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Articles avec #68 premieres fois catégorie

2019-11-23T07:00:00+01:00

Le bal des folles de Victoria MAS

Publié par Tlivres
Le bal des folles de Victoria MAS

Albin Michel

Nous sommes en mars 1885. Louise se réveille, enfin, comme chaque jour, c'est la dernière à ouvrir l'oeil et à daigner mettre le pied à terre. Toutes les autres femmes s'agitent déjà, se coiffent, s'habillent. Ses voisines de chambre, des "folles", répondent déjà aux ordres de Geneviève. Fille  de médecin, elle est infirmière depuis une vingtaine d'années à La Salpêtrière, le haut lieu d'exercice du Professeur Charcot, neurologue. Pour rythmer la vie de l'établissement psychiatrique, il y a bien les expérimentations menées par Charcot sur Louise pour nourrir ses cours, mais il y a aussi un événement annuel qui met toutes ces femmes en ébullition, le bal de la mi-carême. C'est le moment où le tout Paris, entendez ces bourgeois bien sûr, vont assister au grotesque carnaval organisé pour mettre en scène des êtres privés de liberté. On vient à La Salpêtrière un peu comme si on allait au zoo. Alors, il faut qu'elles soient belles, ces femmes, et puis, les chiffons les occupent si bien, les émerveillent même, une véritable bouffée d'air dans un quotidien triste à mourir. Certaines s'en arrangent comme Thérèse, la plus ancienne de l'établissement, d'autres ne décolèrent pas comme Eugénie, enfermée par son père avec la complicité de son frère, pour ses propos troublant l'ordre moral. Et si le château de cartes si minutieusement construit venait à se fragiliser avec la révélation d'un terrible secret... là commencerait une toute nouvelle histoire, non ? 

Victoria MAS, dans ce premier roman sélectionné par les fées des 68 Premières fois, lauréat du Prix Stanislas et du Prix Renaudot des Lycéens 2019, nous offre une galerie de portraits de femmes comme un miroir de la société française du XIXème siècle. Il y a Louise bien sûr, personnage largement inspiré d'une femme qui a réellement existé, Augustine, celle dont le corps a servi le Professeur Charcot pendant de longues années. Il y a Thérèse aussi que La Salpêtrière protège de l'environnement extérieur, au point de ne plus vouloir la quitter. Il y a encore Eugénie, une représentante de toutes ces femmes que l'on muselait à l'époque et que l'on internait pour les faire taire. Toutes ces femmes sont éminemment romanesques et donnent à voir la condition féminine de l'époque, des êtres sous le joug de la domination masculine !


Mais la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes sur elles-mêmes. P. 113

Ce roman a été une réelle lecture coup de poing pour moi, une lecture douloureuse pendant laquelle je n'ai pas décoléré je dois bien le dire.

Outre l'inégalité hommes/femmes qui me révulse dans tout ce qu'elle représente de soumission, il y a le traitement de la maladie mentale. Bien sûr, il faut replacer les choses dans leur contexte historique et mesurer toutes les avancées réalisées dans le champ de la psychiatrie pour arriver aux pratiques d'aujourd'hui. Si l'on peut imaginer que les traitements lourds assommaient les malades plus qu'ils ne leur offraient d'échappatoire :


Dormir permet de ne plus se préoccuper de ce qu’il s’est passé, et de ne pas s’inquiéter de ce qui est à venir. P 8

ce qui m'a le plus indignée, et de loin, c'est le fait que les expériences menées par le Professeur Charcot, sur le corps humain entendons-nous bien, soient mises au service de ses cours, et non de l'amélioration de l'état de santé de ses patientes, à la vie à la mort. J'ai été profondément touchée par cette finalité et suis très curieuse maintenant de savoir s'il s'agit d'une liberté que s'est offerte Victoria MAS avec la réalité. D'ailleurs, en lisant cette phrase, j'avoue que je m'autorise à le penser...


Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter. P. 249

Plus grotesque encore est l'organisation de ce carnaval. Mettre des internées, quand on connaît leur parcours, en scène comme des animaux, m'est juste insupportable. Vous comprendrez que ce livre, je m'en souviendrais longtemps pour tout ce qu'il éveille en moi et anime comme vent de colère. Si j'avais vécu à cette époque, peut-être m'y serais-je retrouvée enfermée ?

Chapeau à la toute jeune écrivaine, Victoria MAS, qui a réussit à me retenir jusqu'à la dernière page. 

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2019-11-16T10:19:04+01:00

Après la fête de Lola NICOLLE

Publié par Tlivres
Après la fête de Lola NICOLLE

Les Escales

Nous sommes le vendredi 13 novembre 2015 à Paris. Après cette date, plus rien ne sera pareil. Raphaëlle et Antoine étaient dans un bar quand l'attentat du Bataclan a été perpétré. Une partie de la nuit, ils furent seuls au monde, comme en suspension. Leurs proches pensaient qu’ils étaient morts. Mais, le fait d'avoir vécu ensemble cette nuit de terreur et d'être toujours vivant ne pourra seul retenir leurs deux existences. Quand la relation se distend, que les regards finissent par manquer de complicité pour se porter sur d’autres, sur l'extérieur... il est parfois nécessaire de combler le vide pour trouver la voie de la résilience.

C’est le chemin que prend Raphaëlle en livrant comme une confession le récit de cet immense amour entre deux êtres qui ne faisaient qu'un. 

Sur fond d'études universitaires, dans l’intimité de leur appartement, ils vécurent des moments de grâce, de ceux qui sont empreints de bienveillance, de douceur et d’ivresse. À l’intérieur des murs s’ouvrait le champ des possibles. C’est là qu’ils s’émerveillaient l’un de l’autre et qu’ils construisaient jour après jour une relation nourrie de passion. Les livres comblaient leur quotidien, chacun dans leur registre, c'est certain, mais peu leur importait alors. Leur cocon les préservait de l'environnement, des pressions extérieures tout simplement. C'était la fête, quoi !


Tomber amoureux, verbe du premier groupe. Avoir la sensation que la conversation avec une autre personne est illimitée, et souhaiter que la discussion, sans cesse, se poursuive. Apprécier les silences, les chérir. P. 60

L’histoire de Raphaëlle et Antoine est composée de 58 chapitres comme autant de petits cailloux ponctuant l’itinéraire d’un couple dans le grand Paris. Malheureusement pour leur union, l'un a roulé dans la chaussure, rendant les premiers pas douloureux et très vite, le fait de continuer à vivre ensemble impensable. S'ils avaient réussi jusque-là à surmonter leurs différences, bientôt elles s'édifièrent devant leur couple comme une frontière impossible à franchir. 

Entre Raphaëlle et Antoine, il y avait une affaire de territoire, d'abord. Elle est née dans un quartier bourgeois, lui dans une cité à la périphérie. Le ver est dans le fruit.


Car le lieu induisait l’acte. C’était la géographie qui accusait. La cité qui, d’emblée, montrait du doigt. P. 97

Ils ont bien essayé de faire fi de leurs origines, de s’affranchir de ce déterminisme géographique mais il était beaucoup plus que ça. Il relevait aussi du social. Ils n’ont tout simplement pas reçu la même éducation.


Acculturation, nom féminin : processus par lequel un individu apprend les modes de comportement, les modèles et les normes d’un groupe de façon à être accepté dans ce groupe et à participer sans conflit. P. 101

Quand l’argent n’était pas un problème chez elle, voire qu’il solutionnait tout problème, il manquait chez lui et devenait le pilier incontournable de toute une vie, parasitant à jamais l’existence d’Antoine, hanté par la misère de ses parents.


C’est lorsque les projets n’ont de sens que pour ceux qui les conçoivent qu’on peut voir une complicité se nouer, un monde intime s’ériger. P. 50

Difficile dans ces circonstances de monter des projets à deux. Si l’on sait dès les premières lignes que Raphaëlle et Antoine se sont séparés, Lola NICOLLE réussit à conter une relation envoûtante, elle y traite de la passion amoureuse, de ces moments de fol espoir, et puis ponctue le récit d’étapes de la vie pour lesquelles on finit par oublier l’issue, mêlant suspense et frénésie. 

