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2021-02-13T11:56:18+01:00

Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Publié par Tlivres
Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Il y a des rencontres qui s'imposent à vous, c'est certain. 

Tout a commencé avec une promenade rue des Lices et la découverte d'une oeuvre, "Impact", exposée en vitrine de la Galerie In Arte Veritas, pour que, de fil en aiguille, je sois mise sur la voie de Jean-Luc MANIOULOUX.

Fascinée par vos créations, je vous remercie de répondre à mes questions.

Jean-Luc, pouvez-vous nous dire quelques mots de votre itinéraire ?

Après avoir passé ma jeunesse dans le sud de la France, je suis venu à Paris faire des études de publicité. Puis je me suis consacré à l'illustration médicale pendant de nombreuses années au cours desquelles j'ai fréquenté les blocs opératoires des hôpitaux parisiens. Plus tard j'ai été illustrateur dans l'édition avec une prédilection pour la représentation des animaux et de la nature. Depuis une dizaine d'années, je me consacre exclusivement à mon activité d'artiste plasticien.  

Alors, personnellement, je suis restée "scotchée" par l'esthétisme de votre création. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez commencé à décliner le thème de l'impact ?

Cette question m'intéresse car elle m'oblige à mener une sorte d'enquête et à remonter le fil du temps jusqu'à la réalisation, un peu oubliée, d'une toute petite œuvre faite à mes moments perdus, un frelon percutant un carrelage et le fendillant.

Maintenant, à savoir pourquoi j'ai fait ça ? c'est la question que posent aux artistes les trois quarts des gens : "Comment avez-vous eu cette idée ?" question à laquelle je réponds souvent par un "bin, euh, c'est comme ça" lamentable. J'ai parfois expliqué que, tel Claudel, j'avais eu une révélation près d'un pilier de Notre Dame mais ça ne marche pas toujours. En fait, la plupart des artistes ne peuvent pas répondre à cette question. Tout cela relève d'un processus lent et mystérieux qui fait que chacun évoluera dans son propre univers et cela me fascine souvent de voir des artistes creuser et recreuser leur sillon au fil des ans comme une quête en m'apercevant que je fais la même chose après tout.

J'en suis à mon 170e Impact et même s'ils sont tous différents, cela peut ressembler effectivement à une obsession. Ceci dit, si vous allez sur mon site web ou mon Instagram, vous verrez que je ne fais pas que des Impacts.

Vous avez une vraie singularité dans l'association de matériaux et leur mise en scène. Comment en avez-vous eu l'idée ?

Pour la série justement des Impacts, j'utilise du verre ou du carrelage avec des insectes. Les plaques de verre me permettent de jouer sur la profondeur, la transparence et donner cette impression de temps figé, suspendu où la mouche, le bourdon ou les papillons sont surpris en pleine course. Les œuvres sont toujours protégées par des écrins en plexi que je fais réaliser par une société travaillant pour les musées nationaux.
Je délaisse de plus en plus le carrelage à cause de son poids et, en ce moment, je travaille avec du bois brûlé qui est une matière spectaculaire.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la mise en oeuvre ?

Mes œuvres requièrent beaucoup de minutie et de patience. Lorsque vous voulez qu'une fourmi ou une mouche fasse un certain geste, il ne suffit pas de lui expliquer, il faut pas mal de doigté et, à propos de doigts, j'ai la confirmation que le verre est coupant.

Vous mettez notamment en scène des insectes. Pouvez-vous nous parler de votre rapport à l'entomologie ?

J'adore l'ambiance des cabinets de curiosités, des muséums d'histoire naturelle. À Paris où je travaille, j'habite à côté de la maison Deyrolle, rue du Bac, vénérable institution deux fois centenaire, référence dans le domaine de l'entomologie et de la taxidermie, prestigieux cabinet de curiosité fréquenté par des artistes tels Dali ou André Breton, j'aimais flâner plus jeune dans ses salles et j'ai la chance, à présent, d'y exposer mon travail en permanence.

L'entomologie ce n'est pas seulement épingler des insectes dans des boîtes, c'est prendre conscience de la richesse incroyable d'un monde souvent caché et mis à mal ces derniers temps.

Plus que la technique, est-ce que ces créations ne disent pas aussi quelque chose de notre époque ? N'y a-t il pas un message véhiculé par vos créations ?

Dans une œuvre, chacun trouve l'interprétation qu'il veut.

En France, contrairement aux USA par exemple, le discours passe souvent avant l'œuvre elle-même. Vous avez des galeristes, des critiques d'art, des commissaires d'exposition dont c'est le métier, qui sauront sortir un papier incroyable sur les intentions d'un artiste qui découvre ça en même temps que le lecteur.

Pour moi, le côté graphique, esthétique l'emportera toujours. Cela ne veut pas dire qu'un certain message ne se dégagera pas de l'œuvre.

Il est évident que la série Impact met en scène des insectes brisant systématiquement des objets manufacturés, ampoules, néons, murs de bétons, carrelages ; toutes créations de l'homme. Tout cela était inconscient mais reflète une croyance profonde. Je suis un écologiste convaincu. Les insectes disparaissent à une allure dramatique ! Lorsque, étant jeune, je traversais la France dans ma 4L je me retrouvais à la fin du voyage avec mon pare-brise recouvert d'insectes écrasés, des gros papillons qu'il fallait gratter en pestant. À présent, c'est un véritable crève cœur lorsqu'en plein été, votre voiture est aussi propre à l'arrivée qu'au départ. Vous vous rendez compte ? En si peu de temps ? Un monde vidé de ses insectes faute d'une simple volonté politique. Et ne vous extasiez pas devant un immense champ recouvert d'un blé en herbe d'un vert tendre, ce n'est qu'un désert où toute vie a été détruite par des produits chimiques.

Une de mes œuvres que j'ai appelé "Icare" représente un papillon qui tombe en flamme, foudroyé. Elle émeut beaucoup de visiteurs. 

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Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


L'humanité s'auto-détruit et les insectes, aussi peu qu'il en restera, sauront bien un jour renaître de leurs cendres et, comme "Sisyphe" mon Timarcha tenebricosa si mignon qui roule un morceau de tapisserie, sauront "ranger le décor".

Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


On peut trouver cela sombre mais comme beaucoup de pessimistes, l'humour est souvent au rendez-vous et prédomine la plupart du temps dans mes œuvres. On peut considérer cela également comme un message de renaissance de la nature.

La nouvelle série que je consacre aux migrations climatiques met en scène, sur une terre brûlée, des insectes tel ce bousier poussant sa boule, qui prêtent à sourire sur un sujet dramatique s'il en est.   

Dans ma première interprétation de votre création lundi, j'évoquais l'instant figé. Quel rapport entretenez-vous au temps ?

J'avais fait une expo il y a quelques temps, effectivement, intitulée "Ô TEMPS" faisant référence au vers de Lamartine "Ô temps suspends ton vol" car, comme je le disais précédemment, dans mes œuvres le temps semble souvent effectivement suspendu, figé tel un instantané photographique en trois dimensions.

Votre exposition est programmée jusqu'au 21 février prochain sur Angers. Pourquoi Angers ?

La Galerie In Arte Veritas a découvert mon travail et m'a contacté il y a quelques temps. je suis heureux de cette collaboration. Le dirigeant Stéphane DEBOST pratique un vrai travail de galeriste et cet établissement de 600 m2 est une institution à Angers.

Et après ? Vous avez des projets ?

Bien sûr, les temps ne sont pas propices aux projets de toutes sortes et une grande partie de mes collectionneurs sont étrangers et notamment américains, donc absents.

Mais il faut en profiter pour explorer des voies nouvelles et produire. Je vais également entamer une nouvelle collaboration avec une galerie de New York, ce qui est assez excitant.

Pour celles et ceux qui nous lisent, je ne peux que vous inviter à visiter cette exposition absolument remarquable. Infos pratiques : la Galerie In Arte Veritas est située 16 rue des Lices à Angers. Elle est ouverte du mardi au samedi de 10h30 à 19h. Les expositions ouvertes au public en ce moment sont rares. Profitez-en, elle est d'exception !

Merci Jean-Luc pour cet entretien.

Je vous en prie Annie, ce fut un plaisir.

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