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Articles avec #rl2020_janvier catégorie

2021-03-20T09:02:05+01:00

Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Place à la 8ème danse de l'édition 2021 du bal des 68 Premières fois, place à un slow, tout doux, tout tendre, empreint d'un immense amour...

 

Il y a des romans qui vous prennent à la gorge dès les premières lignes, assurément, celui de Thibault BERARD fait partie de ceux-là, "Il est juste que les forts soient frappés" chez les éditions de l'Observatoire.

Sarah, la narratrice, est morte à l’âge de 42 ans. Elle se remémore son adolescence, sa première histoire d’amour avec un homme de 15 ans de plus qu’elle, ses actes de bravoure à l’encontre de la grande faucheuse. Si elle ne l’a pas emmenée lorsqu’elle avait vingt ans, Sarah était persuadée qu’elle viendrait la chercher avant la quarantaine. Elle l’a toujours dit à Théo, son amour, son lutin. Elle n’était donc pas surprise quand, à 38 ans, alors qu’elle est enceinte de 7 mois de son deuxième enfant, un garçon, le couperet tombe avec l’annonce d’une tumeur cancéreuse très mal placée la menaçant de mort imminente. Théo s’est battu comme un fou pour sauver son moineau mais il n’était pas de taille, les dés étaient jetés, les jours comptés, impossible de reculer.
 
Ce roman, je vous vois déjà vous dire, il n’est pas pour moi, et pourtant ! Thibault BERARD, éditeur chez Sarbacane, nous livre un hymne à la vie. Largement inspiré de son histoire personnelle, le propos de ce livre ô combien audacieux est un petit bijou de la littérature. Thibault BERARD aurait pu en faire un essai à l’image de ce qu’a livré Mathias MALZIEU dans son "Journal d'un vampire en pyjama", il a décidé d’en faire une fiction et c’est somptueusement réussi.
 
En ouvrant ce livre, vous acceptez de monter dans l’ascenseur émotionnel parfaitement maîtrisé par l’écrivain, vous allez vivre d’intenses moments de bonheur, vous envoler très haut, et puis, vous allez vivre des moments de grand désespoir, tomber très bas. 

Loin du pathos que j’avais soupçonné, l’écrivain surfe sur les références musicales et cinématographiques pour ponctuer le roman de formidables bouffées d’air. Les respirations artistiques comme cette citation « Welcome home, Mister Bailey. » extraite du film de Frank CAPRA « La vie est belle », sont autant de moyens de quitter cette réalité qui les assaille.
 
Et puis, il y a ce brin de fantaisie, cette fraîcheur d’esprit, tout ce qu’un jeune couple peut vivre d’original, de drôle, de fantasque, se retrouve dans la plume de ce primo-romancier. 


J’ai eu le temps de m’imaginer en cellule humanoïde fonçant à travers les artères de mon propre corps, butant sur cette immense masse noire gélatineuse qui m’aplatissait un poumon et ma veine la plus vitale, celle qui pompait le sang jusqu’à mon cœur... P. 95

Les mots sont beaux, les phrases délicates et sensuelles, les métaphores joueuses, les personnages sublimés, les sentiments magnifiés, le livre profondément touchant.
 
Ce roman, c’est une magnifique histoire d’amour entre un homme et une femme, une complicité sans faille qui agit comme un cocon protecteur du monde :
 


Nos esprits dévastés se braillaient l’un à l’autre la même phrase par le canal du regard, en boucle, nous rendant sourds à tout ce qui nous entourait. P. 93

Théo, le lutin, et Sarah, le moineau, sont attendrissants à l’envie. Ils sont éminemment romantiques et ne peuvent que nous transporter avec l’euphorie, la fougue et l’énergie, qui les animent. 

Ce roman, c’est aussi un hymne à l’amitié. Le réseau d’amis proche résiste à tout, y compris la maladie. Il y a toute une galerie de personnages autour du couple, ils aident Sarah à vivre les événements, ils aident Théo à les surmonter.

Ce roman est d’une luminosité incroyable, il est porteur d’espoir dans tout ce qu’il a de plus beau.

Enorme coup de coeur.

Souvenez-vous des autres romans de cette sélection 2021 :

"Les orageuses" de Marcia BURNIER

"Ce qu'il faut de nuit" de Laurent PETITMANGIN

"Nos corps étrangers" de Carine JOAQUIM

"Avant elleJohanna KRAWCZYK

"Le premier Homme" de Raphaël ALIX

"Tant qu'il reste des îles" de Martin DUMONT

"Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE

Maintenant, musique !

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2021-03-15T19:20:21+01:00

Mars au féminin, tapis rouge pour Delia OWENS

Publié par Tlivres
Mars au féminin, tapis rouge pour Delia OWENS

Dans les pas de Flo and books, et pour cette édition 2021 du mois de #marsaufeminin, j'ai choisi de dérouler le tapis rouge à Delia OWENS.

La plume de cette écrivaine, je l'ai découverte avec "Là où chantent les écrevisses" chez Seuil éditions, un formidable coup de coeur.

Ce premier roman a reçu un accueil retentissant aux Etats-Unis.

Nous sommes le 30 octobre 1969, un homme est retrouvé mort, dans le marais, au pied de la tour de guet. C'est le corps de Chase Andrews, le fils unique d'un couple connu à Barkley Cove pour sa réussite avec le garage, la Western Auto. Marié, beau garçon, Chase avait le monde à ses pieds. Le marais, c'était son terrain de jeu. Il y bravait les courants avec son hors-bord. Dans sa jeunesse, il avait passé beaucoup de temps avec Kya, une fille de son âge, abandonnée de tous dès sa plus tendre enfance. La première à quitter le foyer avait été sa mère. En 1952, n'en pouvant plus de recevoir les coups de son alcoolique de mari, Ma avait pris sa valise et, sous les yeux  de l'enfant, s'en était allée, sans se retourner. Et puis, ce fut le tour de la fratrie, même Jodie, le frère, n'avait pas résisté à l'attrait d'un ailleurs. Et encore, le père. Si, au début, il passait quelques nuits par semaine à la cabane, un jour, il n'était plus revenu. Enfin, Tate. Le garçon l'avait guidée un soir qu'elle s'était perdue. Leur amitié n'avait pas résisté aux études universitaires du jeune homme. Kya, qui n'avait que 7 ou 8 ans, avait d'abord vécu des vivres qu'il restait à la maison, et puis, elle avait dû prendre la barque du père, se rendre au village, échanger les moules, qu'elles ramassait à l'aube, avec quelques denrées de première nécessité. C'est là qu'elle avait fait connaissance avec Jumping et sa femme, Mabel. Lui, vendait du carburant pour les bateaux, elle, avait pris la petite de pitié, c'était la seule à voir dans la Fille du marais, un être humain, une enfant, celle que le village tout entier méprisait. Loin de tous, Kya avait voué un amour fou à la nature. Elle s'était gorgée des baignades en eaux douces, enivrée de la beauté des paysages et comblée de sa relation aux oiseaux. De là à penser que ça soit Kya qui ait tué Chase, il n'y a qu'un pas, à moins que...

Delia OWENS est une zoologue qui a consacré sa carrière à la nature et aux animaux, aux Etats-Unis, en Afrique pendant une vingtaine d'années. J'ai été émerveillée, je dois le dire, par les descriptions de la  faune et de la flore des marais. ll suffit de regarder la première de couverture pour s'en convaincre. Un grand échassier, un poisson dans son bec, se tenant droit, l'oeil fixe, occupe le premier plan. La feuille d'un arbrisseau, sortant de l'eau, s'y fait une place, aussi, avec des couleurs chatoyantes. Et puis, venue de nul part, cette main posée sur le cou de l'oiseau, une image surnaturelle ! Je la trouve somptueuse.

J'ai profondément aimé, aussi, accompagner Kya dans son parcours initiatique. "Là où chantent les écrevisses" est un roman d'apprentissage, c'est celui d'une enfant qui s'est construite dans la solitude. Kya, on la découvre à l'âge de 6 ans. Très vite, elle doit satisfaire ses propres besoins, à commencer par celui de manger. Et puis, elle va faire des rencontres. Il est beaucoup question d'apprivoisement dans ce roman, avec les oiseaux mais aussi avec les hommes. 

Enfin, je suis tombée sous le charme de la narration de ce roman. Il y a une alternance des temporalités, un pari audacieux, parfaitement réussi. Le temps défile, d'une part, à partir de 1952, date du départ de Ma, et d'autre part, 1969, date du décès constaté de Chase. Il y a une alternance du rythme aussi. Quand les journées paraissent une éternité à observer l'univers des marais, elles s'accélèrent avec l'enquête menée autour du meurtre présumé où là, chaque heure devient déterminante. 

Ce roman, c'est un page-turner, savamment ponctué par de la poésie. 

Pour ce livre, Delia OWENS s'est associée à Marc AMFREVILLE pour la traduction en français. Le résultat est grandiose.

Delia OWENS mérite bien son hashtag #femmesdelettresalhonneur (initié par Moonpalaace) tout comme Yoko OGAWA, Claire BEREST, Anne DE ROCHAS, Carine JOAQUIM,

et puis Alexandra KOSZELYK, Sandrine COLLETTE, Angélique VILLENEUVE, Louise MEY, Catherine ROLLAND, Carole ZALBERG, Marie CHARVET, Fatou DIOME, Adelaïde BON et Johanna KRAWCZYK.

 

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2021-03-07T16:27:19+01:00

Mars au féminin, tapis rouge pour Catherine ROLLAND

Publié par Tlivres
Mars au féminin, tapis rouge pour Catherine ROLLAND

Dans les pas de Flo and books, et pour cette édition 2021 du mois de #marsaufeminin, j'ai choisi de dérouler le tapis rouge à Catherine ROLLAND.

Sa plume, je l'ai découverte avec « Le cas singulier de Benjamin T. », un énorme coup de coeur. Rien que l'évoquer suffit à me faire frissonner.

Et puis, il y a un an, il y a eu « La Dormeuse », un roman d'une profonde intensité.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Sofia Loison est en entretien d'embauche pour un poste d’aide-ménagère. La posture et les échanges avec son recruteur, Léo, l'interpellent. Sofia découvrira qu'il s'agit du neveu de Marie Montès et son mari, Tiago, vivant dans une maison troglodyte de Touraine, et chez qui l'aide-ménagère est censée intervenir. Sofia n'est pas au bout de ses surprises. Elle comprend très vite que bon nombre de personnes se sont déjà collées à la mission mais n'ont pas résisté à la forte personnalité de Marie. La voilà prévenue. Quant à la mission réelle, elle est un brin en décalage avec celle annoncée ! Parallèlement, une enfant disparaît lors d'un séjour familial à Pompéi, l'enfant de 6 ans a quitté la caravane. Elle sera retrouvée quelques années plus tard dans des conditions aussi mystérieuses que sa disparition. Devenue adulte, elle décide de partir en quête de souvenirs. Pompéi, il fut un temps où la cité n'était pas encore ensevelie. En août 79, les hommes et les femmes y vivaient sereinement. Ils ne savaient pas encore que leur temps était compté.

Vous avez, là, les petites graines savamment semées par une écrivaine à l'imagination débordante. Une nouvelle fois, elle m'a conquise. Le jeu des narrations est prodigieusement orchestré. Trois histoires s'entrecroisent à deux mille ans d'intervalle sans qu'à aucun moment vous ne perdiez pied, le tout dans une rythme frénétique. Je n'ai pas vu les 480 pages passer et encore, j'en redemande !  

Catherine ROLLAND a de l'énergie à revendre. Alors, quand elle ne travaille, elle écrit, et quand ce ne sont pas des romans, ce sont des chroniques, des nouvelles, bref, tout un tas de pépites qu'elle nous propose sur un site internet, rien de moins. N'hésitez pas à le visiter !

Complètement sous le charme de cette plume, j'attends maintenant avec impatience, j'ose le dire, son prochain roman annoncé au printemps. « Les inexistants » est un roman qui sortira chez BSN Press, une maison d’édition suisse spécialisée dans le roman noir et le polar, ça promet d'être haletant !

Catherine ROLLAND mérite bien son hashtag #femmesdelettresalhonneur (initié par Moonpalaace)

après

Sandrine COLLETTE

Carole ZALBERG

Marie CHARVET

Angélique VILLENEUVE

Fatou DIOME

Adélaïde BON

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2021-02-13T07:00:00+01:00

Les coeurs inquiets de Lucie PAYE

Publié par Tlivres
Les coeurs inquiets de Lucie PAYE

Gallimard

Il y a "Lui", un homme dont on ne connaît pas l'âge, juste qu’il vivait sur l’ile Maurice avant de rentrer sur Paris. Après la crise cardiaque de son père, il n’avait plus rien qui le maintenait là-bas. Il s’est installé dans la capitale qui l’a vu naître. Il a dû y rester jusqu’à l’âge de trois ans. Il est artiste peintre. Il s’est trouvé un appartement qui est aussi son atelier, à moins que ça ne soit l’inverse. Il cherche l’inspiration. Une femme s’impose à lui. Il n’arrive pas à la saisir, il essaie encore et encore, l’apprivoise.

Et puis il y a "Elle", une femme à qui le médecin a annoncé que son temps était compté, un an. Avec le compte à rebours, elle exprime sa dernière volonté, lui écrire.

Ce roman, comme tous ceux des 68 Premières fois, est arrivé dans ma boîte aux lettres. Je me suis réjouis de sa lecture parce que les fées veillent toujours sur de beaux berceaux, mais je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Et je me suis prise au jeu. En quelques pages, j’étais partie, happée par l’ambiance.

Ce roman, c’est d’abord un roman d’atmosphère, il y a le décor, décrit avec beaucoup de précisions, il y a les empreintes des états d’âmes aussi. Pour "Elle" :


Je me souviens en particulier d’une fois où, assis à la petite table rouge, tu dessinais avec une telle concentration que tu ne m’avais pas vue entrer. Encore aujourd’hui, cette image est plus vive qu’une photographie que j’aurais sous les yeux. P. 65

Pour "Lui", c’est son atelier qui est à l’image des sentiments qui le traversent, le sol jonché de lambeaux de toiles passées, lacérées, marqué par des traces de fusain écrasé, piétiné.


Encore aujourd’hui, il se souvient parfaitement de ce sourire et de sa douce brûlure. P. 47

Il y a la nuit aussi qu’il laisse pénétrer et ses invités, les ombres, les silhouettes étrangères des logements d’en face qu’il cherche à percer.

Et puis, il y a cette femme dont on devine le tracé, un dessin succinct que l’artiste cherche à approfondir. J’ai été captivée par l’inspiration du peintre, ce personnage qui s’invite dans son esprit, le hante... jusqu’à la maîtrise de son sujet !

Enfin, il y a la puissance des mots, renforcée par la construction narrative à deux voix. J’ai été profondément touchée par la lenteur du propos et le brouillard des sentiments qui progressivement se dilue. L’histoire est sublime, éminemment douloureuse, un amour nourri de l’absence, de souvenirs... mais un immense amour !


Mais comme on peut croire sans voir, on peut aimer sans toucher. P. 116

La plume est délicate, les mots d’une sensibilité éprouvante, les phrases d’une langueur douce et rêveuse, le roman d’une beauté merveilleuse, la fin émouvante.

Je suis tombée sous le charme de ce premier roman.

Parce qu'il n'y a pas de bal des 68 Premières fois sans musique, alors, pour accompagner "Les coeurs inquiets" de Lucie PAYE, je vous propose « Ton absence » de Benjamin BESSEI...

Petit récapitulatif de mes lectures de la sélection 2021 des 68 Premières fois

Tant qu'il reste des îles de Martin DUMONT 

et les notes de musique de "La Marine" de Georges BRASSENS

 

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2020-05-30T13:15:16+02:00

Là où chantent les écrevisses de Delia OWENS

Publié par Tlivres
Là où chantent les écrevisses de Delia OWENS

Seuil éditions

Aujourd'hui, je vous propose de partir en voyage, en Caroline du Nord.

Nous sommes le 30 octobre 1969, un homme est retrouvé mort, dans le marais, au pied de la tour de guet. C'est le corps de Chase Andrews, le fils unique d'un couple connu à Barkley Cove pour sa réussite avec le garage, la Western Auto. Marié, beau garçon, Chase avait le monde à ses pieds. Le marais, c'était son terrain de jeu. Il y bravait les courants avec son hors-bord. Dans sa jeunesse, il avait passé beaucoup de temps avec Kya, une fille de son âge, abandonnée de tous dès sa plus tendre enfance. La première à quitter le foyer avait été sa mère. En 1952, n'en pouvant plus de recevoir les coups de son alcoolique de mari, Ma avait pris sa valise et, sous les yeux  de l'enfant, s'en était allée, sans se retourner. Et puis, ce fut le tour de la fratrie, même Jodie, le frère, n'avait pas résisté à l'attrait d'un ailleurs. Et encore, le père. Si, au début, il passait quelques nuits par semaine à la cabane, un jour, il n'était plus revenu. Enfin, Tate. Le garçon l'avait guidée un soir qu'elle s'était perdue. Leur amitié n'avait pas résisté aux études universitaires du jeune homme. Kya, qui n'avait que 7 ou 8 ans, avait d'abord vécu des vivres qu'il restait à la maison, et puis, elle avait dû prendre la barque du père, se rendre au village, échanger les moules, qu'elles ramassait à l'aube, avec quelques denrées de première nécessité. C'est là qu'elle avait fait connaissance avec Jumping et sa femme, Mabel. Lui, vendait du carburant pour les bateaux, elle, avait pris la petite de pitié, c'était la seule à voir dans la Fille du marais, un être humain, une enfant, celle que le village tout entier méprisait. Loin de tous, Kya avait voué un amour fou à la nature. Elle s'était gorgée des baignades en eaux douces, enivrée de la beauté des paysages et comblée de sa relation aux oiseaux. De là à penser que ça soit Kya qui ait tué Chase, il n'y a qu'un pas, à moins que...

Si j'ai l'habitude de lire des premiers romans, notamment avec les 68 Premières fois que je salue, il est moins fréquent qu'ils soient étrangers. Celui que je vous présente est l'oeuvre d'un formidable duo, Delia OWENS, une dame d'un âge respectable dirons-nous, une américaine, zoologue, qui a consacré sa carrière à la nature et aux animaux, aux Etats-Unis, en Afrique pendant une vingtaine d'années, et Marc AMFREVILLE, pour la traduction en français. Le résultat est grandiose.

Ce livre, d'abord, c'est une première de couverture somptueuse. Un grand échassier, un poisson dans son bec, se tenant droit, l'oeil fixe, occupe le premier plan. La feuille d'un arbrisseau, sortant de l'eau, s'y fait une place, aussi, avec des couleurs chatoyantes. Et puis, venue de nul part, cette main posée sur le cou de l'oiseau, une image surnaturelle !  

Ce roman, c'est aussi un titre qui nous met sur la voie...


Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux. P. 151

J'ai été émerveillée, je dois le dire, par les descriptions de la  faune et de la flore des marais. Je vous en livre les premières lignes :

"Un marais n'est pas un marécage. Le marais, c'est un espace de lumière, où l'herbe pousse dans l'eau, et l'eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu'à la mer, et des échassiers s'en envolent avec une grâce inattendue - comme s'ils n'étaient pas faits pour rejoindre les airs - dans le vacarme d'un millier d'oies des neiges. Puis, à l'intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu'elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l'eau des marécages est sombre et stagnante. Même l'activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c'est au coeur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie." 

J'ai adoré côtoyer le temps d'une lecture le jeune aigle d'Amérique, le phaéton, le cygne siffleur, le héron de nuit... Je ne me souviendrai pas de tous ces noms d'oiseaux bien sûr, mais je garderai longtemps, en mémoire, les images qu'a instillé dans mon esprit l'écrivaine avec ses séduisantes descriptions. Sous la plume de Delia OWENS, un vol de mouettes et goélands devient inoubliable. Avec subtilité et talent, Delia OWENS nous initie à l'ornithologie, un registre de la zoologie qu'elle connaît bien. Si les oiseaux peuvent être admirés par des amateurs dans le cadre de leurs loisirs, ils sont aussi appréhendés par des scientifiques, peu nombreux dans le monde, qui s'attachent à découvrir les animaux dans leur état naturel. Comme l'on dit, tout ce qui est rare est précieux, c'est aussi comme ça que j'ai lu le livre de Delia OWENS, une professionnelle qui a su, dans un roman, pour la première fois, transmettre tout un champ de son savoir.

J'ai profondément aimé, aussi, accompagner Kya dans son parcours initiatique. "Là où chantent les écrevisses" est un roman d'apprentissage, c'est celui d'une enfant qui s'est construite dans la solitude. Kya, on la découvre à l'âge de 6 ans. Très vite, elle doit satisfaire ses propres besoins, à commencer par celui de manger. Et puis, elle va faire des rencontres. Il est beaucoup question d'apprivoisement dans ce roman, avec les oiseaux mais aussi avec les hommes. 


Continua de regarder dans la direction du bateau comme un cerf examine les traces qu’a laissées une panthère dans les broussailles qu’elle vient de quitter. P. 207

ll y a eu Tate, ce jeune pêcheur qui, après un service rendu, s'est progressivement approché de la Fille des marais. Il y a eu le jeu des échanges de plumes et puis, l'apprentissage de la lecture. 


Grâce à la gentillesse de ce garçon, l’amour qu’elle éprouvait pour le marais allait devenir son œuvre, la source même de sa vie. Chaque plume, chaque coquillage, chaque insecte qu’elle ramasserait ferait désormais l’objet d’un partage avec les autres [...]. P. 284/285

Pour celles et ceux qui aiment les livres avec ce qu'ils véhiculent de savoir et les portes ouvertes sur le monde, vous allez fondre, j'en suis certaine.  

Enfin, je suis tombée sous le charme de la narration de ce roman. Il y a une alternance des temporalités, un pari audacieux, parfaitement réussi. Le temps défile, d'une part, à partir de 1952, date du départ de Ma, et d'autre part, 1969, date du décès constaté de Chase. Il y a une alternance du rythme aussi. Quand les journées paraissent une éternité à observer l'univers des marais, elles s'accélèrent avec l'enquête menée autour du meurtre présumé où là, chaque heure devient déterminante. 

Ce roman, c'est un page-turner, savamment ponctué par de la poésie. Et oui, Delia OWENS offre au fil des pages quelques vers comme autant de parenthèses d'une beauté remarquable. En guise d'amuse-bouche : 

"Mouette blessée à Brandon Beach
Tu dansais dans le ciel, âme aux ailes d'argent, 
Et tu éveillais l'aube de tes cris perçants.
Tu suivais les bateaux, affrontais l'océan
Avant de capturer et de m'offrir le vent."

Les poèmes sont d'Amanda HAMILTON, auteure ou personnage de fiction, je ne sais pas, mais les textes sont très beaux et viennent encore donner du poids à un roman qui a tout d'un coup de coeur. Et oui, j'ai craqué !

Ce roman, c'est un cadeau. Que la personne qui a eu la délicate attention de me l'offrir en soit chaleureusement remerciée. Quelle belle idée !

Je vous propose de terminer en musique. Delia OWENS fait référence à Miliza KORJUS, qui a assurément existé, elle. C'est une  chanteuse d'opéra, une actrice polonaise et estonnienne. 
 

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2020-03-28T11:22:22+01:00

Yonah ou le chant de la mer de Frédéric COUDERC

Publié par Tlivres
Yonah ou le chant de la mer de Frédéric COUDERC

Editions Héloïse d’ORMESSON

 

Ce roman est arrivé dans ma boîte aux lettres, un joli cadeau des éditions Héloïse d’Ormesson que je remercie chaleureusement.

 

Frédéric COUDERC, dont je découvre la plume, nous emmène à Tel-Aviv. Là-bas se tourne un biopic sur Abie NATHAN, un pacifiste israélien décédé en 2008. Zeev STEIN, l’un de ses amis de tout temps, vit avec sa femme Hélène. Leurs quarante années de mariage sont célébrées dans le faste dans leur luxueuse maison de Tel-Aviv. Leur fille Yonah fait partie des invités, elle est avec ses enfants, Iris et Noam. Elle est divorcée. Rafaël, leur fils, n’est pas là. Il est porté disparu depuis plus de 5 ans. Il s’est rapproché des ultra-orthodoxes. Sa radicalisation l’a éloigné de sa famille noyée, depuis, dans le chagrin. C’est bien connu, l’argent ne fait pas le bonheur, alors, quand le père, avocat, va lancer une initiative pour le retrouver et le ramener à la raison, c’est une toute nouvelle page de l’histoire familiale qui va s’écrire !

 

Ce roman, je vous l’avoue, j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans, non pas à cause de l’écriture de Frédéric COUDERC, mais bien de cette crise sanitaire effroyable qui sévit dans le monde entier, y compris la France. Pour autant, j’ai persévéré et j’ai bien fait.

 

Il y a notamment cette scène qui m’a rappelé que tout est toujours possible et la littérature est là pour nous le confirmer. Rafaël est de retour à la table familiale, j’ai été profondément touchée par l’initiative de cette mère, louve. Je ne vous en dirai pas plus bien sûr. Vous la découvrirez vous-même !

 

Beaucoup d’émotion aussi en lisant ces quelques mots qui résument tout en beauté la paternité :


Il sourit en pensant à toutes les raisons pour lesquelles un père est un père. Cet émerveillement depuis la naissance, ce cœur à cœur, cet amour inaliénable, comme si rien d’autre n’existait. P. 298

Et puis, avec ce roman, j'ai plongé au coeur du conflit israélo-palestinien. Je me suis laissée porter par les aventures de l’acteur, Orlando Dito Beck,  interprétant Abie Nathan, l’occasion de se focaliser un temps sur les exigences du métier de comédien et de l'interprétation en particulier d'un personnage qui a existé :


Pour un acteur, entrer en scène, c’est se jeter dans le vide, s’exposer brutalement. P. 133

Enfin, ce roman, inspiré donc d’une histoire vraie, revisitée pour l'occasion sous la plume de Frédéric COUDERC, concourt au devoir de mémoire de cette page de l’Histoire et du rôle qu’a joué Abie NATHAN notamment avec Voice of peace. Je ne connaissais pas cette radio installée en mer et qui, en 1973, comptait pas moins de 30 millions d'auditeurs. Abie NATHAN souhaitait que le bateau soit un outil de pacification, malheureusement, ses tentatives seront vaines. 

 

L’écrivain réussit parfaitement à lier fiction et réalité, mêler une petite histoire à celle qui s’écrit en majuscule, le tout dans un roman haletant.
 

Comme vous le savez, je ne lis plus jamais les 4èmes de couvertures des livres. Je leur préfère de beaucoup les premières lignes. Dans ce cas très précis, si vous relisez celle de « Yonah ou le chant de la mer », elles vous mettront sur la voie d’une chute absolument remarquable. Bravo, elle est éblouissante.

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2020-03-24T07:00:00+01:00

Yonah ou le chant de la mer de Frédéric COUDERC

Publié par Tlivres
Yonah ou le chant de la mer de Frédéric COUDERC

Mon #mardiconseil est le tout dernier roman de Frédéric COUDERC : "Yonah ou le chant de la mer" sorti en librairie le 5 mars dernier. Il est publié aux éditions Héloïse d'ORMESSON, que je remercie chaleureusement pour l'envoi.

Comme j’en ai pris l’habitude maintenant, je vous en propose aujourd’hui les premières lignes, histoire de planter le décor...

"Un vent léger montait de la mer. Des bourrasques tièdes s'enroulaient autour des arbres, caressaient les racines aériennes des ficus, aux cimes les feuilles tremblaient, projetant des ombres sur les façades blanches et arrondies des immeubles Bauhaus. Les oiseaux du crépuscule survolaient le vaste toit-terrasse et ici, la fête commençait. Les Stein comptaient sur la présence d'une centaine d'amis. Une bonne moitié se pressait dans la cage d'escalier au plâtre poli avec incrustation de nacre. Les formes géométriques de la maison blanche, cette fluidité horizontale, les laissaient surgir à l'air libre, les uns après les autres."

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2020-03-21T11:05:04+01:00

Mars au féminin, tapis rouge pour Caroline LAURENT

Publié par Tlivres
Mars au féminin, tapis rouge pour Caroline LAURENT

Dans le sillon de Moonpalaace et Floandbooks, je poursuis la déclinaison de #marsaufeminin avec Caroline LAURENT.

Il y a quelques années encore, je ne connaissais pas cette brillante personne.

Il aura fallu l'association des 68 Premières fois (j'en profite pour embrasser chaque membre très affectueusement !) pour me mettre sur la voie de son premier roman "Et soudain, la liberté", un roman écrit pour partie à quatre mains avec Evelyne PISIER.

Et puis, il y a eu la sortie, toujours chez Les Escales, lors de cette rentrée littéraire de janvier 2020, de "Rivage de la colère", un énorme coup de coeur en la faveur d'un peuple déporté à la fin des années 1960 au prix d'une effroyable transaction entre ceux qui détiennent le pouvoir, de vie et de mort, sur les autres. Peut-être avez-vous entendu parler des Chagossiens ? Caroline LAURENT s'évertue à leur donner de la voix et les sortir de l'ombre pour leur permettre de regagner leur dignité, à défaut de leurs terres. Ce roman, je vous le conseille absolument, il nous permet de découvrir une page de notre Histoire, celle-là même qui n'entrera dans les manuels scolaires (si un jour elle daigne le faire) que dans des décennies !

Avant que cette crise sanitaire du Covid19 ne nous confine chacun chez nous, la Librairie Richer ( dont je salue chaleureusement toute l'équipe) avait eu la formidable idée de l'inviter sur Angers. Nous avions partagé ce moment de bonheur avec un public émerveillé par ses mots, un très beau moment de littérature dans la simplicité et la chaleur humaine dont Caroline LAURENT a le secret. Aujourd'hui, dans les mains d'une autre Caroline (que j'embrasse tendrement), "Rivage de la colère" attend son heure avec un joli message d'une très belle tendresse dont nous avons tous besoin plus que jamais. En choisissant le graffiti de Banksy pour orner mes coups de coeur 2020, je ne savais pas encore que l'espoir serait notre fil d'ariane des semaines à venir...

Et enfin, Caroline LAURENT, c'est une éditrice, elle travaille aux éditions Stock et est à la tête de la collection "Arpèges". Vous vous souvenez de Caroline CAUGANT bien sûr, mon coup de coeur pour "Les heures solaires", c'était elle aussi !

Caroline LAURENT, c'est une femme qui donne beaucoup de temps pour les autres. Qu'elle puisse, elle aussi, bénéficier de la bienveillance et de la reconnaissance, pure et simple, de sa personne et de son talent. Mais, à en croire la tribune de France Info du 6 février dernier, le monde de l'édition est également concerné par les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, qui aurait crû d'ailleurs que ce domaine puisse en être exclu !

Vous comprendrez donc l'émotion que je ressens aujourd'hui à l'écriture de ce billet. Très chère Caroline, je te souhaite tout le meilleur du monde. Porte toi bien, reste chez toi, et prépare nous une rentrée littéraire de folie, nous sommes dans les starting blocks ! 

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2020-03-10T17:52:07+01:00

Une fille de passage de Cécile BALAVOINE

Publié par Tlivres
Une fille de passage de Cécile BALAVOINE
 
Mon #mardiconseil, c’est le second roman de Cécile Balavoine dont j’ai découvert la plume grâce aux fées des 68 Premières fois. Coup de cœur pour "Maestro".
 
Place maintenant à "Une fille de passage".
 
La narratrice, Cécile, a 25 ans. Après avoir passé une année à Salzbourg, elle étudie à New York et s’installe avec Liv et Darian, chez Serge DOUBROVSKY, écrivain, professeur de théâtre classique à la New York University. Juif de 70 ans, il est né d’un père Ukrainien, tailleur. Il ne doit sa vie qu’à des personnes qui ont bien voulu le cacher, lui, ses parents et sa sœur, dans une cave pendant la seconde guerre mondiale. Malade d’une tuberculose, il a perdu l’ouïe de l’une de ses deux oreilles. Cet homme, Cécile le vénère pour l’autofiction dont il est le père. Peu à peu, elle découvre son intimité, sa première femme, d’origine autrichienne, suicidée, qui hante les nuits de l’étudiante.


Il M semblait qu’elle se glissait vers moi par ondoiements, s’infiltrait sous les portes fermées, longeait les plinthes et se logeait au creux de mon corps recroquevillé sur le matelas. P. 29

Et puis, au fil du temps, se construit lentement une nouvelle relation...
 
Avec ce roman, j’ai retrouvé l’atmosphère intimiste de « Maestro », une relation entre un homme qui agit comme un mentor sur une femme qui l’adule. Les deux générations qui les séparent et leurs statuts respectifs confortent la dominance masculine sur une jeune femme subjuguée par les connaissances et le charisme de l’individu. Elle sait que des femmes se sont succédées à ses côtés mais elle, c’est différent


C’était comme une revanche sur la mort, un instinct d’existence. Je savais parfaitement que le désir s’arrêtait là, dans la région du cœur, je le sentais, rien ne frémissait en deçà. P. 118

jusqu’au jour où il y a cet instant de rupture.
 
Le rythme est lent, les mots doux. Cécile BALAVOINE prend son temps pour évoquer cette relation naissante et induit progressivement de la confusion entre homme et femme. C’est un roman de la nuance, la subtilité, l’entre-deux, l’interprétation... tout se joue à pas grand chose ou presque tout !
 
Il y a l’environnement de l’appartement aussi, la disparition des tours jumelles, la cicatrice urbaine :


Et moi, je voyais pour la première fois la béance que formaient désormais ces deux tours disparues depuis son grand bureau. P. 163

La population juive est incarnée par Serge DOUBROVSKY bien sûr mais aussi par Fernande, cette femme commerçante rencontrée lors de la recherche d’un cadeau pour enfant et puis, la menace de la déportation.


J’imaginais comment l’étoile avait été cousue, autrefois à son manteau d’hiver. Je m’accrochais du regard à ce fil auquel avait tenu sa vie, une jeune vie qui aurait pu s’achever dans les cendres. P. 42

Enfin, cerise sur le gâteau pour ceux qui aiment la littérature, est abordé le registre de l’auto fiction, celui-là même qui donne lieu aujourd’hui à de nombreux romans. Tantôt dans le rôle de l’écrivain, tantôt dans celui du personnage de roman, les deux facettes sont amenées de façon ingénieuse pour en mesurer toute la fragilité. Audacieux mais parfaitement réussi. Assurément, Cécile BALAVOINE a été à bonne école, elle nous livre ici un roman dans lequel elle conforte la puissance de sa plume.
 
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman. Merci infiniment aux éditions Mercure de France.
 
Cette chronique est aussi l’occasion d’un petit clin d’œil à Amélie de l’institut Au cœur des soins.

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2020-03-06T15:07:47+01:00

Une fille de passage de Cécile Balavoine

Publié par Tlivres
Une fille de passage de Cécile Balavoine

Ma #vendredilecture est le deuxième roman de Cécile Balavoine publié chez Mercure de France, sorti en librairie hier.

La plume de Cécile Balavoine, je l’ai découverte avec « Maestro », un premier roman naturellement repéré par les fées des 68 Premières fois, un coup de cœur me concernant. Pour lire, la chronique, un simple clic suffit : http://tlivrestarts.over-blog.com/2017/04/maestro-de-cecile-balavoine.html

Comme j’en ai pris l’habitude maintenant, je vous en propose aujourd’hui les premières lignes, histoire de vous mettre l’eau à la bouche...

 

« C’était la première fois qu’il m’invitait. J’avais sonné, les bras chargés de soleils. Sa voix s’était aussitôt fait entendre. Il me priait d’entrer. J’avais trouvé la porte entrebâillée et lui assis sur le grand canapé du salon, pliant le New York Times. Il s’était levé, s’était saisi des fleurs, un peu surpris, les avait disposées dans  le vase en cristal qu’il était allé chercher dans un placard de la cuisine, ce que j’avais pu observer puisque ladite cuisine n’avait pas de porte et qu’une large ouverture, sorte de bar, la reliait au salon. Puis, posant le bouquet sur une vieille table en chêne, placée sous un lustre en étain, il m’avait demandé quelle chambre je comptais choisir. »

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2020-02-28T08:00:00+01:00

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes d’Alain GIORGETTI

Publié par Tlivres
Photo prise "Au coeur des soins"

Photo prise "Au coeur des soins"

Alma éditeur

La rentrée littéraire de janvier 2020 nous réserve de très belles surprises comme ce premier roman d’Alain GIORGETTI dont la plume est absolument remarquable.

Adèm est allongé, dans le noir, au bord de la mer. Il nous parle d'espoir, d’attente aussi, du jour, de la nuit, de la vie, de la mort. On soupçonne dès les premières lignes qu’il n’est pas là, en vacances, et qu’il ne sort pas d’un bain de minuit, non, sa situation est tragique et effroyable mais là commence toute l’histoire.

Alain GIORGETTI s’est largement inspiré de la photographie du petit Aylan, 3 ans, kurde, découvert mort sur une plage de Turquie, le 2 septembre 2015, largement médiatisée. 

Porté par cette photographie, l'écrivain nous plonge au coeur d'un homme, il nous en livre une véritable introspection. Au fil de la vie du garçon, le narrateur, qui, avec sa soeur, sont tous deux écorchés par la vie dès l'enfance, élevés par leurs grands-parents, en partance pour un avenir meilleur, Alain GIORGETTI va égrainer les sentiments comme autant de perles venant composer un collier. Tour à tour, il va décrire les moments de joie, d'intense bonheur, de complicité, de chaleur humaine, et puis ceux d'une profonde tristesse, du désarroi, de la peur, de l'ignominie humaine.  


La mémoire est un paradoxe vivant. Elle entasse les joies et les peines comme des bibelots sur des étagères. Impossible de faire correctement la poussière sans tout déplacer, sans rompre les liens invisibles dont elle est tissée. P. 15

Ces sentiments, ce sont ceux d'un jeune homme au parcours initiatique chahuté, ils pourraient être ceux de tous ces mineurs isolés qui font notre actualité.

L'écrivain évoque un pays d'origine en guerre, un pays où le droit de manifester contre le régime est réprimé, un pays où la dictature oblige les hommes à se taire. Il parle de la guerre, celle-là même qui réduit plus encore la condition des femmes :


Même lorsque la guerre n’est pas exactement la guerre, la violence pas exactement la violence, les femmes demeurent les premières victimes du pouvoir, quel qu’il soit nous avait dit un jour notre instituteur. P. 41

Si Alain GIORGETTI m'a profondément émue avec le destin de cette famille, il m'a aussi beaucoup touchée avec la vie du camp, organisée et hiérarchisée comme la vie en société. Cette lecture m’a profondément rappelée celle de "L'île des oubliés" de Victoria HISLOP. C’est un peu comme si l’humain, quel qu’il soit, où qu’il soit, incarnait naturellement la notion du pouvoir. Inlassablement, il y a les dominants et les dominés, les passeurs et les migrants, les manipulateurs et les victimes. Etre pieds et mains liés relève juste de l’indicible, et pourtant, Alain GIORGETTI trouve les mots, signe d’un immense talent.

L'auteur nous livre une odyssée, éminemment romanesque. Il fait du narrateur un personnage hors du commun, un héros, peu importe de quoi sera fait son avenir. Le roman est mené tambour battant, le rythme est soutenu, l'émotion à fleur de peau. La qualité de la plume est profondément belle, attendrissante et poétique à l'envi : 


Ma mémoire est comme neuve. Et je suis capable d’attraper le moindre souvenir au collet, que ce soit à l’aide d’une corde de piano ou d’une brindille, disait-elle. P. 247

Alain GIORGETTI honore le travail d’un photographe turc, Ozan KÖSE.

Mais je dois bien l'avouer, j'ai vu aussi dans ce roman un propos militant. Alain GIORGETTI a une bonne cinquantaine d'années, ma génération, il dénonce avec vigueur la société internationale du XXIème siècle, celle-là même qui continue d'oppresser les hommes, les oblige à affronter vents et marées, à la vie à la mort. J'ai été profondément touchée par ce plaidoyer, le cri du coeur d'un homme que l'actualité révulse et qui pourtant, porte un propos attendrissant sur l'humanité, éveillé qu'il est personnellement par le propos naïf d'une enfant, sa propre fille de 4 ans qui, au retour de l'école, lui raconte ce qui pourrait relever de l'anecdote... C'est une lecture coup de poing !

Une nouvelle fois, un immense bravo à cette maison, Alma éditeur, que je remercie pour ce très beau cadeau. Elle a du flair pour repérer de jeunes talents et permettre à des primo-romanciers de mettre en lumière leur écriture. Je souhaite à Alain GIORGETTI une très belle carrière d'écrivain, regardez ce que vit Lenka HORNAKOVA-CIVADE !

Cette chronique est l'opportunité d'un petit clin d'oeil à Amélie de l'Institut "Au coeur de soins", c'est dans son univers qu'a été prise la photo !

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2020-02-25T08:36:35+01:00

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes d'Alain GIORGETTI

Publié par Tlivres
La nuit nous serons semblables à nous-mêmes d'Alain GIORGETTI

Parce que cette rentrée littéraire de janvier 2020 nous réserve de très belles surprises, je vous propose aujourd'hui les premières lignes d'un premier roman, celui d'Alain GIORGETTI : "La nuit nous serons semblables à nous-mêmes". Mon #mardiconseil est publié chez Alma éditeur, une maison d'édition que j'affectionne tout particulièrement.

"Pour le moment, personne ne s'occupe de moi. Yeux écarquillés, bouche ouverte, je reste étendu sur le sol, face à la mer. Je suis là depuis longtemps, depuis des heures, depuis une éternité. Je me demande à quel moment le soleil va reprendre du poil de la bête, et le jour, du terrain face à la nuit. Je me demande si ces rideaux sombres finiront par bouger, par trembler, se tordre et rendre une dimension plus humaine au paysage. Pourquoi une pareille obscurité ? Pourquoi la lune s'est-elle totalement absentée du ciel, de la terre et de la mer ? Pourquoi cette nuit plutôt qu'une autre nuit ? Je me demande où est la fin, où est le commencement, le recommencement. Je ne comprends pas. J'espère juste qu'une aube ferme, et définitive, fourbit déjà ses armes au-delà de ce mur de charbon. J'espère qu'un rayon plus aiguisé, plus fort, poussera bientôt ses ondes clarifiées et ses lueurs vitales jusqu'à mes pieds nus."

Ce roman est d'une profonde intensité. Je reviens très vite avec une chronique complète.

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2020-02-22T07:00:00+01:00

Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Roulement de tambour s'il vous plaît pour mon 3ème coup de coeur de l'année. Après

"Rivage de la colère" de Caroline LAURENT

"Murène" de Valentine GOBY

voici venu

"Il est juste que les forts soient frappés" de Thibault BERARD,

un primo-romancier au talent fou repéré par l'équipe des éditions de l'Observatoire !

Il y a des romans qui vous prennent à la gorge dès les premières lignes, assurément, celui de Thibault BERARD fait partie de ceux-là. 

Sarah, la narratrice, est morte à l’âge de 42 ans. Elle se remémore son adolescence, sa première histoire d’amour avec un homme de 15 ans de plus qu’elle, ses actes de bravoure à l’encontre de la grande faucheuse. Si elle ne l’a pas emmenée lorsqu’elle avait vingt ans, Sarah était persuadée qu’elle viendrait la chercher avant la quarantaine. Elle l’a toujours dit à Théo, son amour, son lutin. Elle n’était donc pas surprise quand, à 38 ans, alors qu’elle est enceinte de 7 mois de son deuxième enfant, un garçon, le couperet tombe avec l’annonce d’une tumeur cancéreuse très mal placée la menaçant de mort imminente. Théo s’est battu comme un fou pour sauver son moineau mais il n’était pas de taille, les dés étaient jetés, les jours comptés, impossible de reculer.
 
Ce roman, je vous vois déjà vous dire, il n’est pas pour moi, et pourtant ! Thibault BERARD, éditeur chez Sarbacane, nous livre un hymne à la vie. Largement inspiré de son histoire personnelle, le propos de ce livre ô combien audacieux est un petit bijou de la littérature. Thibault BERARD aurait pu en faire un essai à l’image de ce qu’a livré Mathias MALZIEU dans son "Journal d'un vampire en pyjama", il a décidé d’en faire une fiction et c’est somptueusement réussi.
 
En ouvrant ce livre, vous acceptez de monter dans l’ascenseur émotionnel parfaitement maîtrisé par l’écrivain, vous allez vivre d’intenses moments de bonheur, vous envoler très haut, et puis, vous allez vivre des moments de grand désespoir, tomber très bas. 
 
Comme le disait très bien Thibault BERARD dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché » diffusée le vendredi 15 février, « nous sommes tous mortels, il n’y a de secret pour personne, alors vivons chaque instant de la vie comme un instant volé à la mort ». Je trouve que sa philosophie de vie est d’une effroyable justesse, nul doute qu’il a dû lui-même passer par mille et une épreuves pour pouvoir tenir aujourd’hui ce si beau discours.
 
Loin du pathos que j’avais soupçonné, l’écrivain surfe sur les références musicales et cinématographiques pour ponctuer le roman de formidables bouffées d’air. Les respirations artistiques comme cette citation « Welcome home, Mister Bailey. » extraite du film de Frank CAPRA « La vie est belle », sont autant de moyens de quitter cette réalité qui les assaille.
 
Et puis, il y a ce brin de fantaisie, cette fraîcheur d’esprit, tout ce qu’un jeune couple peut vivre d’original, de drôle, de fantasque, se retrouve dans la plume de ce primo-romancier. 


J’ai eu le temps de m’imaginer en cellule humanoïde fonçant à travers les artères de mon propre corps, butant sur cette immense masse noire gélatineuse qui m’aplatissait un poumon et ma veine la plus vitale, celle qui pompait le sang jusqu’à mon cœur... P. 95

Les mots sont beaux, les phrases délicates et sensuelles, les métaphores joueuses, les personnages sublimés, les sentiments magnifiés, le livre profondément touchant.
 
Ce roman, c’est une magnifique histoire d’amour entre un homme et une femme, une complicité sans faille qui agit comme un cocon protecteur du monde :
 
 


Nos esprits dévastés se braillaient l’un à l’autre la même phrase par le canal du regard, en boucle, nous rendant sourds à tout ce qui nous entourait. P. 93

Théo, le lutin, et Sarah, le moineau, sont attendrissants à l’envie. Ils sont éminemment romantiques et ne peuvent que nous transporter avec l’euphorie, la fougue et l’énergie, qui les animent. Le premier chapitre s’intitule « VLOUSH ! », mais je ne vous ai encore presque rien dit !
 
Ce roman, c’est aussi un hymne à l’amitié. Le réseau d’amis proche résiste à tout, y compris la maladie. Il y a toute une galerie de personnages autour du couple, ils aident Sarah à vivre les événements, ils aident Théo à les surmonter.


« Vivre libre », ça n’existe pas, c’est du vent - le premier mot tue le second comme une plante grimpante en étouffe une autre. P. 183

Ce roman est d’une luminosité incroyable, il est porteur d’espoir dans tout ce qu’il a de plus beau.

Quand j'ai choisi le graffiti de Banksy pour orner mes coups de coeur de 2020, je ne savais pas qu'il illustrerait à merveille celui-là aussi. Un sans faute depuis le début de l'année !

Mais pour que cette chronique soit complète, impossible de vous quitter sans partager avec vous « I Don’t Want To Miss A thing » par Aerosmith, l’une des nombreuses références de Théo, enfin, Thibault BERARD, quoi ! Elle risque de vous faire craquer...

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2020-02-18T07:00:00+01:00

Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Publié par Tlivres
Il est juste que les forts soient frappés de Thibault BERARD

Mon #mardiconseil c'est le tout dernier roman de Thibault BERARD "Il est juste que les forts soient frappés" publié aux éditions de L'Observatoire.

Énorme coup de cœur de cette rentrée littéraire de janvier 2020.

Je vous en livre aujourd’hui les toutes premières lignes :

 

 « J’imagine que vous serez d’accord : ce que tout le monde veut, dans la vie, c’est laisser une trace, non ? Résister à l’oubli éternel ?

 

Eh bien le scoop, mes amis, le truc pas croyable que je vais vous annoncer ici, dans ces pages et même dès la première ligne, c’est que le but ultime de tout le monde, dans la mort, c’est exactement l’inverse : se faire oublier des vivants. Couper le cordon une bonne fois avant l’avant pour, enfin, accéder à cette absolue félicité, ce repos parfait des sens et de l’esprit dont on nous rebat les oreilles depuis des siècles et des siècles. 

 

Avouez que ça remet les choses en perspective.

 

Moi-même, j’ai mis un moment à comprendre ça et, quand j’ai fini par y arriver, je me suis décidée à en faire quelque chose, histoire que ça vous rentre dans le crâne, pour « le jour où » (parce que, vous le savez, ou alors il serait temps, ce sera votre tour à un moment ou un autre).

 

Décidée avec un « e », ça n’a pas échappé aux premiers de la classe, parce que je suis une fille, enfin une femme. J’étais une femme quand je suis morte – une jeune femme, 42 ans, ça vous donne déjà une idée de l’ampleur du drame à venir. »

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2020-02-07T19:03:54+01:00

Disparaître de Mathieu MENEGAUX

Publié par Tlivres
Disparaître de Mathieu MENEGAUX

Editions GRASSET

Vous avez passé une semaine de M..., vous voulez disparaître ? Mathieu MENEGAUX a quelque chose pour vous !

Après  « Je me suis tue » « Un fils parfait » « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? », l'écrivain nous revient avec "Disparaître".

Je sais, c'est noir, mais c'est bien le registre dans lequel l'auteur confirme son style. Je vous livre les toutes premières lignes :

"Paris - Les Abbesses

Un silence brutal vient de s'abattre sur les Abbesses. Quelques instants auparavant, la rue des Trois-Frères grouillait de monde, des hommes et des femmes riaient, s'apostrophaient, trinquaient, s'embrassaient, fumaient et parlaient fort. Ils occupaient tout l'espace des trottoirs étroits, traînant parfois sur la chaussée, au risque de se faire klaxonner par les automobilistes qui osent affronter les coteaux de la butte Montmartre un soir de juin. En une seconde toute cette foule s'est figée. Les joyeux drilles se sont statufiés. Le cri les a glacés. Tous ont tourné la tête, cherché à localiser d'où il provenait. Il retentissait encore, alors qu'il n'avait duré que quelques secondes. Un hurlement de femme, primitif et inoubliable. Certains, rares, ont vu le corps chuter. La plupart n'en ont pas eu le temps. Mais, au silence qui a suivi le choc, tous ont compris qu'elle était morte."

Pour la première clé, c'est relativement clair quoique... nous ne savons pas encore ce qui s'est passé. L'a-t-on poussée ? S'est-elle défenestrée ? Pourquoi ? Tout un tas de questions, bien sûr, auxquelles l'auteur répondra avec parcimonie.

Pour la deuxième, rien n'est dit, vous allez, au fil de l'eau, vous plonger dans une histoire macabre et découvrir, dans les toutes dernières pages, du flux et du reflux, le vague à l'âme d'un homme, c'est peut-être la seule chose dont la Police soit sûre quand elle cherche à identifier le corps rejeté par la mer sur la plage des Fosses de Saint-Jean-Cap-Ferrat, qu'il s'agisse d'un homme. Crâne rasé, corps épilé, extrémité des doigts brûlée. Pourquoi ? Comment ? Là repose tout le mystère d'une intrigue parfaitement maîtrisée.

Vous connaissez la chanson de Rita MITSOUKO, "Les histoires d'a"... Je vous entends d'ici la fredonner mais le roman de Mathieu MENEGAUX est bien plus que cela.

C'est d'abord un florilège de personnages. Certains sont totalement abandonnés après une cinquantaine de pages alors que d'autres se retrouveront au-devant de la scène. Mais quand vous commencez le roman, rien ne paraît.

"Disparaître", c'est aussi une histoire de quartier. J'ai personnellement adoré retrouver l'ambiance du XXIIIème arrondissement, Les Abbesses, Montmartre, les bistrots parisiens, la fête, l'architecture, le patrimoine, les traditions. Ce quartier, je l'arpente chaque fois que je "monte à la capitale", c'est toujours un petit bonheur. Mais, parce qu'il y a un Mais, derrière les belles façades se cache la détresse, la souffrance, le désenchantement d'une génération, d'une jeunesse sacrifiée par les hautes études et les postes à haut potentiel. Il y est question du travail aujourd'hui. "Disparaître", c'est un roman social, un livre qui assurera la mémoire d'un espace temps pendant lequel des hommes, des femmes, ont été pressurisés par des ordres, une charge de travail insurmontable.

Le dernier roman de Mathieu MENEGAUX, c'est aussi une enquête policière. Pas de celle qui est menée dans les clous, non, de celle qui relève du seul acharnement d'un flic, voire... d'un pas de côté vis-à-vis des procédures. Et si la résolution de l'énigme en dépendait...

Ne croyez pas que je vous en dise plus, non, maintenant, c'est à vous, je crois, de découvrir "Disparaître". Les romans de Mathieu MENEGAUX, ils se lisent et c'est à chaque fois une lecture coup de poing. Son écriture, éminemment descriptive, est quasi cinématographique. Ce n'est pas très étonnant, finalement, que le roman "Un fils parfait" ait été réalisé par Didier BIVEL. Personnellement, en refermant "Disparaître", je suis imprégnée de bon nombre de scènes, je me suis fait mon film, à moi ! Et vous, qu'attendez-vous pour faire le vôtre ?

Je ne peux décemment pas clôturer cette chronique sans un petit clin d'oeil à l'équipe de la Librairie Richer. D'ailleurs, Mathieu MENEGAUX, quand est-ce qu'il vient à Angers Nicolas ?

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2020-01-24T17:40:00+01:00

Et toujours les Forêts de Sandrine COLLETTE

Publié par Tlivres
Et toujours les Forêts de Sandrine COLLETTE

Lattès

L'univers littéraire de Sandrine COLLETTE est reconnaissable entre tous. J'ai, de mon côté, lu "Juste après la vague", "Six fourmis blanches" et "Un vent de cendres", et tout récemment "Et toujours les Forêts". 

Corentin est né d'une mère séquestrée, une mère qui était condamnée à porter l'enfant de la honte. Elle ne sera libérée au grand jour que lorsque son bébé sera prêt à naître. Mais ce bébé, Marie n'en voulait pas. Alors, après sa naissance, elle a pris l'habitude de le confier à d'autres, et puis un jour, elle l'abandonne dans la forêt, à deux pas de la maison d'Augustine. C'est elle qui va l'élever. Les études supérieures le guident vers la ville. Dans la cité urbaine, il va se lier d'amitié avec des étudiants de son âge qui fréquentent les galeries souterraines. Un jour, la "catastrophe" se produit. Lorsqu'il sort de la galerie, le monde est dévasté. Là commence une nouvelle histoire, à la vie, à la mort.

Comme pour "Juste après la vague", Sandrine COLLETTE puise son inspiration dans l'actualité environnementale, le réchauffement climatique. Elle nous livre un scénario apocalyptique. Les couleurs ont disparu, les sons aussi, il ne reste plus qu'une nature dévastée, noire, brûlée, avec seulement quelques survivants, condamnés à l'isolement. 


Arracher au sol de quoi survivre chaque jour leur prenait tout leur temps, toute leur énergie. Pour l’avenir, pour les rêves, il n’y avait plus de force. P. 37

Comme dans chaque roman, l'écrivaine se focalise sur un petit noyau d'individus dont elle va explorer les tréfonds jusqu'à faire émerger la sauvagerie. Réduits à satisfaire leurs besoins vitaux, les hommes, affamés, perdent la raison ! La psychologie de Corentin, Augustine et les autres, est sondée, scrutée, fouillée à l'envi. Sous la plume de Sandrine COLLETTE, ils deviennent effroyables devant des choix qui ne le sont pas moins.


Les hommes étaient intrinsèquement des meurtriers. Ils puaient la mort. P. 169

Dans ce roman, comme dans beaucoup d'autres de Sandrine COLLETTE, il est question de survie. Elle démontre ô combien nous ne sommes pas tous égaux dans la façon, instinctive, de fixer nos priorités. L'écrivaine illumine par le jeu de l'écriture la philosophie de chacun, le petit brin d'espoir qui donne à l'un, à l'autre, la force de faire un nouveau pas. Elle cerne les contours de la maternité, la relation du père aux enfants aussi. À chacun sa manière de RÉSISTER devant une nature impitoyable pour l’Homme qui s’est acharné à la détruire et de croire en un éventuel renouveau. Assurément, c'est une lecture coup de poing !

Si d'aventure vous pensiez que Sandrine COLLETTE risque, avec le temps, de manquer d'imagination pour renouveler son genre, il n'en est absolument rien, je tiens à vous en convaincre. 

Si personnellement, je suis progressivement devenue une lectrice inconditionnelle de ses histoires, j'avoue être toujours totalement scotchée par l'intrigue, que dis-je, les intrigues. Parce que, lorsqu'on a le talent de Sandrine COLLETTE, on ne recule devant rien. L'écrivaine livre une histoire rythmée par les pièges qu'elle ne manque pas de tendre à ses personnages. A peine l'un évité qu'un nouveau apparaît, donnant ainsi au roman une cadence infernale.

Quant à la chute, elle est magistrale, bien sûr !

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2020-01-21T08:15:41+01:00

Et toujours les Forêts de Sandrine COLLETTE

Publié par Tlivres
Et toujours les Forêts de Sandrine COLLETTE

Mon #mardiconseil, c'est le tout dernier roman de Sandrine COLLETTE : "Et toujours les Forêts" publié chez Lattès. Il fait partie des 5 romans finalistes pour le Prix RTL Lire 2020.

Sandrine COLLETTE, j'ai lu "Juste après la vague", "Six fourmis blanches" et "Un vent de cendres". 

Cette écrivaine s'est spécialisée dans le roman noir, son tout dernier est absolument effroyable.

Je vous en livre aujourd'hui les premières lignes :

"Les vieilles l'avaient dit, elles qui voyaient tout : une vie qui commençait comme ça, ça ne pouvait rien donner de bon.

Les vieilles ignoraient alors à quel point elles avaient raison, et ce que cette petite existence qui s'est mise à pousser là où on n'en voulait pas connaîtrait de malheur et de désastre. Bien au-delà d'elle-même : ce serait le monde qui chavirerait. Mais cela, personne ne le savait encore.

A cet instant, c'était impossible à deviner."

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2020-01-11T07:00:00+01:00

Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Publié par Tlivres
Rivage de la colère de Caroline LAURENT

Les Escales

Après « Et soudain, la liberté », un livre écrit à quatre mains avec Evelyne PISIER, Grand Prix des Lycéennes Elle, Prix Marguerite Duras et Prix Première Plume, Caroline LAURENT s'invite dans cette rentrée littéraire de janvier avec  « Rivage de la colère », un roman historique bouleversant, un coup de coeur, tout simplement, l'occasion d'un clin d'oeil à l'équipe de la Librairie Richer.

Tout commence avec une conversation établie par un fils avec sa mère, que l'on soupçonne disparue. Il lui rend compte de sa mission, de son combat, et d'un aboutissement que l'on comprend imminent. L’heure est grave, rendez-vous est donné à la Cour de Justice Internationale de La Haye. L’instant d’après, nous sommes en 1967 au nord de l’océan Indien. Marie-Pierre Ladouceur dite Marie vit sur l’île Diego Garcia avec sa fille, Suzanne, et toute sa famille. Elle travaille au coprah, la production de noix de coco. L’île est administrée par les Anglais. Marcel Mollinart est administrateur. Un tout jeune garçon, Mauricien, Gabriel, débarque sur l'île, il est recruté pour être secrétaire. Entre Marie et Gabriel commence une histoire d’amour. Après quelques mois, Marie est enceinte. Elle donne naissance à un garçon, Joséphin, bien noir, bien fort, qui ne laisse présumer d’aucun métissage. Le vent de la décolonisation souffle sur l’archipel mais c'est sans compter sur un "arrangement" préalable entre puissants. Alors que l’île Maurice accède à son indépendance en 1968, celle de Diego Garcia reste dans le giron britannique sous le statut de British Indian Ocean Territory. Elle a été monnayée, comme l'existence de ses habitants, trois millions de livres. Et pour en faire quoi ? Une base militaire américaine ! Mollinart a bien essayé de séduire les foules pour un départ volontaire vers l'île Maurice mais tous n'y succomberont pas. Marie tient a sa terre d'origine, elle tient à sa dignité aussi. La pression s'organise alors jusqu'à la déportation manu militari des Chagossiens. Marie se retrouve dans la cale d’un navire avec sa fille, malade, son fils, et quelques menus effets personnels. Une nouvelle vie commence alors.

Caroline LAURENT est une formidable conteuse. Elle nous offre une épopée éminemment romanesque avec le personnage de Marie dont les aventures, y compris amoureuses, sont tumultueuses. Elle nous dresse un portrait de femme haut en couleur, de ces femmes libres que rien ne saurait arrêter, pas même les hommes. Enfant, elle ne supportait pas les chaussures, les brides, les liens, elle allait et venait pieds nus ! 


Le courage est l’arme de ceux qui n’ont plus le choix. P. 17

Le personnage de Gabriel n’en est pas moins bouleversant avec une mère décédée alors qu’il n’était qu’un enfant, un père focalisé exclusivement sur son fils aîné, un ignoble personnage usant de son pouvoir, abusant aussi. 

Quant à l’amour, impossible, entre un Mauricien et une Chagossienne, il n’en fallait pas plus pour nous captiver et nous tenir en haleine de bout en bout de ces 400 pages.

Mais ce qui m’a fascinée le plus dans ce roman, c’est aussi et surtout qu’il s’inspire d’une histoire vraie, celle d’un peuple sacrifié par des hommes que l'on dit grands de ce monde ! Dans la démarche de Caroline LAURENT, il y a la volonté de porter au grand jour une page de l'Histoire, de rendre publics des faits, méconnus. 


J'accuse le silence qui entoure depuis trop longtemps notre drame. Il est temps aujourd'hui de faire tomber les masques. P. 127

Dès les premières lignes, j’ai ressenti la force d’un propos au service d’un peuple exilé, arraché à sa terre, pour que justice lui soit rendue. Prêter sa plume aux Chagossiens est devenu pour elle :


Comme une nécessité... P. 292

L'écrivaine égrène les années 1967-1975 comme autant de souvenirs d'une tragédie humaine et pose le mot "déportation" pour qualifier le déracinement de ces hommes et ces femmes, ces enfants aussi, de leur terre. C'est aussi les modalités de leur "accueil" qui sont dénoncées. Reclus aux confins de la ville, le ghetto n'était rien de moins qu'un bidonville où régnaient la misère et un grand dénuement !


Le passé ne se change pas, tout au mieux il s’affronte. P. 193

Au fil du roman, j'ai senti se propager en moi une violente colère, une de ces rages que seules les dernières pages m'ont permis d'apaiser.

Avec "Rivage de la colère", l'autrice explore les sujets de l'identité, de l'indépendance, de la mémoire. 

Caroline LAURENT mêle astucieusement et avec un immense talent la fiction à la réalité. Par le jeu de l'écriture et l'alternance des narrations, elle trace le sillon de la reconnaissance des droits de tout un peuple, peut-être la voie de la justice...

Caroline LAURENT, c'est aussi une très belle personne, de ces femmes profondément généreuses qui offrent leur plume pour donner de la voix à ceux qui n'en ont pas. Elle nous livre un roman engagé. Si aujourd'hui, à la lumière de l'instrumentalisation d'un peuple, de son exil contraint et forcé, de son arrachement à sa terre, au profit de stratégies géopolitiques abjectes, il nous est facile de choisir notre camp, pour l'écrivaine, le combat des Chagossiens, qu'elle a fait sien, est beaucoup plus fort. Franco-Mauricienne, Caroline LAURENT entretient une relation personnelle avec ces territoires. On comprend aussi pourquoi elle y a mis tout son coeur et nous livre aujourd'hui un roman intime et émouvant. Elle a puisé dans ses propres racines et son parcours personnel la puissance des mots  qu'elle a posés sur l'indicible.

Quand j'ai choisi le graffiti de Banksy pour orner mes coups de coeur de l'année, je ne savais pas qu'il illustrerait à merveille l'itinéraire des Chagossiens : "There is always hope". C'est aussi par ces mots que s'ouvre le roman :


Ce n'est pas grand chose, l'espoir. P. 15

Et s'il n'y avait pas de hasard dans la vie...

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