Le bal des 68 Premières fois se poursuit.
Après :
"Les nuits bleues" de Anne-Fleur MURTON
"Les maisons vides" de Laurine THIZY,
"Furies" de Julie RIOCCO,
"Ubasute" d’Isabel GUTIERREZ,
"Les envolés" d'Etienne KERN,
place à "Blizzard" de Marie VINGTRAS, un roman choral poignant.
Les premières lignes sont saisissantes...
Je l'ai perdu. J'ai lâché sa main pour refaire mes lacets et je l'ai perdu.
Dès lors, tout peut arriver. Dans un climat hostile, deux êtres, dont on ne sait rien, qui, il y a encore une seconde, étaient solidaires dans leur destinée, se retrouvent seuls. Bess, une femme raconte son effroi, la culpabilité qui la tenaille déjà. Et puis, vient Benedict, un homme. Quand il découvre la maison ouverte et personne à l'intérieur, il s'inquiète, il peste. Lui sait que dans son pays, le simple fait de lâcher une main se fait au péril de la vie. Il est né là, en Alaska. Et encore, Freeman, un retraité noir. Et enfin, Cole. Dans la situation présente, il y a urgence à agir, à la vie à la mort.
Marie VINGTRAS nous livre un thriller psychologique haletant. Je peux bien l'avouer, une fois commencé, je n'ai pas pu le lâcher, moi !
Il y a d'abord les personnages qui un à un se saisissent d'une réalité et improvisent dans la prise de décision. L'autrice nous livre une galerie aussi mystérieuse qu'hétéroclite. Tous, dans leurs conditions, ne sont pas armés à égalité. Quand un homme ou une femme est exposé.e à des conditions climatiques extrêmes, il y a des choses à faire (ou ne pas faire), il y a des réflexes à adopter, mais encore faut-il les avoir appris, les maîtriser aussi.
C’est quelque chose qui ne s’invente pas, savoir survivre. P. 16
En parlant de personnages, il en est qui n'a pas de chapitres à son nom mais tout le titre du roman. Le "blizzard" transcende le roman. Il est celui qui confronte, celui qui épuise, celui qui rend fragile et vulnérable, celui qui donne du sens à la vie, celui qui teste les capacités à résister. Le phénomène météorologique joue avec la ténacité des êtres, il se lie aux paysages et les rend hostiles.
Dans l'adversité, il y a des moments de désolation, de ceux que l'on redoute pour leur gravité, des moments que l'on sait fragiles, une seule seconde et tout peut basculer.
Il vaudrait mieux rester à cet instant précis, juste avant de savoir, lorsque l’on est encore dans l’ignorance, même si tout cela n’est qu’une illusion. P. 82
Comme j'ai aimé ce roman pour ce qu'il véhicule de puissance, pour ce qu'il génère chez les êtres humains qui imaginent la fin de leur vie imminente et ont cette envie irrésistible d'en dérouler le fil.
Comme j'ai aimé passer des moments d'intimité avec des personnages en introspection, seuls avec eux-mêmes, seuls confrontés à leur propre sort.
Comme j'ai aimé la narration, arriver à chaque fin de chapitre, court pour donner encore plus de vitalité au propos, et découvrir la petite phrase qui va encore faire monter d'un cran l'intensité.
Comme j'ai aimé la chute, prodigieuse.
Comme j'ai aimé ce premier roman exceptionnel dans une plume presque cinématographique. Je crois que je vais garder très longtemps en mémoire les images que Marie VINGTRAS a fait naître dans mon esprit.
Pour rester dans le ton, je vous propose de danser maintenant...
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