamais finir ! Nous avons trouvé le titre ensemble, et, puisque je les avais beaucoup fréquentées, j’ai proposé des photos pour la couverture. Celle qui a été choisie, Otti Berger sur un balcon du bâtiment de Dessau, était la bonne !

Votre roman vient de sortir en librairie. Vous allez vous préparer à prendre la route pour en assurer la promotion. Avez-vous quelques dates et lieux de dédicaces à nous indiquer ?

La situation ne se prête malheureusement pas aux rencontres en librairie et aux signatures. Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir partager ces moments avec des lecteurs, mais c’est le cas pour beaucoup de parutions de cette année. Et c’est aussi très triste pour les éditeurs et les libraires. Le seul événement prévu actuellement est à Besançon le 5 octobre. Heureusement, Les Escales font un travail remarquable de communication, je les en remercie. Et puis les réseaux sociaux aident beaucoup, vous en êtes le meilleur exemple, un grand merci à vous !

Anne, je suppose que vous lisez aussi. Quel est votre dernier coup de cœur ?

J’ai lu avec délices "Quand arrive la pénombre" de Jaume Cabré. L’écriture est stupéfiante, les nouvelles plus inattendues les unes que les autres. La littérature catalane est un trésor !

Quelle est votre lecture en cours ?

En préparation du Salon de Besançon, le lis les ouvrages des auteurs avec qui je vais partager une table ronde : "La fièvre", de Sébastien Spitzer, dont j’ai lu les précédents ouvrages et qui m’emporte une fois de plus, quel bonheur ! Et je vais découvrir "Le métier de mourir" de Jean René van der Plaetsen, dont le thème rejoint celui d’un de mes auteurs préférés, Julien Gracq.

Chère Anne, merci infiniment pour cet entretien et vos jolis cadeaux. J'aime tout particulièrement quand vous jouez Otti Berger au balcon...

Je vous souhaite un énorme succès avec "La femme qui reste", mon coup de coeur de cette rentrée littéraire.

Je ne résiste pas à un petit clin d'oeil à Sébastien Spitzer et son premier roman "Ces rêves qu'on piétine", un autre coup de coeur, il date de décembre 2017 et c'était avec les 68 Premières fois !

Voir les commentaires

2020-07-04T06:00:00+02:00

Botero Pop à la Galerie In Arte Veritas

Publié par Tlivres
Botero Pop à la Galerie In Arte Veritas

Botero Pop, bonjour, merci de m'accorder un peu de ton temps précieux en pleine exposition à la Galerie In Arte Veritas d'Angers.

Botero Pop, c'est bien ton nom, n'est-ce pas ?
 
C'est tout à fait ça. Pendant les cours, au lycée, je m'ennuyais, un peu, comme beaucoup, je dessinais dans les marges de mes cahiers. J'avais inventé un petit personnage comme celui-là mais dont le chapeau ressemblait plus à un sombrero, le corps était un poncho, il avait un côté très sud-américain. J'aimais par ailleurs beaucoup Fernando Botero, et donc, je l'avais nommé "Botero". Il avait des bras et des jambes tout fins, il se distinguait donc très nettement des personnages du grand Fernando Botero. 20 ans après, quand j'ai repris le dessin, j'ai gardé "Botero" et j'ai ajouté "Pop", un univers culturel qui me passionne de longue date. 
 
Et tes personnages, comment s'appellent-ils ? 
 
Des "Botero Pop" ! Même si je me rends compte, à l'usage, que les gens les appellent "Botero".
Botero Pop à la Galerie In Arte Veritas
Alors, depuis vos années de lycée, que s'est-il passé ?
 
Quand les études sont devenues un peu plus complexes, je m'embêtais moins. J'ai abandonné mes dessins, je n'avais plus le temps de m'y consacrer. Et puis, un soir, lors d'une discussion avec une amie, on évoque nos dessins respectifs. Je prends un crayon et je me remets à en dessiner un. Cette copine le trouve très rigolo et très intéressant. Elle a l'idée d'en faire une bande dessinée. Pourquoi pas ? Je commence à le redessiner plusieurs fois mais je me rends compte qu'il est très statique. Pour l'animer dans une BD, ça relevait de l'impossible. Je me force un peu, parce que je suis un peu entêté ! Je lui mets un foulard rouge sur les yeux (enfin, là où habituellement sont les yeux !), et là, il ressemble à Raphaël des Tortues Ninja. Je me dis, tiens, c'est rigolo. J'en reprends un deuxième et je lui fais l'éclair de Ziggy Stardust. Je me rends compte que, quand je lui rajoute un accessoire, on devine tout de suite qui c'est. J'en enchaîne une dizaine. J'ouvre un compte Instagram, le 21 janvier 2019, pour me marrer, j'ai des "Like". Je trouve ça drôle. Je continue pour voir si c'est le fait du hasard. Je prends la décision, bienheureuse au final, d'en publier un par jour. J'en avais 10 sous le coude, je me suis dit, ça va être facile mais, derrière l'apparente simplicité, Botero Pop est pétri de contraintes. Il n'a pas de visage, pas de vêtement, pas d'expression, il est statique ou avec très peu de mouvement. Trouver ce qui fait sens pour deviner qui il est, ça devient très compliqué. La solution, c'est de me mettre dans l'idée que je vais à une soirée déguisée mais que je ne veux pas qu'on me reproche de ne pas m'être déguisé. Si tu mets une cape rouge, tu ressembles tout de suite à Superman. Il faut donc trouver l'accessoire qui permet d'identifier le personnage mais attention, sans identifier une autre personne d'autre non plus ! Résultat, le terrain de jeu pourrait paraître immense, il est en réalité très restreint.
Botero Pop à la Galerie In Arte Veritas
 
Alors, Botero Pop, en dehors de ton compte Instagram, de la Galerie In Arte Veritas jusqu'au 25 juillet, où pouvons-nous découvrir des Botero Pop ?
 
Dans la rue ! 
 
Pour rigoler, un jour, j'en ai découpé un, l'idée était d'aller le coller en ville. Je m'en souviens très bien, c'était Saillor Moon et je voulais la coller sur la gouttière d'Azu Manga rue de la Roë. Je devais y aller le samedi mais je n'y arrivais pas. J'ai quasiment passé une nuit blanche et puis, le dimanche matin, à 6h pour qu'il n'y ait personne, je suis allé collé mon Botero Pop de 10 cm. Il n'y avait personne à 200 mètres à la ronde et pourtant, j'avais le palpitant à 15 000. J'ai réussi ! J'ai commencé comme ça et puis, assez rapidement, il y a eu des remontées sur Instagram avec des publications de gens qui l'avaient vu. J'ai trouvé ça drôle et j'ai continué.
 
A Angers, mais pas que ?
 
C'est vrai. Il y en a à Tours. Le 4 mai pour la fête internationale de Star Wars, pour le Star Tours, j'ai collé une cinquantaine de Botero Pop. Il y en a aussi à Paris, Montpellier, Nantes, et ça va continuer. 
 
Et tu as tes Ambassadeurs maintenant ?
 
ça aussi c'est drôle.Tout est parti de la blagounette d'en coller à Aix-en-Provence, deux sont sur La Patrouille de France. Des copains m'en demandent pour les coller là où ils vont. Il y en a à Miami par exemple dans le quartier des arts de rue. J'ai réalisé 5-6 carreaux. Il y a des copains, mais pas que. Je suis sollicité par des gens qui trouvent les personnages sympas et ont envie de les partager. A chaque fois, je travaille sur la destination. Par exemple, à Miami, c'est "Deux flics à Miami", il y a les Dolphins parce que c'est l'équipe de foot, il ya Fidel Castro, Dexter...  Bientôt, des Botero Pop devraient investir Bruxelles, Rennes... Certains Botero Pop sont en modèle unique. Ils ne seront, au départ, visibles qu'une fois dans une seule ville. Après, ils seront peut-être diffusés sur Instagram par des gens qui les posteront mais moi, je ne le ferai pas. Ce qui est sympa aussi, c'est que les gens sont très contents d'avoir jouer au rebelle et d'avoir collé eux-mêmes, des Botero Pop. C'est une sorte de mouvement, une communauté. La diffusion est participative.
 
Mais il me semble que la création peut aussi être participative, non ?
 
Oui, c'est vrai, dans le cadre du confinement, j'ai lancé un concours. Tout a commencé avec des enfants qui, sur des murs, à la craie, pendant leur heure d'autorisation de sortie, ont commencé à dessiner un Botero Pop. Super drôle. L'idée est venue de lancer un appel à Botero Pop. Il y a eu une centaine de participations, d'enfants, d'adultes. Il y a eu des créations avec tout un tas de matériaux, un l'a fait à la soudure, un autre avec une imprimante 3D, d'autres encore avec des concombres, des chaussettes. Les gens ne se sont pas mis de barrière, ils ne se sont pas freinés dans la démarche artistique. Quand c'est un dessin, certains sont faits au bic, d'autres au crayon de couleur ou encore avec Photoshop. Bref, il y a une grande diversité de réalisations et puis, avec certains, il y a des messages, parfois forts ou poétiques. Finalement, chacun peut le faire évoluer de tout un tas de façons différentes. Pendant le confinement, ce que j'ai trouvé de génial c'était d'avoir permis de cogiter le Botero Pop parfois toute une journée, de retrouver le sourire... de dire "je ne suis pas dessinateur, je ne le trouve pas beau" mais d'avoir trouvé le courage de le diffuser. Se rendre compte que la forme est moins importante que le fonds, c'est l'essentiel.  
 
Côté message, tu n'es pas mal non plus ?
 
En fait, en tant que personne, j'ai plein de choses à dire sur la société. Je profite donc des Botero Pop aussi pour dire ce que j'ai à dire à l'image de ce que l'on a fait sur le féminicide avec le collage de "Nous toutes". C'est Hera qui est représentée, la femme de Zeus, cocufiée, martyrisée un nombre incalculable de fois. 
 
Botero Pop à la Galerie In Arte Veritas
Parfois, il  y a un message, parfois pas, à l'image des Super-héros pendant le confinement. C'est alors aux gens de comprendre.
 
Pour revenir à ton public, les enfants sont particulièrement friands de Botero Pop, n'est-ce pas ?
 
C'est vrai. Il m'est arrivé de travailler avec des enfants dans le cadre d'accueils de loisirs. J'ai commencé avec les Dieux. J'ai dessiné un Botero avec 3 éclairs dans la main, ils ont tout de suite identifié Zeus. Avec eux, je me suis rendu compte que les accessoires des Dieux sont très "boterisables" en fait. Un simple accessoire peut réussir à les définir. 
 
J'ai animé des ateliers avec des enfants tout petits. Je commence toujours par un blind test dans un univers culturel qui leur convient. Ils ont une créativité folle et une capacité à les découvrir à une vitesse déconcertante. Ensuite, je fais un atelier dessin. Les enfants choisissent l'accessoire et réalisent leur Botero Pop. A la fin, on les assemble pour faire une fresque. J'en sors toujours émerveillé.  
 
Parfois, les choses se passent sans moi. Des enseignants me disent avoir organisé des ateliers Botero Pop, je trouve ça génial. Pour moi, ce qui est important c'est de voir les enfants s'approprier l'art. L'avantage, c'est qu'ils ne se posent pas de question. Ils n'ont pas besoin de voir un visage, et tout ce qui caractérise habituellement un personnage. Un seul accessoire suffit !  Et puis, on n'a pas besoin d'avoir toute une éducation pour le comprendre. On n'a pas besoin d'avoir une connaissance des codes de l'art contemporain pour se l'approprier et l'apprécier. Dans le cadre de l'exposition à la Galerie In Arte Veritas, les premières réactions des parents c'est de dire que c'est très bien parce que c'est la première visite en galerie sans que les enfants s'embêtent. On peut faire de l'art facilement, on peut s'y mettre, on peut l'apprécier, c'est plutôt un bon combat je trouve !
 
Pendant les Arts au Couvent, ils étaient particulièrement présents, les enfants ?
 
Oui, et puis, il y a eu un autre public aussi, leurs grands-parents ! Avec eux, j'ai partagé ma culture Pop, l'un de mes autres combats. Beaucoup de grands-parents disaient ne pas avoir de culture Pop, qu'ils confondaient d'ailleurs avec culture Geek. A l'exemple du Petit Prince...
 
Les grands-parents le connaissent généralement bien. S'ils le regardent, ils ne le comprennent pas. Par contre, si je leur dis qu'il a une écharpe jaune, un renard, une rose, une étoile et une petite lune, là, ils tiltent. Une fois qu'ils ont compris le concept, ils en trouvent plein, dans la musique, le cinéma... En ville, ça fait la même chose. Dans la rue, ils sont collés pour avoir du sens. Mickaël Jordan est collé près de Foot locker, le punk anglais est collé sur La Bibliothèque Anglophone, Saint-Pierre est rue Chaussée Saint-Pierre, Robin des Bois est chez les Frères Toque. Quand ils comprennent, ça devient tout de suite vachement plus rigolo ! Ma plus belle récompense, c'est quand des gens me disent "J'en ai vu un dans la rue et il m'a fait rire", ou bien "Je ne le connaissais pas et je suis allé chercher qui il était". La culture Pop est bien plus intelligente qu'elle veut le faire croire. Tous les grands textes classiques ont leur pendant en culture Pop, avec un côté un peu plus funky, plus abordable.
 
Que dit Botero Pop de notre rapport à la société ?
 
