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2019-11-23T07:00:00+01:00

Le bal des folles de Victoria MAS

Publié par Tlivres
Le bal des folles de Victoria MAS

Albin Michel

Nous sommes en mars 1885. Louise se réveille, enfin, comme chaque jour, c'est la dernière à ouvrir l'oeil et à daigner mettre le pied à terre. Toutes les autres femmes s'agitent déjà, se coiffent, s'habillent. Ses voisines de chambre, des "folles", répondent déjà aux ordres de Geneviève. Fille  de médecin, elle est infirmière depuis une vingtaine d'années à La Salpêtrière, le haut lieu d'exercice du Professeur Charcot, neurologue. Pour rythmer la vie de l'établissement psychiatrique, il y a bien les expérimentations menées par Charcot sur Louise pour nourrir ses cours, mais il y a aussi un événement annuel qui met toutes ces femmes en ébullition, le bal de la mi-carême. C'est le moment où le tout Paris, entendez ces bourgeois bien sûr, vont assister au grotesque carnaval organisé pour mettre en scène des êtres privés de liberté. On vient à La Salpêtrière un peu comme si on allait au zoo. Alors, il faut qu'elles soient belles, ces femmes, et puis, les chiffons les occupent si bien, les émerveillent même, une véritable bouffée d'air dans un quotidien triste à mourir. Certaines s'en arrangent comme Thérèse, la plus ancienne de l'établissement, d'autres ne décolèrent pas comme Eugénie, enfermée par son père avec la complicité de son frère, pour ses propos troublant l'ordre moral. Et si le château de cartes si minutieusement construit venait à se fragiliser avec la révélation d'un terrible secret... là commencerait une toute nouvelle histoire, non ? 

Victoria MAS, dans ce premier roman sélectionné par les fées des 68 Premières fois, lauréat du Prix Stanislas et du Prix Renaudot des Lycéens 2019, nous offre une galerie de portraits de femmes comme un miroir de la société française du XIXème siècle. Il y a Louise bien sûr, personnage largement inspiré d'une femme qui a réellement existé, Augustine, celle dont le corps a servi le Professeur Charcot pendant de longues années. Il y a Thérèse aussi que La Salpêtrière protège de l'environnement extérieur, au point de ne plus vouloir la quitter. Il y a encore Eugénie, une représentante de toutes ces femmes que l'on muselait à l'époque et que l'on internait pour les faire taire. Toutes ces femmes sont éminemment romanesques et donnent à voir la condition féminine de l'époque, des êtres sous le joug de la domination masculine !


Mais la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes sur elles-mêmes. P. 113

Ce roman a été une réelle lecture coup de poing pour moi, une lecture douloureuse pendant laquelle je n'ai pas décoléré je dois bien le dire.

Outre l'inégalité hommes/femmes qui me révulse dans tout ce qu'elle représente de soumission, il y a le traitement de la maladie mentale. Bien sûr, il faut replacer les choses dans leur contexte historique et mesurer toutes les avancées réalisées dans le champ de la psychiatrie pour arriver aux pratiques d'aujourd'hui. Si l'on peut imaginer que les traitements lourds assommaient les malades plus qu'ils ne leur offraient d'échappatoire :


Dormir permet de ne plus se préoccuper de ce qu’il s’est passé, et de ne pas s’inquiéter de ce qui est à venir. P 8

ce qui m'a le plus indignée, et de loin, c'est le fait que les expériences menées par le Professeur Charcot, sur le corps humain entendons-nous bien, soient mises au service de ses cours, et non de l'amélioration de l'état de santé de ses patientes, à la vie à la mort. J'ai été profondément touchée par cette finalité et suis très curieuse maintenant de savoir s'il s'agit d'une liberté que s'est offerte Victoria MAS avec la réalité. D'ailleurs, en lisant cette phrase, j'avoue que je m'autorise à le penser...


Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter. P. 249

Plus grotesque encore est l'organisation de ce carnaval. Mettre des internées, quand on connaît leur parcours, en scène comme des animaux, m'est juste insupportable. Vous comprendrez que ce livre, je m'en souviendrais longtemps pour tout ce qu'il éveille en moi et anime comme vent de colère. Si j'avais vécu à cette époque, peut-être m'y serais-je retrouvée enfermée ?

Chapeau à la toute jeune écrivaine, Victoria MAS, qui a réussit à me retenir jusqu'à la dernière page. 

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