Samedi 24 février dernier, Cécile LADJALI était accueillie à la Librairie Richer d'Angers, une habitude maintenant puisqu'il s'agit de son 3ème passage !
Cette rencontre, je l'avais un brin préparée avec la lecture de son tout dernier roman "Bénédict" et puis, un autre, paru il y a quelques années, "Illettré". Deux romans où l'écrivaine dévoile son immense talent.
Accueillie par Nicolas avec qui elle partage une jolie complicité, l'échange part à toute volée. Attention, Cécile LADJALI écrit comme elle parle, ou bien parle comme elle écrit, avec son corps et frénésie.
Elle dit elle même ne pas pouvoir consacrer plus de 2 heures par jour à l'écriture tellement l'effort est violent. Outre son métier d'écrivain, elle est enseignante. Elle explique que ses cours lui permettent de garder un pied dans la réalité d'autant que ses élèves sont pour partie porteurs d'un handicap, sourds ou malentendants, pour partie en quartier prioritaire. Toutes ses activités quotidiennes viennent nourrir sa prose, y compris les rêves qu'elle fait la nuit. Elle n'arrête jamais, c'est une femme profondément énergique, ce trait de caractère transparaît dans son élocution, le flux est ahurissant.
Quand vous lisez un roman de Cécile LADJALI, vous êtes saisi.e très rapidement par la puissance des mots, et elle le revendique. A plusieurs reprises pendant son intervention, elle se rapportera à la racine des mots, nous confirmant s'il en était nécessaire la justesse du propos.
Le pouvoir des mots, elle l'enseigne à ses élèves de Seine Saint Denis à qui elle fixe la barre haut. Elle leur fait vivre des expériences artistiques et contribue à les élever. Elle rapporte un travail réalisé avec des jeunes de Drançy et l'écriture de poèmes aujourd'hui publiés dans "Mauvaise langue". Elle a vécu des moments de grâce inoubliables. Cécile LADJALI est profondément attachée à la littérature, elle est précieuse et, à ce titre, ne peut être bradée.
Cette femme m'a marquée par sa générosité. Elle aime les gens c'est certain, elle les regarde avec bienveillance tout en gardant sa lucidité. Avec "Illettré", il était impossible pour elle de concevoir une fin autrement que tragique. Au cinéma, ça sera un peu différent. Rendez vous à la rentrée prochaine sur France Télévision pour voir ce qu'en aura fait Jean-Pierre AMERIS.
Cécile LADJALI nous parle de son actualité, la sortie de son tout dernier roman "Bénédict" qui nous offre un voyage intérieur, entre Orient et Occident. Androgyne, Bénédict navigue entre le blanc et le noir. Depuis ses fortes crises d'épilepsie, il ne voit plus les couleurs, ce traumatisme relève d'une maladie cérébrale. Il évolue entre le jour et la nuit, tantôt homme, tantôt femme. L'écrivaine a puisé son inspiration dans la mythologie, elle nous explique cette quête omniprésente dans son oeuvre de l'unité originelle.
Cécile LADJALI est très sensible au pouvoir de la musique. Dans "Bénédict", tout commence le jour de la mort de David BOWIE. Avec "Illettré", c'était la chanson de The Cramps "The human fly" qui revenait en boucle.
Elle nous dit écrire à partir de tout ce qu'elle peut puiser dans la vie quotidienne. Ecrire, c'est inventer, et inventer c'est capitaliser des éléments réels qui, singulièrement agencés, composent une fiction. En réalité, je puis vous assurer qu'il s'agit là d'une grande modestie. L'écrivaine a une plume reconnaissable entre mille et une culture pléthorique qui fait de ses romans des livres d'une profonde densité.
J'ai passé un formidable après midi à l'écouter. Cécile LADJALI est un très joli portrait de femme, de celles qui ne craignent pas de s'engager et de porter une parole militante. Elle dédie par exemple son dernier roman Bénédict à Manaz MOHAMMADI, une femme iranienne, cinéaste, qui a été condamnée pour complot contre le régime, emprisonnée, libérée grâce à l'intervention de réalisateurs célèbres. Aujourd'hui, elle continue de vivre en Iran où elle est privée de passeport, et donc de sa capacité de se déplacer librement. Elle est placée sous haute surveillance.
Je n'ai qu'une envie, lire un nouveau roman de Cécile LADJALI.
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