Ce que j'aime dans ce personnage, c'est surtout qu'on ne voit pas sa tête, en gros, on ne sait pas si c'est un homme ou une femme. En prenant les accessoires, on choisit les attributs et une femme peut devenir Superman. On s'en fout. Il n'est pas lié non plus à une couleur. Ses vêtements sont noirs et blancs, on ne sait pas qui est derrière. Botero Pop, ça peut être toi, moi, n'importe qui. Il est on ne peut plus universel. Ensuite, selon l'accessoire, il devient n'importe quel Super-héros. Pas de catégorie, il devient ce que moi je décide d'être. Tout le monde et n'importe qui ! J'aime bien le concept. Tintin, par exemple, j'ai eu beaucoup de mal à le représenter parce que je ne pouvais pas faire la houppette, son pull et son pantalon de golf. Et puis un jour, j'ai croisé quelqu'un avec un chien de la race de Milou. J'ai dessiné le chien et là, il se passe quelque chose d'assez merveilleux dans le cerveau, on voit un chien qui ressemble à Milou, visuellement, dans notre tête on voit Tintin alors qu'il n'est pas dessiné. Si on arrive à se détacher de la représentation, on accède à un autre niveau de lecture !
 
 
Quelles sont tes sources d'inspiration ?
 
J'ai un cerveau qui ne s'arrête jamais... j'accumule tout. Dès que je me promène dans la rue, je trouve des idées. Sur mon smartphone, je fais des listes, des listes, des listes... je note tout. Parfois, j'en dessine un par jour, d'autres fois c'est une grosse série, je fais une nuit blanche. Pour Games of throne, par exemple, j'en ai fait 25 et je les ai diffusés heure par heure comme un décompte. Pour les sacrifiés, pendant le confinement, je les ai tous fait les uns après les autres jusqu'à épuisement. J'en ai toujours quelques uns d'avance au cas où. C'est une logistique intellectuelle un peu permanente. Le défi de la publication d'un par jour, c'est fini, et honnêtement, ça me fait du bien de me poser un peu. J'ai envie de garder le plaisir de diffuser quand j'en ai envie. J'ai une grosse série qui va arriver, elle sera peut-être publiée en une seule fois...
 
Comment te qualifies-tu ?
 
Certains m'appellent artiste, je ne sais pas ce que ça veut dire. Je préfère "créatif". Parfois, je fais du collage... je dessine sur de la faïence, j'ai aussi fait de la bombe. Street artiste, oui, parce que j'investie un peu la rue. Quand l'occasion se présente de faire une mosaïque, je veux me laisser cette liberté de faire une mosaïque. En galerie, je ne suis pas du tout street. Je suis plutôt polymorphe de mes envies !
 
Quels sont les événements à venir ?
 
Je donne rendez-vous au Château d'Angers à partir du 14 juillet. Je dessine des Botero Pop pour expliquer la tapisserie de l'Apocalypse... Je travaille à partir de la tapisserie bien sûr, mais aussi des scènes de film. L'ensemble est très "boterisable" ! Je vais continuer à faire mes "bêtises"...
 
Pour notre plus grand plaisir, Botero Pop. Merci pour cet entretien.
 
En attendant le 14 juillet, allez, tous à la Galerie In Arte Veritas ! Le 18 juin dernier, sa publication "Love" sonnait comme un appel. Il rêvait alors...


Si on pouvait avoir une pandémie mondiale, ça serrait bien.

Si vous avez envie, vous aussi, de tomber malade... Botero Pop met à notre disposition plus de 400 virus, en culture ! Alors, précipitez-vous, du mardi au samedi, de 11h30 à 19h, rendez-vous 16 rue des Lices !

 

Voir les commentaires

2020-04-18T06:00:00+02:00

Quand un auteur se livre... Portrait d'Alexandre SEURAT !

Publié par Tlivres
Signature : Tina MERANDON _ http://tinamerandon.com/

Signature : Tina MERANDON _ http://tinamerandon.com/

Alexandre SEURAT, je l'ai découvert avec la lecture de "La maladroite", son premier roman, une lecture coup de poing. Et puis il y a eu "Un funambule" et plus récemment "Petit frère". 

Il y avait eu une rencontre-dédicace à la Librairie Richer  (j'en profite pour saluer toute l'équipe)

et puis nous avons partagé une soirée à la Bibliothèque Toussaint pour présenter la rentrée littéraire de septembre 2019, j'été frappée par sa bonhomie et sa joie de vivre, j'ai eu envie de les partager avec vous.

Donc, place à l'interview réalisée avant le confinement, l’occasion d’un clin d’œil au bar O P’tit Bonheur Angevin (où nous sommes restés bien au-delà de l’heure de fermeture, qu’il en soit remercié !), mais à laquelle nous avons ajouté quelques questions d'actualité ! 

 

Alexandre, avant que l'on aborde ton tout dernier roman, peux-tu nous parler de ton rapport à l'écriture ? Est-ce que tu as toujours voulu être écrivain ?

C'est une longue histoire en fait. Au collège, j'écrivais des romans de vampires. Plus jeune encore, je faisais de la BD, je dessinais sur des feuilles que je reliais moi-même et que je distribuais à la famille.

Le livre a toujours été très présent chez moi et d'ailleurs, quand je me suis lancé dans des études  de Lettres, c'était aussi avec l'idée d'écrire même si le pari est risqué. Apprendre des maîtres est intimidant ; se lancer soi-même, passer à l'acte, a pris sans doute pour moi plus de temps que pour d'autres. On ne va pas à l'aveuglette, on est lesté de références, du souvenir d'écritures très diverses et très fortes, mais il faut se détacher de son admiration, et des concepts, de la théorie qui encombre l'écriture. 

Quand écris-tu ? Est-ce qu'il y a un moment privilégié dans la journée ? la semaine ?

Généralement, le lundi, parfois le mardi aussi, parce que je ne fais pas cours ces jours-là, et puis le reste du temps, dans les interstices de ma vie professionnelle et familiale. Ce qui est certain, c'est que je ne peux pas écrire dans des lieux publics. C'est donc chez moi que j'écris avec la difficulté de m'affranchir d'internet, une première recherche en appelle une autre... alors que l'écriture, c'est une activité de concentration qui ne repose que sur toi. Il faut se détacher des sollicitations extérieures, même si elles sont aussi parfois à la source de l'envie d'écrire, comme pour "La maladroite".

Quelle est ta méthode pour écrire ?

Mes sujets partent des tripes. Ils exigent donc de prendre une certaine distance qui m'est offerte par la forme de l'écriture, la narration. L'apprentissage de la littérature, en France, est plutôt révérencieux vis-à-vis des "grands auteurs", on commente mais on n'est pas invité à produire, à s'essayer. J'ai donc appris très tard à me "décoincer" ; c'est notamment un atelier d'écriture avec François Bon qui m'a permis de me libérer. Et puis, j'ai aussi beaucoup lu d'auteurs contemporains, des auteurs vivants, qui ont désacralisé le rapport à l'écriture. Les figures canoniques se sont progressivement estompées, la mécanique était enclenchée. Ce n'est pas le chef d'oeuvre qui me motive mais bien de produire quelque chose qui soit de moi et qui génère des émotions. Participer à cet atelier d'écriture m'a permis d'entrer dans la fabrique de l'écriture, d'utiliser les outils pour en faire quelque chose.

Justement, Alexandre, j'ai comme l'impression que le roman noir est devenu ta "marque de fabrique", non ?

Ce registre, c'est en fait le sens que je donne à l'écriture ; porter des affects qui sont très puissants pour moi, assez durs, pour que l'écriture s'impose comme une nécessité. J'aimerais bien faire rire, savoir faire rire, mais ça ne vient pas. J'adore les auteurs qui sont drôles mais, pour moi, c'est dans le registre grave que ça marche.

Tout a donc commencé avec "La maladroite" ?

C'est effectivement le premier roman publié, inspiré d'une histoire vraie.

On va laisser un peu de côté "L'administrateur provisoire" (que je n'ai pas encore lu, j'avoue !). Il y a donc eu "Un funambule" et maintenant "Petit frère". Quel lien y a-t-il entre les deux ?

"Un funambule" est sans doute assez éclairé en fait par "Petit frère". Il faut dire que "Petit frère", c'est une dizaine d'années d'écriture. C'est celui qui aurait pu être publié le premier, et puis, la vie a fait que tout ne s'est pas passé comme prévu. Avec 'Petit frère', je commence à être un peu cerné par mon lecteur !

Il y a une question qui me taraude. 'Petit frère' relèverait-il d'un univers plus personnel ?

Oui, c'est vrai. Si j'ai refusé que ça soit présenté comme un récit personnel par l'éditeur, c'est parce que je n'avais pas envie d'imposer un discours, mais, ça ne me pose pas de problème de le reconnaître quand on me pose la question. 
La réalité, c'est que je n'ai pas envie de parler de mon vécu individuel. Ce n'est pas un témoignage mais bien un roman que j'ai écrit. Le contrat avec le lecteur n'est pas le même. L'écriture livre une version d'une vérité multiple. Quand la machine est lancée, l'histoire est déjà passée au filtre de la fiction. 
 

Personnellement, j'ai trouvé le ton très juste. Ce livre s'inscrit-il dans une démarche
thérapeutique ?

C'était nécessaire, pour moi, de l'écrire. Quant à le rendre public, c'était autre chose ; c'est tellement compliqué pour moi d'assumer publiquement un texte, de l'endosser ; l'écriture, elle, répond à une nécessité personnelle ; peut-être parce qu'elle permet de rappeler la mémoire de quelqu'un qui est mort, parce qu'elle tente de redonner corps au disparu. Donner une voix à quelqu'un qui ne l'a pas eue, c'est quelque chose qui est très fort pour moi. Mais l'écriture thérapie, je n'y crois pas du tout. C'est un piège. Tu rajoutes du discours sur quelque chose de compliqué, tu prolonges des émotions, parfois très sombres, et puis l'écriture et plus encore la publication génèrent des sentiments comme la honte, l'impression de trahir, la culpabilité... qui t'emberlificotent. 

Dans ce livre, il y a une forme, plutôt, de réhabilitation. J'ai eu envie de faire de cette vie chaotique un objet esthétique, quelque chose de beau, mais aussi de fidèle à la personne qu'évoque le texte.

C'est récurrent dans mes romans de partir d'un sujet qui excède la "littérature". Dans "La maladroite", c'était le sujet de la maltraitance, dans "L'administrateur provisoire", c'était la Shoah, et la spoliation des juifs. Face à ce type de sujet, l'objet livre ne fait pas le poids. Du coup, je suis obligé d'être dans un rapport éthique à l'écriture, de me demander tout le temps si le ton est juste. Je cherche à faire entrer le lecteur dans cet enjeu ; c'est aussi ça mon rapport à l'écriture. 

Mais le traitement a changé. Depuis "La maladroite", au style presque journalistique, aujourd'hui, tu nous livres un roman totalement différent, non ?

C'est vrai. Si on regarde mes quatre romans, en fait, j'ai changé de point de vue. Dans "Un funambule", le lecteur se retrouve dans la peau de celui qui est fracassé, on devine qu'il va tomber. Dans "Petit frère", on voit ce qui va se passer du point de vue du grand frère, l'angle d'attaque est différent. Mon objectif reste toujours le caractère direct des émotions, je ne cherche pas la splendeur de la phrase mais sa densité. Dans ce livre, on voit le frère qui a une vitalité débordante, qui ne trouve pas sa place mais qui est vivant. Et puis, il y a celui qui cherche à l'aider, mais qui veut sans cesse couper l'élan, qui veut le ramener dans la norme, le raisonnable, le rationnel. Le roman pousse les personnes rationnelles dans leurs propres retranchements. 

Tu nous parles de l'environnement familial ?

Le père, ce patriarche, inaccessible, représente sans doute une certaine forme de famille, bourgeoise, là où tout est convenu. Mais c'est aussi une famille atypique, enfin je l'espère, engluée dans une non-communication. 

Il y a la mère qui souffre. C'est peut-être le personnage le plus violent.

J'ai voulu dresser un portrait clinique de cette famille en s'arrêtant au seuil de l'analyse des responsabilités. Ce frère subit l'environnement et d'un autre côté, il est difficile de désigner un responsable. En aucun cas, il ne s'agit là d'un livre d'accusation.

J'ai voulu écrire sur l'impossibilité de s'aimer dans une famille, l'incapacité à se dire que l'on s'aime. Ce qui m'intéresse dans les relations familiales, c'est d'explorer comment tout ça se construit en réseau, comment la position de chacun se construit par rapport à celles des autres. Le grand frère est contraint par tout ce qu'il a autour de lui, il ne voit pas quelle issue il pourrait trouver. Parallèlement, il y a le désir de bien faire, d'être un allié pour l'autre, mais il s'apercevra qu'il n' en était pas vraiment un.

Ce roman, c'est dix ans d'écriture entre la première version et la dernière. Si la trame générale, je l'avais, ce qui restait à trouver, c'était le chemin par lequel j'allais emmener le lecteur. 

Dans l'écriture, je cherche la révélation, peut-être une catharsis. Avec le temps, j'ai opté pour une construction en deux parties, la première dédiée aux derniers moments de la vie et la deuxième plutôt au retour sur l'enfance, une remontée aux origines, à la source du malaise, peut-être, mais sans jamais réduire à une explication simple. L'exercice est difficile, d'autant que pour moi, l'écriture n'est pas différente de la vie.

Peut-être que l'objectif de l'écriture est d'immerger le lecteur dans une scène pour que le lecteur puisse la vivre avec les personnages. Le premier lecteur c'est soi. En réalité, quand tu es lecteur, parfois, une phrase te fait te déconnecter, c'est ce qui me contraint quand j'écris à reprendre, retravailler les scènes, pour atteindre l'émotion, sans en faire dévier le lecteur. 

Ecrire, ce n'est pas un voyage imaginaire, en tout cas, ce n'est pas ce genre d'émotion que je recherche, et donc, à défaut de me soigner, l'écriture me transforme.

Tu es fidèle à la Maison d'édition du Rouergue. Qu'est ce qui fait que cette relation dure dans le temps ?

Cette maison, c'est un peu comme un cocon, il y a aussi une culture graphique, de l'image, des textes assez proches du réel avec un style percutant. 

Pour certains auteurs, les séances de relecture sont douloureuses. Et toi ?

Non, en réalité, je travaille avec mon éditeur plutôt en fin d'écriture quand la matière est là. J'aime bien que les choses soient finies, je souhaite que le livre publié ressemble à ce que j'ai écrit. Et puis, les relectures avec l'éditeur sont souvent rapides, je n'en garde donc pas de mauvais souvenirs.

Le cinquième roman est en cours ?

Oui.

Avec "Petit frère", j'arrivais au bout d'un cycle, il était donc important pour moi de me renouveler. Si le sujet reste sensiblement le même, je travaille la forme différemment. Là, l'outil sera la photographie. L'idée d'un texte hybride avec des images m'est venue l'été dernier, c'est donc tout frais. Au début, j'ai choisi certains clichés que j'ai fini par abandonner. Je m'aperçois que les photos illustratives de ce qui est écrit ne sont pas celles qui sont les plus importantes, je leur préfère des photos suggestives, qui font décoller le texte, l'emmènent ailleurs. J'adore, par exemple, les photos de sculptures, elles peuvent être très impassibles et en dire beaucoup. Il y a ce décalage entre
l'émotion dite dans le texte et ce que la sculpture transmet par le corps. J'utilise la fragmentation du texte pour renforcer la mise à distance.

Quel sera le sujet de ce roman ?

La séparation.

Je sais que tu aimes beaucoup lire aussi. De qui lis-tu en ce moment ?

Dylan Thomas, un poète gallois, dont la lecture peut faire penser à Rimbaud ou Mallarmé. Un peu obscur... (rire).

J'aime beaucoup aussi Jacques Josse, un poète breton qui écrit sur des personnages cabossés !

Pour aborder des sujets graves, j'ai besoin de passer par la poésie.

Et ton dernier coup de coeur ?

"Intervalle de Loire" de Michel Julien, c'est un récit. Il est parti avec deux amis faire la descente de La Loire mais ça n'a rien à voir avec un roman d'aventure. Ce livre, c'est plutôt une expérience sensorielle. Par exemple, il nous parle de ramer à l'envers et de ce que ça produit. Il nous apprend à regarder les paysages de cette manière. Michel Julien décrit les bruits aussi. Alors que l'on pourrait s'imaginer un endroit paisible, silencieux, il n'en est rien. Il y a les épouvantails sonores, l'usine qu'il longe, les chiens... c'est très étonnant en réalité.

Alexandre, entre le moment où nous nous sommes rencontrés et la publication de l'interview, c'est un peu comme si le ciel nous était tombé sur la tête. Comment vas-tu ? toi et ta famille ?

J'ai vécu les premiers jours dans la stupéfaction, comme beaucoup j'imagine ; je n'avais pas vu venir la fermeture des écoles, puis le confinement généralisé. J'étais effaré (et je dois avouer, un peu terrifié à l'idée d'une cohabitation continue avec mes deux gars de 6 et 8 ans, bien dynamiques, à qui il allait falloir faire "l'école à la maison". Nous avons pris le rythme. Les enfants souffrent un peu de l'enfermement et nous le font sentir, mais sur le plan de la santé, tout va bien. Nous applaudissons souvent le soir à 20h... Et souvent, nous vivons en famille des moments vraiment privilégiés ; c'est paradoxal à dire, parce qu'à côté de ça, je suis terrifié de lire la situation dans certains Ehpad, ce qu'ont vécu les hôpitaux en Italie. Je traverse les émotions que vivent beaucoup de gens, je pense.

Comment tes journées de confinement se passent-elles ?

Nous tâchons de nous partager les demi-journées auprès des enfants, ma femme et moi ; elle est responsable du service médico-social d'un ESAT, donc beaucoup d'urgences à traiter plus ou moins à distance, on n'imagine pas le chaos que c'est, cet isolement, pour des personnes handicapées dont l'insertion passe par le travail. Je dois faire mes cours en visio-conférence, avec cette frustration de perdre ce qui fait l'essentiel de mon métier, le rapport aux étudiants, la relation vécue. Sinon, quel boulot "l'école à la maison" ! Je suis très admiratif des instits de mes fils, qui nous alimentent en supports, et qui réussissent en temps normal à surmonter l'impatience qui souvent me submerge. Je tente d'écrire un peu sur le temps qui reste.

Est-ce que cette période perturbe l'écriture de ton roman en cours ?

Oui, tout est perturbé! Je suis très poreux à tout ce qui s'écrit dans les journaux. En même temps, c'est très étrange, ce repli autarcique sur la cellule familiale ; il fait beau dehors, on est coupé du monde, et quand on va sur internet, c'est une avalanche d'informations anxiogènes.

Quand un auteur se livre... Portrait d'Alexandre SEURAT !

Je dois dire que j'ai été assez heurté par les invitations qu'on a pu entendre au début un peu partout (dans le 2e discours présidentiel, et à la radio, ailleurs): "lisez, retrouvez le sens des choses, profitez-en pour méditer, apprendre [au choix] la cuisine, les langues, réinventer [au choix] votre sexualité, votre rapport à la consommation, etc." Toujours cette injonction au bonheur venant de privilégiés, alors même que c"est un cataclysme pour les plus fragiles. Quel avenir pour beaucoup de librairies à l'équilibre précaire ? J'ai des amis qui venaient d'ouvrir un bar en s’endettant, comment vont-ils s'en sortir ? Je pense aux intermittents dont les engagements sont tombés, de semaine en semaine... Je rêve moi aussi que le monde qui sortira de cette crise soit plus respectueux de l'environnement, entièrement neuf, mais en attendant, quel chaos.

Est-ce qu'elle t'inspire ? 

Je suis le nez dans le guidon, je ne sais pas encore, je copie-colle les articles qui me fascinent dans un fichier. L'épidémie est un sujet qui me taraude depuis longtemps, elle correspond bien à mon sens des choses, sur le mode tragique. J'avais même écrit un texte sur la Peste noire il y a quinze ans, repris récemment, mais resté inabouti. Je m'aperçois que la réalité dépasse de loin toute mes capacités à me projeter ; je ferais un très mauvais auteur de science-fiction. Mais qu'écrire d'original et de très personnel sur ce que nous traversons tous ? Certains éditeurs affichent d'emblée la couleur, "les manuscrits corona-centrés ne passeront pas par moi", ai-je lu. Mais d'un autre côté, pourquoi censurer d'emblée ce qui peut naître de ce bouleversement radical ?

Merci infiniment Alexandre, et pour les réponses aux questions posées, et pour ton sourire, ton rire aussi. J'ai'passé un très agréable moment avec toi. 

Avant de se quitter, je souhaiterais que l'on évoque cette confidence. Tu m'as dit être passé sur l'opération les #Artsaucouvent et avoir adoré les travaux d'Adie BERNIER. On en profite pour lui faire un petit d'oeil. Quand je dis qu'il n'y a pas de hasard dans la vie !!!

Merci à toi Annie ! Superbe interview, et très jolis moments passés autour d'un thé, dans
cette écoute bienveillante, et à reprendre mes réponses pour les affiner. A très bientôt !

Voir les commentaires

2020-03-12T18:01:19+01:00

Mars au féminin, tapis rouge pour Lenka HORNAKOVA CIVADE

Publié par Tlivres
Mars au féminin, tapis rouge pour Lenka HORNAKOVA CIVADE

Dans le sillon de Moonpalaace et Floandbooks, je poursuis la déclinaison de #marsaufeminin avec Lenka HORNAKOVA CIVADE, une plume découverte avec les 68 Premières fois que je ne remercierai jamais assez !

Il y a eu

« Giboulées de soleil »

« Une verrière sous le ciel »

et puis récemment 

« La symphonie du Nouveau Monde »

les trois romans publiés chez Alma éditeur, une maison que j’apprécie tout particulièrement.

Lenka HORNAKOVA CIVADE nous livre des romans sublimes dans lesquels se croisent des destins singuliers avec la grande Histoire, celle de son pays d’origine, la République Tchèque, une formidable opportunité de revisiter nos connaissances tout en beauté. La littérature, ça sert à ça aussi, non ?

Voir les commentaires

2020-01-25T07:00:00+01:00

Quand un auteur se livre... Portrait de Mathieu MENEGAUX !

Publié par Tlivres
Quand un auteur se livre... Portrait de Mathieu MENEGAUX !

Mathieu, tout d’abord merci d’accepter de répondre à mes questions.

Après notre rencontre lors des Journées nationales du Livre et du Vin de Saumur et le Salon du Livre de Paris, je suis progressivement devenue une inconditionnelle de votre plume. Vous êtes aujourd’hui l'auteur de quatre romans. Il y a eu « Je me suis tue », puis « Un fils parfait » et « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? » et tout dernièrement : « Disparaître ». Avant d’évoquer la toute nouvelle rentrée littéraire qui vous anime, je voudrais que vous nous parliez de votre rapport à l’écriture ? Est-ce qu’enfant vous souhaitiez devenir écrivain ?

Enfant, je voulais être Gary Cooper. Pas acteur, non. Gary Cooper. J’ai tout raté… Je suis d’abord un grand lecteur. Comme vous, je lis un ou deux livres par semaine, depuis l’adolescence. L’idée de l’écriture m’est venue de mes correspondances. Les gens à qui j’écrivais (avant les mails, les tweets
et Messenger) me disaient tous que j’avais une « plume ». Il aura fallu attendre mes 45 ans pour que je finisse par me décider à en faire quelque chose.

Si je puis me permettre, vous n'avez en réalité rien raté du tout, mon cher Mathieu. Expliquez-nous, dans quel environnement aimez-vous écrire ? Une pièce de la maison en particulier ? Une ambiance singulière ?

J’écris dans le salon, quand tout le monde dort. Et j’écoute le Concerto pour piano n°20 de Mozart. Mes filles savent quand j’écris, et elles rigolent.

Vos quatre romans ont été publiés chez Grasset. Qu’est-ce qui fait que l’on reste fidèle à une maison d’édition ? 

J’adore le jaune… Je suis avant tout fidèle à Martine Boutang, mon éditrice, qui sait me dire quand ce que je fais est bien, et quand il est nécessaire de re-travailler.

Outre la maison d’édition, vos quatre romans ont un point commun. Ils évoquent tous des affaires judiciaires et tournent autour d’enquêtes policières. Pourquoi ?

Ils évoquent d’abord la fragilité des situations. Il suffit d’un grain de sable pour que tout bascule. Ensuite, j’adore cet environnement judiciaire. La justice, c’est ce qui nous permet de vivre ensemble. Sans la justice, c’est la loi du plus fort, partout.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Les actualités (faits divers) ? Les jugements des tribunaux ?

J’adore les faits divers. Ce sont les contes de fées (ou plutôt les histoires de sorcières) modernes. Le concentré de la vie est là : l’amour, la haine, la violence, la méchanceté, la tristesse, la joie. J’aime décortiquer ce qui se passe dans la tête de quelqu’un, et plonger le lecteur dans la peau d’un personnage. 

Justement, parlons de vos personnages, comment les construisez-vous ?

Je les étoffe au fur et à mesure du roman. Je démarre sans bien les connaître, et je finis avec des gens dont je me sens très proche !

Claire est un personnage récurrent dans vos quatre romans. Pourquoi ?

Ah, mais vous voulez tout savoir !! Une fille dont j’ai été éperdument amoureux, à 17 ans. Et qui n’a jamais voulu de moi.

« Un fils parfait » a été revisité en 2019 par le réalisateur Didier BIVEL pour en faire un téléfilm pour France 2. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

C’était très intense. J’ai trouvé que les acteurs rendaient un très bel hommage à Maxime et Daphné, et que le film était beau. Bien sûr, la fin a été rendue plus « acceptable » pour un film à une heure de grande écoute. Mais je suis très fier que, d’un coup, 5 millions de personnes aient été sensibilisées au sujet de l’inceste. 

Le mois dernier, à l'occasion de la rentrée littéraire de janvier, est sorti votre tout dernier roman : "Disparaître". Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Une histoire d’amour, qui finit mal… 

Comme tous vos romans, j’ai lu « Disparaître » en apnée totale, impossible de le lâcher dès la première page tournée. Je crois qu’il ne faut pas en dire beaucoup plus. Laissons à vos lecteurs le privilège de la découverte ! Je suppose qu’un vaste tour de France va désormais s’engager pour vous pour la promotion de ce roman. Comment vivez-vous le métier de « VRP » ? Qu’est-ce que ça vous apporte personnellement ?

C’est formidable de rencontrer ses lectrices et ses lecteurs, de pouvoir discuter avec eux. Je suis très touché de la fidélité de certaines ou certains. Comme la vôtre, chère Annie !

Vous allez être accueilli par bon nombre de librairies. Avez-vous une adresse particulière à nous conseiller ? 

A Paris, je suis un inconditionnel de Tome 7, rue Saint-Dominique. Si vous passez à Bourg-en-Bresse, il faut voir Lydie Zanini de la librairie du Théâtre. Et à Nancy, précipitez-vous au Hall du Livre.

Je suppose que, lorsque l’écriture vous le permet, vous lisez beaucoup. Quel est votre dernier coup de coeur ? 

L’art de perdre, d’Alice Zeniter. Je suis resté sans voix.

Que lisez-vous actuellement ?

La tentation, de Luc Lang.

Enfin, si vous deviez « Disparaître » avec un seul livre dans votre valise. Quel serait-il ?

Les misérables, de Victor HUGO. Ou Le vicomte de Bragelonne, d’Alexandre DUMAS.

Je suis ravie d’avoir lancé le bal de la rentrée littéraire de janvier 2020 avec vous, mon Cher Mathieu. Un grand merci. Je vous souhaite un immense succès avec ce nouveau roman dont la chronique ne saurait tarder !

Voir les commentaires

2019-10-25T06:00:00+02:00

Quand un auteur se livre... Portrait de Gilles MARCHAND !

Publié par Tlivres
Quand un auteur se livre... Portrait de Gilles MARCHAND !

Immense plaisir aujourd'hui de vous (re)présenter Gilles MARCHAND !

Gilles, tu es l'auteur de trois livres, 2 romans, 2 coups de coeur me concernant, et un recueil de nouvelles. Peux-tu nous parler de ton rapport à l’écriture ? Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ?

