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Articles avec #rl2022_janvier catégorie

2023-09-08T19:05:17+02:00

Bleu nuit de Dima ABDALLAH

Publié par Tlivres
Bleu nuit de Dima ABDALLAH

Sabine WESPIESER éditeur

 

Entre deux dates, le 25 octobre 1961 et le 21 mars 2013, c’est une page de la vie d’un homme qui s’est écrite. Depuis sa naissance jusqu’à la mort d’une femme qu’il a aimée, Alma, le temps a passé et les liens avec la société se sont étiolés. Vivant ces dernières années seul, reclus dans son appartement du 20ème arrondissement de Paris, sous neuroleptiques, il décide le jour de la sépulture d'Alma de

 

récurer son logement, vider le contenu de son frigo et son congélateur dans un sac poubelle qu’il dépose au pied de l’immeuble, claquer la porte et...  jeter les clés dans une bouche d’égout ! Il va faire de la rue son univers. Dès lors, une nouvelle page de sa vie peut s’écrire… à moins que ça ne soit la précédente qui soit revisitée !

 

J’avais lu de Dima ABDALLAH « Mauvaises herbes », son premier roman qui m’avait captivée. J’ai attendu les vacances pour me plonger dans « Bleu nuit », une lecture coup de poing. J’en sors terrassée. C'est ma #VendrediLecture.

 

A travers l’introspection d’un homme, Dima ABDALLAH propose un roman d’une profonde sensibilité.

 

Ce roman, c'est bien sûr, l'approche du deuil. En lisant les premières pages, une image s'est imposée à moi. Vous vous souvenez peut-être de cet homme dansant près du cercueil de sa femme, Agnès LASSALLE, assassinée à Saint-Jean de Luz en mars dernier. J'ai, un temps, vu le narrateur animé de ce même élan.

 

Et puis, il y a les fantômes, ceux qui hantent les nuits, longtemps après le grand départ...

 


Je devais la tuer et l’enterrer si profond que plus jamais elle ne pourrait revenir. Un corps ne meurt pas facilement, il ressuscite parfois et vient s’allonger près de vous la nuit. P. 36

Une fois à l'extérieur, le narrateur s'adonne à la contemplation. Il porte un regard tendre sur ce qui compose la rue, l’environnement, et plus encore sur les femmes qu’il va rencontrer et avec lesquelles vont s’instaurer des rituels rythmant hebdomadairement une vie d’errance. 

 

J’ai beaucoup aimé les portraits brossés d’Emma, Ella, Martha, Carla, Layla… l’attention portée et la délicatesse dans la prise de contact, tout est affaire de dignité.

 

J’ai été captivée par sa capacité d’observation et foudroyée par sa sagacité à décrypter les gestes d’êtres écorchés.

 

C’est un roman éminemment sensoriel, il y a les images, les sons, les parfums, les saveurs, les contacts comme autant de vibrations qui confèrent à l’humain sa singularité... Dima ABDALLAH les explore pour ponctuer son roman, "Bleu nuit", de flashs lumineux, de moments d'émerveillement fabuleux.


Peut-être que si le beurre est d’une grande qualité et savamment dosé, si la cuisson est d’une justesse à couper le souffle, un croissant peut vous donner le courage d’un sourire même quand les lèvres sont si gercées que ça en est douloureux. Un croissant, ça peut peut-être suffire à une journée. P. 61

 

Dans une narration à la première personne du singulier, le rythme du coeur du lecteur s'accorde sur celui du personnage de fiction. Il se met à résonner au gré des perceptions avec des effets vertigineux.

 

L'histoire est ponctuée d'extraits de poèmes comme autant de respirations dans un roman que vous lirez en apnée. Dima ABDALLAH offre un rayonnement aux textes d'ARAGON, Louis-Ferdinand CELINE, Jean-Paul SARTRE, Romain GARY, Charles BAUDELAIRE, Milan KUNDERA, Marcel PROUST, Albert CAMUS...

 

Ce roman pourrait plaire à Alexandra KOSZELYK pour la citation, bien sûr, de Guillaume APOLLINAIRE extraite de "Cortège", Alcools, figurant en incipit, mais aussi pour les liens établis entre les arts. Dima ABDALLAH convoque, outre la poésie, la musique, la peinture, comme autant d’invitations à aller plus loin. J’aime ces résonances entre les différentes disciplines, ces regards croisés sur une certaine réalité.

 

Ce roman, sincèrement, ne passez pas à côté. 

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2023-04-25T06:00:00+02:00

L'autre moitié du monde de Laurine ROUX

Publié par Tlivres
L'autre moitié du monde de Laurine ROUX

Les éditions du Sonneur

 

Nouvelle référence du Book club, une lecture coup de poing, un bijou de Laurine ROUX. J’ai découvert cette écrivaine avec les 68 Premières fois avec son second roman « Le sanctuaire ». Là, avec « L’autre moitié du monde » toujours aux éditions du Sonneur, Laurine Roux confirme son talent dans l’écriture de romans.

 

Nous partons pour le delta de l’Èbre en Espagne, au sud de la Catalogne. Nous sommes dans les années 1930. Une marquise est propriétaire des rizières dans lesquelles elle exploite des paysans, les condamne à l’esclavage. Pilar, cuisinière, n’est pas mieux traitée. Son corps porte l’empreinte des sales mains de Carlos, le fils de la marquise. Heureusement, elle sait pouvoir compter sur la force et l’énergie de sa fille, sauvageonne, qui sait tirer profit de la nature comme personne. Mais les bouches à nourrir échauffent les esprits des hommes qui commencent à se regrouper pour défendre leurs droits. Quand une enfant est retrouvée pendue à un arbre, le corps à moitié déchiquetée par des charognards, c’en est trop. L’heure de la rébellion a sonné !

 

Ce roman dresse le portrait d’un territoire. Laurine ROUX nous livre de magnifiques descriptions d’une nature fertile et nourricière. Elle est magnifiée dans ce qu’elle propose de plus poétique.


Une sarcelle d’hiver. Peu après, une rainette pointe à travers les lentilles d’eau. Le marais reprend vie. Bientôt, la surface du bassin se fait piste de bal. Irisations vertes, turquoises, trait de khôl, mouvements gracieux - immersion, demi-tour, piqué -, les corps valsent. P. 158

On pourrait s’en émerveiller jusqu’à la fin de nos jours s’il n’y avait cette volonté irrépressible de l’être humain d’asservir son prochain, dominer les plus faibles que soi. En Espagne, il y a eu l’Inquisition emmenée par Torquemada. Les Juifs furent convertis en marranes, les  Maures en morisques. Et puis, dans le delta de l’Èbre, c’est notamment là que des hommes et des femmes se révoltèrent. A travers des itinéraires de fiction, l’écrivaine relate les différentes étapes du soulèvement. 

 

Et puis, dans ce roman, il y a des personnages profondément attachants, des beaux personnages féminins, des résistantes. Il y a Pilar, il y a Soledad, il y a Toya. Toya, la fille de Pilar, mesure dès sa plus petite enfance le poids de l’injustice. Elle en fera son credo, à la vie à la mort.

 

Il y a encore la puissance de la communauté, la force d’un groupe d’hommes et de femmes soudés par la violence des évènements. La fraternité devient une évidence. 


A trop appuyer sur leur échine, elle a redressé leurs têtes. P. 84

Il y a enfin un livre rendu haletant par l’arrivée de Luz, une jeune femme d’aujourd’hui appelée à remplacer son compagnon dans le delta pour répertorier la faune et la flore des zones humides. Dès lors, tout peut arriver. 

 

Ce livre historique est très romanesque. La guerre civile espagnole comme toile de fond permet à Laurine ROUX d’explorer un nouveau type de roman. Elle le fait avec brio. Bravo !

Retrouvez toutes les références du Book club :

"Mémoire de fille" d'Annie ERNAUX

Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren BASTIDE

Les étoiles s'éteignent à l'aube de Vincent TURHAN

"L'heure des oiseaux" de Maud SIMONNOT

"Quand tu écouteras cette chanson" de Lola LAFON

"Ultramarins" de Mariette NAVARRO 

"Consolation" de Anne-Dauphine JULLIAND
 
"Malgré tout" de Jordi LAFEBRE
 
"Sidérations" de Richard POWERS

"Hamnet" et "I am I am I am" de Maggie O'FARRELL

"Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN
 
"Au-delà de la mer de David LYNCH

"Le messager" de Andrée CHEDID 

"L’ami" de Tiffany TAVERNIER

"Il n’est pire aveugle" de John BOYNE

"Les mouches bleues"» de Jean-Michel RIOU

"Il fallait que je vous le dise" de Aude MERMILLIOD, une BD

"Le roi disait que j'étais diable" et "La révolte" de Clara DUPONT-MONOD

"Un jour ce sera vide" de Hugo LINDENBERG

"Viendra le temps du feu" de Wendy DELORME

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2023-04-21T07:10:27+02:00

Alter ego de Cédric DE BRAGANÇA

Publié par Tlivres
Alter ego de Cédric DE BRAGANÇA

Editions Une seule vie

Roméo allait avoir bientôt 50 ans. Il ne fêtera toutefois pas cet anniversaire. Il vient de mourir. Il assiste à ses propres funérailles. Nous sommes au cimetière de Clamart. Il va nous conter la vie de l'Autre, cet homme qui a partagé pendant une dizaine d'années la vie de Judith, mère de deux adolescentes. Il y avait eu auparavant Marguerite. Mais, chaque fois, cette envie irrépressible de partir. Là, c'est un nouveau départ qui se profile !

Cédric DE BRAGANÇA, qui a réalisé de nombreux documentaires, nous propose d'explorer les troubles dissociatifs de l'identité. Roméo fait partie de ces gens qui souffrent d'une pathologie mentale et naviguent entre des personnalités distinctes. Dès lors, lui et son alter ego, vont nous proposer des histoires familiales entre chimère et réalité, faire le jeu des situations vécues ou désirées, un imbroglio éminemment romanesque, parfaitement maîtrisé.

Comme j'ai aimé emprunter les voies de la mémoire, c'est tellement fascinant.


Il est des sons, comme des odeurs, qui imprègnent si profondément le vécu que leur simple évocation suffit à se replonger dans l’évènement associé. D’en faire resurgir chaque émotion, chaque détail. Comme si le souvenir ne suffisait pas et qu’il fallait lui rajouter la puissance des sens pour en démontrer la permanence. P. 113

L'auteur nous propose un véritable traité de philosophie autour de l'existence. Est-elle le fruit du hasard ? ou bien de coïncidences ? Et si le chemin de la vie était tout écrit... voilà un sujet qui mériterait bien des copies doubles. Moi qui suis toujours saisie par les synchronicités, le propos me captive, vous pouvez l'imaginer.

J'ai aussi beaucoup aimé les passages sur l'errance du personnage, non plus entre son moi et l’autre, mais à travers le monde. Roméo, comme l'auteur je crois (deux « moi » en fait!), affectionnent tout particulièrement de voyager, prendre son sac à dos, partir explorer la beauté de la nature et faire des rencontres aussi aléatoires qu’uniques. Chez celles et ceux qui se vouent au trek, nul doute que les mots de Cédric DE BRAGANÇA trouveront une résonance toute particulière.


Marcher est une sorte de méditation en mouvement qui donne de l’épaisseur à la solitude. On y rencontre la mélancolie, la douceur, le vide, l’énergie, l’exaltation, me souffrance, la fierté, la faim. On y affronte les éléments. On y parcourt des sentiers aveugles ou buissonniers. On y rabote les chaos. On y rectifie le rapport au temps. On y mélange rêves et réalité. Bref, en marchant, on s’emmitoufle dans le monde invisible. P. 177-178

Je ne connaissais pas la plume de Cédric DE BRAGANÇA, elle est d'une grande poésie et témoigne d'heures à parcourir le monde, poser son regard sur l'humanité, en décrypter les expressions.


Si la beauté initiale, celle de l’enfance, est un cadeau, la beauté des adultes est une victoire. Puisque les traits se forment et se déforment au gré des accidents de la vie et que chaque être humain est responsable du visage qu’il se sera façonné. Les expressions ne mentent pas. Les rides, les signes du temps figurent l’histoire individuelle mieux que n’importe quelle confidence. P. 142

L'approche de l'humain est fine et délicate, subtile et perspicace. Ce roman est d’une profonde sensibilité. Je vous le conseille ! Merci à Gilles PARIS pour l'organisation d'une rencontre dédicace.

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2023-04-12T06:00:00+02:00

Ce que nous sommes de Zep

Publié par Tlivres
Ce que nous sommes de Zep

Rue de Sèvres édition

Cet album fait partie de la sélection du Prix BD Cezam 2022-2023.

Alors que ChatGpT fait couler beaucoup d’encre dans les médias au point que quelques grands acteurs du numérique en viennent à demander une pause dans les évolutions technologiques, Zep nous invite à nous projeter en 2113.

Là, les hommes et les femmes vivent virtuellement des expériences de vie, ils avalent des gélules aux saveurs variées à la place de repas… Tous ceux qui vivent dans la ville protégée sont connectés à un data brain jusqu’au jour où une défaillance du système met un être K.O.

Ce que nous sommes de Zep

Cette BD est saisissante.

Il y a d’abord le sujet bien sûr. L'intelligence artificielle (IA) fait naître les plus grandes espérances comme les plus grandes peurs. Il y a ceux qui sont offensifs, s'y confrontent pour en faire une force, il y a ceux qui sont défensifs, l'ignorent et la subiront, un jour ou l'autre, la question ne repose maintenant que sur l'échéance.

De quoi l'IA est-elle capable ?

Zep prend le parti d'explorer ses effets sur l'humain. Il l'imagine augmenté, à moins qu'il ne devienne assisté. La projection d'un avenir avec des émotions programmées sur commande me fait froid dans le dos, je dois bien l'avouer.

Il y a la dimension individuelle, mais aussi la dimension collective. Zep découpe le territoire et instaure une frontière entre la ville protégée et le  reste, ce qui ressemble peu ou prou à la ville connectée (parfois dite intelligente) et les zones blanches. Plus encore que de vivre personnellement assistée par une machine, ce que je crains le plus c'est la construction d'un mur, la notion de camp et des effets de ségrégation, de droits attachés à un territoire avec les nantis et les exclus. Cette BD me rappelle le roman de Jean-Christophe RUFIN, "Globalia", un petit bijou dans le genre de la dystopie ou du roman d'anticipation. L'auteur y distingue les "zones sécurisées" des "non-zones". Nous n'en sommes pas très loin.

Ce que nous sommes de Zep

Pour nourrir ses travaux, Zep, le père de Titeuf, bien connu des fans de BD, s’est nourri pour cet album des travaux d’un médecin et neuroscientifique, Pierre MAGISTRETTI. Il va sans dire que le propos tient la route et qu'il est intéressant qu'on y regarde à deux fois !

Et pour servir le scénario, il y a le graphisme. Là, j'ai plutôt retrouvé les albums que je lisais pendant mon adolescence, ou bien ceux de mes enfants, avec des planches composées dans une version traditionnelle avec des cases. Peut-être le moyen de conforter l'idée du mur, des séparations entre tous... heureusement toutefois, Zep est un scénariste et illustrateur profondément humain, il nous livre une chute pleine d'espoir.

J’ai beaucoup aimé cet album. Comme quoi, le hasard fait parfois bien les choses !

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2023-03-15T17:45:00+01:00

Amalia de Aude PICAULT

Publié par Tlivres
Amalia de Aude PICAULT

Ma #mercrediBD publiée aux éditions Dargaud décline #marsaufeminin, d’abord parce qu’elle est la création d’une femme, Aude PICAULT, mais aussi parce qu’elle met en scène une femme !

 

On y vient… Amalia fait partie de ces femmes qui donnent de leur personne, au travail, à la maison… Elle est SURsollicitée mais ne dit jamais non. Elle évolue dans une famille recomposée avec Nora, une belle-fille adolescente en rupture avec son père. Elle est aussi la mère d’une petite Lili à peine sortie des couches. C’est le chaos chaque fois qu’elle rentre chez elle. Et en plus, Madame voudrait s’inscrire dans la mutation environnementale et protéger la planète. Autant dire qu’elle va dans le mur !

 

Cette BD, c’est une manière de représenter ce que bon nombre de foyers vivent aujourd’hui. Il y a tout. Nul doute que les femmes, mères, s’identifieront très facilement à Amalia.

 

Ce que j’ai aimé aussi, c’est le rôle de Karim, l’homme de la maison. Loin du cliché de ceux qui se font servir, lui essaie de nourrir toutes les femmes du foyer et c’est loin d’une partie de plaisir.

 

J’ai beaucoup aimé aussi la représentation de l’adolescente, Nora, un brin lolita sur les bords qui trouve dans les réseaux sociaux le moyen de se mettre en scène au risque de décrocher de l’école.

 

Tout ce petit monde est en quête de sens et va se retrouver dans la perspective d’un départ en vacances. Et si une mise au vert les mettait tous d’accord ?