Mais « Après la fête » porte bien son titre, c'est un roman social, grinçant, caustique, qui porte un regard désabusé sur notre société, cloisonnée, du XXIème siècle, la disgrâce, la voilà. Il témoigne de toutes ses fractures, aggravées lors du passage des études supérieures au monde professionnel mais ce n'est pas le problème de fond, non, juste un révélateur ! Et même si les soucis, l'inquiétude, l'angoisse de l'avenir succèdent à l'insouciance d'avant dans un laps de temps court, un moment de rupture fugace, j'ai vu dans cette lecture la révélation des fondements de nos vies comme autant de freins à sortir de notre univers familial, un peu comme si notre enfance nous conditionnait à vie. Nous ne naissons pas tous égaux, non ! Je sors de cette lecture avec une terrible gueule de bois, un peu comme un lendemain de fête.

J'ai adoré explorer avec Lola NICOLLE les enjeux du dedans et du dehors, du in et du out. D'ailleurs, la photographie de première de couverture témoigne bien de cette absence de porosité entre les deux univers. Tout est flou. Et même si l'on peut présumer d'une vie, de l'autre côté de la vitre, de points lumineux aussi, impossible de les décrypter. 

J’ai été frappée, avec ce roman, par la capacité de Lola NICOLLE à décrire des scènes de la vie avec une profonde minutie. « Après la fête » est un roman d’atmosphère, j'ai vu Raphaëlle et Antoine, j'ai entendu leurs voix, j'ai ressenti leurs émotions. Mais ce n'est pas que ça, non, ce roman il est aussi écrit dans une plume éminemment poétique :


Tu avais compris ma grammaire et me traduisais à l’aide d’un alphabet qui te permettait de composer des phrases à chaque fois différentes. P. 40

Une nouvelle fois, les qualités de l'écriture sont remarquables. Bravo les fées des 68 Premières fois pour cette révélation.

 

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2019-11-12T19:30:18+01:00

Après la fête de Lola NICOLLE

Publié par Tlivres
Après la fête de Lola NICOLLE

Parce que cette #RL2019 de septembre est particulièrement riche en émotions et que les fées des 68 Premières fois savent repérer le talent de primo-romanciers, mon #mardiconseil est celui de Lola NICOLLE « Après la fête » publié aux éditions Les Escales.

Je vous en livre les premières lignes... 


13 novembre. Balafre dans le calendrier.


C’est un anniversaire. Nous sommes dans un bar du dix-huitième arrondissement. Quelque chose se passe. Dans la nuit, une onde traverse Paris. Ni toi ni moi n'avons de batterie. Les autres doivent être inquiets. On hésite entre rentrer, rester là ; on ne comprend pas grand-chose. Et puis, on se décide. L'appartement n'est qu'à vingt minutes à pied. Il ne peut vraisemblablement rien nous arriver. Dans la rue, tu commences à pleurer. On marche vite. On grimpe au cinquième étage en courant, on met la clef dans la serrure, on se précipite à l'intérieur, on trouve nos chargeurs, nos téléphones, des prises, on allume l'ordinateur, on allume la radio, on allume toutes les lampes. Des dizaines de messages nous parviennent enfin.


Cela fait quelques heures que nous sommes potentiellement portés disparus. Pour la première fois en France depuis longtemps, sans nouvelles d'un proche, on peut supposer sa mort. Et on attend.

Ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas d'un énième roman sur les attentats du 13 novembre 2015 à Paris mais d'une toile de fond, d'un contexte historique dans lequel les dimensions du dedans et du dehors vont être déclinées avec une minutie remarquable par une écrivaine en herbe dont la plume est éminemment poétique. Ce roman est celui de la (dis)grâce !

Rendez-vous samedi pour la chronique.

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2019-11-09T07:00:00+01:00

Un été à l’Islette de Géraldine JEFFROY

Publié par Tlivres

 


 

Arléa

Avec ce premier roman, Géraldine JEFFROY remonte le fil du temps. Nous sommes en 1892. Eugénie, fille unique d’artisans-commerçants, sans distinction particulière au grand damne de sa mère, part passer l’été au service de Madame Courcelle, une châtelaine, veuve, qui agit en maître sur le château de l’Islette. Nous sommes dans la vallée de l’Indre. Là, Marguerite, passe l’été chez sa grand-mère. Elle n’a que 6 ans. Et puis, arrivent dans les lieux, deux artistes, RODIN et Camille CLAUDEL qui y installent depuis plusieurs années leur atelier d'été. C’est là que prirent forme La Valse et La Petite Châtelaine de Camille CLAUDEL. C’est aussi là que RODIN esquissa Balzac. C’est cet été-là enfin que Claude DEBUSSY composa L’Après-midi d’un faune, le musicien  et ami avec qui Camille CLAUDEL entretient un échange épistolaire.

Ce roman est narré par la voix de la jeune femme, tout émerveillée de découvrir non seulement une famille mais aussi de côtoyer l’art dans ce qu’il a de plus majestueux. C'est dans ce Château qu'elle aura la chance, le jour, de s'introduire avec la petite Marguerite dans l'atelier de Camille CLAUDEL, elle entendra aussi, la nuit, tout un tas de bruits liés, soit à la sculpture, soit aux colères et autres scènes de ménage entretenues avec RODIN.

Géraldine JEFFROY fait toucher du doigt les exigences de la création artistique et nous livre un passage d'une profonde sensualité dans le rapport établi entre Camille CLAUDEL et la matière :


Elle semblait vouloir prolonger la joie tactile des premières caresses, elle était avec sa terre comme une mère réanimant son petit frigorifié. Les narines palpitantes, elle la reniflait comme on renifle une peau aimée, l’odeur de lait du nourrisson, puis elle s’éloignait, étourdie, elle ouvrait grand la fenêtre et respirait l’air pur le visage tourné vers les arbres. P. 77

Si Géraldine JEFFROY relate une histoire d’amour tumultueuse entre Camille CLAUDEL et RODIN, j’ai personnellement beaucoup apprécié les lettres échangées entre la sculptrice et le musicien, une correspondance où le naturel reprend ses droits. Sur le ton de la confession, Camille CLAUDEL lui livre ses doutes, ses états d'âme :


Ici, ma Valse mûrit doucement à force de recherches, d’essais heureux ou malheureux. Le drapé sur les jambes de ma danseuse a fini par trouver sa forme et le haut des corps m’a donné quelques peines. Le mouvement des bras, l’impression de leur courbe, l’opposition des mains, l’inclinaison des têtes, l’expression des visages, tout cela fut soumis à de longues réflexions qui m’ont laissée exsangue. P. 80/81

Un été à l’Islette de Géraldine JEFFROY

Souvenons-nous qu'à cette époque, Camille CLAUDEL n'a pas trente ans.

Inspiré de l'histoire vraie de Camille CLAUDEL, le propos est éminemment romanesque. La plume est belle et délicate, le jeu narratif intéressant mais il en faudrait bien plus que 119 pages pour me satisfaire. Géraldine JEFFROY a tout juste réussi à m'ouvrir un immense appétit. Si d'aventure vous connaissez d'autres romans autour de l'artiste Camille CLAUDEL, c'est avec un très grand plaisir que je m'y plongerai.

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2019-11-02T07:00:00+01:00

La chaleur de Victor JESTIN

Publié par Tlivres
La chaleur de Victor JESTIN

Il y a des romans qui s'imposent à vous ! 

Celui-là, je l'avais reçu dans le cadre des 68 Premières fois, il était sur la chaise qui me sert de chevet, là où un extrait de ma PAL siège, il attendait son heure. Il s'est en réalité fait une place, très tôt. Réveil difficile à 4h30, 1/2 heure à tourner sans espoir de me rendormir. Je m'en suis saisie, je l'ai lâché après avoir parcouru la chute, et quelle chute, à 7h30 !

Tout commence avec une scène funèbre, le suicide d'Oscar, un jeune garçon, avec les cordes d'une balançoire pour enfants. Nous sommes sur un terrain de camping des Landes, en plein été. Léonard a 17 ans, il y passe sa dernière nuit, le lendemain sera le jour du départ de la famille. Il n'arrive pas à dormir, quitte sa toile de tente et se met à déambuler de nuit. C'est là qu'il assiste au spectacle macabre. Tétanisé par le regard hagard de l'adolescent, incapable d'agir, il reste là à attendre le dernier souffle d'Oscar. Pris de panique, il l'enterre dans le sable de la dune en espérant que le cadavre ne soit jamais découvert. A partir du lever du soleil, implacable, une nouvelle histoire commence !

Ce roman, je l'ai pris en pleine figure dès les premières lignes, happée par la scène, questionnée par les motivations des adolescents, l'un de mettre fin à ses jours, l'autre de monter un scénario imprévisible. Je ne l'ai plus lâché parce qu'il faut bien le dire, le tout jeune écrivain, Victor JESTIN, sait tenir en haleine son lecteur.

Si l’alternative du corps enseveli ne tient pas, ce qui est fascinant c'est la force de caractère dont fait preuve Léonard face à celles et ceux qui l'entourent la journée suivante. Il y a ses parents bien sûr, il y a la mère d'Oscar, il y a aussi une jeune fille, celle dont il a rêvé pendant toutes les vacances. Saura-t-il la séduire au moment où sa vie paraît la plus fragile, lui, le jeune homme timide, qui n'aime pas les fêtes, se plaît seul, loin de tous, ne supportant pas le simple principe de devoir afficher le bonheur d'être en vacances alors même qu'il est malheureux comme les pierres, ne trouve pas sa place, ne sait comment approcher les filles ? Quant à passer à l'acte... sexuel, ça reste encore un sujet difficile pour lui.

Avec "La chaleur", on ressent jusque dans les pores de la peau les tribulations d'un corps pubère qui se cherche dans ses dimensions d'adulte, la testostérone débordante, le désir jubilatoire de la première fois, l'ivresse...

Avec cette journée EXTRAordinaire, il y a quelque chose qui relève de la transition, du corps bien sûr mais aussi de la vie plus  généralement, le passage de l’adolescence à l’adulte, de l’avant et de l’après première fois...

A l’image des « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » de Stefan ZWEIG, il y a maintenant les vingt-quatre heures de la vie de Léonard, celles qui vont tout changer, taraudées par un sentiment de culpabilité, assaillies par une température caniculaire, empreintes d’une faille qui ouvre la voie de tous les possibles... 

Ce roman, je l'ai lu d'une traite, en apnée totale. Je n'ai pas pris le temps de noter une citation, c'est dire !

En fait, Victor JESTIN a beaucoup de talent, une plume à suivre, c'est certain.

Retrouvez d'autres primo-romanciers :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

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2019-10-31T08:45:28+01:00

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Publié par Tlivres
Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Ma #citationdujeudi est extraite d'un premier roman sélectionné par les 68 Premières fois : "Ceux que je suis" d'Olivier DORCHAMPS aux éditions Finitude, un petit jubilé de tendresse, d'émotion, de bienveillance pour évoquer l'exil, le déracinement, cette double culture qui marque de son empreinte des êtres qui ont eu la (mal)chance de naître dans un autre pays que celui dans lequel ils vivent tous les jours.

Je vous le conseille absolument.

Et puisque nous clôturons aujourd'hui le mois d'#Octobrerose, elle est toute teintée de rose. Le #rubanrose a 25 ans. #Tousunispourunememecouleur et pour le dépistage du #cancerdusein.