Alors, je tiens à ajouter un autre roman que j'ai coécrit avec Éric BONNARGENT « Le Roman de Bolaño" aux éditions du Sonneur. Et un recueil de lettres de motivation : "Dans l'attente d'une réponse favorable" (ne l'achetez pas si vous cherchez un travail, il ne vous sera d'aucune aide, sauf si vous cherchez un emploi d'œuvre d'art ou de super héros !).

Si je tiens à les mentionner, ce n'est pas pour ajouter deux lignes à ma bibliographie mais parce qu'ils comptent beaucoup dans mon rapport à l'écriture.

Cela fait longtemps que j'écris, moins que je suis publié. Je pense que si un jour je ne suis plus publié, je continuerai à écrire. Un peu à la manière dont je joue de la guitare peut-être : dans mon salon, uniquement pour mon plaisir.

Tu as tout à fait raison Gilles de préciser ces autres écrits que je ne connais pas personnellement (honte sur moi !) mais qui constituent aujourd'hui ton "patrimoine" littéraire ! Dans quel environnement écris-tu ? Une pièce en particulier ? Une ambiance singulière ?

J'écris là où je peux quand je peux. Le plus souvent possible. Je m'installe dans mon canapé et je me lance, je pose mon ordinateur sur une table ou sur mes genoux, je coupe la musique et j'écris. Pas besoin d'ambiance particulière.

Trois de tes livres ont été publiés "Aux forges de Vulcain". Qu’est-ce qui fait que l’on reste fidèle à une maison d’édition ?

David Meulemans, mon éditeur, est devenu un ami. Je lui dois énormément. A lui et à l'équipe des éditions Anne Carrière : Les Forges de Vulcain font partie d'un collectif d'éditeurs qui s'entraident. Cette fidélité est importante car nous construisons une œuvre ensemble. Je dois avouer également que je reste attaché aux éditions du Sonneur qui avaient publié ce "Roman de Bolaño". J'aime admirer les gens avec lesquels je travaille. C'est le cas de David, de Valérie Millet, de Stephen Carrière. Ils sont différents, mais tous, à leur manière m'ont bluffé et continuent de le faire régulièrement.

Il y a donc eu "Une bouche sans personne", ton premier roman repéré par les fées des 68 Premières fois, c'est d'ailleurs dans ce cadre que nous nous sommes rencontrés. Tu évoquais une page de notre Histoire. Tu peux nous en dire quelques mots ?
Difficile d'en dire plus sans dévoiler cette histoire qui apparaît comme un fantôme tout au long du livre mais que l'on ne découvre qu'à la fin. Ce que je peux dire c'est que le personnage du grand-père est inspiré par mon grand-père paternel. Et que j'ai eu l'occasion de beaucoup parler de l'événement historique dont il est question à la fin du livre au cours de la tournée que j'ai effectuée auprès des libraires, des médiathèques et des lycées. Certains ne connaissaient pas cette histoire.

Et puis, il y avait, déjà, cette singularité dans ta plume. Si certains la comparent à celle de Boris VIAN, personnellement, je la trouve unique tout simplement. Elle est pleine de fantaisie et nous fait naviguer entre réalité et imaginaire. Elle s'est d'ailleurs largement confirmée dans ce registre avec la sortie de ton roman : "Un funambule sur le sable". D'où te vient cette caractéristique ? Est-elle naturelle chez toi ?

Difficile de dire ce qui est naturel. Je suis le fruit de mes lectures, des musiques que j'ai écoutées, des films et des expositions que j'ai vus. Ce qui est certain c'est que j'ai essayé de m'affranchir de mes influences littéraires. Si on retrouve dans ma plume une certaine fantaisie ou légèreté (alors que les sujets abordés sont plutôt lourds), c'est un héritage de beaucoup d'artistes dont j'ai admiré le travail. Et puis, cette fantaisie me permet de me déguiser, de me cacher pour écrire certaines choses que je n'oserais pas écrire frontalement. Lorsque je me relis, j'essaie de revenir aux intentions, de voir ce qui pourrait être perçu comme purement gratuit. J'aime bien sortir le lecteur de sa zone de confort en ajoutant quelques notes surréalistes mais il faut que cela ait du sens.

Tu peux nous dire quelques mots du personnage de Stradi ? Qu'est ce qui te l'a inspiré ?

Stradi, le personnage principal du Funambule sur le sable... difficile de dire par qui ou quoi il a été inspiré. Peut-être qu'il est une espèce d'incarnation de tous ceux et celles qui ont un jour souffert de n'être pas né comme tout le monde.

Et puis, la bienveillance, la  délicatesse, l'amour des gens ont littéralement explosé avec le recueil des nouvelles "Des mirages plein les poches". Que représente le registre des nouvelles pour toi ?

La nouvelle est un genre auquel je suis très attaché. Raconter un monde, emporter le lecteur en seulement quelques pages, c'est une vraie gageure.

Alors, parlons de ton actualité maintenant. Que fais tu ?

Je continue à défendre mes nouvelles dont la sortie en poche est annoncée pour novembre...

J'ai la chance d'avoir été sélectionné pour le prix des lycéens et apprentis de la région Ile-de-France... alors je vais aller à leur rencontre. J'ai encore quelques salons et médiathèques qui m'invitent. 

Je me suis laissée dire que la rentrée littéraire de septembre 2020 pourrait être le bon moment pour toi pour une nouvelle publication. Sans te mettre la pression bien sûr, est ce que tu confirmes ?

C'est exact. J'ai achevé l'écriture de la première version du roman. Il y a encore beaucoup de travail mais le rendez-vous est pris pour la rentrée littéraire 2020.

Comme tu le sais, cet entretien est diffusé en partenariat avec Page des libraires. J’en profite donc pour faire un petit clin d’œil à Anne de la Librairie Richer et Marie de la librairie Le Renard qui lit qui t'ont accueilli dans leurs murs pour une rencontre dédicace. Quelles relations as-tu avec les professionnels du livre ? 

Des liens assez forts. J'ai eu la chance d'être énormément soutenu par les libraires. Les libraires indépendants et également par des chaînes comme Cultura et la Fnac. J'en ai rencontré beaucoup, participé à des rencontres, des salons. Depuis trois ans, je suis au contact de ces passionnés qui doivent se battre au quotidien.

As-tu une adresse particulière à nous conseiller ? 

La librairie L'Attrape-Cœurs dans le dix-huitième qui vient de racheter une pharmacie pour s'agrandir. C'est sur le côté Nord de Montmartre, un bel endroit chaleureux avec des libraires fantastiques.

Je sais que tu lis beaucoup. Quel est ton dernier coup de cœur ?

"1984" d'Eric Plamondon, une trilogie regroupant Hongrie-Holywood express, Mayonnaise et Pomme S. C'est drôle, érudit, intelligent, poétique. J'ai également été assez impressionné par le dernier LAHRER "Pourquoi les hommes fuient ?"

Que lis-tu actuellement ?

"Le Wagon à vaches" de Georges HYVERNAUD. Génial. Je l'avais déjà lu en 2007 et il était déjà génial. C'est bon de savoir qu'il y a des choses qui ne changent pas.

Merci de tout coeur Gilles pour cet entretien, je sais ton temps précieux ! Rendez-vous est pris pour septembre 2020 alors...

Voir les commentaires

2019-09-26T18:05:21+02:00

Quand une écrivaine se livre... portrait de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Publié par Tlivres
Quand une écrivaine se livre... portrait de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Très chère Lenka, nous nous connaissons depuis quelques temps maintenant, depuis la sortie de "Giboulées de soleil" en fait.  C'était il y a un peu plus de trois ans. Les fées des 68 Premières fois l'avaient sélectionné comme un premier roman prometteur, elles ne s'y étaient pas trompées.

Depuis, il y a eu "Une verrière sous le ciel" et puis, tout récemment "La Symphonie du Nouveau Monde".

Trois romans, trois coups de cœur pour moi ! Tu as accepté de répondre à mes questions aujourd'hui, tu m'en vois ravie ! 

Avant d'aborder cette rentrée littéraire tout à fait sensationnelle te concernant, peux-tu nous parler de ton rapport à l’écriture ? Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ?

Vassily Kandinsky a dit à propos de la peinture qu’elle est une nécessité intérieure. Je trouve que cela exprime parfaitement mon rapport à l’écriture, et à la peinture aussi. Une nécessité fondamentale. 

Dans quel environnement écris-tu ? Une pièce en particulier ? 

Il y a, pour moi, plusieurs temps d’écriture. Les premières notes et les idées, je peux les prendre pratiquement n’importe où, dans une gare, en marchant, sur la terrasse d’un café, j’ai toujours un carnet avec moi. Ensuite, il y a un temps de travail de composition, d’écriture proprement dit, et là, il me faut le calme, la solitude, un certain retrait, quelque chose de presque monacal. Mais pas nécessairement chez moi.

Tes trois romans ont été publiés chez Alma Editeur. Qu’est-ce qui fait que l’on reste fidèle à une maison d’édition ?

Mis à part deux ou trois personnes très intimes, des lecteurs- privilégiés, on fait lire son texte, parfois encore en cours d’écriture, d’abord à son éditeur. C’est une grande chose, alors il faut beaucoup de confiance, une relation tout à fait particulière. Je fais confiance à Alma.

Ton tout dernier roman « La Symphonie du Nouveau Monde » vient de sortir en librairie. Peux-tu nous dire ce qui t'a inspirée ?

Grâce à une rencontre il y a quelques années avec un membre du corps diplomatique tchèque, j’ai entendu, pour la première fois, parler de Vladimír Vochoč, le consul tchécoslovaque à Marseille entre les années 1938 - 1941. Son histoire était passionnante, mais encore plus intriguant était le fait que lui-même et son action, pourtant héroïque, était presque oubliés, en tout cas tout à fait inconnus du grand public. Cette question de la mémoire et de l’oubli, des silences imposés et subis, y compris volontairement, tout cela était déjà la matière très intéressante pour un roman.

Et puis ce personnage de la poupée, une prodigieuse invention. Peux-tu nous en parler ?

Impertinente, perspicace, curieuse, elle est au cœur des événements mais garde une distance qui lui permet de voir et dire des choses. C’est une narratrice idéale. Puis, malgré le fait qu’elle soit une poupée de chiffon, elle possède véritablement un cœur. Et elle prétend même de respirer et d’avoir une âme !

Ce roman "La Symphonie du Nouveau Monde" tient un propos militant. Il concourt au devoir de mémoire notamment d'un homme, pourquoi ?

Les rapports entre l’individu et la grande Histoire m’intéressent profondément. Dans les "Giboulées du soleil", il s’agissait de la transmission entre les générations dans un contexte historique contraignant, "Une Verrière sous le ciel" examine les frontières intérieures de l’individu et celles entre la vérité et la réalité, les illusions et les possibilités.

Le consul Vochoč est actif, engagé, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour infléchir le cours de cette grande Histoire, et il en est conscient.

Le roman mêle la réalité historique et la fiction. En arrière-plan, il y a une réflexion sur la relation entre le pays et la langue, entre la langue et la vérité des êtres. Ils sont tous, à un moment donné, sur cette très ténue limite entre la loyauté et la désobéissance.

Justement, Lenka, dans les trois romans, tu as une approche toute singulière de la langue. Tu écris tes romans dans ta langue d'adoption, le français, pourquoi ?

C’est une expression et un exercice de liberté. Le français me permet d’exprimer avec plus de justesse et précision même l’indicible dans ma langue maternelle. C’est comme la découverte d’un nouveau territoire, de la nouvelle manière d'appréhender, comprendre, sentir et ensuite reformuler le monde.
J’écris aussi en tchèque. Il s’agit souvent des textes plus courts, notamment pour la radio. 

Dans tous tes romans, les personnages principaux sont des femmes, émancipées, avides de liberté. Quel message veux-tu transmettre à la jeune génération ?

Aucun. Je propose, je conte des destins. La littérature, à mon avis, suscite plus de questions qu’elle n’apporte des réponses. Moi, je suis libre dans mon écriture, le lecteur dans sa lecture. C’est ça qui est formidable, cette rencontre des deux libertés autour d’un texte, d’une histoire, d’une idée.

Et puis, il y a les arts ! Dans "Giboulées de soleil", tu évoquais la broderie et la littérature, dans "Une verrière sous le ciel", il y avait la peinture et la sculpture, dans ton dernier roman "La Symphonie du Nouveau Monde", il y a la musique. Quel rapport personnel entretiens-tu avec les arts ? Qu'est-ce qui te fascine dans ces disciplines ?

L’art fait partie intégrante de la vie, mais parfois on ne prend pas le temps pour s’en apercevoir, pour l’apprécier, le goûter. Je ne hiérarchise pas les arts, c’est la question de support technique pour essayer de toucher ou d’approcher quelque chose d’essentiel. 

Je disais en introduction que ta rentrée littéraire est on ne peut plus réjouissante. "La Symphonie du Nouveau Monde" figure dans la première sélection du prestigieux Prix Renaudot, un prix que tu as déjà reçu. C'était en 2016, les lycéens avaient salué la qualité de tes "Giboulées de soleil". Comment vis-tu cet engouement pour ton livre ?

D’avoir la reconnaissance de la part de ses paires, c’est bien sûr réjouissant et je l’apprécie énormément. Que les lycéens aient aimé mon premier roman, "Giboulées de soleil", c’était un cadeau précieux. Ce sont des lecteurs exigeants. Je ne peux souhaiter pour "La Symphonie du Nouveau Monde" que le même accueil auprès des lecteurs !   

Comme tu le sais, cet entretien est diffusé en partenariat avec Page des libraires. J’en profite donc pour faire un petit clin d’œil à Bénédicte Férot de la Librairie Tirloy de Lille, Anaïs Ballin de la Librairie L’Écriture de Vaucresson et Lyse Menanteau de la Librairie Le Matoulu de Melle, qui ont rédigé des chroniques de tes romans.

Les libraires sont nos premiers lecteurs « innocents et professionnels », ils découvrent les romans avec leur sensibilité mais aussi avec un œil bien averti et esprit aiguisé.