 

Cette BD, elle est fraîche, printanière, elle donne envie d’aller se ressourcer dans la nature, se rouler dans l’herbe, quitter ce brouhaha ambiant et ce rythme effréné que l’on s’oblige à suivre. C’est une bouffée d’air, une parenthèse avec la part belle à ce mouvement qui émerge, la désinfluence.

 

Le graphisme est un brin naïf.
 

Le propos pourrait être léger mais il ne l’est pas.

 

Je vous la conseille absolument.

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2023-01-27T07:00:00+01:00

Hors d'atteinte de Frédéric COUDERC

Publié par Tlivres
Hors d'atteinte de Frédéric COUDERC

Ma #Vendredilecture, c'est un roman sorti très récemment en librairie : "Hors d'atteinte" de Frédéric COUDERC, une lecture coup de poing. Je remercie tout spécialement les éditions Les Escales qui m'ont permis de le lire en avant-première.

Paul est écriviain. Son père est décédé quand il était adolescent. Son grand-père, Viktor Breitner, est sa seule famille. Il vit à Blankenese, un quartier donnant sur l’Elbe, à Hambourg. A 92 ans, le vieillard est victime d'une attaque cérébrale qui le fait tomber dans la dépendance. Paul, qui s'est toujours intéressé à l'histoire de son grand-père sans jamais obtenir de confidences, décide de mener l'enquête. Il découvre un lien établi avec un criminel nazi, Horst SCHUMANN, mais lequel ? Son grand-père a-t-il participé aux crimes de guerre ? Dès lors, pour l'écrivain comme le petit-fils, impossible de résister à la tentation. Paul Breitner ne sait pas encore que ses découvertes vont bouleverser sa vie.

Ce roman historique, vous vous dites peut-être, encore un sur la Shoah. Et bien, le livre refermé, je peux vous dire qu'il s'agit d'un roman très original et qu'il mérite vraiment d'être lu.

D'abord, il y a le procédé narratif, ce roman, c'est un livre dans un livre, le livre que Paul souhaite écrire sur la vie de son grand-père trouve sa place dans le roman qu'écrit Frédéric COUDERC. Ce nom vous dit peut-être quelque chose. J'ai lu de lui "Yonah ou le chant de la mer" aux éditions Héloïse d'Ormesson. Il évoquait alors le conflit israelo-palestinien et s'inspirait d'une histoire vraie, celle d'Abie NATHAN impliqué dans Voice of peace. Il concourait au devoir de mémoire. Frédéric COUDERC est dans la même démarche, là, à ceci près que le personnage historique qu'il va approcher est loin d'être recommandable.

Il y a donc un personnage. A l'organisation de l'extermination massive des Juifs, tziganes et autres personnes que les nazis estimaient être des dégénérés, il y avait des hommes. Si beaucoup se sont expatriés, notamment en Amérique du Sud, d'autres ont pris la direction de l'Afrique. De tous, certains ont été retrouvés et présentés à la justice pour être jugés, d'autres comme Horst SCHUMANN réussiront toujours à passer à travers les mailles du filet. Alors, à défaut d'un jugement rendu par les organisations internationales, c'est Frédéric COUDERC qui va s'y consacrer et croyez-moi, Horst SCHUMANN, vous ne l'oublierez jamais.

Et puis, il y a ces différentes pages de la grande Histoire que je ne connaissais pas encore. L'écrivain réussit à travers l'itinéraire de Viktor à nous emmener sur les côtés danoises, et puis à Sonnenstein, là où le régime nazi faisait ses armes.

Le témoignage de Génia OBOEUF-GOLDGICHT, survivante du camp de Birkenau, est bouleversant.


J’ai essayé pendant des années, mais non, je ne trouve pas le vocabulaire. Je comprends très bien le suicide de Primo Levi. Il a dû se poser cette question que je me pose encore ; comment ça a été possible, comment expliquer des trains entiers avec des populations entières, dont il ne reste plus de traces, avec cette rapidité, cette industrialisation, cette organisation ? P. 292

Il y a encore l'histoire de la famille Breitner, des personnages de fiction, une famille attachante aux destins meurtris par la seconde guerre mondiale. Comme j'ai aimé accompagner Viktor sur les traces de sa soeur, Vera, morte à l'âge de 12 ans, une enfant qui aimait passionnément la musique, le piano.

Le tout est porté par une plume qui lie allègrement la fiction et la réalité. Elle se joue des codes et navigue entre les registres, le romanesque, l'enquête, le récit historique, le témoignage. Frédéric COUDERC confirme son talent dans le genre. Chapeau !

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2022-11-11T07:00:00+01:00

Un raisin au soleil de Lorraine HANSBERRY

Publié par Tlivres
Un raisin au soleil de Lorraine HANSBERRY

Éditions indépendantes L’Arche

Le théâtre, je crois que je n'avais pas relu de pièce depuis de lycée.

Et puis, il y a l'aventure du DESC (Département d'Ecritures pour la Scène Contemporaine) #2 organisée par le Théâtre Le Quai sous la houlette de Thomas JOLLY (oui, c’est lui qui en est à l’initiative, l’homme a un immense talent, bravo!). J'ai eu l'immense chance de faire partie des 100 juré.e.s et d'assister à la représentation de "Bien né.e.s" Du mauvais côté de l'Eau" de Clio VAN DE WALLE, texte lauréat de l'édition et mis en en scène par Mélanie LERAY.

Le thème de cette édition était portée par cette citation de Rosa PARKS : "Je suis fatiguée d'être traitée comme une citoyenne de seconde zone.".

Et puis, il y a eu cette proposition de la Maison d'éditions L'Arche de découvrir la première œuvre théâtrale de Lorraine HANSBERRY. Nous sommes dans la même veine !

Lorraine HANSBERRY a été la première femme noire à voir sa pièce produite sur Broadway. Elle fut aussi la plus jeune dramaturge et auteure noire à être distinguée par le Prix du Cercle des Critiques New-Yorkais en 1958-1959. Je ne pouvais décemment pas refuser.

"Un raisin au soleil", c'est une histoire familiale jouée dans un huis clos, la salle de séjour de la famille Younger, une famille noire américaine dans les années 1950. Elle habite Southside, le quartier noir de Chicago. Cette famille noire est composée de Ruth (femme de ménage) et Walter Lee Younger (chauffeur), la trentaine. Ils ont un fils, Travis. Avec eux vivent Lena, la mère de Walter Lee d'une soixantaine d'années, et Beneatha, la soeur de Walter Lee, la vingtaine, qui fait des études de médecine. Toute la famille est suspendue à l'arrivée d'un chèque de 10 000 dollars d'assurance-vie. Lena veut acheter une maison, s’émanciper de cet appartement de misère mais voilà, cette somme d'argent suscite autant de rêves qu'il y a de Younger !

Avoir des rêves, voilà bien le coeur de ce texte. Pour chacun des personnages, l’espoir d’un ailleurs, l’espoir d’une autre vie, sont autant de motivations pour avancer. Lorraine HANSBERRY, militante, a fait des rêves un étendard, quelques temps avant que Martin LUTHER KING n’en fasse un discours éminemment politique. Souvenez-vous, « I have a dream », nous étions en 1963.

Largement inspirée de l'histoire personnelle de l'autrice, cette pièce de théâtre met en lumière les conditions de vie d'une famille noire et révèle les discriminations raciales de l'époque. Le logement agit comme un déterminisme géographique dès lors qu'il se trouve dans un ghetto. Souhaitons que les temps aient changé !

Cette famille, c'est le catalyseur de tous les conflits.

Il y a l'intergénérationnel bien sûr, celui-là même qui puise sa source dans les différences d'âges et de regards, exacerbé quand il s'agit de vivre sous le même toit, qui plus est dans un logement exigu et insalubre.

Il y a l’opposition entre les enfants. Si la fratrie permet quelques solidarités bienvenues, il en est d'autres qui sont explosives. Les ambitions de chacun ont la vie dure quand il s’agit de les défendre au sein de sa propre famille.

Il y a ceux encore qui s'infiltrent dans les failles de la société, les classes sociales et les inégalités, et qui montent les uns contre les autres.

Ce texte d’une profonde sensibilité est une leçon de vie. Les femmes en particulier de la famille Younger aiment à décliner le verbe RÉSISTER. Lorraine HANSBERRY brosse des portraits hauts en couleur de femmes de tempérament. Comme j’ai aimé Lena, Ruth et Beneatha, des femmes inspirantes qui, à l’image de cette petite plante verte, cherchent la lumière pour SURvivre.

J’ai vibré, j’avoue, j’y étais dans cet appartement, d’autant qu’en termes de formes, les didascalies se sont faites discrètes pour me laisser apprécier exclusivement la qualité des dialogues.

Ce texte, profondément engagé et politique, est à partager sans modération avec les adultes et les jeunes publics. J’aimerais tellement maintenant le voir joué !

Merci à Claire STAVAUX de publier cette pièce inédite en français et à Samuel LEGITIMUS et Sarah VERMANDE pour la traduction. Les arts sont toujours vivants !

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2022-08-27T06:00:00+02:00

Felis Silvestris de Anouk LEJCZYK

Publié par Tlivres
Felis Silvestris de Anouk LEJCZYK

Éditions du Panseur

Le bal des 68 Premières fois  se poursuit avec un premier roman, "Felis Silvestris" de Anouk LEJCZYK.

Ce roman, c’est une plongée au cœur de la nature, une immersion en pleine forêt.

Depuis toujours, elle a entretenu une certaine distance avec les autres. Ça ne l’a pas empêchée de réussir à l’école, de trouver un travail mais pour avancer, elle s’est fait accompagner d’un psy. Et puis un jour, tout ça a explosé. Elle a tout quitté, rencontré une personne, s’est laissée porter, vers un territoire nouveau, là où la liberté se décline dans toutes ses formes, là où la vie a un sens, RÉSISTER.

Dans un roman choral, Anouk LEJCZYK, primo-romancière, déroule le fil de la vie d’une famille, Papa, Maman et les deux filles. Enfin, ça, c’était avant, parce que depuis que l’aînée a fui la maison, toutes les fondations de l’édifice se sont écroulées.
L’écrivaine brosse les portraits d’une mère angoissée, d’un père obsédé par la maladie de Lyme, et de deux sœurs à travers leurs confessions. La sœur cadette tente, tant bien que mal, de sauver le navire qui tangue.

J’ai profondément aimé les passages décrivant la nature, c’est vivant, c’est beau, c’est d’une effroyable fragilité.


Petit à petit, des oiseaux se mettent à chanter, timidement d’abord, puis de plus en plus nombreux, de plus en plus fort. Ils se répondent d’un bout à l’autre du bois, chacun y allant de son tempo, de sa mélodie - assemblée générale avant le lever du jour, cartographie musicale du territoire à défendre. P. 166

Ce roman, c’est un plaidoyer en faveur de la protection de l’environnement.


Oui, aurais-tu ajouté, les humains font ça : ils volent toutes les ressources d’une terre et la laissent éventrée, les tripes minérales à l’air, dessinant son propre cimetière. P. 11

A l’heure où les fortes chaleurs sévissent sur la France, il n’a jamais été aussi précieux que de varier les formes d’expression d’un même discours.

"Felis Silvestris", ou le pseudo de la sœur aînée dans sa forêt, tient un propos militant à bien des égards. Il y a bien sûr l’alerte donnée aux humains et la nécessité de protéger ce qui peut encore l’être, mais c’est aussi la possibilité de vivre autrement, de faire société dans une communauté. Elle trace la voie d’un monde… alternatif.


Certaines et certains restent un jour, deux semaines, une saison, puis s’en vont, souvent sans rien dire, ça fait partie du jeu. P. 80

C’est un très beau premier roman, une cure de jouvence portée par une narration au genre nouveau, dans laquelle les voix résonnent entre elles, une belle métaphore de ce que nous donne à voir Dame Nature. 

Et si on se quittait en musique... avec "Pierpoljak" par PIERPOLJAK !

http://tlivrestarts.over-blog.com/2022/08/pierpoljak-par-pierpoljak.html

http://tlivrestarts.over-blog.com/2022/08/pierpoljak-par-pierpoljak.html

Retrouvez les autres références de la #selection2022 :

"Laissez-moi vous rejoindre" d'Amina DAMERDJI

"Une nuit après nous" de Delphine ARBO PARIENTE

"Les enfants véritables" de Thibault BERARD

"Ubasute" d’Isabel GUTIERREZ,

"Les envolés" d'Etienne KERN,

"Faire corps" de Charlotte PONS

"Blizzard" de Marie VINGTRAS,

"Saint Jacques" de Bénédicte BELPOIS,

 "Les confluents" de Anne-Lise AVRIL,

"Le parfum des cendres" de Marie MANGEZ,

"Jour bleu" de Aurélia RINGARD

"Debout dans l'eau" de Zoé DERLEYN,

"La fille que ma mère imaginait" de Isabelle BOISSARD.

J'en ai abandonné trois : "Décomposée" de Clémentine BEAUVAIS, "Revenir fils" de Christophe Perruchas et "Aulus" de Zoé COSSON, mais les 68 Premières fois en parlent très bien.

Il me reste à lire : "Le voyant d'Etampes" d'Abel QUENTIN

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2022-07-27T06:49:19+02:00

Les Maisons vides de Laurine THIZY

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Les Maisons vides de Laurine THIZY

Parce que je ne lis plus les quatrièmes de couverture des livres depuis belle lurette, dans le cadre de l'édition estivale #jamaissansmon68, je vous propose de revenir sur un roman de la #selection2022 des 68 Premières fois : "Les maisons vides" de Laurine THIZY aux Éditions de L’Olivier, lauréat du Prix du roman Marie-Claire et du Prix Régine DEFORGES du premier roman. 

Le rapport au corps est le fil rouge de ce premier roman orchestré d’une main de maître. Depuis ses premiers jours, Gabrielle a dû apprendre à dompter ce corps, inachevé du prématuré, mal formé par l’infirmité, maîtrisé par la pratique sportive qui ne manque pas de reprendre ses droits dès le premier effort abandonné. C’est le jeu d’équilibre d’une vie qui, chez Gabrielle, prend une dimension toute particulière.

Laurine THIZY aborde les sujets de la maladie, la mort et la religion, pour ne citer que ceux-là.

Quelle plume, la main de fer dans un gant de velours,

Quelle construction narrative, une alternance de chapitres méticuleusement rythmés,

Quel premier roman, une lecture coup de poing, tout simplement.

J'en suis sortie K.O., bravo !

Si vous aussi prônez un été #jamaissansmon68, vous pouvez aussi opter pour...

"Les enfants véritables" de Thibault BERARD

"Aux amours" de Loïc DEMEY,

 "Les nuits bleues" de Anne-Fleur MURTON,

"Furies" de Julie RIOCCO,

 

"Ubasute" d’Isabel GUTIERREZ,

"Les envolés" d'Etienne KERN,

"Blizzard" de Marie VINGTRAS,

"Saint Jacques" de Bénédicte BELPOIS,

 "Les confluents" de Anne-Lise AVRIL,

"Le parfum des cendres" de Marie MANGEZ,

"Jour bleu" de Aurélia RINGARD

"Debout dans l'eau" de Zoé DERLEYN,

"La fille que ma mère imaginait" de Isabelle BOISSARD...

#68premieresfois #68premieresfoisetplussiaffinité #68premieresfois2022 #litteraturefrancaise #premiersromans #68unjour68toujours
#bookstagram #selection2022 #premierroman #7anscasefete #onnarretepasles68 #un68sinonrien #touchepasamon68 #jepensedoncje68  #lesmaisonsvides #laurinethizy

 

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2022-06-28T15:32:09+02:00

Le prix de nos larmes de Mathieu DELAHOUSSE

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Le prix de nos larmes de Mathieu DELAHOUSSE

Les Éditons de L’Observatoire, je les apprécie pour leurs romans, souvent des coups de ❤️ à l’image de ceux de Thibault BERARD, « Il est juste que les forts soient frappés » et « Les enfants véritables », celui d’Anaïs LLOBET « Au café de la ville perdue », ou encore de Marie CHARREL « Les danseurs de l’aube », et de Withney SCHARER « L’âge de la lumière », mais aussi de Sébastien SPIZTER « Ces rêves qu’on piétine », et d’Odile D’OULTREMONT « Les déraisons ».

 

 

Je ne les connaissais pas sur le registre des essais, c’est aujourd’hui chose faite avec « Le prix de nos larmes » de Mathieu DELAHOUSSE que j’avais entendu au micro de Léa SALAME sur France Inter. Il a exploré ces deux dernières années les rouages du fonds d’indemnisation des victimes d’attentats. 

 

Que savons-nous de son organisation quand nous n’y sommes pas confrontés ?

 

C’est grâce à cet essai que j’ai découvert les fondements juridiques, d’abord une loi de 1982, dite Badinter, reconnaissant le statut de victime, et puis en 1986, la création d’un fonds de garantie pour les victimes d’actes terroristes, une exception française, européenne, voire mondiale. Ce n’est qu’en 1990 que les victimes du terrorisme seront reconnues victimes civiles de guerre avec pour conséquence, notamment pour les enfants de victimes, d’être déclarés pupilles de la Nation.

 

C’est aussi sous la plume de Mathieu DELAHOUSSE que j’ai compris le mode de financement du fonds, 5,90 euros prélevés sur chaque contrat d’assurance de biens immobiliers, un fonds financés par les Français sans qu’ils le sachent vraiment.

 

En qualité de journaliste, Mathieu DELAHOUSSE va accéder aux audiences qui caractérisent les préjudices subis et fixent les indemnisations. C’est là que se confrontent deux filtres de lecture des attentats :


Plusieurs fois durant ces journées dans la petite salle blanche, des cas similaires affleurent et, dans une danse macabre, on chaloupe entre les critères stricts du fonds et ceux, plus souples et imparfaits, de la vie. P. 79

Aux chiffres, aux critères d’évaluation, sont opposés la peine, le deuil d’un amour perdu, d’une mère, d’un père, d’un enfant… 

 

Et cette question posée en boucle, quel est le prix d’une vie ? La réparation passe-t-elle par l’argent ?

 

Bien sûr, à l’image de notre société, certains passent au-delà du chagrin et voient dans le fonds l’opportunité de gagner de l’argent sur le dos de blessés à vie, de morts, c’est juste indécent.

 

Le comble de la mascarade, c’est bien sûr l’usurpation d’identité, se faire passer pour une victime, s’imaginer une vie… jusqu’à se croire sur parole. Les cas sont rares mais diaboliques.


On ne se résout pas vraiment à imaginer que, parfois, des diables soufflent à ces âmes perdues que « qui ne tente rien n’a rien ». Et sur ces pauvres innocents s’y accrochent. P. 80

Cet essai, porté par une plume pudique et bienveillante, est très intéressant. Il donne à voir un microcosme de la justice française.

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2022-06-14T06:00:00+02:00

Le lac de nulle part de Pete FROMM

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Le lac de nulle part de Pete FROMM
Commencer une semaine de vacances, passer à la La Librairie Contact, se laisser séduire par le voyage proposé par Pete FROMM avec "Le lac de nulle part" aux éditions Gallmeister.
 
Trig et Al sont des jumeaux de 27 ans, lui est parti en Californie, elle vit à Denver. Les parents sont divorcés. Depuis leur tendre enfance, leurs vacances étaient dédiées à des aventures. Ils sont de véritables rangers. Alors, quand leur père, Bill, leur envoie un sms pour leur proposer une dernière aventure. Même s’ils sont un brin intrigués, ils répondent par l’affirmative. Il y a bien eu ces doutes à l’aéroport autour des bagages qui auraient disparu. Et puis, l’absence d’itinéraire précis. Mais ils sont en confiance. Ils ne savent pas encore que cette expédition se fera au péril de leur vie.
 
Avec ce roman, vous allez embarquer sur deux canoës pour visiter les lacs canadiens. Vous allez faire connaissance avec la faune du pays, découvrir la flore aussi. Mais plus que tout, vous allez vivre comme des trappeurs, allumer le feu, le nourrir pour qu’il reste allumer, vous allez pêcher pour manger et naviguer, encore et toujours.
 
Ce roman, c’est un voyage au cœur de Dame Nature. Vous allez vous émerveiller des aurores boréales :


Ce n’est pas la fin du monde, juste la planète qui la ramène, histoire de nous montrer ce dont elle est capable, au lieu de se contenter d’exister, ainsi qu’elle le fait d’habitude, une petite rodomontade au crépuscule pour nous rappeler que nous ne sommes pas le centre de la Terre, mais un détail mineur condamné à errer à sa surface. P. 122

Comme j’ai aimé leur combat, à la vie à la mort, comme j’ai soutenu le moindre de leurs efforts devant la puissance des éléments. Ce roman, vous allez le vivre dans votre chair. Vous allez avoir froid, vous allez sentir chacun de vos membres se frigorifier, vos lèvres gercer…
 
Et puis, ce qui m’a profondément touchée, c’est ce lien indéfectible entre les jumeaux, Trig et Al, deux être que rien ne pourrait séparer, deux individus de 27 ans unis comme deux gamins. Les souvenirs de vacances ensemble, de rituels, vont ranimer leurs joies enfantines. Il y a de l’humour dans le propos :


L’adolescence fondait sur nous telle une locomotive, un cheminot balançait pelletée après pelletée d’hormones dans les flammes. P. 41

Ce roman est lent mais rythmé par le suspens de la (sur)vie. Vous allez vivre au rythme du lever et du coucher du soleil, plus rien d’autre n’aura d’importance que d’imaginer le lieu d’installation de votre prochain campement.
 
Je voudrais saluer non seulement la plume de Pete FROMM mais aussi la traduction réalisée par Juliane NIVELT, une prouesse de 444 pages.
 
Les romans d’auteurs américains ont cette capacité à nous transporter, comme une signature singulière, un genre particulier. Ils nous livrent des romans d'aventure captivants. Comme j’aime sombrer en aux troubles sous le joug de leurs mots.
 
Faites comme moi, laissez vous embarquer !
 
Avec celui-ci, ou bien encore ceux-là...
 
"Une maison parmi les arbres" de Julia GLASS
"Ces montagnes à jamais" de Joe WILKINS
 

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2022-06-10T08:28:45+02:00

D’audace et de liberté d’Akli TADJER

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D’audace et de liberté d’Akli TADJER

Ma #vendredilecture, c’est le tout dernier roman de Akli TADJER, « D’audace et de liberté » aux éditions Les Escales.

 

 

Ce roman, c’est d’abord une invitation, celle de la maison d’édition à réaliser une lecture commune du livre, une lecture rythmée comme il se doit, 3, 4 chapitres maximum à la fois, une lecture cadencée, une lecture accordée avec l’histoire rocambolesque.

 

Tout commence avec les funérailles de Tante Safia, la sœur du père d’Adam Aït Amar, Algérien, kabyle, le narrateur. C’est le retour au pays, au village Bousoulem, aux sources, les parfums enivrants font resurgir les souvenirs qu’il croyait à jamais enfoui au fond de son cœur. L’amour de Zina, son amour de jeunesse, lui saute à la figure. Et puis, ll est parti à la guerre, comme son père l’avait fait, à Verdun lui. La guerre détruit tout, même l’amour. En 1942, il était à Paris. C’est là que Samuel a été raflé pendant que son autre copain, Tarik, adule le Führer. Dès lors, leurs vies à tous les trois n’auront plus la même destinée…

 

Ce roman, c’est un récit éminemment sensoriel. Les descriptions sont belles, tellement évocatrices de tout ce qui rend humain.


Aux premières lueurs du jour, Beyrouth avait retrouvé son tohu-bohu, ses couleurs d’ocre et d’argent, et ses vendeurs ambulants semant la pagaille sur le boulevard de mer pour vous vendre leurs falafels ou leurs thés à la menthe. P. 50

Ce roman, c’est une formidable fresque historique qui, à travers l’itinéraire de gens ordinaires, donne à voir des causes nationales, voire plus encore. Il concourt à la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France, au risque d’y laisser leur peau.


On nous avait triés : les Français de souche européenne d’un côté, nous les soldats des colonies. P. 41

Ce roman, c’est aussi celui des communautés, religieuses, du pays d’origine, familiales aussi, des gens entre pairs.


C’est avec moi qu’il veut rester parce qu’il peut s’épancher sans retenue quand il a le mal du pays. Je suis le seul à pouvoir le comprendre. P. 30

Les personnages de fiction d’Adam, Zina et Elvire sont profondément marqués par des trajectoires écrites pour eux. Pour les femmes, impossible de se défaire du père, la figure de proue des navires familiaux.

 

Personnellement, j’ai particulièrement aimé le personnage de Nour, tellement inspirant.

 

L’histoire est rythmée par des nouvelles qui résonnent comme les déflagrations des bombes. La vie est loin d’être un long fleuve tranquille, le tout servi par une plume romantique. Une belle prouesse littéraire !

 

Impossible de vous quitter sans évoquer le clou de cette lecture commune, une rencontre des lectrices avec l’écrivain, Akli TADJER, un homme profondément humaniste. Un grand moment ! Merci une nouvelle fois aux éditions Les Escales qui fêtent leurs 10 ans. Bel anniversaire 🎂 

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2022-06-07T06:00:00+02:00

Celle qui fut moi de Frédérique DEGHELT

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Celle qui fut moi de Frédérique DEGHELT

Editions de L'Observatoire

A celles et ceux qui cherchent toujours à savoir si un roman est inspiré d’une histoire vraie, là, pas de mystère. Tout est dit, ou presque !
 
Frédérique DEGHELT, une autrice dont j’admire la plume, se met, le temps d’un livre, à la disposition d’une femme, Sophia L (nom d’emprunt pour assurer son anonymat), que l’on devine actrice, pour relater un moment de sa vie… son autre vie serait sans doute plus adapté.
 
Sophia L traverse une période difficile de son existence. Elle a récemment divorcé et subit de sa mère, malade d’Alzheimer depuis deux années, son agressivité grandissante, un symptôme bien connu de la pathologie. Perdue dans ses pensées, elle confie à sa propre fille qu’elle appelle « Mademoiselle », ses tourments. Elle se souvient de sa fille évoquant dans sa plus tendre enfance son autre maman, "une belle et grande femme aux yeux verts", vivant dans un pays exotique. Ses dessins étaient inspirés de décors insulaires un brin tropicaux, tout en couleurs. Si les propos de l’enfant avaient à l’époque le don de la mettre en colère, remettant chaque jour en question sa filiation maternelle, il semble que cette histoire lui devienne aujourd’hui insupportable. Il faut dire que cette femme avait choisi d’abandonner sa famille bourgeoise et une carrière promise aux plus riches pour vivre une histoire d’amour avec un modeste fils d’immigré italien, une histoire aussi improbable que rocambolesque. La maternité lui avait longtemps résisté au point d’imaginer recourir à l’adoption. Et puis, il y avait eu deux naissances, à un an d’intervalle, une fille d’abord, l’ingrate, un garçon ensuite, le préféré des deux, vivant désormais en Australie et se contentant de subvenir financièrement aux besoins de sa mère. Alors que Sophia L prend de plus en plus en charge sa mère, elle ressent un besoin irrépressible d’en découdre avec son passé, l’histoire de sa vie, à moins que ça ne soit de celle d’avant…
 
Une nouvelle fois, Frédérique DEGHELT m’a captivée de bout en bout avec ce roman aux portes de la religion et du mysticisme. 
 
Comme dans "Sankhara", l’avant-dernier roman publié que vous pouvez trouver en version poche dans la collection Babel, il y a dans le parcours de Sophia L la croisée des chemins, la nécessité de sauver sa vie et trouver une forme d’équilibre…


Les temps s’annonçaient donc plus durs. Malgré tout, se faire du bien quand la vie vous fait du mal est une balance nécessaire qui calfeutre l’écrin du quotidien. P. 14

Comme j’ai aimé suivre au bras de Sophia L cette (en)quête d’identité à travers les continents. Frédérique DEGHELT invite au voyage, à la découverte des traditions, à vivre les émotions en levant le voile de ce qui nous construit en terme de culture. J'ai une appétence toute particulière pour les questions d'origines, inutile de vous dire que là, j'ai été gâtée !
 
A travers l’image du kintsugi, l’art japonais de réparer les céramiques cassées avec laque et poudre d’or, Frédérique DEGHELT explore les failles de l’intime comme autant de richesses humaines…


J’ai compris qu’au-delà des résiliences qu’engendrent nos faux pas, l’or de notre vie et son apparence si peu fluide disent encore autre chose. Nos manques, nos désirs évanouis ne sont pas seulement des forces vives qui alimentent notre expérience ; ils engendrent aussi notre acceptation de l’imperfection. P. 99

Cet art est purement et simplement sublimé par les gestes de Seiji, affairé à réparer une urne funéraire. J'ai succombé devant le charme de la scène et les descriptions qui en sont faites de l'écrivaine, mais aussi la sensibilité qui s'en dégage. Un pur bonheur littéraire.
 
Le roman prend la dimension d’un thriller psychologique au fil des évocations aux lisières de la magie et du spiritisme. Confrontée à la réalité de certaines images longtemps apparues sans explication dans son esprit, Sophia L éprouve la sensation oppressante de toucher du doigt sa vie d’avant. Et  Frédérique DEGHELT de poser incessamment la question : « Qu’est-ce qu’un être humain ? ». De tout temps, l’Homme s’est interrogé sur une vie après la mort. Dans ce roman, il est question d’incarnation et de réincarnation.
 
Je suis sortie de ma lecture une nouvelle fois subjuguée par la beauté de la prose de l’autrice et envoûtée par le sens des mots. Combien de fois me suis-je interrogée moi-même sur l’existence du destin ? Ce roman a fait résonner ma profonde sensibilité.
 
Impossible de vous quitter sans un petit mot sur la première de couverture d’un raffinement extraordinaire. Les livres des éditions de L’Observatoire sont assurément de beaux objets. C’est ici la création de Harshad MARATHE, illustrateur. Frédérique DEGHELT le dit elle-même : "Cette image, c’est exactement mon livre". Je confirme en tous points !

De cette écrivaine, vous aimerez peut-être aussi... 

La grand-mère  de Jade "

La vie d'une autre "

La nonne et le brigand "

Les brumes de l'apparence "

"Agatha"

"L'oeil du prince"

"Sanhkara".

Les éditions de L'Observatoire, je les aime tout particulièrement, elles m'ont fait vivre tellement de coups de coeur...

"Au café de la ville perdue" de Anaïs LLOBET

"Les nuits bleues" de Anne-Fleur BURTON

"Il est juste que les forts soient frappés" et "Les enfants véritables" de Thibault BERARD

"Simone" de Léa CHAUVEL-LEVY

"Les danseurs de l'aube" de Marie CHARREL

"Le poids de la neige" de Christian GUAY-POLIQUIN

"Juste une orangeade" de Caroline PASCAL

"Les déraisons" d'Odile D'OULTREMONT

"L'âge de la lumière" de Whitney SHARER

"Ces rêves qu'on piétine" de Sébastien SPITZER

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2022-05-31T06:02:56+02:00

Et mes jours seront comme tes nuits de Maëlle GUILLAUD

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Et mes jours seront comme tes nuits de Maëlle GUILLAUD

Editions Héloïse d’ORMESSON

Lecture coup de poing de cette rentrée littéraire de janvier 2022, le tout dernier roman de Maëlle GUILLAUD aux éditions Héloïse d’Ormesson, « Et mes jours seront comme tes nuits ».
 
Hannah est une jeune femme, musicienne, elle joue de la flûte traversière depuis l’âge de 6 ans. Elle avait pris l’engagement auprès de ses parents, si elle commençait, de poursuivre jusqu’à ses 20 ans. Leur mort dans un crash aérien n’y fera rien. Hannah a fait de sa passion son activité professionnelle. Sa vie quotidienne est toutefois désormais rythmée par l’activité du jeudi, rendre visite à Juan, l’homme qu’elle aime, incarcéré. En 3 ans, elle n’a jamais failli un seul jeudi. Le manque a beau la tenailler, la douleur l'écraser, elle ne peut s’y résigner. Entre les souvenirs déchirants du passé et la souffrance du présent, Hannah résiste. Mais si tout ça n’était qu’illusion ?
 
Ce roman est un véritable page-turner, impossible de le lâcher une fois les premières lignes découvertes. Le décor est rapidement planté. Je me suis immédiatement retrouvée aux côtés d’Hannah dans ce RER qui la mène en périphérie, hors champs, là où les familles des détenus se côtoient. Si Hannah ne s’y reconnaît pas, elle en fait, malgré elle, partie. J’ai été frappée par ce qu’elle incarne de la réussite sociale qui, là, ne lui est d’aucune utilité. Au gré de toutes ces années, de ces allées et venues hebdomadaires, de ces immersions dans l'univers carcéral, elle va apprendre les codes, apprendre à se comporter, faire de cette journée du jeudi une parenthèse, dépouillée, mise à nu.
 
De Maëlle GUILLAUD, vous vous souvenez peut-être de « Lucie ou La vocation », son premier roman découvert avec les 68 Premières fois. Il y était déjà question d’enfermement...
 
Et puis, ce qui m’a bouleversée dans ce roman, c’est le rapport au corps. Celui d’Hannah est torturé.


Dans les moindres plis de sa peau, la douleur s’est incrustée, comme des sédiments de crasse. […] Le malheur plante ses crocs dans sa chair. P. 64

Les mots sont ciselés, les phrases coupantes, la langue tranchante. Tout y est douleur, blessure, déchirure.
 
Hannah cumule les tragédies depuis sa tendre enfance. Marquée par la vie qui la prive de tous ses êtres chers, la jeune femme endure les épreuves du deuil.
 
