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2018-04-14T06:00:00+02:00

Fugitive parce que reine de Violaine HUISMAN

Publié par Tlivres

Éditions Gallimard 


Ce premier roman de Violaine HUISMAN est en réalité une autobiographie, pas celle d’une personne célèbre, non, celle d’une femme que l’on pourrait qualifier d’ordinaire. Violaine HUISMAN a décidé de prendre sa plume pour relater sa vie, celle de sa soeur, celle de sa mère aussi. 


Tout commence quand Violaine et sa soeur, Elsa, ont 10 et 12 ans. Petites filles, en 1989, elles regardent à la télévision les images  de la chute du mur de Berlin et assistent à l'effondrement de leur famille. Leur mère, Catherine, est internée d'office pendant plusieurs mois. Sa maladie mentale a eu raison de son mariage avec le père des enfants. Violaine et Elsa sont accueillies par leurs grands-parents. Toute leur enfance est empreinte des excès de leur mère. Maniaco-dépressive, en permanence sous l’emprise des médicaments, elle peine à assumer ses responsabilités éducatives. Elle fait ce qu’elle peut, mais elle est humaine, avec ses faiblesses. Fantasque, libertine, elle a une vie sexuelle débridée, elle vole d’aventures amoureuses en relations éphémères. En lutte permanente contre son corps marqué à vie par les séquelles d’une maladie infantile, contre sa propre mère qui ne manque de la jalouser, Catherine se lance dans le projet fou de la restauration d’une maison d’un petit village de Corrèze. Elle la rénove et en fait un lieu de grandes fêtes, elle sera son refuge aussi, mais là, commence une toute nouvelle histoire.


Ce roman, je m’y suis plongée, tête la première, je suis tombée en empathie pour l’écrivaine dès les premières lignes du récit. L’enfant qu’est Violaine HUISMAN porte un regard sur la grande Histoire comme la petite, les deux lui échappent littéralement. Alors, comme un instinct de survie, les deux enfants vont développer une relation fusionnelle. Elles apprendront à garder leur maman en secret quand elles seront chez leurs grands-parents. Là-bas, tout n'est que bonheur à la condition de ne pas citer son nom. Elles affronteront ensemble aussi les sursauts de colère de leur mère proclamant haut et fort ses limites :
 


Je suis un être humain et je fais ce que je peux, je fais comme je peux. P. 41

Le modèle patriarcal avec une autorité parentale concentrée dans les seules mains du père assigné au rôle de chef de famille a explosé en plein vol en 1968. Cette année marque de son empreinte cette famille tout particulièrement. Elsa a un an, Violaine naîtra l’année suivante. L'environnement est en pleine mutation, il devient interdit d'interdire, c'est aussi la période de l'émancipation du corps. Violaine HUISMAN brosse le portrait d'une femme en quête de liberté, portée par un mouvement sociétal, d'une mère aussi qui cherche ses repères, qui navigue entre l’éducation qu’elle a reçu de sa propre mère, voire de sa grand-mère, et celle qu'elle aimerait donner à ses filles mais que la maladie mentale vient incessamment perturber. J'ai été bouleversée devant l'acharnement de cette mère à vouloir tenir le cap, coûte que coûte :
 


Il fallait à tout prix qu’elle reste mère, qu’elle ne perde pas ça. P. 25

J'ai été profondément attendrie par la manière de chacune des deux filles à SURvivre dans cette famille chahutée par une vie quotidienne perturbée. Violaine HUISMAN montre la dimension plurielle de la relation fille/mère. La fratrie est composée d’êtres singuliers qui inter-réagissent avec les comportements de l’adulte. Violaine, elle, est animée par un souffle de générosité, de bienveillance et de sérénité. Ses actes sont dictés par cette volonté de toujours faire plaisir, rendre sa mère heureuse, à l'image de ces bouquets de fleurs qu'elle offre à Catherine avec la menue monnaie que lui remet sa grand-mère. Sa soeur, elle, se nourrit des débordements de Catherine et lui répond avec fougue et violence. 


Maman et ma sœur s’aimaient comme des sauvages, elles se seraient entretuées pour se le prouver. P. 40

Ce roman aurait pu être sombre, triste, mélancolique, il est au contraire profondément lumineux. 


D'abord, la plume de Violaine HUISMAN est éblouissante, elle est poétique, pleine d'innocence et de candeur, ainsi quand elle décrit sa représentation de la maladie mentale de sa mère : 
 


Ça ne voulait rien dire d'abord, maniaco-dépressive. Ou si, ça voulait dire que maman pouvait monter dans les tours, des tours que je visualisais aux angles d'un château fort, des donjons, au sommet desquels j'imaginais maman grimper à toute allure, et d'un bond, plonger au fin fond des cachots ou des catacombes, enfin là où il faisait froid et humide, là où ça puait la mort. P. 12

Son écriture sublime les personnages. Même si Violaine HUISMAN dédie son premier roman à sa soeur, il s'agit bien là d'une formidable preuve d'amour offerte à sa mère. Elle en expose, y compris les fêlures, mais imprime dans notre inconscient son immense beauté. 


Ensuite, parce que cette famille, aussi disloquée soit-elle, a toujours été portée par un prodigieux amour. Cette mère, malgré sa vulnérabilité, s'est toujours ennorgueillie de la tendresse et de l'affection qu'elle portait à ses enfants qui, au final, le lui rendent bien. Ce roman montre la puissance de la filiation mère/fille, ce lien pourtant si souvent blâmé en littérature et qui ici, revêt toute sa splendeur. Il y a quelque chose de l'ordre du viscéral, de l'intime et de l'inaltérable.


Enfin, parce que ce roman est une fabuleuse leçon de vie. Il y a dans le combat de cette mère quelque chose d'une force inouie qui nous invite, tout simplement, à vivre passionnément.
 


Le foyer de maman était un âtre, elle y faisait feu de tout bois pourvu qu’y règnent l’ardeur des sentiments, la chaleur brûlante de sa foi en l’âme humaine. P. 82

Il y a des coups de coeur, il y a aussi des lectures coup de poing, celle-ci en fait partie. Ce premier roman m'a émue intensément, il m'a fait vibrer, c'est peut-être ça, EXISTER !


"Fugitive parce que reine" est en lice pour le Prix du Livre France bleu_Page des libraires

avec

- "La chambre des merveilles" de Julien SANDREL
- "Le théâtre de Slávek" de Anne DELAFLOTTE MEHDEVI
- "Kisanga" de Emmanuel GRAND
- "Un océan, deux mers et trois continents" de Wilfried N'SONDE
 

Résultats le 4 juin prochain.
 

Il fait aussi partie de la sélection des 68 Premières fois

 

"L'Attrape-souci" de Catherine FAYE

"Les déraisons" d'Odile d'OULTREMONT

"Pays provisoire" de Fanny TONNELIER

"L'homme de Grand Soleil" de Jacques GAUBIL

"Les rêveurs" d'Isabelle CARRE

"Eparse" de Lisa BALAVOINE

"Celui qui disait nonde Adeline BALDACCHINO

"Une mère modèle" de Pierre LINHART

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