Ils sont les passeurs des livres et leur regard, jugement et soutien sont primordiaux. Dire simplement « merci  à eux » est peut-être banal, mais ça vient du fond du cœur.

Outre le formidable accueil que t'a réservé le collectif Les libraires ensemble puisqu'il fait partie de leur top 100, l'occasion d'un petit clin d'œil à la Librairie Richer. Quelles relations as-tu avec les professionnels du livre ? 
 

Sans les libraires et les libraires indépendants, le monde du livre serait bien plus restreint et triste. Je suis toujours heureuse de revenir chez des libraires qui m’ont déjà invitée et de rencontrer des nouveaux. C’est d’ailleurs assez magique de constater que chaque libraire apporte à sa librairie une ambiance, un esprit particulier.

Et un grand merci à la Librairie Richer et le collectif Les libraires ensemble !

Petite surprise Lenka, rien que pour toi, une nouvelle jeune libraire qui vient de rejoindre l'équipe Richer te fait un petit clin d'oeil, coup de coeur de Sarah pour ton dernier roman !

As-tu une adresse particulière à nous conseiller ?

J’ai mes adresses préférées, puisque j’ai de la chance de connaître un certain nombre d’excellents libraires. La relation avec son libraire a quelque chose de très singulier. Le libraire est comme un ami. Je souhaite à chacun de trouver cette relation d’amitié singulière. 

Je sais que tu lis beaucoup. Quel est ton dernier coup de cœur ? 

Il y a quelques semaines, j’ai lu le dernier livre de Michèle LESBRE « Le rendez-vous à Parme » que j’ai beaucoup aimé. Puis un roman d’une auteure tchèque.

Que lis-tu actuellement ?
Je suis plongé dans un ouvrage "Les yeux de Rembrandt" de Simon SCHAMA, et je lis aussi le récit de Tibor DERY, "Niki".

Enfin, si tu devais partir t'installer sur une île déserte avec un seul livre dans ta valise. Quel serait-il ?

Alors là, j'hésite entre un dictionnaire et un atlas du monde. Je pourrais prendre les deux ?

Bien sûr, ma chère Lenka !

Quel joli cadeau tu m'as offert, Lenka, en acceptant cette interview. Je suis très touchée et t'en remercie infiniment. Ce moment de presque intimité touche à sa fin. Il ne me reste plus qu'à te souhaiter bonne chance pour les prix littéraires, nul doute que les distinctions pleuvront au cours de l'automne prochain. J'ai déjà hâte d'y être !

Voir les commentaires

2019-08-30T06:00:00+02:00

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Valérie TONG CUONG

Publié par Tlivres
Patrice Normand/JC Lattès

Patrice Normand/JC Lattès

Depuis que j’ai découvert votre plume, chère Valerie, je ne l’ai plus lâchée, elle est presque devenue addictive pour moi, c’est dire si j’ai un immense plaisir aujourd’hui à vous interviewer.
 
Merci infiniment d’avoir accepté de répondre à mon invitation.

 

Personnellement, votre roman « Par amour » a été un énorme coup de cœur. Ce roman dévoile une page de l’Histoire du Havre. Pourquoi un roman historique ? Qu’est-ce qui a motivé votre démarche ? 

 

Ma famille maternelle est originaire du Havre. J’ai voulu rendre hommage à cette ville sacrifiée pendant la guerre, et à tous ces civils, hommes, femmes, enfants, dont les morts, les douleurs et les blessures ont été passées sous silence. 

 

Avant d’évoquer votre actualité littéraire, je voudrais que vous nous parliez de votre rapport à l’écriture. Enfant, vous saviez déjà que vous seriez écrivaine ?

 

Pas exactement. Je pourrais dire que j’ai écrit dès que j’ai su tenir un stylo, mais sans jamais me projeter. J’écrivais par pure nécessité. 

 

Est-ce que vous avez besoin d’un environnement particulier pour écrire ? Est-ce qu’une pièce chez vous est dédiée à votre activité professionnelle ? 

 

J’ai besoin de solitude. Il peut m’arriver d’écrire dans n’importe quelle pièce, cuisine, salon, chambre, à condition que j’y sois seule, même si j’ai la chance de posséder mon propre bureau.

 

Le thriller psychologique est un genre dans lequel vous excellez. Il y a eu « Pardonnable, Impardonnable », puis « L’ardoise magique », et enfin tout récemment « Les guerres intérieures ». Sandrine COLLETTE dit ne pas savoir écrire autre chose que du roman noir. Pour vous, est-ce naturel d’écrire de cette manière ou bien cela exige-t-il un effort de votre part ?

 

L’âme humaine, ce terrain obscur et mouvant, m’attire et me surprend depuis toujours. Je m’y sens naturellement à l’aise mais, sans que je ressente cela comme un effort, j’éprouve le besoin de travailler en profondeur mes personnages. Je sais tout d’eux avant d’écrire le premier chapitre. 

 

AUÐUR AVA ÓLAFSDÓTTIR que j’ai eue la chance de rencontrer récemment dit : « Aucune écriture n’est innocente ». Que dit le thriller psychologique de votre personnalité ?

 

Je rejoins cette auteure. Mon écriture est portée par mon histoire personnelle, mes fractures, mes obsessions, mes combats. Au lecteur de les deviner entre les lignes. Ce n’est pas un hasard si jusqu’ici, je n’ai jamais écrit d’autofiction.

 

Depuis 2013, vos livres sont édités chez Lattès. Qu’est-ce qui fait que l’on devient fidèle à une maison d’édition ?

 

Le rapport à une maison d’édition est complexe. Comme dans un couple, le désir doit être présent, vivant, de part et d’autre, et chacun doit permettre à l’autre de progresser, d’avancer. Il peut y avoir des accrocs, mais l’engagement doit rester total et fécond. Le facteur humain est décisif : non seulement le regard de l’éditeur/trice sur son texte, mais aussi le lien qui se crée avec l’ensemble de l’équipe, en l’occurrence une véritable famille chez Lattès, soudée, solidaire, animée par la même passion. 

 

Vos derniers livres ont été publiés tous les deux ans. Quel est approximativement le temps octroyé à l’écriture en tant que telle ? Quelle est la durée de sa finalisation sous l’œil que je suppose exigeant des éditions Lattès ?

 

Je mets environ un an à écrire un roman, puis les corrections et la préparation de la sortie se font sur quelques semaines ou quelques mois selon les livres et selon le calendrier de publication. Vient ensuite le temps de promotion, où je vais à la rencontre des lecteurs et des libraires. J’y consacre environ 6 mois.

 

Votre tout dernier roman « Les guerres intérieures » vient de sortir en librairie. Pouvez-vous nous le présenter ?

 

Pax Monnier, un comédien de seconde zone, reçoit un jour l’appel tant attendu d’un réalisateur prestigieux : c’est la chance de sa vie. Passé chez lui pour enfiler une veste, il entend des bruits suspects provenant de l’étage supérieur, mais se persuade qu’il ne s’agit de rien d’important et se rend à son rendez-vous. À son retour, il apprend qu'un étudiant de 19 ans, Alexis Winckler, a été sauvagement agressé et laissé pour mort. Lorsqu’un an plus tard, il tombe amoureux d’Emi Shimizu, il ignore encore qu'elle est la mère d'Alexis. Bientôt, le piège se referme sur Pax, pris dans les tourments de sa culpabilité…

« Les guerres intérieures » est un roman sur les lâchetés ordinaires, mais aussi sur le dépassement et le don de soi. Qui n'a jamais dans son existence fait preuve de lâcheté ? Qui n’a jamais trahi ses valeurs ? Quel est le prix à payer ? 

 

Où avez-vous puisé votre inspiration ?

 

Mon fils a été agressé dans le hall de mon immeuble, lorsqu’il était âgé d’une douzaine d’années. Un voisin est passé sans intervenir, détournant le regard. Cela m’a évidemment interpellée. J’ai su alors que j’écrirais un jour sur ce sujet. 

 

Le personnage d’Emi, travaillant dans les ressources humaines de l’entreprise Demeson, est originaire du Japon. Quels sont les liens qui vous unissent à ce pays dont vous rentrez tout juste je crois ?

 

J’aime profondément ce pays, malgré ses paradoxes et ses limites dont je suis très consciente. J’apprécie ce mélange unique de tradition et d’extrême modernité, ou encore la délicatesse dans les relations, mais par-dessus tout j’aime la nature japonaise, ses nuances de vert, les forêts de cèdres et de cyprès, l’ombre et la lumière des jardins, les cascades et les étangs. 

 

Les deux personnages principaux, Pax et Emi, ont de bonnes raisons de se sentir coupables. Pensez-vous qu’il soit inévitable pour une âme humaine d’être hantée par les fantômes d’histoires passées ?

 

Passées ou à venir… Personne n’est innocent. Nous avons tous nos moments de faiblesse, cela fait partie de la donne, pour tout être humain.

 

Ce mal ronge l’existence de Pax et ses relations aux autres pour le pire, et le meilleur j’oserai dire. Il y a ce petit point lumineux au bout du tunnel ! Est-ce à dire que vous avez encore confiance en l’avenir de l’humanité ? Pensez-vous que l’Homme puisse vivre heureux malgré ses faiblesses ?

 

Dans Les guerres intérieures, j’ai aimé observer combien la culpabilité, souvent décriée, est en réalité un moteur vertueux, et un régulateur social. Nous avons, pour la plupart d’entre nous, ce code moral personnel  qui fait que lorsqu’on se sait coupable, on éprouve le besoin de réparer, de compenser. La culpabilité nous change, parce qu’on veut se réconcilier avec la personne que l’on voit chaque matin dans le miroir. Elle nous pousse à être meilleurs. 

 

Ce roman, il est aujourd’hui entre les mains des libraires, ces professionnels du livre. Quelles relations entretenez-vous avez eux ? Avez-vous une adresse à nous conseiller ? 

 

Les libraires me soutiennent depuis des années. Je leur dois beaucoup et leur en suis extrêmement reconnaissante. C’est un métier de passionnés, très difficile, exigeant, usant, peu rémunérateur et pourtant indispensable…Cela particulièrement pour les libraires indépendants, vers qui je vous recommande donc de vous tourner en priorité.

 

Comme vous le savez, cet entretien est diffusé en partenariat avec Page des libraires. J’en profite donc pour faire un petit clin d’œil à Marie MICHAUD de Gibert Joseph de Poitiers et Murielle GOBERT de la librairie Passerelles qui ont rédigé des chroniques de vos romans.

 

Clin d’oeil partagé avec joie ! J’ai eu le plaisir de participer à une rencontre chez Passerelles, où j’ai été reçue avec beaucoup de chaleur par Murielle et Lise-Marie. J’ajouterai également un clin d’oeil à Maria FERRAGU de la librairie Le Passeur de l’Isle, qui m’a fait l’honneur de présenter "Les guerres intérieures" lors de la rentrée Page. 

 

Je suppose que vous lisez aussi ! Avez-vous un coup de cœur à partager avec nous ?

 

Cette année, j’ai été particulièrement touchée par « Amour propre », de Sylvie le Bihan (Lattès), qui aborde brillamment le sujet de la maternité en tant que norme sociale, mais aussi par « À jeter sans ouvrir », de Viv Albertine, deuxième volet de sa décapante autobiographie après « De fringues, de musique et de mecs » (Buchet-Chastel). Enfin, dernièrement, j’ai adoré « Le Sauvage », de Guillermo Arriaga, un roman flamboyant dans lequel l’auteur établit un parallèle entre la sauvagerie de l’homme et celle de l’animal. 

 

Quel livre lisez-vous actuellement ?

 

La mort de Toni Morrison m’a donné envie de me replonger dans son oeuvre. Je redécouvre Beloved des années après l’avoir lu, une sensation intéressante.

 

Enfin, si vous deviez partir vous installer sur une île déserte avec un seul livre dans votre valise. Quel serait-il ?

 

Une encyclopédie ! Peut-être bien le dictionnaire universel de Lachâtre, paru à la fin du 19ème siècle. Deux tomes fascinants que je viens de trouver dans un vide-grenier, où il ne faut pas chercher la définition de  l’avion ou de la télévision, mais où apparait une langue éblouissante.

 

Merci infiniment, chère Valérie, pour cet entretien très... privé !

 

Que votre nouveau roman soit couronné de succès.

 

Voir les commentaires

2019-06-28T06:00:00+02:00

Quand un éditeur se livre... Portrait de Jean-Maurice MONTREMY

Publié par Tlivres
Quand un éditeur se livre... Portrait de Jean-Maurice MONTREMY
Monsieur de Montremy, vous avez accepté de répondre à mes questions, et je vous en remercie tout particulièrement. Je suis une fidèle maintenant de votre maison d'édition, Alma éditeur, et je ne vous cache pas que c'est un grand honneur pour moi d'en découvrir un peu plus les coulisses.

Pouvez-vous nous présenter l'histoire de votre maison d'édition ?

Cette maison a été fondée il y a 10 ans maintenant. Après 37 années de journalisme en presse écrite et radio, j'avais envie de quitter mon ronron quotidien. Et puis, c'est à cette période aussi que Catherine ARGAND, un temps journaliste pour le magazine Lire, devenue éditrice chez Rivages, a connu quelques remaniements dans sa maison. Nous avons construit ensemble le projet de lancer Alma éditeur, une affaire de synchronisation.

Votre maison a-t-elle une ligne éditoriale, une sorte de fil rouge dans toutes vos publications ?

Nous avons fait le choix dès le début de ne publier que de la fiction française, et puis d'aller sur le champ des essais, des sciences humaines, de la philosophie, mais avec une approche décalée par rapport à ce qui existait déjà.
 

La première année, nous n'avons publié que des premiers romans et puis nous avons progressivement développé notre propre école avec un rythme de trois premiers romans environ par an. Nous nourrissons tout particulièrement la fidélité qui nous lie aux auteurs pour constituer une oeuvre de leurs publications. 


