Le bal des 68 continue. Après l'air de country de "Jolene" de Dolly PARTON pour accompagner "Les nuits bleues" de Anne-Fleur MURTON, je vous proposerai tout à l'heure quelques notes pour bercer "Les maisons vides" de Laurine THIZY.
Le rapport au corps est le fil rouge de ce premier roman orchestré d’une main de maître. Depuis ses premiers jours, Gabrielle a dû apprendre à dompter ce corps, inachevé du prématuré, mal formé par l’infirmité, maîtrisé par la pratique sportive…
La finesse de sa musculature est redessinée par des courbes qui surgissent en quelques semaines. Tout se passe comme si ses formes adultes, comprimées depuis tant d’années par un travail incessant de domestication sportive, explosaient au grand jour. P. 129
qui ne manque pas de reprendre ses droits dèslepremier effort abandonné. C’estlejeu d’équilibre d’une vie qui, chez Gabrielle, prend une dimension toute particulière.
Et puis, il y a ces parenthèses des clowns à l’hôpital, des moments aussi fugaces que bouleversants, aussi rapides que l’éclair, aussi puissants queletonnerre. Au fil des saynètes,lesartistes s’approprient chaque situation et proposent au malade de jouer, lui aussi, un rôledans le spectacle, celui de la spontanéité, la sincérité,lefruit d’un lâcher prise dans sa plus profonde intimité.
Le jeune père ferme les siens. Les larmes qu’il n’a pas pleurées, l’harmonica en fait une cascade de son, qui tinte en gouttelettes langoureuses. P. 152
Il y a encorelerapport à la religion. Comme j’ai aimé le parcours initiatique de Gabrielle aux côtés de Maria, la vieille espagnole, celle qui a fuit la guerre civile de son pays, celle qui est arrivée en France en franchissantlesmontagnes des Pyrénées, celle qui est veuve mais d’une sagacité incroyable, et qui comprend mieux que personne la sensibilité de son arrière-petite-fille.
C’est son séisme intérieur, sa première explosion, la découverte intime d’une émotion qui n’existe pas ailleurs que dans l’amour. Une foi sauvage, indomptée par les mots, de met à battre contre son cœur. P. 174
Il y a enfinlerapport à la mort, celle-là même qui vous saute à la gorge dèslespremières pages et qui ne va pas manquer de vous menacer tout au long du roman. Là aussi, un jeu d’équilibre que Laurine THIZY termine en apothéose.
Quelle plume, la main de fer dans un gant de velours, quelle construction narrative, une alternance de chapitres méticuleusement rythmés, quel premier roman, une lecture coup de poing, tout simplement. J'en suis sortie K.O., bravo !
Et maintenant, si on dansait.
J’aurais pu retenirlesquelques notes d’harmonica proposées par Laurine THIZY maisleblues n’aurait pas été à la hauteur de la puissance du propos. Non, je crois que "Fear of the dark" d'Iron Maiden conviendra beaucoup mieux. Allez, maintenant, musique !
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