Nouvelle référence du Book club, une lecture coup de poing, un bijou de Laurine ROUX. J’ai découvert cette écrivaine avec les 68 Premières fois avec son second roman « Le sanctuaire ». Là, avec « L’autre moitié du monde » toujours aux éditions du Sonneur, Laurine Roux confirme son talent dans l’écriture de romans.
Nous partons pour le delta de l’Èbre en Espagne, au sud de la Catalogne. Nous sommes dans les années 1930. Une marquise est propriétaire des rizières dans lesquelles elle exploite des paysans, les condamne à l’esclavage. Pilar, cuisinière, n’est pas mieux traitée. Son corps porte l’empreinte des sales mains de Carlos, le fils de la marquise. Heureusement, elle sait pouvoir compter sur la force et l’énergie de sa fille, sauvageonne, qui sait tirer profit de la nature comme personne. Mais les bouches à nourrir échauffent les esprits des hommes qui commencent à se regrouper pour défendre leurs droits. Quand une enfant est retrouvée pendue à un arbre, le corps à moitié déchiquetée par des charognards, c’en est trop. L’heure de la rébellion a sonné !
Ce roman dresse le portrait d’un territoire. Laurine ROUX nous livre de magnifiques descriptions d’une nature fertile et nourricière. Elle est magnifiée dans ce qu’elle propose de plus poétique.
Une sarcelle d’hiver. Peu après, une rainette pointe à travers les lentilles d’eau. Le marais reprend vie. Bientôt, la surface du bassin se fait piste de bal. Irisations vertes, turquoises, trait de khôl, mouvements gracieux - immersion, demi-tour, piqué -, les corps valsent. P. 158
On pourrait s’en émerveiller jusqu’à la fin de nos jours s’il n’y avait cette volonté irrépressible de l’être humain d’asservir son prochain, dominer les plus faibles que soi. En Espagne, il y a eu l’Inquisition emmenée par Torquemada. Les Juifs furent convertis en marranes, les Maures en morisques. Et puis, dans le delta de l’Èbre, c’est notamment là que des hommes et des femmes se révoltèrent. A travers des itinéraires de fiction, l’écrivaine relate les différentes étapes du soulèvement.
Et puis, dans ce roman, il y a des personnages profondément attachants, des beaux personnages féminins, des résistantes. Il y a Pilar, il y a Soledad, il y a Toya. Toya, la fille de Pilar, mesure dès sa plus petite enfance le poids de l’injustice. Elle en fera son credo, à la vie à la mort.
Il y a encore la puissance de la communauté, la force d’un groupe d’hommes et de femmes soudés par la violence des évènements. La fraternité devient une évidence.
A trop appuyer sur leur échine, elle a redressé leurs têtes. P. 84
Il y a enfin un livre rendu haletant par l’arrivée de Luz, une jeune femme d’aujourd’hui appelée à remplacer son compagnon dans le delta pour répertorier la faune et la flore des zones humides. Dès lors, tout peut arriver.
Ce livre historique est très romanesque. La guerre civile espagnole comme toile de fond permet à Laurine ROUX d’explorer un nouveau type de roman. Elle le fait avec brio. Bravo !
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