Nous n'avions pas la volonté d'aller "démarcher" des auteurs d'autres maisons d'édition. Pour autant, nous sommes convenus avec certains d'entre eux de faire un pas de côté et de leur permettre d'être édité par notre maison mais pour un seul de leurs livres. C'est le cas de François BEGAUDEAU avec "Au  début" en 2012. 

 
Ça sera le cas également pour Karin SERRES à la rentrée littéraire de septembre avec "Les silences sauvages". Pour les distinguer de nos autres ouvrages, nous avons choisi de les publier dans la Collection Pabloïd, très colorée.


Justement, nous y venons, vous avez parié sur une charte graphique pour singulariser vos livres. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?


Nous avions la volonté effectivement de travailler sur le visuel de nos livres. Nous souhaitions quelque chose de plutôt classique, dans tous les cas de sobre. C'est ainsi que nous avons retenu la proposition de François-Xavier DELARUE avec, pour la littérature, une couverture dans un ton gris, une tranche colorée en référence à notre oiseau, le jabiru, cet échassier qui figure sur toutes nos publications.

Vous recevez très certainement de nombreux manuscrits. Comment retenez-vous l'un plus que l'autre ?

Deux-trois personnes les lisent et puis, certains s'imposent, souvent au feeling. Retenir un manuscrit est une chose mais de nombreuses étapes sont encore à franchir avant la sortie en librairie. Des premiers contacts sont établis avec l'auteur, des propositions de mises au point sont faites, l'écrivain a le choix de poursuivre les échanges, ou pas. C'est sur ce canapé, présent depuis l'origine de la maison, que tout se joue... ou presque !
 
Je vous l'ai dit, nous portons une attention toute particulière aux premiers romans, nous menons une sorte de quête. C'est ainsi que nous avons découvert la plume de Théophile BOYER dont nous publierons à la rentrée littéraire prochaine "Mort d'un requin-pèlerin". Enfin, en réalité, il s'agit là de son deuxième roman. Le premier, il nous l'avait présenté, il était court, écrit avec des phrases courtes et sur un ton humoristique. Nous avions été frappé par sa jeunesse, il avait l'ambition d'un vrai style. Finalement, d'un commun accord, nous ne publierons pas son premier roman mais son second, le premier ne sera sans doute jamais édité ! C'est aussi ça le travail réalisé avec un auteur et quelle satisfaction de voir que, finalement, nous aurons un roman original qui sortira dans les prochaines semaines. 

Vous pouvez nous le présenter succinctement ?

Oui, en fait, l'action se passe autour d'une maison familiale située en Bretagne du sud. Le roman tourne autour de souvenirs d'enfance, d'une histoire d'amour, d'une rupture, et puis de retrouvailles qui seront pires que les premières relations. La mer y est très présente. Il y a du romantisme, des sentiments avec une vraie finesse dans l'approche psychologique, mais ce n'est pas tout, il y a aussi l'histoire de l'écriture d'un livre autour de la rupture consommée.

Nous tenons beaucoup à la place de l'imaginaire dans nos romans, la présence de l'irréel nous paraît fondamentale. Ça se vérifiera avec les romans de Lenka HORNAKOVA-CIVADE. Il y a dans "La symphonie du Nouveau Monde" la présence d'une poupée, un personnage à part entière, tout comme la langue russe qui, dans "Domovoï" de Julie MOULIN, exerce une véritable fascination sur le personnage principal. 
Nous avons hâte de nous retrouver dans quelques mois pour toutes ces sorties en librairies. Parlez-nous de ces professionnels du livre ?

Nous développons des relations avec des libraires spécialisés, très orientés littérature. Nous avons trois personnes, des anciens libraires d'ailleurs, qui travaillent sur le créneau de la "surdiffusion", ils organisent des événements, des rencontres. Ils travaillent pour trois quatre éditeurs à la fois.

Comme vous le savez, cette interview est réalisée en partenariat avec le groupe Page des Libraires, comment qualifieriez-vous le travail réalisé par ce réseau ? 

Précieux, sans aucun doute. Nous aimons tout particulièrement voir des libraires écrire sur nos livres. Certains lisent, vendent, mais d'autres encore passent à l'écriture et nous trouvons la démarche très intéressante. La formule de Page des Libraires est tout à fait adaptée. Et puis, nous suivons quelques libraires, nous connaissons un peu de leur vie, leur itinéraire professionnel, leurs mutations... 

Je vous propose de conclure maintenant, enfin presque.

Avant de nous quitter, je voudrais faire un clin d'oeil à une association qui partage votre volonté à vous de promouvoir les premiers romans, il s'agit des 68 Premières fois bien sûr. J'ai l'immense chance moi-même d'y participer en tant que lectrice. Il y a dans cette association des fées qui réalisent un travail extraordinaire pour découvrir de nouveaux talents, édités, et leur offrir la lumière qu'ils méritent parmi les quelques centaines de romans qui sortent à chaque rentrée littéraire. C'est comme ça, par exemple, que j'ai découvert la plume de Lenka HORNAKOVA-CIVADE avec ses "Giboulées de soleil", celle de Julie MOULIN aussi avec "Jupe et pantalon", Fanny TONNELIER pour "Pays provisoire"... 

A bien y regarder, votre maison d'édition y est régulièrement citée. Qui sait ? Peut-être que le roman de Théophile BOYER fera partie de la sélection automne 2019, je crois les doigts pour vous.

Maintenant, je vous propose vraiment de conclure. Je vous remercie infiniment de m'avoir consacré un peu de votre temps. Nous nous disons donc : "A la rentrée !" pour la découverte de vos toutes nouvelles publications, et longue vie à votre maison d'édition.

Voir les commentaires

2019-05-31T06:00:00+02:00

Quand un écrivain se livre... Portrait d'Alain JASPARD

Publié par Tlivres
Quand un écrivain se livre... Portrait d'Alain JASPARD

Alain JASPARD, il y a quelques mois, je ne vous connaissais pas encore. J'avais bien entendu parler de vous lors de la remise du Prix France Bleu_Page des Libraires, c'est même là que j'avais reçu en cadeau votre premier roman, "Pleurer des rivières". Et puis, le temps a passé... jusqu'à l'organisation des Journées nationales du livre et du vin de Saumur avec l'équipe de la Librairie Richer.

Journées nationales du Livre et du Vin de Saumur 2019

Journées nationales du Livre et du Vin de Saumur 2019

Bénévole, je me suis retrouvée à vos côtés le temps d'un salon, l'occasion de faire connaissance. Il y a eu la dédicace et puis, le moment venu de vous lire. Avec "Pleurer des rivières", vous nous offrez un joli panel d'émotions et de quoi passer quelques heures à méditer sur notre société contemporaine. Et comme je suis d'un naturel curieux, je voudrais bien vous connaître un peu plus encore, Monsieur JASPARD !

Parlez-nous de ce livre : "Pleurer des rivières". Qu'est-ce qui a fait qu'un jour vous vous soyez mis à écrire ?

Lorsque j’ai cessé de réaliser – et donc d’en écrire les scénarios – des films pour la jeunesse, ce que j’ai fait pendant quinze ans avec beaucoup de plaisir, j’ai préféré me mettre en danger (et ce n’est pas un vain mot), en écrivant un roman, le premier donc, plutôt que de jouir d’une retraite modérément méritée en m’inscrivant, par exemple, dans un club de pétanque pour seniors, ou en militant dans une association de défense de la marmotte alpine grise, autre exemple.

Cela dit, écrire est une bizarrerie : j’écris dans la souffrance, alors que tous les écrivains que je fréquente depuis neuf mois travaillent dans la joie et la sérénité. Je dois être un peu maso. Je m’explique : rien que de regarder mon ordi, j’ai envie d’aller me promener, il me regarde d’un air mauvais, je crois qu’il me déteste, qu’il déteste mes petites histoires ! Parano, moi ??? Et ce que j’écris dans l’enthousiasme à un moment donné devient le lendemain à la relecture un texte imbuvable. La grande auteure Colette disait en substance : « Les rameaux d’or écrits dans la nuit ne sont plus au réveil que des brindilles desséchées ». Ajoutons-y le célèbre vertige de la page blanche, voilà donc la douleur.

Mais je pense que cette douleur me convient, comme celle que l’on inflige aux rossignols  pour qu’ils chantent leurs plus belles mélodies. Bon, physiquement je ne ressemble pas vraiment à un rossignol et mes mélodies ne sont pas toujours mélodieuses, car comme on le sait, j’aime l’écriture brutale, crue, parlée. Bien loin du rossignol !

Salon Livre en vigne en Bourgogne au Clos Vougeot

Salon Livre en vigne en Bourgogne au Clos Vougeot

Dans quel environnement écrivez-vous ? Vous qui plantez à merveille les décors, que voyez-vous de votre bureau ? de votre fenêtre ? 

J’écris n’importe où mais jamais cloîtré dans un bureau. J’aime écrire dans le bruit, la présence des gens ne me dérange pas, j’affectionne particulièrement les... cuisines ! L’ordi entre les asperges (pendant la saison), les gâteaux au chocolat, le bruit du lave-vaisselle, ça me convient. De temps à autre, je pelote le mollet de la cuisinière, ça m’encourage et elle ne déteste pas. Et j’aime les odeurs et les couleurs des cuisines.

Dans ce roman, vous mettez en lumière une communauté, celle des gens du voyage. Pourquoi ? Quel rapport entretenez-vous avec elle ?

Pendant une dizaine d’année, j’ai été réalisateur de documentaires en Afrique, plus particulièrement dans le sahel africain. Parce que j’aime les nomades : les Peuls, les Imraguen, les Touareg (y’a pas de faute : un Targui, des Touareg, sans S), les Bozos, les Pygmées. Je les aime parce qu’ils sont détestés, mal compris. Les « Gens du voyage », horrible expression, n’échappent pas à l’opprobre, souvent méritée, ne soyons pas angéliques. Mais ! Mais... ils sont libres comme un torrent (j’ai écrit ça, libre comme l’air est très banal, comme le vent irait assez bien aussi). Nous aimons tous cette liberté et je pense que si les nomades sont détestés, c’est par pure jalousie, nous sommes jaloux de cette liberté d’aller où le vent les pousse, un peu comme les marins d’antan. Pour ce livre, je les ai beaucoup fréquentés, parce que j’aime écrire sur ce que je connais. J’ai aussi fréquenté les tribunaux de comparution immédiate où j’étais dessinateur (pas très bon !) puisque ce livre parle de la justice, c’en est même le sujet principal.

Quand un écrivain se livre... Portrait d'Alain JASPARD

Ce roman, il nous parle de morale, il évoque des questions d'éthique. Il y a ce pacte signé entre des hommes, des femmes, un consentement mutuel qui pourrait bien montrer ô combien il est fragile face à la loi. Qu'est-ce que ce roman révèle de notre société d'aujourd'hui ?

Il s’agit d’enfants, d’une femme qui ne parvient pas à en faire alors qu’elle ne pense qu’à ça et d’une autre qui en a déjà sept et qui attend le huitième. Techniquement je n’ai pas eu de problèmes, la femme qui partage ma vie depuis .... - bon, très longtemps ! - est médecin, spécialisée dans la fabrication compliquée de bébés. J’avais la documentation à portée de main (quand ce n'était pas son mollet, voir passage sur la cuisine !).  Il s’agit plus sérieusement d’une réflexion sur le droit à l’enfant, quel qu’en soit le prix à payer, quel qu’en soit le risque, surtout auprès de la justice, celle des hommes, l’autre je ne la connais pas. Et la question est : doit-on obéir aveuglément à la loi, même si la loi est plus cruelle que le délit ? Question que les hommes se posent depuis la nuit des temps, pour simplifier, devait-on par exemple obéir à la loi qui déportait les Juifs ? Bien évidemment non. Immense débat dans lequel s’inscrit ce livre, à un niveau bien entendu plus modeste.

Il y a comme un fil rouge dans votre livre, celui de la maternité. Avec les deux personnages de femmes, Mériem, la tzigane, et Séverine, la bourgeoise, vous confrontez les voies naturelles à celles instrumentalisées, vous explorez aussi deux univers sociaux et leurs pratiques. Quel message avez-vous envie de nous transmettre ? 

L’écriture de ce roman m’a demandé une réflexion très ardue. Non pour ce qui concerne l’histoire. Des histoires disait Céline (j’adore l’écrivain, je n’aime pas l’homme, air connu), des histoires donc, il y en a plein les commissariats, plein les hôpitaux, plein les rues. Ce qui a été le plus difficile mais aussi le plus excitant, c’était la manière de raconter mon histoire, de faire parler les acteurs (j’emploie le mot à dessein) avec leur propre sociologie, les Gitans d’un côté, les bobos de l’autre. Et ça, je dois le reconnaître, j’y ai pris un plaisir extrême.

Ecrire présente finalement quelques plaisirs !!! Revenons à vous maintenant. Qu'est-ce que ce roman a changé dans votre vie ?

Ensuite, une fois édité, ce livre m’a fait rencontrer la grande et belle famille des auteurs, éditeurs, critiques (d’une grande tendresse à mon égard, mille mercis à vous les critiques), les blogueurs (idem, un million de mercis), les géniaux libraires que nous avons la chance d’avoir dans ce pays, y compris ceux des  chaînes type FNAC, Cultura, Leclerc... qui connaissent bien leur boulot, le métier le plus utile du monde avec le médecin et l’instituteur (bon l’agriculteur est bien utile aussi !). 

Maintenant, place à l’avenir. Maintenant que j'ai découvert votre plume, que je l'ai particulièrement appréciée, la fin m'a, juste, bluffée, je ne résiste pas à vous poser la question que tous vos lecteurs ont sur les lèvres, y aura-t-il un deuxième roman ? Si oui, pouvez-vous nous en parler ? nous en dire quelques mots... même en avant-première, nous sommes juste entre nous !

Aïe ! Je suis sollicité avec beaucoup de délicatesse par mon éditrice chérie, Héloïse d’Ormesson, pour écrire un second roman. Mon ordi me regarde d’un air ironique, « pauvre auteur que tu es, me dit-il, tu vas pas te marrer, tu vas souffrir ». Bon, j’accepte, je vais souffrir. Mon premier roman – pourtant assez drôle parce que je considère que l’humour dans la littérature est absolument indispensable, jouant le rôle d’ amplificateur de la tragédie, encore un débat intéressant. -, finit d’une façon assez grave, surtout pour les femmes. Si je devais y mettre un sous-titre, ce serait : « Fracassée », au féminin, ça ne vous a pas échappé. Si je parviens à écrire un deuxième livre, il aura le même sous-titre, Fracassée. Il s’agira donc encore d’une femme dans la tourmente, cette fois de la guerre. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour l’instant, je pédale dans la choucroute !

Nancy, un moment de partage entre amis avec Dany LAFERRIERE et Alain MABANCKOU

Nancy, un moment de partage entre amis avec Dany LAFERRIERE et Alain MABANCKOU

Enfin, pour que la boucle soit bouclée, et parce que cet entretien s'inscrit dans un partenariat avec Page des libraires  (j'en profite pour faire un petit clin d'oeil à Françoise Gaucher de la Librairie Le Coin des livres de Davézieux)  dites-nous ce que la revue et/ou le réseau vous ont apporté en tant qu'écrivain.

Quoi qu’il arrive, je ne remercierai jamais assez les revues et les réseaux qui se montrent si chaleureux et pros à l’égard des auteurs en général et du mien en particulier, c’est par eux que le travail des écrivains passe, qu’ils aillent un jour au paradis, ils le méritent.

Quand un écrivain se livre... Portrait d'Alain JASPARD

Mais « le paradis, c’est ici », non ? Jean-Louis Aubert le chantait... et moi, j’y crois !

Merci infiniment Alain pour ce moment de complicité, j’y ai retrouvé votre humour, votre coquinerie aussi ! Au plaisir de vous retrouver, sur un salon ou ailleurs...

Voir les commentaires

2019-03-29T07:00:00+01:00

Quand des libraires vous ouvrent leur portes... interview de Marie et Antoine !

Publié par Tlivres
Quand des libraires vous ouvrent leur portes... interview de Marie et Antoine !

Le Renard qui lit, je vous en ai déjà parlé à plusieurs reprises. Ma première visite remonte au 2 septembre 2017. Depuis, il y a eu des rencontres avec les Cholecteurs, une soirée dédicace avec Gilles MARCHAND... et plein d'autres choses encore.

Alors, pour poursuivre la danse des interviews en partenariat avec Page des Libraires, Marie et Antoine sont naturellement devenus des incontournables. A eux deux, ils forment un couple de professionnels du livre tout à fait remarquable, ils ont accepté de répondre à quelques unes de mes questions :

"Le Renard qui lit" est la librairie de Chalonnes-sur-Loire, racontez-nous son histoire ? 

La librairie est installée place de l’Hôtel de Ville, elle a succédé à un magasin de vêtements. Elle a ouvert le 29 septembre 2016. Pour moi (Marie), c’était un peu un retour aux sources, j'ai passé, enfant, à Chalonnes-sur-Loire, toutes mes vacances, c'est là que sont nés mon grand-père, mon père... inutile de vous dire que lorsque j'ai annoncé ce projet à mon père, il a eu des étincelles plein les yeux !

Nous y recevons régulièrement des parents (30/40 ans) et leurs enfants, de jeunes retraités actifs culturellement, Chalonnes-sur-Loire bénéficie d’associations très actives.

En aparté, outre l’oeil malicieux et le sourire jusqu’aux oreilles de Marie, l’enthousiasme et la verve d’Antoine, vous y trouverez de la BD adulte, le rayon qui fonctionne le mieux, la BD documentaire, les Tardi, sans compter "L’arabe du futur" de Riad SATTOUF, Blake et Mortimer de Edgar P. JACOBS, "Les vieux fourneaux" de Paul CAUUET et Lupano WILFRID... qui ont dépassé les ventes du Prix Goncourt ! Il y a aussi des tas de romans, de livres jeunesse...

Et puis Marie et Antoine s'autorisent aujourd'hui à sortir de leurs murs. Peut-être les croiserez-vous ailleurs qu'à la librairie. Ils étaient présents par exemple sur le "Salon du bien-être", le "Festival 360",  le "City Truck Festival",  le Festival BD de Chalonnes-sur-Loire bien sûr avec ses 4000 visiteurs.

Pourquoi « Le Renard qui lit » d’ailleurs ?

Là, c’est une référence au renard de Saint-Exupéry dont je (Marie) fais la collection et puis, un petit clin d’oeil au chanteur Renaud, "Docteur Renaud, Mister Renard".

Comment êtes-vous devenue libraire Marie ? 

J’ai fait des études dans le domaine et puis j’ai travaillé 13 ans en librairie dans le secteur jeunesse. En janvier 2015 est né le projet. L’idée a fait son chemin, les conseils de la C.C.I. ont permis de réorienter le concept d’une librairie ambulante vers une boutique. Il y a eu la recherche de financements et le recours à un crowdfunding qui a permis de concrétiser un rêve. 300 donateurs ont participé à l’opération dont les 2/3 étaient des Chalonnais. 

L’aventure aurait été impossible sans le soutien d’Antoine qui a crû dur comme fer au projet et qui y a largement contribué en prenant en charge la vie de famille.

La librairie c’est aujourd’hui une histoire de couple, comment vous est venue cette idée ?

Dès l’origine, nous avions imaginé une expérience ensemble mais nous l'avions pensée pour plus tard. Finalement, Antoine est arrivé le 13 mars 2018, ça fait tout juste un an.

Bon anniversaire !

Comment ça se passe au quotidien ? 

Très bien en fait. Quand je (Marie) me suis lancée, j'étais seule. La librairie, c'était donc un peu mon bébé mais le partage s’est bien passé, assez naturellement. Chacun a son registre, les polars plutôt pour moi, les BD pour Antoine. Et puis, il y a aussi une qualité de vie géniale, le confort de pouvoir maintenant se relayer. Quand l’un veut terminer sa lecture, il peut se délecter sans complexe, pendant que l’autre assure l’ouverture de la librairie !

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ? 

Vivre au milieu des livres bien sûr, échanger avec les clients, se laisser porter par des conseils de lectures... c’est comme ça que j'ai découvert Olivier NOREK par exemple.

Quel est LE livre qui a modifié votre vie ?

Antoine : Moi, j'ai grandi au milieu des livres, alors, enfant, c'était « Vingt mille lieues sous les mers », puis au collège les Rougon Macquart, et à l’adolescence, la découverte de "Dune" de Frank HERBERT.

Marie : c’est "Shining" de Stephen KING à 17 ans et plus récemment, "Une bouche sans personne" de Gilles MARCHAND qui a coïncidé avec l’ouverture de la librairie, tout un symbole. C’est aujourd’hui notre meilleure vente ! Je le propose avec la mention « Satisfait ou remboursé » ! L’occasion de faire un petit clin d’oeil à Violaine, blogueuse, et de se souvenir d’une très belle soirée passée avec l’auteur !

Nous sommes en mars, la rentrée littéraire de janvier est encore récente. Quels sont pour vous les livres marquants ? 

Marie : Dans tout ce qui sort et une fois passé l’effet « wouaou », ce sont les romans de Caroline CAUGANT « Les heures solaires » et de Franck BOUYSSE « Né d’aucune femme » qui sortent du lot.

 

Antoine : Parmi toutes les BD qui sont inspirées de romans, très à la mode, c'est "Noire" d’Emilie PLATEAU que je retiens parce qu'elle dévoile l’histoire de Claudette Colvin qui aurait pu être connue à la place de Rosa Parks et que l’adaptation est très bien réussie, une vraie découverte dans la catégorie des romans graphiques.

Je n'ai pas résisté, je reviendrai vous en parler prochainement !

Que lisez-vous actuellement ? 

Marie : "Les gratitudes" de Delphine de VIGAN, le suivant sera le thriller de Xavier de MOULINS. 

Antoine, c’est "Nous sommes Bob" de Dennis E. TAYLOR, le dernier tome d'une trilogie bourrée de références des années 1980. Le suivant sera le roman de Jean-Christophe RUFIN "Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla".

Vous êtes une toute nouvelle librairie du réseau Page des Libraires. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette aventure ?

Page, c’est une vieille histoire. Quand j'étais môme (Antoine), je fréquentais la librairie Contact dans mon quartier, j'y récupérais mon exemplaire ! Marie, elle, travaillait à la SADEL, elle le recevait sur des palettes entières ! 

C’est donc une nouvelle histoire qui va s’écrire.

Ça sera l’occasion de lire les avis de collègues libraires et puis une très belle idée cadeau pour des clients de la librairie.

Il y a aussi le site, très bien fait. Dans un premier temps, nous allons nous familiariser avec les livres « lus » et « aimés » et puis, sonnera l’heure de la première chronique... et là, surprise ! Nous en reparlerons c'est certain.

J'aurais bien continué à papoter toujours et encore avec Marie et Antoine mais il faut parfois se faire une raison. Si vous aussi, vous avez envie de découvrir ce couple de libraires hors du commun, je vous invite à pousser la porte de la librairie "Le Renard qui lit", vous ne serez pas déçus.

Un très grand merci à Marie et Antoine. Au plaisir de vous revoir ! 

Voir les commentaires

2019-02-22T07:00:00+01:00

Quand une écrivaine se livre... Portrait de Caroline CAUGANT

Publié par Tlivres
Caroline Caugant ┬® Astrid di Crollalanza

Caroline Caugant ┬® Astrid di Crollalanza

Après Caroline LAURENT, éditrice, je vous propose de découvrir Caroline CAUGANT, auteure du roman "Les heures solaires" de la rentrée littéraire de janvier 2019, mon premier coup de coeur de l'année !

Votre roman « Les heures solaires » sort dans la toute nouvelle collection Arpège des
éditions Stock. Parlez-nous de votre relation avec votre éditrice, Caroline Laurent ?

C’est avant tout une relation de grande confiance. Et c’est aussi un lien affectif, de la
complicité, de l’amitié. Il y a un regard singulier posé sur le texte, des conseils, beaucoup de
partage, d’écoute, d’échanges, entre travail et rires, et au bout, le livre dont on accouche
grâce à cette énergie commune. Et l’éditrice est là aussi pour accompagner l’auteur, le
soutenir, l’aider à grandir. Son rôle est essentiel. J’ai beaucoup de chance d’avoir pour
éditrice Caroline LAURENT car, au-delà de son talent, elle est la bienveillance incarnée ! Ce
jour de juillet 2017 où je lui ai envoyé mon manuscrit, je sais que ma bonne étoile était à
l’œuvre.

Dans ce roman, une place prépondérante est donnée à un élément naturel, la rivière.
Pourquoi ? Que vous inspire-t-elle ?

J’ai depuis toujours un rapport viscéral à l’eau, presque sentimental. Peut-être est-ce dû à
mes racines bretonnes ou aux récits de mon père, ancien officier de marine ; sûrement la
somme des deux ! Je vis à Paris et je ressens le besoin de plus en plus pressant de
retrouver régulièrement la mer. Dans Les heures solaires, l’eau est un élément sensoriel
prégnant, une sorte d’aimant magique dans le cadre écrasant d’un Sud caniculaire. Les trois
héroïnes, Billie, Louise et Adèle, sont tour à tour attirées par la rivière de V. Elles s’y
prélassent, viennent s’y ressourcer, y chercher un apaisement, parfois même une forme de
purification. La rivière berce ces femmes, leur offre un espace où se libérer. Elle les menace
aussi, se déchaîne parfois, les enchaîne et peut devenir un cercueil. C’est un élément
protéiforme, rivière des heures solaires et d’heures plus sombres, qui abrite des secrets et
parcourt tout le roman, comme un ruban de la mémoire, traçant une courbe silencieuse entre
ces trois femmes.

Vous évoquez un village du sud de la France que vous nommez V. Pourquoi cette manière de parler d’un lieu ? Est-ce que ce village existe vraiment ?
Je voulais que le lecteur puisse se projeter dans n’importe quel village de l’arrière-pays
provençal, qu’il puisse se le représenter à sa manière, que l’histoire puisse être transposée.
Cette universalité me paraissait essentielle car le roman traite des secrets de famille, un
thème qui touche beaucoup de familles. L’héroïne, Billie, a quitté V. vingt ans auparavant.
Ce qu’il lui en reste, ce sont des souvenirs d’enfance, des sensations et un attachement
profond, ancré, à cette terre d’origine qu’elle a pourtant fuie. C’est cette vision de V. que je
voulais écrire : celle d’une enfant du pays. Peu importe pour elle le nom de ce pays. Et je me
suis inspirée d’un lieu qui existe, un village où j’ai passé beaucoup de temps, enfant, à côté
duquel coule une rivière…

Le personnage de Billie est artiste, dessinatrice. La jeune femme travaille au fusain dans les premières pages de votre roman. Que représente pour vous cette discipline ?
Je suis fascinée par la technique du fusain dans ce qu’elle a à la fois de basique et de
complexe : avec un simple morceau de charbon et une gomme, l’artiste créé tout un éventail
de textures, des variations de dégradés et d’incroyables rendus de lumière. C’est aussi une
technique qui a quelque chose de précaire et demande une certaine vigilance : les traits
s’estompent, la poudre du carbone est volatile. Lorsque le roman s’ouvre, Billie prépare sa
prochaine exposition, une galerie de portraits au fusain, des visages aux traits anguleux et 
sombres. Depuis des mois, elle est immergée dans cette démarche créative. Je trouvais que
le travail sur le fusain correspondait bien à son état d’esprit à cet instant de sa vie, avec la
prédominance du noir, les reliefs prenant forme à travers les jeux d’ombres, la nervosité du
trait, le bruit sec du fusain sur la toile… La patte de Billie et ses sources d’inspiration
évolueront en même temps que sa démarche de remonter sur les traces de son passé et de
sortir du déni dans lequel elle s’est enfermée. Son univers créatif en sera totalement
bouleversé.

Très vite, vous dévoilez un passé mystérieux et douloureux, un départ sans retour, et puis, la mémoire comme un fil tendu entre les générations. Pourquoi ce thème ?
Je voulais parler de l’impact des secrets de famille sur les héritiers. Les mémoires familiales
inconscientes sont d’autant plus puissantes qu’elles sont tues. Elles se perpétuent de
génération en génération et poursuivent leur œuvre en silence, formant cette immense toile
qu’on appelle liens trangénérationnels. Les héritiers de ces secrets portent en eux des
fantômes familiaux. C’est ce que vit Billie, sans en être consciente. Elle pressent le secret
d’Adèle, sa grand-mère, elle le sent comme s’il était gravé dans sa chair. La mémoire
inconsciente est à l’œuvre. On touche là aussi à la mémoire du corps, contre laquelle
l’héroïne ne peut opposer aucune forme de déni. En même temps qu’elle remonte le fil des
générations, jusqu’aux racines du mal, elle renoue avec sa propre histoire, tout ce qu’elle a
laissé derrière elle et tenté d’oublier. En retournant dans le village de son enfance, les
sensations affluent. Le Sud se prêtait bien à cela : avec ses étés caniculaires, ses pluies
diluviennes, ses senteurs et ses couleurs vives, c’est une région qui décuple les sens et
laisse une empreinte forte sur le corps.

Plus généralement, quelles sont vos sources d’inspiration pour écrire ?
Certains voyages que j’ai faits, des lieux où j’aime retourner, d’autres qui m’ont marquée,
d’autres encore où j’ai grandi. D’une certaine manière, les lieux nous forgent. Ils peuvent
nous manquer, continuer de nous hanter, alors j’aime écrire sur les sensations qu’ils ont
laissées. Le quotidien aussi est une source d’inspiration, les plus petites choses peuvent
parfois être le début d’une histoire, comme une tomette cassée ! Et puis il y a bien sûr les
livres que je lis, les auteurs, leurs mots qui m’inspirent…

Parlez-nous de l’écriture, que représente-t-elle pour vous ?
L’écriture est essentielle pour moi, c’est un besoin. Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai
toujours voulu écrire. J’ai commencé par des textes courts, des poèmes, des contes, des
nouvelles… Ecrire un roman était intimidant. Je me suis lancée à un moment où j’ai eu du
temps devant moi, quelques semaines pendant lesquelles je me suis jetée dans l’écriture.
Ensuite cela ne m’a plus lâché.

Avec le succès que rencontre votre roman « Les heures solaires », j’imagine que vous êtes au travail pour le suivant ! Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Oui, j’avance sur un troisième roman depuis quelques mois. J’aime ces périodes d’écriture, à
la fois intenses et soumises au vide, qui oscillent entre moments de creux, beaux élans,
doutes, blocages, clés que l’on déverrouille. Je me demande où cette écriture me mènera.
Pour l’instant, je ne sais pas !

Et la lecture ? Entre vos activités de graphiste et d’écrivaine, trouvez-vous encore un peu de temps pour lire ? Que représentent les livres pour vous ?
Je trouve toujours du temps pour lire, et j’ai des piles de livres qui ont tendance à ne pas
diminuer ! Les livres sont pour moi des compagnons, depuis l’enfance. Petite, j’ai adoré me
plonger dans la bibliothèque rose. Lorsque j’ai un coup de cœur pour un auteur, j’ai tendance
à lire tous ses livres. Et je choisis mes lectures en fonction des périodes, des moments
traversés. Souvent il n’y a pas de hasard : les livres tombent dans nos mains au bon
moment. C’est mystérieux et magique.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier coup de cœur ?
J’ai adoré Dans la forêt de Jean Hegland. Je l’ai lu il y a quelques mois et il m’a laissé une
foule d’impressions. Dans un monde qui s’effondre, deux sœurs, Nell et Eva, apprennent à
survivre, en autarcie, au cœur de la forêt. Ce roman apocalyptique nous parle d’humilité et
d’espoir. C’est un récit à la fois intimiste, philosophique et atmosphérique, empreint de
poésie et d’images saisissantes comme cette jeune fille qui danse dans un monde privé de
musique, au seul son d’un métronome.

Quel livre lisez-vous actuellement ?
Je lis Le lambeau de Philippe Lançon.

Pouvez-vous nous citer trois livres de votre pile à lire ?
Des hommes couleur de ciel d’Anaïs Llobet, La goûteuse d'Hitler de Rosella Postorino, Une
sirène à Paris de Mathias Malzieu.

Cette interview est réalisée dans le cadre du partenariat avec Page des libraires ! Quel lien entretenez-vous avec les librairies ? Quel est le style de librairies que vous fréquentez ? Quelles sont, pour vous, les qualités d’un(e) libraire ? Une adresse à nous recommander ?
J’adore aller flâner dans les librairies. C’est important d’avoir une librairie de quartier, de
pouvoir échanger avec les libraires, de leur demander conseil. De partager, tout
simplement ! Lorsque je voyage, je m’arrête toujours dans les librairies que je trouve sur mon
chemin, et je suis souvent repartie avec des trésors !

Je vous recommande la jolie librairie Comme une orange, rue Bayen, dans le 17 ème
arrondissement parisien. Il y a une belle sélection de livres, pour petits et grands, et Corinne
est une libraire passionnée qui parle des livres avec sensibilité et enthousiasme.

Je la visiterai, c'est certain, lors de l'un de mes prochains passages à Paris ! Merci infiniment, Caroline, d'avoir accepté de répondre à mes questions. Je vous souhaite un formidable succès avec "Les heures solaires", tout juste sélectionné par les fées des 68 Premières fois, bravo ! Mon petit doigt me dit que nos chemins se croiseront de nouveau dans les mois à venir, pour mon plus grand plaisir bien sûr !

Voir les commentaires

2019-01-25T07:00:00+01:00

Quand une éditrice se livre... Portrait de Caroline LAURENT

Publié par Tlivres

 

Immense joie d’engager un nouveau partenariat avec Page des Libraires. Place cette année aux interviews d’éditeurs et libraires.

C’est avec un plaisir non dissimulé que je vous propose de faire plus ample connaissance avec Caroline LAURENT.

Quand une éditrice se livre... Portrait de Caroline LAURENT

Comment êtes-vous devenue éditrice ?

En lisant votre question, un souvenir marquant m’est revenu. Je devais avoir onze ou douze ans et faisais alors de la danse à un rythme très soutenu. Un jour, mon professeur s’est approchée de moi et m’a demandé, d’un air faussement dégagé, dans quel domaine je voulais travailler plus tard. Je lui ai répondu : « Soit dans la danse, soit dans les livres. » Le tourbillon des études littéraires m’a ensuite happée ; j’apprenais, je travaillais, sans véritablement me poser de questions. Jusqu’au jour où, après une incroyable année en Italie, il a bien fallu réfléchir à la suite. J’ai découvert qu’il existait un master d’édition à la Sorbonne – je ne savais rien du métier et encore moins du milieu. Mais l’idée de faire des stages me plaisait. Je voulais voir à quoi ressemblait la vie active. Mon premier stage aux éditions Lattès a été déterminant. J’ai découvert l’accompagnement des auteurs, les échanges sur le texte, la chaîne du livre, l’excitation au moment des parutions… J’étais éblouie. Cependant, je ne pensais pas encore à candidater ou envoyer des CV pour être embauchée… Et c’est Karina HOCINE (des éditions Lattès) qui m’a appelée durant mon année d’agrégation, alors que je courais entre deux couloirs de l’université : elle cherchait quelqu’un, et si je voulais, le poste était pour moi. Je suis donc devenue éditrice parce que j’ai renoncé à une carrière de danseuse, que je suis partie en Italie, que j’ai fait des stages et que quelques personnes ont cru en moi quand j’avais 20 ans.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ? (Racontez-nous aussi une petite anecdote)

J’ai un mot fétiche : la joie. Ce qui me plaît, et ce que je cherche, dans ce métier, c’est très exactement cela : la joie. 

Copyright Emmanuel DELBERGUE

Copyright Emmanuel DELBERGUE

C’est un sentiment profond, qui vous met en phase avec vous-même. La beauté des textes ; la naissance d’un écrivain ; le travail sur la maquette, le choix du papier ; la complicité qui se crée avec les auteurs ; l’amitié parfois, souvent ; les échanges avec les lecteurs ; les moments en librairie ; l’émotion que provoque un livre. Voilà, c’est simple, mais essentiel. Lorsque je lis pour la première fois un manuscrit et que mon cœur s’affole, que je ressens de l’amour pour le texte, j’ai l’impression d’être invincible. Méfiance, tout de même. Il m’est arrivé de foncer tête la première dans un mur, au sens propre : souvenir d’une course en chaussettes dans le couloir de mon appartement pour écrire à un auteur dont le texte m’avait subjuguée. Une glissade mémorable…

Aux éditions Stock, comment choisissez-vous les manuscrits que vous éditez ?

J’ai la chance d’avoir une grande souplesse dans mon travail. Mais la sélection, qu’il s’agisse de littérature blanche, de polars ou de documents, repose sur les mêmes principes : la qualité du texte, sa portée, ce qu’il provoque en moi. Je suis mon instinct.

 

Que se passe-t-il entre le moment où un manuscrit arrive chez vous et celui où il est publié ?

Si le manuscrit est accepté, commence alors le travail avec l’auteur. Ces échanges peuvent durer des mois, parfois un an. Une fois le texte abouti, on l’envoie en fabrication pour créer des épreuves qu’on relit, qu’on corrige encore, jusqu’à donner le bon à tirer final. En parallèle, nous présentons l’œuvre aux équipes commerciales, à la presse, aux blogueurs. Et vient un jour où l’on trouve le livre en librairie, sur une table ou en vitrine…

Vous avez lancé en janvier 2019 une nouvelle collection de fiction : « Arpège ». Pourquoi ?

Pour répondre aux nouveaux défis du marché et incarner, chez Stock, un autre visage de la littérature française et francophone contemporaine. C’était un désir de Manuel CARCASSONNE, le P.D.G. de la maison, et c’est devenu un projet collectif, porté par toute l’équipe. L’objectif est de surprendre, emporter et émouvoir les lecteurs !

Parlez-nous de votre catalogue de la rentrée littéraire de janvier 2019 !

Deux titres sont à l’honneur pour le lancement d’Arpège. D’abord "Les Heures solaires" de Caroline CAUGANT, un très beau roman familial qui met en scène trois femmes unies par les secrets d’une rivière. On suit le fil de l’eau pour remonter le cours du temps, on se laisse happer par les atmosphères sensorielles, la mémoire impossible des héroïnes, le phrasé mélodieux de l’auteure. L’autre roman est signé Théodore BOURDEAU et s’intitule "Les Petits Garçons". Ce bijou de tendresse et d’humour retrace l’amitié de deux petits garçons, de l’enfance à l’âge adulte, en passant par la crise de l’adolescence, qui tâchent malgré la violence du monde de rester fidèles à eux-mêmes.

Quel rapport établissez-vous avec les premiers romans ?

Je crois que l’ensemble du monde littéraire est sensible aux premiers romans. Les éditeurs, les libraires, les lecteurs… Et bien sûr les auteurs, qui y mettent tant d’énergie et de liberté. La grâce des premières fois est sacrée (sacralisée, peut-être). Découvrir un écrivain, c’est devenir aventurier et explorateur. L’ivresse est totale !

Quel est votre dernier coup de coeur ?

Justement… Un premier roman que je publierai à la rentrée littéraire 2019. Je l’ai adoré ! Un roman virtuose, vivant, tourbillonnant même, d’une maîtrise remarquable. Il y est question d’amour blessé, de jeunesse, d’Italie, d’écriture et de traduction… Une merveille. Son auteure est une jeune femme dont je vous invite à retenir le nom : Romane LAFORE.

Quel livre lisez-vous en ce moment ?

"Vigile", de Hyam ZAYTOUN.

Qu’est-ce que vous apporte la revue PAGE ?

Vous avez pris votre journée ?... Je pourrais parler de PAGE pendant des heures. Grâce à PAGE, j’ai rencontré des libraires d’exception et des personnes de grande valeur – certains sont devenus des amis, ils se reconnaîtront. Grâce à PAGE, j’ai découvert des auteurs, mais plus encore, j’ai découvert un esprit. Ouverture, écoute, rigueur professionnelle, enthousiasme, sensibilité, partage… C’est la vie du livre telle qu’elle devrait toujours être. Enfin, grâce à PAGE, j’ai vécu l’un de mes plus beaux moments, en présentant sur la scène de la BNF le roman "Et soudain, la liberté", co-écrit avec ma chère et regrettée Évelyne PISIER.

 

L'occasion de faire un petit clin d'oeil aux 68 Premières fois, votre roman faisait effectivement partie de la sélection 2017 ! Il est aussi le lauréat du

Prix Première Plume

et du 

Prix Marguerite Duras.

Nous avons hâte de découvrir votre deuxième roman mais vous reviendrez nous en parler bien sûr !

Avant de se quitter, petite visite guidée de votre bureau...

Sur la bord de la fenêtre, les chouchous de la rentrée littéraire de janvier... les premiers que l'on espère d'une longue série !

 

Et puis, là, trône de toute sa splendeur, un dessin original de Simone VEIL offert par Pascal BRESSON, auteur du roman graphique paru chez MARAbulles : "Simone VEIL, l'immortelle" avec cette maxime qui vous touche énormément :

"Celui qui combat peut perdre. Mais celui qui ne combat pas a déjà perdu."

 

Quelle plus belle icône pour accompagner votre parcours !

Merci infiniment, chère Caroline, d'avoir accepté de répondre à mes questions.

Le bal de la rentrée littéraire de janvier est lancé, la merveilleuse farandole de la collection Arpège engagée,

"Et bien, DANSEZ maintenant !"

Voir les commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog