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Recherche pour “une famille normale”

2019-05-18T08:14:19+02:00

Que les blés sont beaux d'Alain YVARS

Publié par Tlivres
Que les blés sont beaux d'Alain YVARS

Ce roman, c'est un cadeau du ciel, une invitation de l'auteur, un jour, via le blog, à lire son livre. Un très beau cadeau, merci infiniment, d'autant qu'après le roman de Saïdeh PAKRAVAN, j'avais envie de quelque chose qui m'émerveille, défi relevé !

La première de couverture vous l'annonce, vous allez vivre "L'ultime voyage de Vincent VAN GOGH". Je connaissais grosses mailles la vie du peintre, je le savais notamment meurtri, mélancolique, affecté par une maladie mentale. Là, vous découvrez un artiste enchanté par la nature, ravi de se délecter à peindre, admirer les gens, en faire des modèles...

Vincent VAN GOGH est d'origine hollandaise, il est né à Groot-Zundert en 1853. A l'âge de 16 ans, il est marchand d’art, il exerce ce métier pendant 7 années qui vont lui permettre d'accéder à une formidable connaissance des arts, formation largement soutenue par la complicité qu'il entretient avec son frère, Théo. C'est à 37 ans qu'il rentre d'un séjour en hôpital psychiatrique, il était accueilli à l’Asile de Saint-Rémy de Provence. Il s'arrête à Paris pour profiter des plaisirs en famille. Il apprécie tout particulièrement la compagnie de sa belle-soeur, elle aussi passionnée d'art. Elle donne naissance à un petit garçon, Vincent Willem, le même prénom comme un fil tendu entre oncle et neveu. Vincent VAN GOGH est passionné par le travail de Camille PISSARO, présenté comme l'un des pères fondateurs de l'impressionnisme. Il peint la campagne, des paysages ruraux, des scènes paysanes découvertes lors de ses passages à Auvers-sur-Oise. Il ouvre la voie à Vincent VAN GOGH qui s'installe dans cette bourgade. Il y rencontre le Docteur Gachet, connu pour sa peinture sous le nom de Paul VAN RYSSEL. Les deux hommes vont entretenir une relation paisible, sereine, propice à la création. Vincent VAN GOGH se délecte des plaisirs naturels, des scènes de la vie, joyeuses, lumineuses, il est à cette époque extrêmement prolifique comme porté par un immense élan que seule la passion peut procurer.

Dans ce roman, Alain YVARS nous fait partager deux mois de la vie de l'artiste, deux mois qui correspondent à une période euphorique du peintre, deux mois qui laissent à penser qu'il est en bonne voie de guérison.

J'ai adoré cheminer avec le peintre dans l'approche de son art. J'ai profondément aimé ses réflexions personnelles et son apprentissage de la discipline, sa capacité à apprendre et à faire sa place dans un univers en pleine mutation, à choisir ses amis. 


J’ai compris qu’il ne fallait pas dessiner une main, mais un geste, pas une tête parfaitement exacte mais l’expression profonde qui s’en dégage, comme celle d’un bêcheur reniflant le vent quand il se redresse fatigué... P. 90/91

Vincent VAN GOGH était un passionné, il vibrait pour son art, il savait parfaitement reconnaître là où il retirait le plus de plaisir.


Le portrait moderne est ce qui me passionne le plus dans mon métier, celui qui permet de révéler l’âme du modèle avant son apparence. P. 93

Pourtant, Vincent VAN GOGH n'était pas un être orgueilleux, il voulait être un "peintre populaire", il voulait que ses tableaux soient accrochés dans les cuisines, les pièces de vie des maisons. Il aimait profondément les gens, il savait leur porter un regard attentionné, celui d'un peintre admiratif. Chaque détail représentait pour lui une matière à explorer.


L’usure du temps, le vent et le soleil sur les habits de travail, leur donnent les nuances les plus délicates. P. 176

Ce roman est une ode à la création artistique, servie par une très belle plume, profondément humaine, délicate et tendre. Alain YVARS nous brosse le portrait d'un peintre porté par la passion, enivré par la beauté de la nature, il nous fait, le temps d'une lecture, partager des moments d'immense bonheur. Il est le fruit de longues années de recherches, Alain YVARS s'est notamment largement inspiré des correspondances de l'artiste, des archives de la Bibliothèque Nationale de France. Que j'aime découvrir l'art par la voie de la littérature, et je crois que je ne suis pas la seule ! J'ai par ailleurs désormais une furieuse envie d'aller découvrir ce village du Val d'Oise où le peintre y a vécu des heures heureuses avant le destin tragique qu'on lui connaît.

La démarche d'Alain YVARS est à souligner à plus d'un titre, mais s'il en était un à retenir, je saluerai le fait de reverser l'intégralité des bénéfices du roman "Que les blés sont beaux" au profit de l'Association Rêves qui permet à des enfants malades d'aller jusqu'au bout de leurs rêves. N'est-ce pas là un très beau geste que... sans aucun doute, Vincent VAN GOGH aurait apprécié à sa juste valeur.
 

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2019-05-17T06:00:00+02:00

Cent voyages de Saïdeh PAKRAVAN

Publié par Tlivres
Cent voyages de Saïdeh PAKRAVAN

Belfond collection Pointillés

C'est avec ce roman que j'ai découvert la plume de Saïdeh PAKRAVAN, que l'écrivaine soit remerciée de ce très beau cadeau qu'elle m'a fait.

Si je m'étais contentée de lire le titre et fiée au bandeau qui orne le bas du livre, je me serai imaginée partir survoler les cinq continents,  visiter le monde, la réalité est toute autre, Saïdeh PAKRAVAN nous invite à un voyage intérieur.

Garance est une jeune femme que tout différencie de sa soeur Coralie. Ses parents sont divorcés. Le bac en poche, sa mère décide que c'est Garance qui ira vivre trois années à Téhéran chez son père. Quand elle rentre à Paris, elle assiste malheureusement au décès de son grand-père maternel. La relation amoureuse établie avec Henri devient une bouffée d'air dans sa vie triste, elle devient mère et porte à sa fille, Myriam,  un amour incommensurable. Une nouvelle vie commence pour elle, pour le meilleur, et pour le pire.

J'ai lu ce roman le coeur serré, l'histoire de Garance m'a profondément troublée dans ce qu'elle revêt d'épreuves dramatiques, son destin est cruel. Alors qu'elle pourrait jouir des plaisirs de la vie, son existence est marquée par des tribulations toutes plus catastrophiques les unes que les autres. 


Finalement, les nouveaux rivages où nous abordons ne sont jamais faits que de sable sous nos pieds. P. 55

Pour ne pas déflorer l'histoire de cette femme meurtrie, je ne vous en dévoilerai pas les objets mais juste les émotions qui la torturent. Ce roman déroule lentement le fil et met des mots sur le cheminement d'une femme en quête de résilience. Comment mettre du baume sur ses plaies ? 

Avec l'itinéraire de Garance, ce sont toutes les formes de l'amour qui sont explorées, celui porté à un mari, celui voué à un enfant, celui fraternel aussi qui peut tisser des liens, ou pas, entre les enfants d'une même famille. Saïdeh PAKRAVAN met le doigt subtilement sur tout ce panel de relations entretenues, bon gré mal gré. Après l'amour démesuré vécu avec Myriam, il ne pouvait y avoir que des déceptions. Le propos est mélancolique, foncièrement sombre. C'est un portrait de femme désenchanté que l'écrivaine nous livre. 

Saïdeh PAKRAVAN aborde de la même manière le sujet du deuil. La vie de Garance est régulièrement affectée par des décès d'êtres chers. 


Cette blessure ne cicatrisera jamais, le sang en continuera à couler en moi tant que je vivrai [...]. P.144

Là aussi, et même s'il n'y a pas de hiérarchie dans la douleur, l'écrivaine porte, à travers un filtre de lecture à plusieurs dimensions, un éclairage sur ce que l'on peut vivre au quotidien, mieux comprendre aussi.

Dans un contexte amoureux, familial, amical particulièrement douloureux, Saïdeh PAKRAVAN donne à voir un être profondément déçu par la nature humaine qui va chercher sa voie. Garance ne s'attache pas. Au fil de son existence, elle s'est faite une philosophie de vie, totalement épurée, aseptisée, tant du point de vue matériel qu'humain. Et puis, Garance se réserve le droit, ponctuellement, quand il n'est vraiment plus possible pour elle d'affronter, de couper définitivement avec tout ce qui pourrait l'ancrer, elle prend alors un billet d'avion et s'envole pour d'autres lieux. 


Les voyages sont le seul antidote réel au lent poison que je distille dans ma propre vie, à cette attitude indifférente, sinon franchement négative, que je me donne [...]. P. 122

Quand elle revient, elle s'installe dans un nouveau logement pour repartir, toujours, à zéro. J'ai été particulièrement sensible à son arrivée en Iran alors qu'elle était une jeune adulte. Né de parents étrangers, Garance cherche dans le territoire celui qui lui est sien. Saïdeh PAKRAVAN évoque ainsi le rapport des enfants d'immigrés à leurs origines, à ces terres dans lesquelles ils espèrent s'enraciner mais la réalité est plus complexe qu'il n'en paraît.


Me rappelant que j’étais dans « mon » pays comme si seul celui de mon père pouvait être ainsi qualifié et que celui de ma mère ne comptait pas [...]. P. 127

Ce roman je l'ai lu comme une fiction et pourtant, s'il n'est autobiographique, j'image tout à fait que Saïdeh PAKRAVAN ait mis dans ce livre beaucoup plus que le fruit de sa seule imagination. Si tel est le cas, souhaitons qu'elle puisse un jour trouver le repos, une paix intérieure qui lui apporte le plaisir d'EXISTER. Peut-être est-ce déjà le cas avec l'écriture...

La plume est belle, ciselée, psychologiquement élaborée. Après cette invitation dans l'univers de l'intime, j'aimerais beaucoup partir à la découverte de son roman "Azadi", lauréat du Prix de la Closerie des Lilas 2015. Vous l'avez lu ?

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2019-05-12T07:49:59+02:00

L'âme du violon de Marie CHARVET

Publié par Tlivres
L'âme du violon de Marie CHARVET

Grasset
 

Le bal du printemps littéraire 2019 se poursuit avec "L'âme du violon" de Marie CHARVET, un premier roman qui fait la place belle à la musique. Allez, en piste !

Nous sommes en 1600, en Italie du Nord, à Brescia, Giuseppe travaille chez son maître luthier, Giovanni Maggini. La notoriété des artisans d'art est telle qu'ils réalisent régulièrement des travaux pour le comte de Cagliostro. La dernière commande porte sur un violon d'exception avec lequel la fille du comte jouera lors de la prochaine réception. La musique, c'est aussi la passion de Lazlo, un jeune tzigane de Nogent-sur-Marne. Nous sommes dans les années 1930, le garçon est élevé par son oncle Nathanaël. Il a pris son neveu sous son aile, sa mère a été exclue de la communauté par avoir flirté avec un gadgo, un père que l'enfant n'a jamais vu. C'est certain, il est différent des autres, il n'a pas le commerce dans la peau, mais la musique, oui, un véritable don. La différence, c'est aussi à cela qu'est confrontée Lucie qui occupe une chambre de bonne dans le quartier des Batignolles à Paris. Depuis toute petite, elle s'est distinguée de sa soeur, Iris, bien comme il faut. Lucie, elle, a besoin de liberté, de sortir du cadre. Quand elle a fait le choix d'apprendre les Beaux-Arts, c'était la goutte d'eau dans un vase déjà bien rempli, ses parents ont coupé les ponts. De sa famille, elle ne voit plus que sa grand-mère, Marguerite. Elle habite Lyon, elle a plus de quatre-vingt-dix ans aujourd'hui mais elle fut la première femme française à exercer le métier de musicienne. L'art, elle connaît. Grand-mère et petite-fille entretiennent une relation de complicité extraordinaire. Quant à Charles, il partage sa vie entre Paris et New-York. Elève surdoué, il s'est orienté vers Polytechnique. Chef d'entreprise, il investit et se prépare à l'entrée en bourse de sa société. Dans sa vie, il avait tout ou presque. C'est à 20 ans qu'il s'est retrouvé un peu par hasard à entrer dans l'église de Saint-Eustache de Paris au moment d'un concert, il s'est découvert une passion pour la musique. Perfectionniste, il s'est constitué une culture hors pair sur le sujet et découvre un nouveau terrain de jeu, financier.

Dans "L'âme du violon", vous l'aurez compris, Marie CHARVET nous brosse une galerie de portraits, des hommes, des femmes, tous passionnés par la musique. L'écrivaine nous fait voyager à travers les siècles, depuis la création d'instruments rares largement convoités encore aujourd'hui pour la qualité du son qu'ils continuent de produire. J'ai été émerveillée par les descriptions de l'atelier de Giuseppe, le travail artisanal, l'amour du matériau, noble, le bois. Il m'a fait prendre conscience de la puissance de l'objet.


Le choix du bois d’un instrument est capital. Il détermine la clarté, la rondeur et la couleur du son. P. 163

Le voyage se poursuit entre les communautés, entre les microcosmes de la société, d'hier et d'aujourd'hui. L'écrivaine s'attache à appréhender la musique dans les milieux sociaux, tous vibrant pour les maisons raisons, artistiques. La musique a ce pouvoir de transporter les humains, de les faire vibrer, et si nous étions finalement égaux ? Je me suis laissée bercer par les notes de musique de Lazlo


Les doigts de Lazlo se lancent à l’assaut de la mélodie, ils sautillent,
tricotent, entremêlent d’invisibles fils, montent et descendent, dans un chemin fait de trilles, de vibratos, d’appoggiatures, de glissandos. P. 23

Il y a cette énergie grisante et envoûtante dans les morceaux joués par le jeune homme des gens du voyage. Il a trouvé dans la musique un mode d'expression à la mesure de son être.


Alors ces notes d’amour remplacent les mots qu’il ne parvient pas toujours à trouver pour dire ses sentiments. P. 65

L'art est transcendant dans ce qu'il exige des hommes, du corps et de l'esprit, cette espèce d'abandon, cette sorte de lâcher-prise, qui font que l'être se donne tout entier à la discipline. En musique comme en peinture, mais là commence une toute autre histoire !

"L'âme du violon" est d'une construction implacable. Au rythme des premières notes, vous ferez vos premiers pas sur la piste de danse, prendrez vos repères au bras de l'écrivaine et vous laisserez bientôt transporter par le charme de la plume. Vous en sortirez enivré.

C'est un premier roman réussi, d'une très grande beauté dans la qualité de l'écriture et d'une remarquable ingéniosité dans le mélange des genres. Mesdames les fées des 68 Premières fois, voilà un berceau sur lequel peut-être se pencher...

 Cette lecture concourt à la 

 

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2017-02-23T18:39:10+01:00

La mélodie du passé de Hans MEYER ZU DUTTINGDORF

Publié par Tlivres
La mélodie du passé de Hans MEYER ZU DUTTINGDORF

Editions Les Escales


Ce roman, ma fille me l'avait conseillé depuis longtemps, je me suis laissée tenter et c'est un coup de coeur.


Après "Par amour" de Valérie TONG CUONG, je rechute avec une épopée familiale, romanesque, à travers les territoires, toujours sur fond de 2de guerre mondiale. 


Christina est une journaliste berlinoise. Elle est en plein déménagement, sa mère est récemment décédée d'un cancer, elle doit vider son logement des derniers meubles. Les déménageurs lui remettent une photo trouvée à l'arrière d'une commode, elle représente  4 musiciens, des joueurs de tango de Buenos Aires, avec une annotation en Sütterlin au dos : " Le bandonéon porte ma vie. E." Alors que Christina, exténuée par les derniers événements, amorce son deuil, elle voit sa curiosité piquée par cette photo. Sa relation de couple avec Bernd s'étiole avec les années, son mari la soutient pourtant dans la quête qu'elle engage. Madame Müller, la voisine, donne à Christina les informations qui la feront basculer dans l'aventure. Christina s'envole pour Buenos Aires à la recherche de ses origines. Une toute nouvelle histoire commence !


Je ne vous l'ai pas caché, ce roman est un véritable coup de coeur.


J'ai été totalement transportée par la quête menée par cette jeune femme privée de l'histoire de sa famille. Je me suis prise d'empathie pour ce personnage et c'est avec un immense plaisir que je l'ai accompagné de l'Allemagne à l'Argentine. Ce roman est très imprégné d'humanisme, Christina  fait de magnifiques rencontres et mesure à quel point les relations humaines méritent d'être vécues.


Les gens étaient passionnants, pour peu que l'on prenne la peine de s'intéresser à eux. P. 24

J'ai adoré aussi explorer le tango, ce genre musical des gens populaires, ses vibrations, sa sensualité... et quand il s'agit d'allier la danse à une passion amoureuse qui relève de l'impossible, alors là, je craque !


Ce qui m'a profondément intéressée, c'est aussi cette page de l'Histoire entretenue entre les 2 pays pendant la 2de guerre mondiale. Séduite par le registre des romans historiques, j'ai été particulièrement sensible à la prise de position de l'Argentine vis-à -vis de l'Allemagne. J'étais assez loin d'imaginer que l'Amérique du Sud s'était invitée de cette manière dans le conflit.
Outre l'histoire, il y a aussi la géographie. Quel bonheur d'accompagner Christina en Argentine, d'y découvrir la beauté de la côte et de l'océan :


La fascination que nous éprouvons en regardant la mer est peut être celle de l'éternité, du cycle infini du temps.La mer est un perpétuel recommencement. Le jeu de cache cache entre marée basse et haute, l'eau qui s'évapore et retombe en pluie, la vie marine avec ce qui naît et ce qui meurt, ce qui mange et est mangé. P. 347

Enfin, je voudrais terminer ce billet avec le personnage d'Emma. Il est de ces femmes avides d'émancipation que j'affectionne particulièrement de côtoyer. Imaginez, une jeune femme allemande convainc ses parents de suivre un Argentin dont elle est tombée subitement et follement amoureuse. Elle va embarquer sur un paquebot alors que le monde panse encore ses plaies du naufrage du Titanic. Nous sommes de surcroît dans les années 1940. Alors qu'aujourd'hui, le monde est notre jardin et que des millions d'images transitent entre les territoires, Emma ne pouvait à l'époque n'avoir qu'une vision bien floue du pays vers lequel elle se destinait. Elle ne manquera pas, non plus, d'imposer sa vision de la condition de femme quitte à heurter son mari et sa belle-mère éminemment autoritaire.  


Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus sinon qu'il s'agit d'un véritable page-turner. Une fois la lecture engagée, impossible de l'arrêter.


J'allais oublier, il s'agit d'un 1er roman, et oui, toujours ! Celui-là présente une particularité, il a été écrit à 4 mains, Hans MEYER ZU DUTTINGDORF mais aussi Juan CARLOS RISSO, son compagnon. Ils partagent eux-mêmes leur existence entre l'Allemagne et l'Argentine, de quoi susciter assez naturellement l'envie d'écrire une épopée qui se déroule dans ces 2 pays qu'ils connaissent si bien.


Je remercie vivement ma fille de m'avoir conseillé cette lecture. J'en veux bien d'autres !

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2016-12-28T12:52:13+01:00

La sonate oubliée de Christiana MOREAU

Publié par Tlivres
La sonate oubliée de Christiana MOREAU

Editions Préludes

Alors que l'année 2016 s'achève à peine, la rentrée littéraire de janvier commence à susciter bien des convoitises et c'est tout à fait légitime pour les passionné(e)s de littérature que nous sommes.
 
Il y aura les énièmes romans de tel ou tel et là nous sommes dans les starting blocks bien sûr.
 
Mais il y aura aussi de toutes nouvelles plumes pour lesquelles il s'agira d'une 1ère fois.
 
Et pour MA 1ère fois, j'ai eu le plaisir d'en découvrir une avant l'heure. Je remercie d'ailleurs très sincèrement les éditions Préludes de m'avoir permis ce coup d'essai avec "La sonate oubliée" de Christiana MOREAU, un magnifique roman.
 
Tout commence en Belgique dans la région de Liège avec la complicité de deux adolescents, Kévin et Lionella. Amis de longue date, ils entretiennent cette relation malgré la pression sociale de leur environnement. Kévin vit avec sa mère et son frère dans un quartier populaire. Il est fasciné par les bâtiments industriels laissés à l'abandon dans lesquels il se plaît à déambuler pendant que Lionella, elle, fille de musiciens, s'entraîne au violoncelle pour le concours Arpège. Elle doit trouver un morceau original pour marquer sa singularité. C'est Kévin qui va le lui offrir avec une bien belle découverte au marché aux puces du village, une partition et quelques objets personnels datant du XVIIIème siècle. Là commence alors une toute nouvelle histoire...
 
Christiana MOREAU va guider son lecteur à travers les siècles et les territoires avec beaucoup de talent tout au long de ce roman. Tantôt aux côtés de Kévin et Lionella, c'est l'histoire contemporaine de la Belgique qui se dévoile, tantôt au sein de la Santa Maria della Pieta, c'est l'univers de Vivaldi, rien que lui, et d'une jeune femme, Ada dal violoncello, qui se découvrent. Cette alternance est particulièrement ingénieuse, 1ère qualité de ce roman.
 
Ensuite, vient le charme de Venise présentée en pleine effervescence artistique. La musique, la peinture, l'architecture, la mode aussi, sont autant de domaines dans lesquels la création est reine dans les années 1700. 


C'était également la fête de la mode et de l'élégance. Sur le Grand Canal, on voyait de belles dames s'engouffrer dans les somptueuses demeures. Leurs costumes brillaient sous les bougies allumées des grands lustres qui faisaient étinceler leurs joyaux. J'étais émerveillée. P. 106

La vie de la cité est très joliment décrite par Christiana MOREAU. Il me semble bien entendre le clapotis de l'eau dans les ruelles de la Ville et sentir les parfums du chocolat chaud du Caffe Florian ! Les festivités du Carnaval ne sont pas en reste. C'est d'ailleurs dans cette période un peu mystérieuse où chacun cache ses yeux derrière un masque que l'écrivaine engage une épopée romanesque entre Ada dal violoncello et l'un de ses admirateurs.


Nous étions comme avides de graver dans nos esprits les traits aimés pour les emporter plus tard dans le secret de nos rêves. Car je l'aimais, j'en étais à présent sûre, et je crois qu'il m'aimait aussi. P. 93

Mais revenons au compositeur italien, Vivaldi, dont je ne connaissais pratiquement rien en dehors de quelques unes de ces symphonies, "Les quatre saisons" notamment. Je ne soupçonnais pas effectivement qu'il fut prêtre, surnommé il Prete rosso en lien avec sa chevelure rousse, et qu'il apprenne la musique à des jeunes filles abandonnées par leurs familles et accueillies par des religieuses. De nombreuses références sont citées par l'auteure qui ainsi donnent un caractère historique à ce roman.
 
La cerise sur le gâteau repose sur l'intrigue que Christiana MOREAU va magnifiquement mettre en place autour de la partition jouée par Lionella au concours Arpège et de la véritable identité de son auteur. Il pourrait être assez naturel de l'attribuer au grand compositeur mais qu'en est-il en réalité ? A vous de le découvrir...
 
Cette lecture m'a littéralement transportée, j'ai adoré. Je crois que je m'en souviendrais longtemps. Pour la petite histoire, il s'agit de ma 1ère lecture en version numérique grâce à Netgalley 
 
Alors rendez-vous dans votre librairie préférée le 4 janvier prochain !

 

 

Cette lecture participe au Challenge de

la Rentrée Littéraire MicMelo de janvier 2017 ! 

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2021-11-21T19:24:34+01:00

La cause des femmes de Gisèle HALIMI

Publié par Tlivres
La cause des femmes de Gisèle HALIMI

Cette publication a une saveur toute particulière. Nous sommes le 21 novembre, et aujourd'hui, celle qui se reconnaîtra a 30 ans. C'est elle qui m'a mise sur la voie de ce livre, tout un symbole quand on sait qu'il a été publié en février 1992, un peu plus de 2 mois après sa naissance.

Et puis, parce qu'il n'y a pas de hasard dans la vie, je publie mon 2 000ème post sur Instagram, autant dire que j'ai mis du coeur à le soigner.

Alors, j'ai choisi "La cause des femmes" de Gisèle HALIMI chez Folio.

Nous sommes en avril 1971, Gisèle HALIMI signe le Manifeste des 343, rédigé par Simone DE BEAUVOIR et publié dans Le Nouvel Observateur. 343 femmes publiques déclarent avoir avorté. Elles s'exposent, à l'époque, à des poursuites pénales, voire à des peines d'emprisonnement. 
Le Manifeste est une première étape, une façon d'engager le combat en faveur de l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).

Quelques mois après, Gisèle HALIMI, avocate à la Cour d'Appel de Paris, et Simone DE BEAUVOIR, créent le mouvement "Choisir la cause des femmes", un mouvement féministe qui va organiser les manifestations.

Il faudra toutefois attendre le procès de Marie-Claire en 1972 pour que l'opinion publique adhère à la cause.

Dès lors, les revendications s'amplifient jusqu'à l'adoption, quatre ans plus tard, de la loi Veil, dépénalisant l'avortement en France.


Que la faiblesse devient force quand naît la conscience. P. 3

Mais Gisèle HALIMI ne saurait se contenter de cette première liberté accordée aux femmes de disposer de leur corps. 

Dans le domaine de l'égalité femmes/hommes, tout reste à construire.


Les mots ne sont pas innocents. Ils traduisent exactement une idéologie, une mentalité, un état d’esprit. Laisser passer un mot c’est le tolérer. P. 65

Si elle puise dans son éducation l'inspiration d'un mouvement plus large en faveur du droit des femmes, elle ne cache pas la révolte qui l'anime et qui représente un véritable trait de caractère, une certaine forme de personnalité. Elle est née en 1927 en Tunisie. Elle ne cache pas que son itinéraire a été marqué dès sa plus tendre enfance par la revendication d'une place dans la fratrie et au sein de sa famille, un formidable tremplin pour les combats qu'elle mènera ensuite.

Ce récit de vie est publié en février 1992, il va bientôt voir 30 ans. 

Vous pourriez imaginer qu'il est dépassé, il n'en est rien. Il revient sur les fondamentaux  :


Être soi-même, c’est rejeter le stéréotype, c’est refuser la relativité à l’image « mâle », celle que la société nous renvoie. P. 215

Vous pourriez penser que le féminisme d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec celui de cette période, Gisèle HALIMI vous convaincrait peut-être de l'opposé :


Je crois au contraire que les acquis ne l'étant jamais définitivement (surtout ceux des femmes), les batailles continuent, s'entremêlent et se prolongent l'une l'autre. Que le devoir de vigilance des femmes pour le passé fait la courte échelle aux espaces nouveaux à conquérir, demain. P. XXXIII

à moins que ça ne soit les études sociologiques réalisées en 2020 lors du confinement prouvant le retour de nombreuses femmes aux seules tâches domestiques, comme si leur condition y était inlassablement liée,

ou bien encore la journée internationale du 25 novembre pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes...

Si Gisèle HALIMI avait choisi cette citation de Simone DE BEAUVOIR pour commencer son récit : "On ne naît pas femme, on le devient...", je retiendrai personnellement celle-ci pour l'achever : "N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant."

Ce récit est éclairant sur l'Histoire. Il est aussi inspirant pour l'avenir. Quel plus beau cadeau pour tes 30 ans !

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2021-02-23T07:00:00+01:00

Babylift de Marie BARDET

Publié par Tlivres
Babylift de Marie BARDET

Éditions Emmanuelle COLLAS

Parce que la littérature a ce pouvoir de nous faire voyager, je vous propose de vous envoler pour Saigon, aujourd’hui appelée Hô Chi Minh Ville.

Nous sommes le 4 avril 1975. Nous venons de prendre le vol du Galaxy C-5A avec, à bord, des Bénévoles de l’agence Friends For All Children et plus de 200 enfants, des orphelins amérasiens, des bébés de soldats américains et de femmes vietnamiennes. C’est le premier vol d’un pont aérien à l’initiative des Etats-Unis, Gérald FORD est alors Président. Dès l’envol, quelque chose d’étrange se produit. La porte de soute a été arrachée. L’avion fait demi-tour. Il s’écrase. Sean et May sont des rescapés. Ils sont adaptés par Nona et Decima, deux femmes dévouées. Direction Paris. Une sombre affaire expose Sean devenu adulte. Il est soupçonné d’avoir assassinée Elodie, une jeune femme retrouvée nue et morte, écrasée « après une chute d’un point haut ». L’aurait-il poussée ? Pourquoi ?

Ce roman nous plonge au coeur de la grande Histoire, celle de la guerre du Vietnam. Il assure la mémoire d’une opération qui ne faisait que commencer le 4 avril 1974. En un mois, ce sont 3000 enfants qui seront évacués et adoptés à travers les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et la France. Personnellement, je ne connaissais pas cette opération qui une nouvelle fois pose la question des femmes en temps de guerre. Si certains bébés sont le fruit d’une relation amoureuse entre des soldats et des Vietnamiennes, d’autres ont démarré plus difficilement dans la vie, les femmes qu’ils étaient censés protéger étaient en réalité violées. Quant aux bébés, si certains étaient effectivement orphelins, d’autres étaient confiés par leurs mères comme le dernier espoir de leur survie. Dans la réalité, seule une bénévole survivra dans ce vol, une française, Elise DESFONTAINES.

Ce roman par de plus loin encore. En 1954, lors de la chute de Dien Bien Phû, tout est fait pour éradiquer toute forme de singularité alors même que la Convention de Genève de 1949 prévoit de nourrir la mémoire des origines :


« Trancher le lien biologique n’était manifestement pas suffisant. Il fallait que toute trace de l’ancienne culture soit tuée dans l’oeuf pour qu’un individu plus blanc que blanc en sortit. P . 112

Marie BARDET remonte le fil de la vie de May, devenue mère du petit Luan, l’occasion de rappeler ô combien la maternité peut révéler l’abîme de l’absence d’une mère :


L’amour qu’elle éprouve pour son fils rend plus cruel encore l’absence de lien avec sa propre mère. P. 163

Marie BARDET livre un roman vibrant, d’une profonde sensibilité, dans lequel elle offre un juste équilibre entre la froideur de la justice et la chaleur des relations humaines.

Fascinée par ce que peut offrir la littérature en termes historique, j’ai beaucoup apprécié « Babylift » pour ce devoir de mémoire que nous devons tous nourrir, pour les générations d’aujourd’hui et les suivantes.

Je me suis laissée porter par des destins EXTRAordinaires. Si Sean et May sont des personnages de fiction, ils représentent à eux seuls le déracinement de la petite enfance et cette difficulté à se construire loin des leurs et de la terre qui les a vus naître. Les métis qui sont nés au début des années 1970 et qui ont fait l’objet de ce pont aérien abordent la cinquantaine aujourd’hui. Je suppose que nombre des 3000 enfants adoptés à ce moment-là sont en quête de leurs familles. Impossible de ne pas s'identifier.

Un roman bouleversant.

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2021-03-17T20:16:44+01:00

Dahlia de Delphine BERTHOLON

Publié par Tlivres
Dahlia de Delphine BERTHOLON

Flammarion

Je me réjouissais de retrouver la plume de Delphine BERTHOLON.

Après "Coeur Naufrage", "Grâce", "Celle qui marche la nuit", "Les corps inutiles" et "L'effet larsen", voilà donc "Dahlia" sorti aujourd'hui en librairie.

Avec Delphine BERTHOLON, bienvenue au pays de l'adolescence.

Laetitia, Lettie pour les intimes, est une jeune maman. Sa fille de trois ans, Mina, est partie en vacances avec son papa au Botswana en Afrique. Elle se souvient de ses années collèges. Elle vivait alors dans un mobile home avec sa mère, infirmière à domicile. En 1989, elle était en 5ème. Elle était dans la classe de Dahlia, une élève originale arrivée du Havre, surnommée par la bande de copains copines Ortie Gazoil. Son père était chauffeur routier. Lettie aimait beaucoup sa mère Francesca. Et puis, Dahlia avait deux frères, des jumeaux, Gianni et Angelo. Elle se plaignait beaucoup de sa famille qu'elle jugeait trop envahissante et enviait terriblement celle de Lettie. Elles passaient du temps ensemble jusqu'au jour où Dahlia confia un secret à Lettie, un secret qui fait chavirer les existences des deux adolescentes, mais là commence une nouvelle histoire !

J'aime beaucoup les romans de Delphine BERTHOLON pour le décor qu'ils édifient progressivement mais puissamment. Dans une écriture presque cinématographique, elle décrit des atmosphères, ses mots deviennent des révélateurs sensoriels. Comme dans "Coeur Naufrage", au fil des pages, j'ai retrouvé cette impression d'être allongée sur une plage, le sable chaud me chatouillant les orteils. 

Et puis, il y a des références à une époque aujourd'hui révolue, celle des années 1990. Je suis un peu plus âgée que l'écrivaine mais "Dahlia" m'a rappelée ces tubes (Venus des Bananarama, Une femme avec une femme de Mecano, I’m deranged de David Bowie... ça vous dit quelque chose, non ?), la mode, les livres, les "barrils" de lessive customisés et revisités en coffre de rangement... qui ont marqué cette période. Pour la jeunesse, c'était quelque chose...


Nous habitions ce cœur gris et rose de la post-adolescence, champ des possibles planté d’orties, zone venimeuse où battait sans relâche le palpitant du monde. P. 169


même si c'était avant l'an 2000, le siècle dernier !

Enfin, si Delphine BERTHOLON a ce talent pour caractériser un environnement et une échelle temps, vous pouvez bien vous imaginer qu'elle procède de la même manière, brique après brique, pour construire des personnages. Ils pourraient être vous, moi, vos cousins, vos voisins... ce sont des gens un brin ordinaires à qui elle va faire vivre un instant de rupture et imaginer l'après. Enfin, tout ça serait beaucoup trop simple. Je reprends. Les personnages sont des femmes et... particulièrement complexes. La tension monte d'un cran, n'est-ce pas ? Je suis ravie de vous avoir hameçonné.e.s ! 

Parce que les femmes, c'est toute une histoire. Il y a le rapport au corps, la sexualité, la maternité... 


Déshabillée, mon corps trahit les accidents, les douleurs et les abandons. P. 219

bref, tout un tas de choses qui font que la vie n'est pas un fleuve tranquille, joli terrain de jeu pour une écrivaine qui explore à l'envi la psychologie de ses personnages et le fait tout en poésie.


J’ai grandi en herbe folle, dans un jardin entretenu. P. 219

Et puis, il y a LE sujet que je ne vous dévoilerai pas mais qui fait de ce roman toute son originalité, ce contre-courant pris par l'écrivaine, ce pas de côté fait par rapport à la majorité, ce qui fait la différence, quoi.


Les ravages de parler et de ne pas être crue. P. 215

Dans ce roman et comme chaque fois, je peux bien l'avouer, la magie a opéré. Je me suis laissée prendre au garrot et puis ma gorge s'est serrée, mon pouls accéléré, jusqu'à la révélation !

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2019-11-02T07:00:00+01:00

La chaleur de Victor JESTIN

Publié par Tlivres
La chaleur de Victor JESTIN

Il y a des romans qui s'imposent à vous ! 

Celui-là, je l'avais reçu dans le cadre des 68 Premières fois, il était sur la chaise qui me sert de chevet, là où un extrait de ma PAL siège, il attendait son heure. Il s'est en réalité fait une place, très tôt. Réveil difficile à 4h30, 1/2 heure à tourner sans espoir de me rendormir. Je m'en suis saisie, je l'ai lâché après avoir parcouru la chute, et quelle chute, à 7h30 !

Tout commence avec une scène funèbre, le suicide d'Oscar, un jeune garçon, avec les cordes d'une balançoire pour enfants. Nous sommes sur un terrain de camping des Landes, en plein été. Léonard a 17 ans, il y passe sa dernière nuit, le lendemain sera le jour du départ de la famille. Il n'arrive pas à dormir, quitte sa toile de tente et se met à déambuler de nuit. C'est là qu'il assiste au spectacle macabre. Tétanisé par le regard hagard de l'adolescent, incapable d'agir, il reste là à attendre le dernier souffle d'Oscar. Pris de panique, il l'enterre dans le sable de la dune en espérant que le cadavre ne soit jamais découvert. A partir du lever du soleil, implacable, une nouvelle histoire commence !

Ce roman, je l'ai pris en pleine figure dès les premières lignes, happée par la scène, questionnée par les motivations des adolescents, l'un de mettre fin à ses jours, l'autre de monter un scénario imprévisible. Je ne l'ai plus lâché parce qu'il faut bien le dire, le tout jeune écrivain, Victor JESTIN, sait tenir en haleine son lecteur.

Si l’alternative du corps enseveli ne tient pas, ce qui est fascinant c'est la force de caractère dont fait preuve Léonard face à celles et ceux qui l'entourent la journée suivante. Il y a ses parents bien sûr, il y a la mère d'Oscar, il y a aussi une jeune fille, celle dont il a rêvé pendant toutes les vacances. Saura-t-il la séduire au moment où sa vie paraît la plus fragile, lui, le jeune homme timide, qui n'aime pas les fêtes, se plaît seul, loin de tous, ne supportant pas le simple principe de devoir afficher le bonheur d'être en vacances alors même qu'il est malheureux comme les pierres, ne trouve pas sa place, ne sait comment approcher les filles ? Quant à passer à l'acte... sexuel, ça reste encore un sujet difficile pour lui.

Avec "La chaleur", on ressent jusque dans les pores de la peau les tribulations d'un corps pubère qui se cherche dans ses dimensions d'adulte, la testostérone débordante, le désir jubilatoire de la première fois, l'ivresse...

Avec cette journée EXTRAordinaire, il y a quelque chose qui relève de la transition, du corps bien sûr mais aussi de la vie plus  généralement, le passage de l’adolescence à l’adulte, de l’avant et de l’après première fois...

A l’image des « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » de Stefan ZWEIG, il y a maintenant les vingt-quatre heures de la vie de Léonard, celles qui vont tout changer, taraudées par un sentiment de culpabilité, assaillies par une température caniculaire, empreintes d’une faille qui ouvre la voie de tous les possibles... 

Ce roman, je l'ai lu d'une traite, en apnée totale. Je n'ai pas pris le temps de noter une citation, c'est dire !

En fait, Victor JESTIN a beaucoup de talent, une plume à suivre, c'est certain.

Retrouvez d'autres primo-romanciers :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

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2018-05-11T06:00:00+02:00

La nuit introuvable de Gabrielle TULOUP

Publié par Tlivres
La nuit introuvable de Gabrielle TULOUP

Philippe REY éditeur

Après le #Prixdulivre France bleu_Page des libraires, je retrouve le chemin des 68 premières fois.

Je vous dis quelques mots de l'histoire :

Nathan Weiss est divorcé. Il vit en Slovénie depuis 4 ans, depuis le décès de son père avec qui une relation presque fusionnelle était établie. Avec sa mère, les choses étaient plus compliquées. Distante, peut-être indifférente, il ne savait pas vraiment, jusqu'à cet appel de la voisine Jeanne l'invitant à passer chez elle lors d'un prochain séjour à Paris. Ils auront à parler de Marthe, justement. Nathan appréhende cette rencontre avec Jeanne mais la surprise est ailleurs. A peine arrivé, Jeanne referme sa porte et accompagne Nathan chez sa mère. Là, une vieille femme se repose dans son fauteuil. Physiquement et malgré ces 4 années sans visite, Nathan ne la trouve pas changée mais quand elle ouvre la bouche, il se rend rapidement compte qu'elle le confond avec son père. Voilà Nathan confronté à la durée réalité de la maladie d'Alzheimer. De retour chez Jeanne, la voisine lui explique qu'elle doit lui remettre une lettre de la part de sa mère. En réalité, il y en a 8 mais elle a promis à Marthe de n'en remettre qu'une à chaque fois, telle était sa volonté. Nathan aura beau essayé, cette modalité reste non négociable. Ainsi s'ouvre la voie de la confession...

Ce roman court est rythmé tantôt par la vie de Nathan, tantôt par les lettres adressées par Marthe à son fils. Lentement, le fil des deux vies se déroule. Nathan connaît la sienne mais il est loin de soupçonner celle de sa mère. Il va de surprise en surprise, se retrouve le confident d'une jeune femme, amoureuse d'un homme et puis... lentement se dévoile un terrible secret.
"La nuit introuvable" met le doigt sur le poids trop lourd à porter d'un secret de famille, de ceux qui hantent une existence et qui en fin de vie, ne demandent qu'à être dévoilés, histoire d'expliquer aux proches le pourquoi des sentiments, des postures et des façades aussi. 

Mathieu MENEGAUX dans "Est-ce ainsi que les hommes jugent ?" posait récemment cette question :  "Connaît-on jamais tout de celui avec qui l’on vit ?". Cette question nous taraude indéfiniment, plus encore lorsque l'on referme ce livre !

Le propos est émouvant même si le procédé littéraire manque un peu d'originalité. Le recours aux lettres numérotées était celui retenu aussi par Amélie ANTOINE "Quand on n'a que l'humour" lu en fin d'année dernière, j'y ai retrouvé à regret cette chasse aux trésors qui, pour autant, fixe le tempo des rendez-vous avec le passé et touche la sensibilité du lecteur. Moi-même, j'ai marché !

Il n'en demeure pas moins que la qualité de la plume est à saluer. Profondément poétique, elle est tendre et délicate, pleine d'humour aussi :


Le déni a ses limites. A la douane, les agents m'ont demandé si je n'avais rien à déclarer. J'étais bien embêté. Avaient-ils deux bonnes heures devant eux ? Mais on ne plaisante pas avec des gens-là. P. 15

Elle décrit très bien l'impuissance des proches devant l'instabilité de la maladie, offrant parfois le visage d'une femme ordinaire, raisonnée, plus souvent celui d'une personne inconnue, en perte de repères, en mal de souvenirs, les bons et les mauvais, ceux qui laissent des empreintes indélébiles des souffrances passées et qui trouvent la voie de la réminiscence :


Les hommes ne savent pas que l’on garde à vie la marque d’une inconsistance comme une griffure qui se réveillera et qu’on grattera jusqu’au sang chaque matin de doute. P. 44

Il fait aussi partie de la sélection des 68 Premières fois

 

"L'Attrape-souci" de Catherine FAYE

"Les déraisons" d'Odile d'OULTREMONT

"Pays provisoire" de Fanny TONNELIER

"L'homme de Grand Soleil" de Jacques GAUBIL

"Les rêveurs" d'Isabelle CARRE

"Eparse" de Lisa BALAVOINE

"Celui qui disait nonde Adeline BALDACCHINO

"Une mère modèle" de Pierre LINHART

"Fugitive parce que reine" de Violaine HUISMAN

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2018-05-25T06:20:53+02:00

Haut les cœurs de Caroline NOËL

Publié par Tlivres
Haut les cœurs de Caroline NOËL

Editions Charleston


Autant vous le dire de suite, après "Grand frère" de Mahir GUVEN, un premier roman terrifiant sur fond de radicalisation, djihad et terrorisme, j'avais besoin d'une grande bouffée d'air. Et comme il n'y a  pas de hasard dans la vie, j'ai découvert dans ma boîte aux lettres un charmant colis, le premier roman (les infidélités aux 68 Premières fois sont, somme toute, à relativiser !!!) de Caroline NOEL, plus connue sur les réseaux sociaux sous le pseudo Carobookine, l'auteure est effectivement blogueuse chroniqueuse.

Quelques mots de l'histoire :

Une jeune femme, Chloé, trentenaire, marié, 3 enfants, hôtesse de l'air pour le travail, blogueuse dans le tourisme pour le loisir. Avec son mari, il y a quelques années, elle a créé Clollidays qui vante les bienfaits de mille et une destinations répondant spécifiquement aux besoins des familles, elle en connaît quelque chose ! Avec ses amies, Ada, Jess et Mila, elles forment un quatuor haut en couleur, chacune avec sa vie, sa personnalité, son pourcours, mais toutes unies par des liens d'amitié d'une force qui ne demande qu'à être prouvée. Elles s'organisent régulièrement des soirées entre filles et puis, comme un rituel, une fois par an, elles partent ensemble en week-end. Cette année, Chloé a proposé d'aller dans la maison de sa grand-mère. C'est sur cette terre liée à ses origines qu'elle va être témoin, elle seule, lors d'un footing auquel elle n'a pas pu résister, d'un événement bouleversant. 

Je ne vous en dis pas plus.

Ce roman, c'est une véritable cure de jouvence, une parenthèse fraîche, lumineuse, portée par de très beaux sentiments. Il y a la relation amoureuse qui lie Chloé à Maxime, un mari prévenant qui pare aux besoins des enfants lors des multiples absences de Chloé. Il y a la relation d'amitié, je vous en parlais. Mais attention à ne pas présumer pour autant d'un roman léger, Caroline NOEL va s'attacher à structurer des personnages complexes, pluriels, dont les personnalités et les histoires vont faire de l'ensemble une truculente aventure.

Chloé revêt à elle seule une femme moderne, au parcours jubilatoire, tiraillée entre vie familiale et professionnelle, mais passionnée par tout ce qu'elle vit, passionnante aussi par l'envie de rêver qu'elle véhicule :


Aimer, désirer et oser sont les maîtres mots de ma façon d’être et de penser. P. 53

Et puis, c'est sans compter sur le suspense que l'écrivaine va entretenir jusqu'à la dernière page. On pensait l'affaire presque oubliée, et bien, non, coup de tonnerre ! Sans être un thriller psychologique, il s'agit d'un livre qui vous tient en haleine et fait que vous le lirez d'une traite, et oui, je le pense et donc je le dis.

La blogueuse chroniqueuse a été rattrapée dans sa propre vie par le récit de Chloé, j'y ai vu une très belle allusion faite à un roman bouleversant, une "tragédie moderne". Allez, je prends les paris, le titre n'est pas cité, l'auteur non plus, mais je mets ma main à couper qu'il s'agit de "Je me suis tue" de Mathieu MENEGAUX, le grand, le talentueux auteur du récent "Est-ce ainsi que les hommes jugent ?". Caroline NOEL y a certainement puisé un brin d'inspiration mais faute avouée à demi pardonnée, n'est-ce pas ?

Je dois bien le dire, j'ai découvert avec ce roman les éditions Charleston. Et non, je ne les connaissais pas, encore, et vous ? Peut-être avez-vous des références à me communiquer...

En attendant, un immense bravo à Caroline NOEL pour cette très belle initiative, sa plume est fluide, tendre, joyeuse, gaie, lumineuse, puissante aussi. A découvrir absolument, allez "Haut les coeurs !".
 

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2016-04-16T06:00:09+02:00

Pour l'amour d'une île de Armelle GUILCHER

Publié par Tlivres
Pour l'amour d'une île de Armelle GUILCHER

Un petit bijou, ce roman, et une nouvelle fois, conseillé par Gérard COLLARD de la Griffe Noire, encore lui !


C'est un 1er roman mais pas dans la collection des 68 !!! Je suis en rodage avec celui de Armelle GUILCHER, sorti en 2014 !


Marine et Yves, son frère aîné, vivent avec leur grand-père. Leurs parents sont décédés quand ils étaient encore enfants. Nous sommes en 1960, le 25 décembre. Les jeunes se retrouvent pour fêter Noël ensemble. Une bouteille de whisky circule, Marie-Anne à l'air sainte-nitouche est mise au défi de goûter, elle boit à pleines gorgées et répond aux provocations du groupe sur l'existence d'un "amant". Un nom est rapidement prononcé, celui de l'Abbé Jaouenn. La nouvelle se répand dès le lendemain dans tout le village qui s'offusque du comportement de la jeune fille. Marie-Anne est l'amie de Marine, elle va être mise en quarantaine par ses parents le temps des vacances et reprendra l'école sous le poids de la honte. Marine, jeune fille désinvolte souhaite vivre son adolescence en toute indépendance, mais c'est sans compter sur la présence du Docteur Jaouenn, le médecin du village et frère de l'Abbé, qui semble accorder une importance capitale au sort de Marine qui n'a qu'une idée en tête, retrouver la terre de ses origines, cette île bretonne sur laquelle elle a vécu sa plus tendre enfance jusqu'à la mort de ses parents.


C'est un formidable roman construit sur un secret de famille que la jeune fille va découvrir malgré elle. Marine va mener son enquête sur les traces de la mort de son père d'abord, de sa mère ensuite. J'ai été très émue par sa quête et son parcours, un très beau portrait de femme !



Oublier c'était renier les raisons qui lui avaient permis de grandir, de s'aguerrir, de se façonner dans les deuils, les chagrins, pour finalement renaître, reconstruite, fortifiée, apaisée. P. 394

C'est aussi un très beau roman sur la vieillesse et sur ce que peuvent apporter les grands-parents et plus largement les anciens aux jeunes générations. La personnalité du grand père est particulièrement attachante, tout comme celle de la tante Lucie.



Je l'avoue volontiers. Je me plais en la compagnie des vieillards. Il se dégage d'eux une telle aura due à leur expérience, qu'il ne leur est pas utile de raconter, d'expliquer ou de démontrer, leur présence suffit à nourrir mon imaginaire. P. 75/76


C'est enfin un magnifique roman sur les îles bretonnes, le climat bien trempé de ces territoires où la nature offre un spectacle permanent :


[...] il y avait la mer, le vent, les oiseaux, mouettes et goélands qui criaient à longueur de journée, les bateaux qui quittaient le port ou y entraient. Tout cela lui remplissait la tête et les yeux. Elle avait l'impression d'un tableau en mouvement permanent et son attention était constamment en éveil. P. 246

Le portrait des îliens est non moins négligeable avec ce lien irrépressible à leur terre.



J'aime mon île. Chaque fois que j'y viens, j'éprouve des émotions pures et communie étroitement avec le décor environnant. Ici, je touche du doigt quelque chose qui, partout ailleurs, m'échappe, peut être une intégration totale, physique et intellectuelle, avec ce pays que j'admire par dessus tout. P. 67


La beauté des paysages et la solitude leur offrent un sentiment de plénitude :



Elle marchait sur une bande de terre, avec l'océan de part et d'autre. Et la sérénité qui émanait de ce paysage, simplement rythmé par la marée et le cri des mouettes, apportait au corps un bien-être si intense qu'il en était douloureux. P. 241


Mais n'allez pas croîre que ce sentiment soit à la portée de chacun. Gare à celui dont l'histoire pourrait bien l'en tenir éloigné.


Ce roman vient de sortir en poche, ne vous en privez pas, c'est un excellent choix !

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2016-04-11T12:01:31+02:00

Carthage de Joyce Carol OATES

Publié par Tlivres

Traduit de l'anglais par Claude SEBAN

Carthage de Joyce Carol OATES

Quand vous passez devant le présentoir des Nouveautés à la Bibliothèque et que le dernier roman de Joyce Carol OATES vous tend les bras, impossible de résister bien sûr !!!

En route pour "Carthage" près de la réserve forestière de Nautauga dans l'Etat de New-York, au Sud du Saint-Laurent et de la frontière avec le Canada. Nous sommes en juillet 2005, Cressida, une jeune fille de 19 ans disparaît le jour où sa soeur, Juliet, a rompu ses fiançailles avec Brett Kincaid, soldat rentré blessé d'Irak. Une grande battue est organisée mais le corps de la jeune fille demeure introuvable. Dans la voiture de Brett, des traces de sang sont retrouvées, celui de Cressida. Il devient le suspect n° 1.

Je ne vous en dit pas plus au risque de vous dévoiler une partie des 593 pages de ce très grand roman de Joyce Carol OATES.

Pour celles et ceux qui connaissent le style de cette écrivaine, vous retrouverez un environnement marécageux dans lequel l'écrivaine aime vous transporter, de ces lieux humides particulièrement glauques.


C'était une partie de la rivière fréquentée par les pêcheurs, à la fois marécageuse et hérissée de rochers ; les empreintes étaient nombreuses entre les rochers, superposées les unes aux autres, remplies d'eau par une averse récente. P. 24

Côté personnages, vous retrouverez aussi des êtres au passé douloureux : les 2 soeurs entretenaient une rivalité connue de tous. Il y avait l'intelligente, Cressida, qui intriguait, et la belle, Juliet, qui attirait les amis et entretenait une relation amoureuse avec l'homme qu'elle devait épouser. Brett aussi a eu un parcours difficile. Mal en famille, il s'engage une douzaine de jours après les attentats qui ont frappé New-York le 11 septembre 2001 et se retrouve à combattre en Irak où la guerre ne va pas non plus l'épargner.

Côté forme, vous aimerez partir sur les traces de cette jeune fille et avancer au gré des indices savamment distribués au gré des chapitres de ce très bon roman.

Personnellement, j'aime la manière qu'à Joyce Carol OATES de disséquer la psychologie de ses personnages, d'étudier les motivations d'un engagement des Américains dans la guerre, garçons et filles, de nous faire entrer en prison pour y découvrir avec subtilité la différence entre une incarcération et un emprisonnement... et tout ça, dans la longueur. Les romans de Joyce Carol OATES ont cette caractéristique aussi de la longueur, 500, 600 pages à vous délecter en eaux sombres !

Je garderai en mémoire de « Carthage » cette relation exceptionnelle entretenue entre la mère de la victime et Brett Kincaid, emprisonné, et qui aurait pu être son gendre. J'ai été profondément touchée par leurs moments d’intimité :


Le temps qu'ils passaient ensemble étaient essentiellement silence. En les voyant dans le parloir, on aurait pu les prendre pour une mère et un fils liés par un chagrin singulier. Ce silence apportait un profond réconfort à Brett. A la façon d'un médicament si puissant qu'il ne peut passer d'un seul coup dans le sang, mais doit y être libéré lentement sur une période de plusieurs heures, plusieurs jours. P. 514


Il est de plus en plus difficile pour moi de décrire les romans de Joyce Carol OATES tellement je suis acquise à la cause. Ce que je peux vous dire simplement c’est qu’il s’agit toujours de page-turner. Ses thrillers sont originaux, singuliers, hors pair. Ils vous happent jusqu'aux dernières pages, toujours hautes en rebondissements !

Si vous ne connaissez pas encore, commencez comme moi avec "Les Chutes" (je suis encore assourdie par le bruit des Chutes du Niagara, c’est dire à quel point ce roman m’a marquée !) et puis enchaînez avec celui que vous voudrez...

La fille du fossoyeur

Mudwoman

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2021-12-21T07:00:00+01:00

Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN

Publié par Tlivres
Les enfants sont rois de Delphine DE VIGAN

Ma #Mardiconseil est le tout dernier roman de Delphine DE VIGAN : "Les enfants sont rois", publié chez Gallimard.

Nouvelle référence du Book club.

 

Tout commence avec l’annonce de la disparition d’une enfant, Kimmy Dioré, 6 ans, par la Brigade Criminelle. C’est une star sur les réseaux sociaux. La dernière story publiée par sa mère concernait le choix d’une nouvelle paire de chaussures. Les followers étaient appelés à voter. Nous sommes en 2019. L’enquête policière va remonter le fil de la vie de la famille, et mettre en lumière une évolution de la société depuis les années 2000. Souvenez-vous, c’était l’époque de Loft story. 11 millions de téléspectateurs avaient les yeux rivés sur leur écran, scotchés par des images de la vie quotidienne, le nouveau tremplin de la célébrité, pour le meilleur comme pour le pire.

 

Dans ce roman policier, l’enquête est au coeur du livre et le structure avec la rencontre improbable et pourtant, de deux femmes. Il y a Mélanie Claux, la mère de Kimmy, 17 ans en 2001, fascinée par la télé-réalité et qui va faire de ce nouveau genre le ciment de sa vie.


La sensation de vide qu’elle éprouvait sans pouvoir la décrire, une forme d’inquiétude peut-être, ou la crainte que sa vie lui échappe, une sensation qui creusait parfois à l’intérieur de son ventre comme un puits étroit mais sans fond, ne s’apaisait que lorsqu’elle s’installait face au petit écran. P. 17

C’est sur une plateforme qu’elle va rencontrer son mari, puis orienter sa vie professionnelle jugée banale et peu rémunérée.

Il y a aussi Clara Roussel, élevée par un couple d’enseignants, des activistes mobilisés contre la vidéosurveillance. L’enfant a été de toutes les manifestations. Elle a surpris ses parents quand elle leur a annoncé qu’elle entrerait à l’école de police. Reconnue pour ses compétences et son professionnalisme, elle accède à un poste de procédurière qui fait toute sa vie.


Devenir flic - puis le rester - s’était accompagné d’une modification progressive de sa manière de penser. P. 78

Ces deux femmes n’avaient a priori rien à faire ensemble mais par le jeu de la fiction, Delphine DE VIGAN va faire se croiser deux itinéraires comme les révélateurs d’une prédisposition aux pour et contre les réseaux sociaux.

 

Si je suis étonnée de voir, parfois, des clichés d’enfants lors de mes navigations sur le web, et m’interroge sur leur protection, j’ai totalement découvert leur exploitation commerciale avec la création de chaînes Youtube dédiées et le business qui s’y cache. Les entreprises de jouets et autres accessoires pour enfants rémunèrent les parents sur la base du nombre de vues réalisées, un nouveau genre de la publicité que Delphine DE VIGAN va explorer avec minutie.

 

Avec les époques, les rouages économiques évoluent. Nous sommes loin des petites annonces du début du XIXème siècle décrites par Hélène BONAFOUS-MURAT dans « Le jeune homme au bras fantôme ».

 

Le roman de Delphine DE VIGAN devient social avec ce qu’il révèle de notre monde d’aujourd’hui et la trace qu’il en laisse.


La question n’était pas de savoir qui était Mélanie Claux. La question était de savoir ce que l’époque tolérait, encourageait, et même portait aux nues. P. 227/228

Mais plus que ça, c’est aussi un roman militant, engagé, qui dénonce la société de consommation dans ce qu’elle a de plus abject : l’achat de biens qui ne répondent plus à aucun besoin, la mal bouffe… 

 

J’ai retrouvé dans ce roman la puissance de l’écriture de Delphine DE VIGAN, la force du propos. Rien n’est laissé au hasard. L’intrigue est aussi parfaitement maîtrisée. Chapeau !

De Delphine DE VIGAN, vous aimerez peut-être aussi :

« Un soir de décembre »

« No et moi »

« Les heures souterraines »

Retrouvez toutes les références du book club :

« Le roi disait que j'étais diable » de Clara DUPONT-MONOD

« Au-delà de la mer » de Paul LYNCH

« Le messager » de Andrée CHEDID

« L’ami » de Tiffany TAVERNIER

« Il n’est pire aveugle » de John BOYNE,

« Les mouches bleues » de Jean-Michel RIOU,

« Il fallait que je vous le dise » de Aude MERMILLIOD, une BD.

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2020-02-28T08:00:00+01:00

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes d’Alain GIORGETTI

Publié par Tlivres
Photo prise "Au coeur des soins"

Photo prise "Au coeur des soins"

Alma éditeur

La rentrée littéraire de janvier 2020 nous réserve de très belles surprises comme ce premier roman d’Alain GIORGETTI dont la plume est absolument remarquable.

Adèm est allongé, dans le noir, au bord de la mer. Il nous parle d'espoir, d’attente aussi, du jour, de la nuit, de la vie, de la mort. On soupçonne dès les premières lignes qu’il n’est pas là, en vacances, et qu’il ne sort pas d’un bain de minuit, non, sa situation est tragique et effroyable mais là commence toute l’histoire.

Alain GIORGETTI s’est largement inspiré de la photographie du petit Aylan, 3 ans, kurde, découvert mort sur une plage de Turquie, le 2 septembre 2015, largement médiatisée. 

Porté par cette photographie, l'écrivain nous plonge au coeur d'un homme, il nous en livre une véritable introspection. Au fil de la vie du garçon, le narrateur, qui, avec sa soeur, sont tous deux écorchés par la vie dès l'enfance, élevés par leurs grands-parents, en partance pour un avenir meilleur, Alain GIORGETTI va égrainer les sentiments comme autant de perles venant composer un collier. Tour à tour, il va décrire les moments de joie, d'intense bonheur, de complicité, de chaleur humaine, et puis ceux d'une profonde tristesse, du désarroi, de la peur, de l'ignominie humaine.  


La mémoire est un paradoxe vivant. Elle entasse les joies et les peines comme des bibelots sur des étagères. Impossible de faire correctement la poussière sans tout déplacer, sans rompre les liens invisibles dont elle est tissée. P. 15

Ces sentiments, ce sont ceux d'un jeune homme au parcours initiatique chahuté, ils pourraient être ceux de tous ces mineurs isolés qui font notre actualité.

L'écrivain évoque un pays d'origine en guerre, un pays où le droit de manifester contre le régime est réprimé, un pays où la dictature oblige les hommes à se taire. Il parle de la guerre, celle-là même qui réduit plus encore la condition des femmes :


Même lorsque la guerre n’est pas exactement la guerre, la violence pas exactement la violence, les femmes demeurent les premières victimes du pouvoir, quel qu’il soit nous avait dit un jour notre instituteur. P. 41

Si Alain GIORGETTI m'a profondément émue avec le destin de cette famille, il m'a aussi beaucoup touchée avec la vie du camp, organisée et hiérarchisée comme la vie en société. Cette lecture m’a profondément rappelée celle de "L'île des oubliés" de Victoria HISLOP. C’est un peu comme si l’humain, quel qu’il soit, où qu’il soit, incarnait naturellement la notion du pouvoir. Inlassablement, il y a les dominants et les dominés, les passeurs et les migrants, les manipulateurs et les victimes. Etre pieds et mains liés relève juste de l’indicible, et pourtant, Alain GIORGETTI trouve les mots, signe d’un immense talent.

L'auteur nous livre une odyssée, éminemment romanesque. Il fait du narrateur un personnage hors du commun, un héros, peu importe de quoi sera fait son avenir. Le roman est mené tambour battant, le rythme est soutenu, l'émotion à fleur de peau. La qualité de la plume est profondément belle, attendrissante et poétique à l'envi : 


Ma mémoire est comme neuve. Et je suis capable d’attraper le moindre souvenir au collet, que ce soit à l’aide d’une corde de piano ou d’une brindille, disait-elle. P. 247

Alain GIORGETTI honore le travail d’un photographe turc, Ozan KÖSE.

Mais je dois bien l'avouer, j'ai vu aussi dans ce roman un propos militant. Alain GIORGETTI a une bonne cinquantaine d'années, ma génération, il dénonce avec vigueur la société internationale du XXIème siècle, celle-là même qui continue d'oppresser les hommes, les oblige à affronter vents et marées, à la vie à la mort. J'ai été profondément touchée par ce plaidoyer, le cri du coeur d'un homme que l'actualité révulse et qui pourtant, porte un propos attendrissant sur l'humanité, éveillé qu'il est personnellement par le propos naïf d'une enfant, sa propre fille de 4 ans qui, au retour de l'école, lui raconte ce qui pourrait relever de l'anecdote... C'est une lecture coup de poing !

Une nouvelle fois, un immense bravo à cette maison, Alma éditeur, que je remercie pour ce très beau cadeau. Elle a du flair pour repérer de jeunes talents et permettre à des primo-romanciers de mettre en lumière leur écriture. Je souhaite à Alain GIORGETTI une très belle carrière d'écrivain, regardez ce que vit Lenka HORNAKOVA-CIVADE !

Cette chronique est l'opportunité d'un petit clin d'oeil à Amélie de l'Institut "Au coeur de soins", c'est dans son univers qu'a été prise la photo !

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2018-04-08T07:00:00+02:00

Quand un mois laisse sa place à un autre...

Publié par Tlivres
Quand un mois laisse sa place à un autre...

Parce que "le bonheur ne se voit que dans le rétroviseur" comme l'écrit Gaël FAYE dans "Petit Pays", je vous propose une rétrospective des découvertes du mois de mars.

Il y a eu quelques romans 5*

A commencer par "Celui qui disait non" d'Adeline BALDACCHINO, un roman inspiré d'une histoire vraie, celle d'August Landmesser, quand la littérature oeuvre en faveur du devoir de mémoire et restaure l'honneur de toute une famille. 