Quand son corps s’apaise, son esprit, empreint de tous ces chagrins, prend le relais pour la tourmenter. Alors, pour continuer à se tenir debout, RESISTER, elle convoque les souvenirs…


Les souvenirs, c’est comme les rêves, on peut s’y lover et le reste n’existe plus. P. 68

Hannah puise aussi dans l’Art la force d'avancer.
 
Comme dans un jeu d'équilibre, l'écrivaine va décrire la musique avec grâce et raffinement. Maëlle GUILLAUD use d’un vocabulaire envoûtant pour nous offrir des respirations bienfaisantes. Il y a des passages sublimes et merveilleux, transcendants.


Les yeux rivés sur sa partition, elle pense à Samuel, à sa gestuelle qui fait ressortir les ombres et la lumière de l’œuvre. Par le magnifique rayonnement de sa conviction, il distille en elle les émotions qu’il attend, il ordonne le chaos de sa vie intérieure. P. 71

Juan aussi aimait l’art, lui peignait, une autre discipline, une autre manière aussi de l'exploiter !
 
Ce roman m’a profondément touchée, je suis sortie KO de cette lecture, sous le choc de la beauté de la plume, de la parfaite maîtrise de l'intrigue, coup de maître, chapeau !
 
Le personnage d’Hannah est absolument fascinant, ce livre un formidable cri d'amour. Quant à la chute, juste prodigieuse. Quel talent !

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2022-05-06T14:26:35+02:00

Le bal des cendres de Gilles PARIS

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Le bal des cendres de Gilles PARIS
Vous avez envie de voyage ? Je crois que j'ai quelque chose pour vous !
 
Après "Certains coeurs lâchent pour trois fois rien", Gilles PARIS nous revient avec un roman, "Le bal des cendres", toujours aux éditions Plon.
 
En route pour les Îles éoliennes. On accoste sur l'une d'entre elles, Stromboli, cette petite portion de terre située au large de la Sicile. Bienvenue à l'hôtel Strongyle gérée par Guillaume et sa fille Giulia. Là, il y a aussi Thomas, Lior, Sevda, Ethel, Elena, Tom, Abigale, Gaetano, Anton, Matheo, Sebastian, Irina, Marco, Pippa, Emilio. Dans cet établissement, c'est un peu la croisière s'amuse. Il y a des gens de passage, seuls, en couple, en famille, entre ami.e.s. Tous ont un point commun, ils sont venus là trouver refuge, à l'année ou le temps d'un séjour. Leur vie pourrait être un long fleuve tranquille, mais c'est sans compter sur l'ascension du volcan, le Stromboli, une excursion régulièrement proposée aux visiteurs. Si les habitants de l'île vivent au rythme des éruptions, les touristes, eux, pourraient bien vivre quelques sueurs froides, mais là commence une autre histoire.
 
La faune de Stromboli, sa flore, ses paysages, son architecture, sa géographie, son histoire, tout y est scrupuleusement décrit par l'auteur, Gilles PARIS, devenu expert de cette infime portion du globe. 
 
Pour visiter l'île de Stromboli, j'aurais pu vous proposer un guide touristique mais j'ai trouvé qu'un roman permettait de donner un côté vivant au territoire. Et croyez-moi, quand je dis vivant, je pèse mes mots. Il suffit de poser ses valises à l'hôtel le Strongyle pour s'en convaincre. A travers une galerie de personnages de fiction tout à fait fascinante, l'écrivain nous fait vivre au rythme d'un microcosme un brin représentatif de la société tout entière, de quoi en dire long sur la capacité de Gilles PARIS à conter des histoires. Qu’ils soient sédentaires ou en transit, j’ai été frappée par la diversité des costumes que chacun peut être amené à porter, le temps d’un instant… ou d’une vie. Certains seraient tentés d’étiqueter chacun, lui coller un statut, mais ça serait là notre plus grossière erreur. Gilles PARIS nous alerte sur cette facilité


Il ne faut pas me juger pas trop vite. P. 281

Gilles PARIS construit un hôtel et en fait le jeu de toutes les tentations, des doutes et des envies, des fuites et des passages à l’acte. C’est un peu comme si la vie prenait, subitement, une saveur différente. Le temps d'un été, tout peut basculer. Quant à cette excursion touristique, elle pourrait bien devenir le révélateur de multiples facettes de ce que peut représenter un homme, une femme, un être unique mais en perpétuelle mutation.


Nos vies ressemblent à des kaléidoscopes qu’on regarde et qui réfléchissent à l’infini, et en couleurs, la lumière extérieure. P. 260

Je vous l'ai dit, Gilles PARIS est un formidable conteur. Il va nous relater des histoires d’amour sur fond de secrets de famille, inviter les fantômes des défunts, nous faire vivre des émotions fortes. 
 
Mais rien ne serait plus éphémère que devant Dame Nature qui a droit de vie et de mort sur les habitants de l’île. Par le passé, elle a déjà montré de quoi elle était capable. Les hommes et les femmes peuvent bien prendre des décisions ici ou là, rien ne saura contrer ses palpitations, à elle. Quand la Nature et l'Homme ont en commun d'être vivant, les cartes peuvent toujours être rebattues par un jeu de balancier. Et si le Stromboli était une illustration de ce que Dame Nature nous réserve à l’échelle du monde...
 
Ce roman, c'est un peu comme une saga, sauf que Gilles PARIS concentre les tribulations en un seul volume, palpitant, servi par une plume rythmée avec des chapitres courts (2, 3 pages maximum). A travers ce roman choral, l’auteur révèle les forces et les fragilités de l’Homme, peu importe son genre, sa sexualité, sa vie… il nous fait délicatement toucher du doigt toutes ces futilités face au destin de la Terre !

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2022-04-12T18:30:00+02:00

Le Maître de l'Océan de Diane DUCRET

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Le Maître de l'Océan de Diane DUCRET

Editions Flammarion

Si les lectures de ces dernières semaines pouvaient être éprouvantes par la gravité des sujets, l'intensité des histoires, la nervosité des plumes, il en est une qui s'est invitée dans mon quotidien comme une parenthèse providentielle. "Le Maître de l'Océan" de Diane DUCRET est un conte philosophique.

Le narrateur est un jeune garçon né à Hubei en Chine. Sa mère, Yunhe, « nuages de paix », s'est vue imposée la tradition des pieds bandés pour permettre aux filles de séduire des hommes de la haute société et ainsi fuir les travaux de la terre. Yunhe vivra pourtant une toute autre destinée. Elle fera la rencontre d'un homme dans la forêt. De cette liaison, naîtra un bébé. Abandonnée par le père, Yunhe sera une fille mère, de ces femmes sur qui repose la vie toute entière de leur progéniture. Pourtant, sa vie à elle ne sera que de courte durée, elle décèdera effectivement quand l'adolescent aura 13 ans. Il deviendra un disciple du Temple d’Or de la montagne Sacrée de Wudang mais c'est sans compter son attirance irrépressible pour l'océan. Là commencera une toute nouvelle histoire...

Quel plaisir de retrouver la plume de Diane DUCRET après :

Les indésirables, un énorme coup de coeur
La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose,

et de découvrir qu'elle puisse s'inviter dans tous les registres littéraires avec talent.

Les contes philosophiques, je les aime pour les messages qu'ils véhiculent, l'occasion d'un petit clin d'oeil à "L'homme qui n'aimait plus les chats" d'Isabelle AUPY, découvert avec les 68 Premières fois.

Là, à travers le parcours initiatique d'une adolescent, l'écrivaine donne à voir la capacité de chacun à prendre son destin à bras le corps, repousser les limites, s'ouvrir au monde.

Le jeune homme est en quête de l'océan, cet élément naturel fantasmé qu'il se fixe comme objectif d'atteindre. Il va ainsi naviguer sur le fleuve Yang Tsé, atteindre Shanghai, monter à bord d'un navire à destination de la Mer Méditerranée pour arriver en France.

Le chemin est semé de belles rencontres. Cette fable, c'est aussi le moyen de se réconcilier avec l'Homme. En pleine Guerre d'Ukraine, qu'il est bon d'imaginer encore pouvoir compter sur de belles âmes.

Mais là où Diane DUCRET excelle, c'est dans le rapport à l'eau, le flux et le reflux, les vagues. Comme j'ai aimé ces passages où l'écrivaine décrit l'apprentissage de l'océan par un adolescent qui a encore tout à apprendre, y compris dans sa confrontation avec Dame Nature. 


Le seul endroit encore insondé , que les hommes n’ont pas délimité, enfermé, mesuré et possédé est l’océan. Lui seul leur donne le sentiment d’infini et d’éternité nécessaire à la foi. […] La foi nous pousse à croire en ce que l’on ne voit pas, ce que ni nos sens ni notre esprit ne peuvent embrasser et contenir. P. 191

La métaphore était trop belle avec le coeur de ce récit, la découverte de soi.

Dans une prose un brin mystique traversée par la sagesse maoïste, Diane DUCRET nous fait réfléchir sur notre rapport u monde, notre relation singulière aux autres, la force et la puissance qui en découlent.
 


Il existe pour un homme deux types de silence. Le silence noble et le silence craintif. Le premier marque la maîtrise de ses pulsions et de ses émotions, la tempérance. Le second est la marque d’une inhibition, d’une peur du jugement. Le premier a la force d’un éléphant, le second a celle du rat. P. 58

La plume est éminemment poétique, tendre et délicate. 

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2022-04-08T06:00:00+02:00

La décision de Karine TUIL

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La décision de Karine TUIL

Karine TUIL nous revient dans cette rentrée littéraire de janvier 2022 avec "La décision", un roman vertigineux publié aux éditions GALLIMARD.

Je me souvenais de l'uppercut de "L'insouciance", ce gros pavé découvert avec l'équipe de PriceMinister Rakuten dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire. Je m'en souviens comme à la première heure, c'est dire si l'histoire comme la plume m'avaient scotchée.

Et puis, il y a eu les Entretiens Littéraires organisés à la Collégiale Saint-Martin d'Angers par le Département de Maine-et-Loire, et cette rencontre dédicace avec l'autrice, un moment inoubliable avec une femme d'une profonde humilité.

J'ai rechuté. Bien m'en a pris. Ce roman, c'est un tour de force, un thriller psychologique de haute volée.

Alma Revel, la narratrice, a 47 ans. Alma est née dans une famille aux origines communistes. Son père s'est notamment investi dans la guérilla vénézuélienne en 1968. Il a été incarcéré pendant 11 ans avant de mourir. Sa mère est partie pour le sud, elle s'est remariée et vit dans les montagnes du Valgaudemar. Alma est mariée avec Ezra Halevi, écrivain juif pratiquant, depuis 25 ans. Ils sont en procédure de divorce. Elle est mère de trois enfants, Milena, Marie et Elie (des jumeaux). Dans la vie professionnelle, elle est juge anti terroriste au Palais de Justice de Paris. Elle encadre 11 magistrats et coordonne l'action des policiers. Comme une philosophie, dans son bureau est affichée une phrase de Marie CURIE : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. » C'est ce qu'Alma s'attache à faire notamment quand elle reçoit dans son bureau des personnes emprisonnées de retour de Syrie dont elle va devoir décider, soit du maintien en prison, soit d'une libération sous contrôle judiciaire. Dans sa vie personnelle comme sa vie professionnelle, elle est à la croisée des chemins, pour le meilleur comme pour le pire !

Commence alors un roman haletant raconté à la première personne du singulier, ce qui renforce intensément le lien établi, par la voie de la lecture, avec cette femme en prise aux doutes.

Alma, je l'ai accompagnée dans sa vie quotidienne à un rythme effréné, largement inspiré d'histoires vraies. Elle est joignable sur son téléphone portable 24h sur 24h, 7j sur 7. Elle ne se déconnecte jamais des réalités professionnelles à la portée nationale, voire pire encore. Tout ce qu'elle décide, comme le sort d'Abdeljalil Kacem, peut être lourd de conséquences. Au-delà de la justice, ses décisions sont à coloration idéologique, elles révèlent une adhésion à certaines valeurs.


Juger est aussi un acte politique. P. 25

Le procédé narratif est ingénieux. Karine TUIL alterne les chapitres avec les interrogatoires du jeune homme. Peut-il gagner sa confiance ? A-t-il le droit à une deuxième chance ? J'ai vécu les séances de confrontation la peur au ventre. 


Souvent, j’ai eu peur ; mais au bout d’un certain temps, la peur, on finit par la dominer. P. 23

Ce roman, c’est une prise de conscience du poids qui pèse sur les épaules d’individus en prise directe avec la menace djihadiste en France et qui veillent incessamment sur notre sécurité.

Alma a accédé à un poste des plus hautes responsabilités, c’est une femme aussi, tiraillée entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Entre les deux s’exercent des jeux de pouvoir. Alma le sait, les relations qu'elle entretient avec un avocat pénaliste très médiatisé risquent de la fragiliser. Quand lui joue la carte de la défense...


Plaider c’est convaincre et, pour convaincre il faut être éloquent, c’est-à-dire plaire et émouvoir. P. 94

elle se surexpose. Karine TUIL l'avait évoqué lors de sa venue à Angers, elle aime particulièrement explorer les moments de fracture, de perte de contrôle. Alma, c'est un personnage de fiction que la passion amoureuse rend vulnérable. Il y a la femme publique, il y a la femme de l'intimité, deux faces d'un être pluriel que l’on ne saurait juger, encore moins condamner.

Et puis, il y a le rapport à la religion. J'ai beaucoup aimé le fil savamment tissé autour de la judéité, la transmission entre les générations par la voie des mères, le sursaut de la foi à des moments que nul ne peut anticiper, les ressentiments avec les musulmans...

Karine TUIL nous livre un roman poignant, tout en tension. La plume est nerveuse, le suspens à son comble, l'intrigue parfaitement maîtrisée jusqu'à cette chute... effroyable. Elle nous fait une nouvelle fois la  démonstration de son immense talent d'écrivaine. Chapeau !

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2022-03-25T07:00:00+01:00

Les inexistants de Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
Les inexistants de Catherine ROLLAND

BSN Presse

Il y a des rendez-vous dans l’année avec des plumes que l’on affectionne tout particulièrement, assurément, celle de Catherine ROLLAND fait partie de ceux-là.

Imaginez, après

« Le cas singulier de Benjamin T. », énorme coup de coeur,

« La Dormeuse », un roman inoubliable,

« Emma Paddington, Le manoir de Dark Road end », un roman fantastique pour jeunes adultes très réussi,

l'autrice investit le roman noir avec "Les inexistants".

Camille est serveuse de nuit au Péché Gourmand, un restaurant installé situé entre une station service et une zone industrielle. Elle a laissé chez Germaine, sa voisine, son fils Micky, handicapé qu’elle élève seule. Sa patronne, Sandrine, n’est pas rassurée. Un tueur en série rode dans les environs. Mais Camille reste sereine. Noam, le vigile, veillera sur elle, à moins que… des événements ne se produisent !

Dès les premières lignes, Catherine ROLLAND installe le suspens d’un environnement glauque, menaçant. Elle ne va faire qu’une bouchée de la nuit à venir, s’en délecter, pour mieux vous poignarder.

Que de frustration dans l’écriture de la chronique d’un polar. Impossible bien sûr de vous dévoiler l’intrigue, sous peine de rompre le charme d’une nuit laissée sans sommeil !

Ce que je peux vous dire, par contre, c’est que les personnages sont travaillés avec minutie. Catherine ROLLAND excelle dans l’exploration psychologique d’hommes et de femmes hautement mystérieux avec qui elle va jouer à l'envi. L'écrivaine est une marionnettiste, c'est elle qui tient les ficelles !


Ses mâchoires se crispaient, ses yeux rétrécissaient, et je sentais son âme coller à la mienne. Le plus souvent, c’était par l’oreille qu’il cherchait à atteindre mon cerveau et les secrets qui y dormaient, et alors je percevais, minuscule, le fourmillement à l’intérieur du conduit au moment où il s’y glissait. P. 203

Et puis, je vous l’ai dit, il y a l’atmosphère que l’autrice décrit avec minutie. Son écriture éminemment descriptive en devient cinématographique. Nul doute que le 7ème art ferait de ce livre un excellent film.

Il y a encore le rythme. A l’image de Sandrine COLLETTE, Catherine ROLLAND vous sort la tête de l’eau, vous laisse respirer quelques instants, et vous appuie sur les épaules pour descendre encore plus profond. Ce roman est haletant. Une fois ouvert, impossible de le lâcher.

Ce pari est une nouvelle fois réussi. Je crois, en réalité, que Catherine ROLLAND transcende les genres de la littérature. Alice FERNEY disait qu’un écrivain peut écrire sur tout. Peut-être. Mais l’exercice d’écriture, lui, est différent. Tous ne réussissent pas à jouer avec les codes, elle, si.

Une nouvelle fois, bravo ! Comment dire ? J’attends déjà le prochain !!!

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