Le bal du printemps littéraire 2019 se poursuit avec "L'âme du violon" de Marie CHARVET, un premier roman qui fait la place belle à la musique. Allez, en piste !
Nous sommes en 1600, en Italie du Nord, à Brescia, Giuseppe travaille chez son maître luthier, Giovanni Maggini. La notoriété des artisans d'art est telle qu'ils réalisent régulièrement des travaux pour le comte de Cagliostro. La dernière commande porte sur un violon d'exception avec lequel la fille du comte jouera lors de la prochaine réception. La musique, c'est aussi la passion de Lazlo, un jeune tzigane de Nogent-sur-Marne. Nous sommes dans les années 1930, le garçon est élevé par son oncle Nathanaël. Il a pris son neveu sous son aile, sa mère a été exclue de la communauté par avoir flirté avec un gadgo, un père que l'enfant n'a jamais vu. C'est certain, il est différent des autres, il n'a pas le commerce dans la peau, mais la musique, oui, un véritable don. La différence, c'est aussi à cela qu'est confrontée Lucie qui occupe une chambre de bonne dans le quartier des Batignolles à Paris. Depuis toute petite, elle s'est distinguée de sa soeur, Iris, bien comme il faut. Lucie, elle, a besoin de liberté, de sortir du cadre. Quand elle a fait le choix d'apprendre les Beaux-Arts, c'était la goutte d'eau dans un vase déjà bien rempli, ses parents ont coupé les ponts. De sa famille, elle ne voit plus que sa grand-mère, Marguerite. Elle habite Lyon, elle a plus de quatre-vingt-dix ans aujourd'hui mais elle fut la première femme française à exercer le métier de musicienne. L'art, elle connaît. Grand-mère et petite-fille entretiennent une relation de complicité extraordinaire. Quant à Charles, il partage sa vie entre Paris et New-York. Elève surdoué, il s'est orienté vers Polytechnique. Chef d'entreprise, il investit et se prépare à l'entrée en bourse de sa société. Dans sa vie, il avait tout ou presque. C'est à 20 ans qu'il s'est retrouvé un peu par hasard à entrer dans l'église de Saint-Eustache de Paris au moment d'un concert, il s'est découvert une passion pour la musique. Perfectionniste, il s'est constitué une culture hors pair sur le sujet et découvre un nouveau terrain de jeu, financier.
Dans "L'âme du violon", vous l'aurez compris, Marie CHARVET nous brosse une galerie de portraits, des hommes, des femmes, tous passionnés par la musique. L'écrivaine nous fait voyager à travers les siècles, depuis la création d'instruments rares largement convoités encore aujourd'hui pour la qualité du son qu'ils continuent de produire. J'ai été émerveillée par les descriptions de l'atelier de Giuseppe, le travail artisanal, l'amour du matériau, noble, le bois. Il m'a fait prendre conscience de la puissance de l'objet.
Le choix du bois d’un instrument est capital. Il détermine la clarté, la rondeur et la couleur du son. P. 163
Le voyage se poursuit entre les communautés, entre les microcosmes de la société, d'hier et d'aujourd'hui. L'écrivaine s'attache à appréhender la musique dans les milieux sociaux, tous vibrant pour les maisons raisons, artistiques. La musique a ce pouvoir de transporter les humains, de les faire vibrer, et si nous étions finalement égaux ? Je me suis laissée bercer par les notes de musique de Lazlo
Les doigts de Lazlo se lancent à l’assaut de la mélodie, ils sautillent,
tricotent, entremêlent d’invisibles fils, montent et descendent, dans un chemin fait de trilles, de vibratos, d’appoggiatures, de glissandos. P. 23
Il y a cette énergie grisante et envoûtante dans les morceaux joués par le jeune homme des gens du voyage. Il a trouvé dans la musique un mode d'expression à la mesure de son être.
Alors ces notes d’amour remplacent les mots qu’il ne parvient pas toujours à trouver pour dire ses sentiments. P. 65
L'art est transcendant dans ce qu'il exige des hommes, du corps et de l'esprit, cette espèce d'abandon, cette sorte de lâcher-prise, qui font que l'être se donne tout entier à la discipline. En musique comme en peinture, mais là commence une toute autre histoire !
"L'âme du violon" est d'une construction implacable. Au rythme des premières notes, vous ferez vos premiers pas sur la piste de danse, prendrez vos repères au bras de l'écrivaine et vous laisserez bientôt transporter par le charme de la plume. Vous en sortirez enivré.
C'est un premier roman réussi, d'une très grande beauté dans la qualité de l'écriture et d'une remarquable ingéniosité dans le mélange des genres. Mesdames les fées des 68 Premières fois, voilà un berceau sur lequel peut-être se pencher...
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