Ecrire sur la vie de sa propre grand-mère peut s’avérer hasardeux pour tout un tas de raisons. Votre propre parent pourrait vous proposer un choix qui le serait d’autant plus :
Sois tu attends que ta grand-mère meure, soit tu te débrouilles pour qu’elle ne l’apprenne pas. P. 146
Il n’en faudra pas plus pour Ariel MAGNUS pour se jeter à l’eau et il a sacrément bien fait. Il nous livre un livre exceptionnel, publié pour la première fois en 2006 en espagnol et en 2012 en allemand. Il vient tout juste de sortir en France grâce à la traduction de Margot NGUYEN BÉRAUD et aux éditions de L’Observatoire que je remercie pour ce très beau cadeau.
« Oma », traduisez Grand-mère, est donc un livre non seulement inspiré d’une histoire vraie mais également de l’histoire familiale de l’auteur, Ariel MAGNUS, descendant d’immigrés juifs allemands.
« En guise d’avertissement », dès les premières pages, Ariel MAGNUS nous expose son dessein, non pas raconter une énième histoire de survivants de la Shoah, mais se focaliser sur ce qu’en dit sa grand-mère, ce qu’elle a à lui transmettre, à lui, et ce qu’elle acceptera qu’il communique au grand public.
Ce projet faisait partie d’échanges réguliers avec sa grand-mère sans jamais aboutir. C’est lorsqu’elle décida de lui rendre visite à Berlin que tout s’est concrétisé.
Cette lecture, je l’ai faite d’une traite, en apnée totale.
Bien sûr, il y a l’itinéraire de cette femme que je vous laisserai découvrir, un parcours fascinant.
Plus que ses années passées sous l’emprise du Führer, ce qui m’a intéressée c’est l’après, la trajectoire donnée à sa vie, parfois guidée par l’opportunité d’un jour, souvent dictée par des convictions personnelles
Le médecin au Brésil m’avait dit que je ferais mieux de ne pas mettre d’enfant au monde. Mais moi j’ai dit : « J’en veux. » P. 87
et une immense générosité.
Quelle belle âme que cette grand-mère, un sacré personnage, naturellement romanesque, qui a puisé dans sa personnalité, sa force de caractère pour avancer.
En général, elle préfère fermer les yeux sur certaines ombres du passé et se concentrer sur le côté ensoleillé de la rue. P. 136
Des faits historiques, il y en a mais le sillon creusé par Ariel MAGNUS repose bien plus sur leur interprétation, tout en nuance.
Ma grand-mère est une somme de contradictions plus ou moins inconscientes, pour la plupart en rapport avec l’Allemagne et les Allemands, qu’elle aime et déteste à la fois, sans transition. Ses enfants ont été élevés dans ce paradoxe, de même que les enfants de ses enfants. C’est compréhensible. P. 56
Ce livre est empreint d’amour. J’ai été touchée par la profonde tendresse qui anime ces deux générations et la très grande pudeur dans l’expression de leurs sentiments.
Le ton, teinté d’humour, fait de ce livre un petit bijou.
Ariel MAGNUS nous livre une formidable leçon de vie.
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