Retrouvez toutes mes chroniques de cette sélection :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

 

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2019-10-26T06:00:00+02:00

J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

Publié par Tlivres
J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

Belfond

Parce que je ne lis plus les quatrièmes de couverture, 
Parce que je résiste aux chroniques avant d'avoir découvert par moi-même un roman,
et parce que j'adore voir la magie des choix très éclectiques des fées des 68 Premières fois opérer,
je ne savais absolument pas à quoi m'attendre avec le premier roman de Yoan SMADJA et puis vous assurer, maintenant, que c'était mieux ainsi !

Sacha Alona est grand reporter. Elle, qui depuis sa plus tendre enfance, croque la vie à pleines dents, avide de découvertes à réaliser, d'expériences à faire et de défis à relever, elle prend l'avion au printemps 1994 à destination du Cap en Afrique du Sud, missionnée qu'elle est pour relater les premières élections démocratiques post-apartheid. Très vite, avec Benjamin, photographe, Sacha flaire une filière d'armes. Elle découvre des machettes en quantités effroyables et qui, coupantes des deux côtés, ne peuvent répondre aux besoins de seuls agriculteurs africains. Elles sont faites pour tuer. Sans l'accord de son employeur, elle s'envole pour le Rwanda où la guident ses pas... elle ne sait pas encore qu'en quelques mois sa vie basculera. Elle croisera effectivement sur son chemin, un homme, Daniel Kobeysi, chirurgien obstétrique, originaire de Kigali, qui partage sa vie entre sa famille de Butare et les patientes des montagnes des Virunga. Sacha et Benjamin lui demanderont de les mener jusqu'à Paul Kagamé, alors vice-président, pour l'interviewer. Mais très vite, leur destin est percuté par les événements, l'attentat perpétré contre l’avion du Président Habyarimana, l'assassinat du Premier Ministre du Rwanda  avec 10 casques bleus belges chargés de sa protection. Daniel est torturé par l'angoisse de ne pas retrouver sa femme, Rose, et son fils, Joseph, menacés du génocide Tutsi qui sévit dans tout le pays. Tous trois vont partager des moments d'intimité alors même que l'humanité sombre dans l'ignominie.

Ce premier roman est absolument bouleversant.

Il l'est d'abord par le sujet même du livre. Si le génocide du Rwanda apparaît aujourd'hui, plus de 20 après, en littérature, chaque auteur a sa manière de le traiter en lien, souvent, avec sa propre histoire. Dans "Tous tes enfants dispersés" de Beata UMUBYEYI MAIRESSE, l'écrivaine, originaire de Butare, relate le retour au pays aujourd'hui d'une expatriée en France dès les premiers jours des massacres et évoque de façon suggestive la destruction d'une ethnie à travers les souvenirs égrenés par sa mère. Là, avec Yoan SMADJA, vous allez vivre les faits de l'intérieur, lui qui s'est rendu sur place 12 ans après le génocide.

Il l'est encore parce que vous allez, aux côtés de Sacha et Benjamin, participer à l'action de grands reporters dans des pays en guerre. Vous allez monter dans des véhicules improbables, vivre des embuscades et des montées d'adrénaline aux check-points, réagir instinctivement dans des moments d'extrême urgence, vous allez VOIR aussi ! Voir l'histoire se dérouler sous vos yeux, la capturer avec un appareil photo et les voir diffusés au monde entier ou bien l'écrire alors même que les mots vous manquent pour relater l'indicible.


Ceux qui ne savent qu’écrire n’ont pas d’issue, car il n’y a pas de mots. P. 200

Yoan SMADJA rend un vibrant hommage à une profession qui, chaque jour, met en danger la vie d'hommes et de femmes pour permettre à l'information d'être ce qu'elle est, pour permettre à une forme de liberté de perdurer, coûte que coûte. Il y a un très beau moment d'émotion partagé entre Sacha et Benjamin :


Ils esquissèrent un sourire, finirent même par rire, tels des enfants qui se seraient déguisés pour jouer, tels des adultes qui savaient apprécier le bonheur d’un instant, avant que le sol ne se dérobe sous leurs pieds. P. 184

ll l'est aussi parce que vous allez vous interroger sur le pourquoi des faits ? Comment l'Homme peut-il devenir aussi sauvage ? Comment peut-il un jour arriver à tuer ses voisins, ses amis, voire sa propre famille. Yoan SMADJA revient sur les années qui ont précédé le génocide, il explique comment des faits, mis les uns à la suite des autres, ont réussi à instrumentaliser des hommes.


La peur est un mécanisme efficace pour installer l’idée d’un « eux contre nous » obsessionnel. P. 102

L'écrivain concourt au devoir de mémoire. 1994, c'était hier, et nous alerte sur ce que pourrait devenir demain.

Il l'est enfin dans la forme narrative, un hymne à l'écriture. Yoan SMADJA va, dans un procédé ingénieux, se faire côtoyer deux plumes, celle de Sacha qui relate les faits pour son métier et celle de Rose, cette femme qui, tout au long des événements, va écrire à son mari, Daniel, pour lui conter sa vie et celle de son fils au cas où... Le jeu de l'alternance entre chapitres et correspondances vont rythmer un brillant roman.

Quant à la chute, et puisque, moi, je n'ai pas pris comme Sacha d'engagement, je me suis autorisée à pleurer toutes les larmes de mon corps. 

Yoan SMADJA signe assurément un premier roman bouleversant, de ceux qui vous font mesurer la fragilité de l'humanité, dans ce qu'elle a de plus noir, et de plus lumineux aussi. Je ne saurais dire si mes larmes étaient de chagrin ou  de plaisir... 

Retrouvez mes précédentes chroniques :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

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2019-10-23T07:33:11+02:00

J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

Publié par Tlivres
J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi de Yoan SMADJA

Parce qu'il y a des romans de cette #RL2019 de septembre dédiés au génocide du Rwanda mais qu'ils sont, chacun, uniques dans leur genre, je vous livre aujourd'hui les premières lignes du premier roman de Yoan SMADJA : 


C'est en avril 1994 que j'ai demandé à Dieu de divorcer.

A-t-il accepté ? Je crois qu'il ne m'a jamais répondu. D'ordinaire, le printemps est une saison dorée. En avril 1994, il n'en fut rien. J'y ai vu un pays tout de vert, de terre et d'affliction vêtu.

La première impression se fait depuis le ciel. Je suis navrée pour les journalistes arrivés par la route, car leur a échappé ce que le Rwanda offre à la fois de plus singulier et de plus beau : l'enchevêtrement des collines, leur géométrie inachevée, tourmentée, d'une beauté à couper le souffle.

Un roman prodigieux découvert grâce aux 68 Premières fois :

 

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2019-10-19T05:41:12+02:00

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

Publié par Tlivres
Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

Editions Stock

Tout commence avec une scène de tribunal, le jugement est sur le point de tomber. Adèle est prisonnière de son corps qui ne réussit pas à expulser le mot qui ferait toute la différence, celui qui lui offrirait la voie de la résilience, à elle et aux personnes qu'elle a trompées, abusées, manipulées. Les premiers faits remontent au 13 novembre 2015, le jour des attentats du Bataclan à Paris. Adèle habite au-dessus de la salle de spectacles. Adèle dort le jour, vit la nuit. Du bord de sa fenêtre, elle observe les hommes, les femmes, ceux qui sont à l'extérieur. Elle s'imagine une vie à travers eux. Alors, quand elle allume son poste de télévision pour comprendre le pourquoi des voitures de police, d'ambulances au bas de chez elle, qu'elle découvre le portrait d'une femme brandissant une photo de son fils, disparu, Matteo, le jeune homme qu'Adèle connaît, elle sort de chez elle et se rend à l'Ecole militaire, là où des équipes s'affairent à accueillir les proches des victimes dans l'attente de nouvelles. C'est à cet endroit qu'Adèle commence à semer les premières graines de ce qui sera bien plus qu'une affaire d'usurpation d'identité !

Dans chaque sélection des 68 Premières fois, il y a une lecture coup de poing. Je n'en suis qu'à la moitié mais je crois que ce premier roman de Constance RIVIERE va allègrement pouvoir endosser ce costume parfaitement ajusté.

