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2020-11-24T12:35:00+01:00

La race des orphelins de Oscar LALO

Publié par Tlivres
La race des orphelins de Oscar LALO

Belfond

 Oscar LALO, je l’ai rencontré il y a quelques années aux Journées Nationales du Livre et du Vin de Saumur. J’avais alors découvert son premier roman, « Les contes défaits » que j’avais beaucoup apprécié.

Je me suis lancée avec plaisir dans la découverte de son second, j’ai pourtant dû le laisser reposer quelques semaines avant de trouver les mots.

Hildegard Müller a 76 ans. Elle est née dans un « Lebensborn », une maternité créée par le régime nazi en faveur de l’eugénisme. Si le premier étage de la solution finale est bien connu, l’extermination du peuple juif, la seconde l’est moins, celle d’assurer un renouvellement de la race germanique, pure celle-là. Hildegard Müller est vraisemblablement le fruit d’une union entre une femme, Norvégienne, et un S.S.. Vraisemblablement, parce qu’elle n’en est pas sûre. Quelques heures avant l’arrivée des G.I.s américains, le 30 avril 1945, au siège de l’organisation en Bavière, le Steinhöring, les Allemands avaient réduit en cendres tous les registres d’Etat civil des enfants nés dans les 34 « Lebensborn » installés en Europe. Hildegard Müller recourt aux services d’un scribe avec un objectif :


Je veux que mon scribe me traduise en vous. Qu’à un moment donné, vous vous disiez : j’aurais pu être elle. P. 21

Objectif atteint !

Ce roman est très original, tant dans la forme que dans le contenu.

Sur chaque page, seules quelques lignes, du blanc, beaucoup de blanc, à l’image du vide sur lequel repose l’existence de Hildegard Müller, un vide abyssal laissé par des parents inconnus. A travers ce roman, Oscar LALO relate la quête des origines de cette femme.


Notre élimination administrative a fait de nous des orphelins pour l’éternité. P. 230

Pour combler le vide, elle fait appel à un scribe, un homme qui lui suggère des mots pour coucher sur le papier ce qu’elle a vécu. Dans la fiction imaginée par Oscar LALO, l’homme convoque des ouvrages sur des parcours qui peuvent évoquer des similitudes à Hildegard Müller. Il lit ainsi à la vieille dame « Le procès » de KAFKA, « Retour indésirable » de Charles LEWINSKY.


Il tatoue sur le papier de façon durable mes souvenirs diaphanes. Il relie ma dispersion mémorielle et affective. Il la relie, puis me la relit, afin que quand vous la lirez à votre tour, je puisse entendre ma voix sur vos lèvres. P. 173

Dans la réalité, Oscar LALO prête sa plume à toutes ces femmes et tous ces hommes conçus par des aryens.

Simone DE BEAUVOIR disait : « Nommer c’est dévoiler, dévoiler c’est agir ».

Oscar LALO avec « La race des orphelins » nomme des faits, il concourt ainsi à leur mémoire. Dans cette perspective, il s’est largement documenté pour le faire avec la plus grande fiabilité. Il s’inspire notamment des écrits de 

Le Ghetto intérieur de Santiago H. AMIGORENA

Né d'aucune femme de Franck BOUYSSE

Toute la lumière que nous ne pouvons voir de Anthony DOERR

Lignes de faille de Nancy HUSTON

N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola PIGANI...

Il y a les faits, il y a aussi le ressenti, éminemment subjectif. Par la voix imaginaire de Hildegard Müller, il évoque le fardeau de la culpabilité. Impossible pour cette femme de ne pas se sentir responsable de ce qu’ont commis les nazis, dont son père faisait partie.



Le problème pour nous, c’est que naître coupable et n’être coupable, ça sonne pareil. P. 135

Hildegard Müller est une enfant de la honte. Oscar LALO décrit avec beaucoup de sensibilité cette double peine imposée par le simple fait d’une procréation instrumentalisée :


La banalité du mal de mon père SS, c’est de m’avoir conçue. P. 111

Elie WIESEL disait :« Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence. »

Avec « La race des orphelins », Oscar LALO lutte contre l’oubli.

 

Dans une narration à la première personne du singulier, le propos fait mouche. 

Souhaitons que ce roman soit lu par le plus grand nombre pour permettre à chacun de s’approprier cette page terrifiante de l’Histoire et qu’il écrive les suivantes de manière éclairée. C’est aussi ce que l’on attend de la littérature, non ?

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commentaires

Z
Je viens de terminer un livre où des slaves sont déportés en Allemagne pour servir de serfs !
Répondre

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