Dans le registre du roman familial, plusieurs lectures ce mois-ci :
"Une mère modèle" de Pierre LINHART, cette lecture concourt au Coup de coeur des Lectrices de Version Femina et puis "Eparse" de la sélection des 68 Premières fois

Deux lectures qui donnent à voir la condition  des femmes aujourd'hui, malmenées par les séparations, en quête de nouveaux modèles...


Je me suis aussi délectée avec des thrillers psychologiques de haute volée. Il y a eu celui de Lina MERUANE "Un regard de sang" et puis celui de Christian GUAY-POLIQUIN "Le poids de la neige"

Des lectures que je ne suis pas prête d'oublier !

Pour retrouver le sommeil, je me suis prise à rêver au bras d'Octavio... avec le premier roman de Miguel BONNEFOY "Le voyage d'Octavio"

Et puis, comme le voyage m'inspirait, je suis partie pour Montréal et le grand froid, j'ai découvert le premier roman de Jacques GAUBIL "L'homme de Grand Soleil" servi dans une plume caustique, vous allez rire... jaune !

Une déception avec "Les rêveurs" d'Isabelle CARRE, je suis passée à côté, j'en suis d'autant plus désolée qu'il est lauréat du Grand Prix RTL Lire 2018, dommage !

La sélection des 68 Premières fois m'a permis, une nouvelle fois, de me convaincre de l'immense talent des premières plumes.


En dehors du "Voyage d'Octavio", tous font partie de la rentrée littéraire de janvier 2018 et ont trouvé leur place Aux Bouquins Garnis dans le cadre du Challenge !
 

Il y a eu des rencontres-dédicaces aussi en mars, à la Librairie Richer :


La première avec Cécile LADJADI, un pur bonheur, le partage d'un après-midi avec une femme qui enseigne aux érudits mais aussi à des enfants sourds et auprès de jeunes de quartiers défavorisés. Un témoignage d'une grande puissance quant au pouvoir de la littérature. J'avais lu précédemment "Illettré" et son tout dernier roman "Bénédict", deux livres que je vous recommande chaudement.

Et puis, une toute jeune femme, dans la littérature s'entend, puisqu'elle vient de sortir son premier roman : "Pays provisoire" qui vous emmènera jusqu'à Saint-Pétersbourg et vous fera voyager dans le temps. Une belle rencontre qui a permis de cerner la source de son inspiration.

Il y a eu une BD aussi :

"Ida" de Chloé CRUCHAUDET, une trilogie réunie dans un album au graphisme gracieux et raffiné : 

Et puis des oeuvres d'art : 

Je me suis laissée transporter par le charme du tout dernier spectacle  de la Compagnie de Jérôme Thomas de passage au Théâtre Monfort de Paris : "Magnétic", de la pure féerie, magique !

J'ai adoré cette sculpture de Frank GIRARD, "Gourmandise", il faut dire qu'elle porte très bien son nom et représente parfaitement les travers de la boulimie de livres, cette maladie dont je souffre, comme vous, non ?

"La lecture" du sculpteur Etienne m'a aussi profondément inspirée. Nous étions le mois du salon du livre de Paris, rien d'étonnant à ce que les oeuvres d'art soient un brin orientées littérature !

Enfin des sorties en poche à signaler :


"Les indésirables" de Diane DUCRET :

"Giboulées de soleil" de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

"Monsieur Origami" de Jean-Marc CECI

Vous ne pouvez décemment plus passer à côté de ces pépites de la littérature.

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2022-03-26T07:00:00+01:00

Furies de Julie RUOCCO

Publié par Tlivres
Furies de Julie RUOCCO

Nouvelle lecture coup de poing, un premier roman époustouflant de la #selection2022 des fées des 68 Premières fois, "Furies" de Julie RUOCCO chez Actes Sud.

Bérénice est archéologue de formation. Elle part en mission. Elle a pris l’habitude de faire l’aller-retour. Elle recèle des antiquités. Mais arrivée à Kilis, une ville turque à la frontière avec la Syrie, au moment où elle doit choisir les bijoux qu’elle rapportera en France, une voiture explose. C’est un attentat suicide. Sonnée, elle s’enfuie avec le sac ensanglanté. Elle trouve refuge chez sa logeuse. Lors d’une sortie, près du grillage de la frontière, une mère lui confie son enfant. Une petite fille. Bérénice dont la vie est en danger assume cette nouvelle responsabilité. Elle doit rentrer en France avec elle mais pour ça, un passeport est nécessaire. Elle s’adresse à un homme qui fait de faux papiers. Il fait revivre tous ceux de son village, assassinés, en transmettant leurs noms à ceux qui cherchent encore à sauver leur vie. Avec lui et l’enfant, Bérénice va laisser s’étirer le temps, à la vie, à la mort.

Ce roman, c’est une claque, un roman puissant qui parle de la guerre. Alors que celle de l’Ukraine a envahi depuis un mois les médias, qu’elle détruit tout sur son passage, qu’elle pousse les femmes et les enfants hors des frontières, qu’elle garde en son sein des hommes condamnés à mourir… au nom de la démocratie, comment rester indifférent à la guerre en Syrie, une guerre civile engagée depuis 2011. Souvenez-vous, soufflait alors l’élan du Printemps arabe !

Julie RUOCCO revisite les événements à travers des personnages de fiction.

Il y a cette femme, Bérénice, cette étrangère qui se retrouve en terre inconnue, en guerre.

Et puis, il y a Asim, un homme né en Syrie. Il y avait sa famille, connaissait ses voisins, il les a tous vus mourir. Dans les ruines des bâtiments et la fosse commune, il continue à chercher ce qu’il y a encore de vivant. Mais autour de lui, tout n’est que décombre et désolation.


La chaîne des générations avait été brisée, sa mémoire s’évaporait par toutes les fenêtres, par tous les pores du pays. À ce rythme, il n’y aurait bientôt plus de vivants sur la terre, à peine des vestiges. P. 125

Il consacre ses journées à donner à chacun un semblant de dignité.

Il y a encore Taym, la sœur d’Asim, une « Furie » en référence aux Erinyes, les filles de Gaïa et Ouranos, qui, dans la mythologie grecque, poursuivaient les criminels. Taym alerte l’opinion internationale. Un temps dans la rue à manifester, maintenant recluse, elle résiste en publiant tout ce qu’elle découvre, un jour justice sera rendue.


Même devant le constat de la défaite imminente, sa détermination restait intacte, comme si son courage s’était mué en quelque chose d’autre, une forme de devoir, une nécessité impérieuse de tirer du sens de toute cette folie pour qu’elle ne se reproduise plus jamais. P. 52

Il en est d’autres, des « Furies », ces femmes qui résistent au joug des hommes, ces femmes guerrières peshmergas.

Julie RUOCCO fait de la guerre un objet littéraire, une tragédie. Dans un récit rythmé par les explosions, elle a cette capacité à faire émerger de la torpeur et l’hébétude des instants de grâce, des moments aussi précieux que fulgurants comme autant de ponts dressés entre les hommes que plus rien ne retient...


À son contact, Bérénice découvrait l’orgueil fou d’être une femme au bord du précipice, la surprise perpétuelle de se relever au-delà du silence et des entraves, même si c’était la dernière chose qu’elle faisait, surtout si c’était la dernière chose qu’elle faisait. P. 225

Julie RUOCCO nous livre un roman percutant, une bombe… à retardement.

 »Furies », c’est aussi l’occasion d’un petit clin d’œil au Book Club, merci Gwen de ce prêt 😉

Parce qu'il n'y a pas de livre sans musique au bal des 68, après 

"Jolene" de Dolly PARTON pour "Les nuits bleues" de Anne-Fleur MURTON

"Fear of the dark" d'Iron Maiden pour "Les maisons vides" de Laurine THIZY,

j'ai choisi un nouveau morceau de hard rock, je vous propose de rester dans le dur, le fort, le puissant avec "Civil War" des Guns N'Roses, le groupe de hard rock américain. Allez, maintenant, musique !

http://tlivrestarts.over-blog.com/2022/03/civil-war-de-slash.html

http://tlivrestarts.over-blog.com/2022/03/civil-war-de-slash.html

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#bookstagram #jamaissansmon68 #selection2022 #premierroman #7anscasefete #onnarretepasles68 #un68sinonrien #touchepasamon68 #jepensedoncje68  #furies #julieruocco

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2020-09-01T06:00:00+02:00

Ásta de Jon Kalman STEFANSSON

Publié par Tlivres
Ásta de Jon Kalman STEFANSSON

Coup de ❤️ pour le roman de Jón Kalman STEFANSSON, il sort en format poche chez Folio, l’occasion de revenir sur Ásta publié aux éditons Grasset. C'est mon #mardiconseil.

Nous sommes dans les années 1950 à Reykjavik en Islande. Helga a 19 ans, Sigvaldi 30. Ils vivent le parfait amour. Ils ont une enfant de 7 mois. Une nouvelle grossesse se profile. Ils cherchent un prénom pour le bébé à venir, une autre fille. En mémoire d'une lecture qu'ils avaient partagée, « Gens indépendants » de Halldór LAXNESS (Prix Nobel de littérature), et qui les avait beaucoup émus, ils choisissent Ásta. A une lettre près, le prénom de la fillette aurait signifié "amour", mais voilà, cette lettre va faire toute la différence ! La grossesse d'Helga est marquée par ses crises de nerfs, un peu comme si la maternité faisait resurgir le passé et tourmentait les âmes par des souvenirs douloureux. Avec la naissance, les sentiments s'apaisent malgré une vie de famille chahutée par une économie en perte de vitesse. Sigvaldi est contraint d'exercer deux métiers pour permettre à sa femme et ses enfants de vivre. Il est marin. Il est peintre en bâtiment aussi, il a monté son entreprise avec un associé. Un jour, il tombe d'une échelle. Un peu sonné, il se remémore les bons moments de son existence. Il culpabilise aussi. S'il n'avait pas été un bon père pour sa fille...  

Ce roman d'apprentissage est absolument EXTRAordinaire.

Dès la première page, j'ai été totalement happée par le tourbillon des destins qui se croisent, se lient, se délient, se relient, perturbés qu’ils sont, comme le climat islandais. Il y est question d'amour, de passion, l'incandescente, celle qui brûle, enflamme, et s'éteint pour ne plus laisser derrière elle que quelques cendres. Mais c'est sans compter, parfois, sur un léger souffle qui suffit à rallumer le tison que l'on croyait à jamais disparu. Il n'y a pas de demi-mesure, juste l'immense sensation d'exister.


Avoir hâte. Surtout quand il s’agit de retrouver une personne qui vous est chère. Alors, on se sent vivant. P. 217

Dans ce roman dont la construction narrative est exceptionnelle émerge un certain rapport au temps. Il y a d'abord celui qui prend appui sur les deux générations de couples, Helga et Sigvaldi d'une part, Ásta et Josef d'autre part. Mais il y aussi celui qui se déploie au rythme des sentiments, tantôt il y a urgence à vivre, assouvir sa passion, chaque minute, chaque heure compte, tantôt les mois, les années, s'étirent inlassablement.


Nous avons tant à faire que parfois, on dirait que notre existence va plus vite que la vie elle-même. P. 42

Enfin, j'ai été profondément touchée par cette espèce de déterminisme dans les générations de femmes, un peu comme si, avec la filiation, elles se transmettaient une partie de leur histoire qui se répéterait indéfiniment. J'avais déjà mesuré cette fragilité dans le roman de Lenka HORNAKOVA-CIVADE et ses "Giboulées de soleil".

Mais là, sous la plume de Jón Kalman STEFANSSON, la tragédie devient une fatalité, emportant tout sur son passage, y compris la raison. L'histoire d'Ásta est ponctuée par des périodes de profonde dépression, certaines réalités sont trop lourdes à porter.


L’ignorance vous rend libre alors que la connaissance vous emprisonne dans la toile de la responsabilité. P. 264

L’exercice littéraire est époustouflant dans la maîtrise des scénarios. Ce roman fait un peu plus de 490 pages, j'aurais aimé qu'il en fasse 100, 200, 300 de plus, totalement habitée que j'ai été par le personnage d'Ásta.

A saluer également la qualité de la traduction proposée par Eric BOURY, juste prodigieuse !

Ásta, je l’ai découvert dans Le cadre du 50e prix des lectrices Elle en 2019. Je faisais partie des heureuses élues, l’occasion de saluer Olivia de Lamberterie et toute l’équipe des jurées.

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2018-08-22T06:00:00+02:00

L’hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy

Publié par Tlivres
L’hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy

Flammarion

Je ne connaissais pas encore la plume de Thomas B. REVERDY, la rentrée littéraire m’a mise sur sa voie et c’est une belle surprise.

Je vous dis quelques mots de l’histoire.

Candice a 20 ans, elle étudie les arts dramatiques. Elle est originaire de Islington Park, un ancien quartier ouvrier devenu un quartier de chômeurs. Elle a mis sa famille à distance pour assouvir sa passion artistique. Elle fait du théâtre et prépare avec Les Shakespearettes, une compagnie exclusivement féminine, « Richard III », une pièce dans laquelle elle joue le rôle principal. Elle est également confrontée aux réalités économiques de son pays. Nous sommes à l’automne 1979. Candice a un travail de coursier. La journée, elle est sur son vélo à distribuer des plis que personne ne souhaite plus confier à La Poste. Elle est exposée aux aléas climatiques, à l’insécurité routière et quand elle regarde la société, perturbée par de grands mouvements de grève, elle résiste et se lance dans la mouvement gauchiste contre le pouvoir en place. 

Cette période noire qu’a vécu la Grande-Bretagne à l’hiver 1978-1979 constitue notre histoire contemporaine, c’était il y a à peine 40 ans. Thomas B. REVERDY a trouvé un moyen original de nous la remémorer, par le filtre de la pièce Shapespearienne qui elle a plus de 500 ans et semble n’avoir pas pris une seule ride !

Par la voie du théâtre, il interroge les finalités du pouvoir et questionne les motivations de Richard III. Comment un homme peut-il arriver à tuer pour se hisser à sa plus haute marche ? Avec Candice, il donne un éclairage sur la campagne électorale menée par le parti conservateur et la montée en puissance de Margaret Thatcher par la voie d’une communication instrumentalisée. L’écrivain utilise le procédé subtil en littérature de l’alternance des époques pour donner au propos une dimension universelle. Il explore le passé pour expliquer le présent, au moment même où le slogan véhiculé est « no future ». C’était il y a deux générations, en Grande-Bretagne. Et si ce roman nous offrait des clés de compréhension sur notre monde d’aujourd’hui ? Là, rien n’est dit, c’est au lecteur d’en choisir !

Nous pourrions nous contenter de cette exploration de la pièce de Shakespeare pour mieux comprendre l’actualité mais l’inverse est également vrai. Quand la metteuse en scène accompagne le travail des comédiennes pour atteindre la perfection, l’instant où l’actrice et son personnage ne font plus qu’un, elle les invite à regarder l’état de leur société pour mieux interpréter l’Histoire.


Pour jouer Richard, vous devez comprendre comment le pouvoir fonctionne aujourd’hui, dit-elle. P. 172

Ce roman dresse un très beau portrait de femme, celui d’une jeune adulte libre, libre de ses choix de vie, libre dans son corps, libre de ses convictions. Malgré l’insouciance inhérente à la jeunesse, Candice est empreinte d’une certaine maturité et nous offre une philosophie de vie.

L’écrivain ne se contente pas de convoquer les arts de la scène, il fait aussi la part belle à la musique en donnant à chaque chapitre de son roman le titre d’une chanson extraite des albums de l’époque, une très belle occasion de constituer sa playlist des événements. Vous côtoierez les univers des Sex Pistols, Adam and the ants, Damned, Buzzcocks, Jam, Public image ltd., Clash, The Cure, Joy Division, Bauhaus, Siouxsie and the Banshees, David Bowie, Marianne Faithfull et Pink Floyd.

Je me suis laissée porter par l’écriture de Thomas B. REVERDY, fluide, percutante, efficace.

« L’hiver du mécontentement », en référence à la première phrase prononcée par Richard III dans la pièce de Shakespeare et au titre donné par le journal le Sun sur les événements de l’hiver 1978-1979, rend intelligent, c’est évident.

Et la chute est prodigieuse !

Ce roman concourt au Challenge 1% rentrée littéraire organisé par Délivrer des livres,

tout comme :

- "Cette maison est la tienne" de Fatima FARHEEN MIRZA, *****

- "Chien-loup" de Serge JONCOUR, coup de coeur

- "Les exilés meurent aussi d'amour" d'Abnousse SHALMANY, *****

- "Lèvres de pierre" de Nancy HUSTON, coup de coeur

 

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2018-09-12T06:00:00+02:00

Même les monstres de Thierry ILLOUZ

Publié par Tlivres
Même les monstres de Thierry ILLOUZ

L’iconoclaste
 

Ce document fait partie de la sélection de novembre du 50ème Grand Prix des Lectrices Elle. Il sort aujourd'hui en librairie.

Thierry ILLOUZ, avocat nous livre l'histoire de sa vie, de sa vocation pour la défense de "monstres", que dis-je, d'êtres humains qui, un jour, ont commis l'irréparable.

L'auteur déroule le fil de son existence depuis le déracinement de sa terre natale. Il n'avait qu'un an quand sa famille a décidé de s'exiler pour le protéger, lui. Il a été élevé en France avec son frère, en Picardie. Son père était policier, il incarnait la loi et tenait à la faire respecter, chez lui, nulle place à l'humain, la faille, la faiblesse, la fragilité. De là à imaginer que Thierry ILLOUZ y ait puisé les sources de sa vocation, il n'y a qu'un pas, un virage à 180° des principes inculqués par son père comme un acte de résistance, de rebellion. 

Mais il n'y a pas qu'à l'égard de son père qu'il a souhaité prendre sa revanche, non, il y a aussi quelque chose qui relève de l'amertume à l'encontre d'une société qui ghétoïse les rapatriés d'Algérie dans des quartiers populaires, des zones urbaines sensibles. L'enfant timide qu'il était aurait pu s'identifier aux jeunes de son quartier, adopter leur mode de vie et de subsistance, mais c'est sans compter sur son rejet du stéréotype de l'immigré coupable de tous les maux.


Je crois que nous ne décidons que de cette manière, par les visages, par le mélange, par les lieux, les mots entendus, les regards qu’on a portés sur nous. P. 20

Alors, il va tracer sa voie, se former au métier d'avocat et décider du public qu'il servira. Il sera le défenseur de ceux qui sont dans le box des accusés. Bien sûr, il y a les victimes pour lesquelles il ressent un profond respect mais sa place n'est pas là. Non, lui veut comprendre ces hommes et ces femmes qui, à un moment de leur vie, basculent.

Thierry ILLOUZ va, tout au long du document, égrener les définitions qui sont les siennes du verbe défendre.

Il va mettre la focale d'abord sur la nécessité de dire, d'exprimer, de formuler, d'exposer les faits reprochés. Nulle intention de sa part de les cacher :


Défendre, ce n’est pas masquer mais dévoiler. P. 47

Et puis, il y a cette volonté qui l'a toujours animée, celle de comprendre. Qu'est ce qui fait qu'un jour, un homme, une femme, soit pris d'un sursaut de violence au point de commettre des faits totalement inimaginables pour un être raisonnable ? Dans chaque individu qu'il est amené à défendre, il cherche ce qui a pu justifier son action.


Défendre, c’est comprendre ce qui se trouve derrière les gestes, derrière les comportements [...] P. 52

Lui-même sait ô combien son itinéraire aurait pu être différent si... et pourtant, il a choisi de porter la robe et de servir celles et ceux qui sont considérés comme des "monstres" aux yeux du commun des mortels. Le propos de Thierry ILLOUZ est profondément humaniste. Celles et ceux qu'il défend sont faits de chair et d'os, ce sont nos semblables, ni plus ni moins. Il nous incite à les considérer tout simplement, les reconnaître comme des hommes et des femmes, ce qu'ils n'ont jamais cessé d'être.

Enfin, il s'attache à la notion du mal et au risque trop grand de se voir considéré, lui, l'avocat, par la société tout entière, comme la caution de ce qui a été commis.


Défendre n’est pas épouser le mal, ni la faute, ni le crime, jamais. Défendre, c’est ôter au mal toute chance d’être le mal, c’est-à-dire une idée réfractaire à toute compréhension, à toute histoire. P. 101

Thierry ILLOUZ attire l'attention du lecteur sur les travers d'une justice aujourd'hui hyper-médiatisée, une justice qui tend de plus en plus à être prononcée non pas par des "hommes de loi" mais par la société civile, avide qu'elle est de la presse à scandale. Mathieu MENEGAUX l'avait illustrée dans "Est-ce ainsi que les hommes jugent ?" mais il s'agissait d'une fiction. Là, le propos prend son ancrage dans une réalité qu'il dénonce.

L'écrivain nous livre une véritable plaidoirie. Il y a les faits et puis, les droits des accusés, et enfin, leurs prétentions. Thierry ILLOUZ, dans un exercice littéraire, signe un acte militant en faveur de celles et ceux sur qui nous devons oser porter le regard, une véritable leçon de vie qui prend appui sur la bienveillance, l'indulgence, l'écoute, la disponibilité, la compréhension. 
Homme de loi, Thierry ILLOUZ est aussi un homme de lettres. Ecrivain et dramaturge, il use d'une plume franche, sincère, droite et loyale, pour servir la cause des stigmatisés, des relégués... 

Même si ce qui est dénoncé a déjà pu être dit, écrit, "Même les monstres" a la force de la personnalisation, de quoi nous offrir quelques moments de méditation.

Retrouvez toutes mes lectures dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2019 :

- "La douce indifférence du monde" de Peter STAMM, roman, sélection de nov.

 

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