Coup de ❤️ pour le roman de Véronique OLMI : « Bakhita » découvert grâce au Book club, bonne pioche. C'est aussi l'occasion d'un petit clin d'oeil à l'illustratrice, Cristina SAMPAIO.
Ce roman, édité chez Albin Michel et maintenant Le livre de poche, lauréat du Prix FNAC 2017, relate la vie d’une femme au destin aussi effroyable que fascinant.
À l’âge de 7 ans, dans son village du Darfour, sa soeur, Kishmet, venue rendre visite à ses parents, est razziée. Elle est enlevée par des négriers qui mettent le feu au village pendant que les femmes battent le sorgho et les hommes cueillent les pastèques. Nous sommes dans les années 1870. Ces pratiques sont courantes. D’autres encore sont à l’oeuvre. Celle qui deviendra Bakhita est chargée avec son amie de mener les vaches à la rivière. En chemin, elles rencontrent deux hommes qui guident la plus belle vers un bananier. C’est là que sa vie bascule. Elle est vendue à des négriers musulmans et destinée à l’esclavage. Les femmes, les enfants, sont emprisonnés, ils sont ensuite enchaînés puis emmenés à travers le pays pour rejoindre les grands marchés. Bakhita est achetée à El Obeid, là elle va vivre l’enfer pendant plusieurs années jusqu’à ce que les « propriétaires » en difficultés financières ne décident de vendre ceux qu’ils battent à mort. Bakhita croise le chemin d’un consul italien, Signore Legnani, qui l’achète pour l’affranchir. Commence alors pour elle une nouvelle vie !
Ce roman est l’odyssée d’une femme qui aurait pu mourir chaque jour des mauvais traitements qu’elle subissait depuis sa plus tendre enfance. Elle poussera pourtant son dernier souffle à l’âge de 78 ans.
La première partie du roman est insupportable d’inhumanité. Elle relate cette page de la grande Histoire de l’Afrique qui torturait ses congénères et marchandait la vie des êtres parmi ses matières premières. Si la littérature évoque la traite négrière transatlantique, je n’avais encore jamais lu sur ce que Tidiane N’DIAYE, anthropologue, dénomme « Le génocide voilé » dans son livre éponyme. C’est rien de moins que l’extermination de tout un peuple subsaharien par les arabo-musulmans qui est abordé dans le roman de Véronique OLMI, qu’elle soit honorée pour le devoir de mémoire auquel elle concourt.
À travers cette biographie, c’est aussi la force de la générosité que l’écrivaine encense. L’existence de Bakhita est marquée par toutes celles à qui elle a tenu la main pour continuer d’avancer, qu’il s’agisse d’enfants comme elle, condamnées à l’esclavage, ou plus tard de ces petites filles orphelines accueillies par les religieuses italiennes. Son corps conservera à jamais les traces des sévices qu’elle a subis, son esprit, lui, l’empreinte des déchirements liés aux séparations.
Et puis, il y a la révélation de la foi, religieuse, catholique, comme une nouvelle forme d’espoir dans un pays occidental qu’elle apprend à découvrir.
J’ai été frappée par sa façon singulière de s’approprier le monde, où qu’elle soit, avec qui elle soit, comme un appel aux sens en l’absence de la maîtrise de la langue.
Elle ne comprend pas la phrase, elle comprend le sentiment. Et c’est comme ça que dorénavant elle avancera dans la vie. Reliée aux autres par l’intuition, ce qui émane d’eux elle le sentira par la voix, le pas, le regard, un geste parfois. P. 53
Malgré les apprentissages aux couvents, Bakhita rencontrera toute sa vie des difficultés dans l’expression orale et la lecture.
Parce que le hasard des lectures construit parfois des ponts en littérature. Comme chez « Oma », il y a chez Bakhita la force de l’humour. Quelle plus belle distinction !
[…] ils donnent à la honte un peu de dignité. Bakhita apprend cela, qu’elle gardera toute sa vie comme une dernière élégance : l’humour, une façon de signifier sa présence, et sa tendresse aussi. P. 46
Vous ne le savez peut-être pas encore mais Bakhita est cette femme béatifiée et canonisée par le Pape Jean Paul II. Elle est déclarée sainte en 2000.
Ce roman historique est absolument prodigieux. Il rend grâce à une femme remarquable de bonté qui honore tout un peuple.
Je ne connaissais pas encore la plume de Véronique OLMI, elle est juste captivante. Mon #Mardiconseil est un coup de ❤️
Retrouvez les références du Book club :
Le royaume désuni de Jonathan COE
Le roitelet de Jean-François BEAUCHEMIN
"L'autre moitié du monde" de Laurine ROUX
"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX
Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE
Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN
"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT
"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON
"Ultramarins" de Mariette NAVARRO