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2017-12-01T07:30:31+01:00

Ces rêves qu'on piétine de Sébastien SPITZER

Publié par Tlivres

Les éditions de l'Observatoire


Ce 1er roman de Sébastien SPITZER fait partie de la sélection des 68 Premières fois pour la rentrée littéraire de septembre 2017.

 

Comme les fées qui y oeuvrent sont toujours de bons conseils, je me suis laissée tentée par sa lecture et j'ai sacrément bien fait. Je ne vais pas vous le cacher plus longtemps, ce roman est un coup de coeur.

 

Je vous explique.


Nous sommes à la fin de la seconde guerre mondiale. Ils y a ceux qui ont survécu à l'indiscible. Fela était la pute des soldats allemands, Ava, sa fille, est une bâtarde. Elle est née dans le camp de concentration de Silésie. Elles occupaient le block 24-A. A la libération, elles deviennent les pestiférées. Elles fuient, elles marchent, elles errent sans but. Sur leur chemin, elles croisent d'autres rescapés, chacun a son histoire. La petite Ava est porteuse de cette mémoire, le rouleau de cuir qui ne la quitte jamais préserve des souvenirs griffonnés sur des bouts de papier de fortune. Et puis, il y a cette femme qui a gravi toutes les marches de l'ascension sociale allemande pour atteindre la plus haute. Elle est mère de 6 enfants. Après avoir connu le pouvoir, elle est exposée à l'abîme. Ces jours sont comptés. Magda Konzerthaus est la femme de Joseph Goebbels. Dans sa vie, elle a renié son passé, sa famille aussi. Son père "adoptif", Richard Friedländer, juif, déporté, mourra en 1939 au camp de concentration de Buchenwald malgré tous les appels lancés comme des bouteilles à la mer.


Ce roman, vous me direz que c'est un de plus qui aborde la période de la seconde guerre mondiale, c'est vrai que la littérature contemporaine lui porte une attention toute particulière. Après L'ordre du jour de Eric VUILLARD, Outre-mère de Dominique COSTERMANS, Les indésirables de Diane DUCRET, Marguerite de Jacky DURAND, Nous, les passeurs de Marie BARRAUD, Un paquebot dans les arbres de Valentine GOBY, et bien d'autres encore...
 

Mais celui-là est différent, d'abord parce qu'il aborde une période singulière, celle de la fin de la guerre, celle de la libération, celle du passage de pouvoir d'un camp à un autre, celle de la perte des repères, le chateau de carte s'est écroulé, une nouvelle page de l'Histoire est à écrire.
C'est à ce moment-là que ceux qui étaient protégés par leur statut social se retrouvent au bord du gouffre, à l'image de Magda Goebbels. Cette femme, elle a tout sacrifié pour côtoyer les grands de son pays, elle y a même sacrifié son père. Sébastien SPITZER a puisé le sujet de son roman dans la découverte d'archives publiées en 2016.


C'est à ce moment-là aussi que ceux qui étaient les cibles du pouvoir retrouvent la voie de la liberté après avoir été déportés dans des camps de la mort. Avec le personnage de la petite Ava, l'écrivain aborde le sujet des enfants dans les camps. Eux qui n'ont connu que l'emprisonnement, la misère, la faim... comment pourraient-ils imaginer le futur ? Comment surmonteront-ils les traumatismes incommensurables ? Pourront-ils un jour, de nouveau, faire confiance à l'homme alors même qu'il est toujours armé. Entre les Allemands et les Américains qu'elle découvre, quelle différence ? Il y a une très jolie métaphore avec les villes libérées :
 


Elle dit qu'ils pouvaient libérer quatre ou cinq villes par jour ! Ava ne parvient pas à se représenter une ville libérée. Elle a vu les canons et les bombes, le feu. Elles changent de main, les villes. Elles passent d'un camp à l'autre. Elles restent prisonnières de l'une ou l'autre armée. P. 231

Mais encore, ce roman est un hommage au travail artistique réalisé par Lee MILLER, une photographe américaine. A partir de 1942, elle devient correspondante de guerre pour Vogue. A la libération, elle est sur le terrain aux côtés des soldats américains, elle est l'une des premières à réaliser des photographies de la libération du camp de Dachau notamment. Les clichés sont d'une telle violence qu'elle aura, à l'époque, à attester de leur fiabilité. Ceux reçus de Robert CAPA viendront confirmer leur sincérité. Sébastien SPITZER écrit de  très belles pages sur cette femme hors du commun qui a laissé une trace de la mémoire de celles et ceux qui ont connu cette période. Il y a aussi un très grand moment, romancé bien sûr, autour du petit rouleau de cuir d'Ava et de tout ce qu'elle révèle des dernières années passées :


 


Mais le rouleau qui est à l'intérieur est le témoin écrit de ces années de camp. Il est son ancre, son dernier point de repère. Elle caresse sa couverture de cuir. Elle la sent. L'aime. La serre. Elle sait que tous les mots sont là, écrits par les dizaines de mains. P. 220

Enfin, ce roman donne à voir une lueur d'espoir. Alors même que le pays est détruit, que les hommes ne ressemblent plus à des êtres humains, que l'horreur et l'ignominie des hommes est portée au grand jour, il y a la libération et la voie des possibles qui s'ouvre devant la petite Ava, une vie à construire.


Mais la qualité de ce roman ne serait rien sans la plume du journaliste, Sébastien SPITZER. Elle se prête à l'exercice de l'écriture de l'intime. Qu'il s'agisse de la relation mère-fille entre Fela et Eva, des dernières heures de la vie de Magda et ses enfants, l'écrivain s'attache à décrire des moments où les hommes et les femmes sont dans une relation de grande proximité. La sensibilité y est à fleur de peau. 


Un roman, je vous l'assure, pas comme les autres !

Cette lecture

Ces rêves qu'on piétine de Sébastien Spitzer ***** Coup de coeur

s'inscrit dans le cadre du Challenge 1% Rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres après :

Nos richesses de Kaouther Adimi ***** Coup de coeur

Et soudain, la liberté de Evelyne Pisier et Caroline Laurent *****

La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens ***** 

L'invention des corps de Pierre Ducrozet ***** 

Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant ***** Coup de coeur

Luwak de Pierre Derbré ***** Coup de coeur

Les Peaux rouges de Emmanuel BRAULT ****

Le grand amour de la pieuvre de Marie BERNE ***

Mina Loy, éperdument de Mathieu TERENCE ****

Minuit, Montmartre de Julien DELMAIRE *****

Le jour d'avant de Sorj CHALANDON *****

Un funambule sur le sable de Gilles MARCHAND ***** Coup de coeur

Un dimanche de révolution de Wendy GUERRA ****

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