Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2020-12-22T07:00:00+01:00

L’Âge de la lumière de Whitney SCHARER

Publié par Tlivres
L’Âge de la lumière de Whitney SCHARER

Les éditions de l’Observatoire

Traduction de l’anglais par Sophie BASTIDE-FOLTZ

Lee Miller, je l’ai découverte avec le premier roman de Sébastien SPITZER, « Ces rêves qu’on piétine ». J’avais alors été subjuguée par le travail de la photographe à la sortie des survivants des camps de la mort. Et puis, il y a eu en septembre dernier la visite de l’exposition du Musée du Luxembourg dédiée à Man RAY qui fut son compagnon pendant de longues années avec des clichés de l’égérie absolument sublimes :

 

Il n’y avait donc plus qu’un pas à franchir pour me lancer dans la biographie écrite par Whitney SCHARER... grand bien m’en a pris.

Tout commence avec la préparation d’un dîner. Lee MILLER a une soixantaine d’années. Elle est en cuisine. Elle s’apprête à accueillir Audrey WITHERS, Rédactrice en Chef du Magazine Vogue, une amie de longue date. Lee MILLER est hantée, de nombreuses années après, par ce qu’elle a vécu à Saint-Malo lors des bombardements des alliés, la libération d’un territoire qu’elle fut chargée d’immortaliser. Elle lutte contre ses visions en buvant whisky sur whisky. Si un nouveau contrat semble difficile à envisager dans l’état de santé actuel de Lee MILLER, c’est toutefois l’opportunité rêvée de revenir sur une carrière... hallucinante.

La photographie, Lee MILLER est née dedans avec un père amateur du genre. Mais plus que ça, la photographie, elle en fit son alliée, la voie du rebond, après avoir vécu un drame. Dans l’intimité familiale, son père lui proposa de se réconcilier avec son corps. Il réalisa jusqu’à son adolescence des clichés d’elle, nue, peut-être la prédisposition à quelques années de mannequinat. Et puis, Lee MILLER a eu besoin de partir, loin. C’est ainsi qu’elle arriva à Paris en 1929. Elle n’y connaissait personne. C’est à l’inconnu qu’elle accepta d’être conduite dans une fumerie d’opium de Montmartre, chez Drosso très précisément. Elle y fut accueillie par un homme. Elle découvrira plus tard qu’il s’agissait de Man RAY, l’homme avec qui elle partagera une grande partie de sa vie. Man RAY était fils d’un tailleur, il était promis à la succession de l’entreprise familiale mais Man RAY souhaitait être un artiste. Il commença par acheter une presse à imprimer pour éditer une revue avec un ami. C’est à cette époque qu’il commença à peintre. Et puis, il y eut la rencontre avec Adon qu’il épousa. Lui voulait partir vivre à Paris, elle non, leur mariage ne résista pas. Il vécut une dizaine d’années avec Kiki DE MONTPARNASSE, juste avant de rencontrer Lee MILLER. Elle, elle souhaitait faire comme son père, découvrir la technique photographique.


Mais à l’époque, lors de ce premier été à Paris, elle ne connaissait pas encore le pouvoir des photos, la façon dont un cadre crée une réalité, dont une photographie devient un souvenir qui devient vérité. P. 28

Quel plus grand maître alors que Man RAY, l’inventeur de la rayographie. A force de ténacité, elle réussira à se faire embaucher par Man RAY comme assistante, la voie royale pour se former. C’est là aussi qu’elle découvrira l’amour. A son bras, elle rencontrera les intellectuels et artistes du tout Paris, nous sommes dans les années folles, le groupe Dada brille dans les salons du Dôme, les surréalistes revisitent le monde. Entre le photographe et l’amant se sont toutefois insinuer de pernicieuses interactions, pour le meilleur comme pour le pire. Vivre aux côtés d’un artiste reconnu laissait peu de place à cette époque à une femme confinée dans l’ombre des tâches accessoires. Lee MILLER souhaitait être une artiste à part entière. Pour Man RAY, elle devint rapidement une rivale dans l’acte de créer :


Pouvoir manipuler le négatif, ses propriétés chimiques, la nature même de la chose, au lieu de le changer manuellement en le grattant ou en le coupant, leur donne la sensation de créer un support entièrement nouveau. P. 203

Il faudra quelques années pour Lee MILLER pour affirmer ses propres choix, une rencontre avec Jean COCTEAU, et enfin décider de s’émanciper de cet amour dévorant. Lee MILLER deviendra reporter de guerre.


Elle veut créer des moments et les saisir sur la pellicule. Saisir l’expérience en train de se vivre, la sensation d’être vivant. P. 378

C’est là qu’elle sera confrontée à des images qui ne la quitteront plus jamais, celles des bombardements de Saint-Malo. Ainsi la boucle sera-t-elle bouclée, à moins de prolonger l’expérience jusqu’à se souvenir de son séjour, à Munich, dans l’appartement privé du Führer allemand.

Cette biographie de Whitney SCHARER est un petit bijou.

C’est une manière tout à fait originale de s’acculturer à la discipline artistique de la photographie. J’ai adoré vivre dans la chambre noire avec Man RAY et Lee MILLER des moments de tension inouïe, aussi fugaces que vertigineux, à l’approche de ce qui pourrait être LE cliché des années 1930.

J’ai aussi et surtout beaucoup aimé découvrir la femme qu’était Lee MILLER, une enfant blessée, une femme en mal d’exister, une artiste en mal de reconnaissance, son apogée et sa descente aux enfers.

Dans une version romancée, Whitney SCHARER et la traductrice Sophie BASTIDE-FOLTZ nous livrent une biographie hors norme, à l’image de la femme dont les clichés dans des robes luxueuses ne sauraient résumer les 70 années de la vie d’une passionnée.

Voir les commentaires

commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog