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2018-01-04T07:00:00+01:00

Une longue impatience de Gaëlle JOSSE

Publié par Tlivres
Une longue impatience de Gaëlle JOSSE

Editions Noir sur Blanc, collection Notabilia

Je viens de faire une entrée en beauté dans la rentrée littéraire 2018. Je vous propose effectivement un coup de coeur, rien de moins, avec le tout dernier roman de Gaëlle JOSSE.


Vous vous souvenez peut-être de "Vermeer, entre deux songes", "L'ombre de nos nuits", "Le dernier gardien d'Ellis Island", ou bien encore "Nos vies désaccordées" , "Les heures silencieuses", ou enfin "De vive voix" ?


Pour moi, c'est toujours un plaisir de retrouver la plume de Gaëlle JOSSE, la promesse d'une lecture ponctuée de vives émotions, un livre court où chaque mot est juste, chaque phrase bouleversante.


Je vous dis quelques mots de l'histoire.


Nous sommes en 1950. Louis a 16 ans. Il n'est pas rentré. Cette fugue, Anne, la mère et narratrice, l'a ressentie dans tout son corps, tout son coeur. Dès la tombée de la nuit, elle s'est mise à la redouter. Et puis, au fil du temps qui s'est écoulé, elle a sû qu'il ne rentrerait pas. Elle ne pouvait en rester là pour autant, elle s'est battue pour connaître la vérité, et puis, un jour, elle s'est mise à rêver de son retour. Bien sûr, il y avait son mari, Etienne, et ses deux autres enfants, Gabriel et Jeanne. Il y avait la maison aussi, celle des Quemeneurs, rue des Ecuyers. Mais rien d'autre ne pouvait la retenir que le vide laissé par son fils. Torturée par son absence, elle s'est mise en quête de nouveaux ancrages et s'est attachée à rythmer ses journées avec de nouvelles activités, à la vie, à la mort.


Ce merveilleux texte se focalise sur l'amour maternel, cet amour incommensurable qu'une mère voue à ses enfants, ces êtres qu'elle a portés au plus profond de son corps, à qui elle a donné la vie et qui occuperont son esprit jusqu'à la fin de sa propre vie. C'est un tableau empreint d'un immense amour, de tendresse, de douceur, d'affection, de bienveillance, de grâce, et d'énergie aussi, de vivacité, d'ardeur, de fougue, de pétulance... que nous peint Gaëlle JOSSE.


Car toujours les mères courent, courent et s'inquiètent, de tout, d'un front chaud, d'un toussottement, d'une pâleur, d'une chute, d'un sommeil agité, d'une fatigue, d'un pleur, d'une plainte, d'un chagrin. Elles s'inquiètent dans leur coeur pendant qu'elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient, présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc. P. 147/148

Cette mère est dans une détresse inouïe, j'ai été touchée par l'intensité de son chagrin, le vertige de sa douleur. La souffrance est charnelle. Gaëlle JOSSE s'attache à trouver les mots pour décrire l'affliction de cette mère, ses sentiments aussi. La narration à la première personne du singulier en accroît l'écho. L'écrivaine parle prodigieusement de l'absence : 
 


Son absence est ma seule certitude, c'est un vide, un creux sur lequel il faudrait s'appuyer mais c'est impossible, on ne peut que sombrer, dans un creux, dans un vide. P. 17

Elle évoque aussi avec beaucoup de justesse la position de cette mère, écartelée entre l'amour qu'elle voue à son fils absent et celui qu'elle porte à son mari. Et manifestement, dans le couple, quelque chose s'est brisé. Dans les premières pages du roman, Anne explique qu'elle a craché à la figure d'Etienne cette phrase :
 


Tu n'aurais pas dû. P. 19

Non seulement, elle est rongée par la souffrance de l'absence de son fils, mais elle se retrouve aussi isolée de son mari à qui elle en fait porter la responsabilité. Que s'est-il passé ? Je ne vous en dirai bien sûr. 


J'ai été profondément émue devant cette infinie solitude dans laquelle cette mère se retrouve plongée. Plus personne à qui parler, confier sa peine, exprimer ses souffrances. J'ai senti le sol se déchirer, les repères s'effondrer, j'ai pensé qu'elle ne saurait être sauvée de l'abîme et pourtant... 


Elle va se résigner à apprécier les petits plaisirs de la vie :
 


J'apprends à me réjouir de ce qui est heureux, de ce qui est doux, de ce qui est tendre, des bras des enfants autour de mes épaules, des mains brûlantes d'Etienne sur mes hanches, de la rosace parfaite d'une fleur de camélia, d'un rayon de lumière qui troue le nuages et vient danser sur le mur, de la fraîcheur des draps en été, du beurre salé qui fond sur le pain tiède, je me fabrique toute une collection de bonheurs dans lesquels puiser pour me consoler, comme un herbier de moments heureux. P. 118

Elle va puiser aussi dans son passé les moyens de sa survie et là, c'est tout le fil de son existence qui va se dérouler.


Gaëlle JOSSE nous dresse le portrait d'une femme déchirée mais combative. Plus largement, elle va rendre hommage à celles qui, pendant la seconde guerre mondiale, ont mis leur vitalité au service de leur pays pour assurer sa survie. Il y a de très beaux passages sur le travail des femmes de Bretagne dans les conserveries, qu'elles en soient honorées.


Ce roman est aussi intensément lumineux, il est ponctué de magnifiques expressions d'amour de cette mère à son fils, à l'image des lettres qu'elle lui écrira et qui ne manqueront pas d'éveiller tous les sens de qui les lira. Et puis, il est un secret que je ne vous dévoilerai pas mais qui est le signe d'une profonde humanité, d'une grandeur d'âme incroyable.
Le rapport aux lieux, le harcèlement à l'école, les différentes dimensions du couple... sont autant de thèmes abordés aussi par "Une longue impatience" , tout ça sur fond de références musicales judicieusement choisies (Andrews Sisters, Glen Miller, Edith Piaf...).


Ce roman, je l'ai refermé en pleurant toutes les larmes de mon corps. Je suis sortie de cette lecture profondément touchée par le sort de cette mère bien sûr mais aussi par la beauté du texte. Gaëlle JOSSE est une écrivaine dont la plume est absolument sensationnelle. Nul besoin d'en écrire 400 ou 500 pages. Non ! Moins de 200 pages suffiront à vous émouvoir, c'est tout le plaisir que je vous souhaite.
 

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

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commentaires

E
que j'ai hâte de le découvrir!
Répondre
T
Tu as tellement raison Eimelle !

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