Dès les premières pages, le ton est donné, cinglant, percutant. Chaque mot est terriblement pesé. Tel un uppercut, ce livre va vous couper le souffle et vous tenir en haleine tout au long des 183 pages. Vous ne retrouverez un rythme cardiaque normal qu'une fois la lecture achevée.

A travers Adèle, l'écrivaine décrypte le phénomène absolument incroyable et pourtant bien réel d'une terrible imposture, celle du statut de victime d'un attentat. Le scénario, imaginé par Constance RIVIERE, est implacable. Chaque carte est  délicatement posée sur un château qui aurait pu ne pas s'écrouler, mais... le lecteur le sait dès le début, le jugement est tombé.


[...] une fausse victime ne valait pas mieux qu’un terroriste, sacrifiant sa part d’humanité au besoin d’exister, prêt à tout écraser pour un quart d’heure de gloire [...]. P. 132

J'ai été littéralement happée par le personnage d'Adèle, subjuguée par une construction qui, dès la naissance, tournait autour du sujet de l'identité. Et puis, avec l'âge, les conséquences des traumatismes n'ont fait que s'accentuer jusqu'à autoriser une jeune femme à se mettre dans la peu d'une autre pour EXISTER.


Elle était devenue quelqu’un, toute seule, en quelques semaines, avec une identité qui lui serait bientôt propre. P. 128

Dans ce roman choral où tour à tour, Saïd, le bénévole de La Croix Rouge, Francesca, la mère de Matteo, vont prendre la parole pour exprimer leur perception des choses, ces petits détails qui ont induit, peu à peu, le doute, la confusion. Le lecteur mesure les moments effroyables auxquels chacun a été confronté. J'ai personnellement été très touchée par le rapport au corps, il y a une approche d'une hypersensibilité des impacts des événements. Là, pas de balles, mais des mots,  des paroles, des postures qui dévoilent à l'extérieur le chambardement dans lequel sombre chacun à l'intérieur.


Mais dedans, c’était fini, le chaos imposé par une douleur innommable, une douleur qui n’a pas de nom, dans aucune langue. P. 73-74

La plume, j'en ai déjà parlé, l'histoire, je ne vous en dirai pas plus, mais un seul conseil, lisez ce premier roman, une prouesse littéraire. 

Merci les fées des 68 Premières fois pour cette nouvelle très belle découverte.

Retrouvez mes chroniques :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

 

 

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2019-10-17T06:48:05+02:00

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Publié par Tlivres
Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Ma #citationdujeudi est extraite d'un premier roman de la #RL2019 de septembre : "Tous tes enfants dispersés" de Beata UMUBYEYI MAIRESSE aux éditions Autrement et découvert avec les  68 Premières fois

Les fées se sont penchées sur le berceau d'une plume sensible, délicate et poétique, mise au service d'un parcours de résilience. Blanche est une survivante du génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda. Une vingtaine d'années après, elle retourne sur sa terre d'origine et nous livre ses sentiments, elle qui, depuis qu'elle s'est expatriée, n'a jamais vraiment trouvé sa place mais parfois, des êtres qui lui ont tendu la main.

Ce roman, c'est une page de notre Histoire, ce sont aussi des parcours de femmes, mais c'est plus encore une fiction sur le futur qui peut être écrit par la nouvelle génération, ces enfants issus de l'immigration qui portent un regard singulier sur leur double culture et y voient la capacité de créer du lien.

Profondément optimiste pour l'avenir et empreint d'une telle humanité, il va vous donner du baume au coeur j'en suis persuadée. 

Toute teintée de rose, cette #citationdujeudi concourt à l'événement #Octobrerose, une façon de soutenir la cause du dépistage du cancer du sein.

Retrouvez mes chroniques de la sélection en cours des 68 Premières fois :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

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2019-10-15T06:00:00+02:00

Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

Publié par Tlivres
Une fille sans histoire de Constance RIVIERE

Parce qu'il y a des romans de cette #RL2019 de septembre qui nous éclairent sur des comportements humains absolument glaçants, inimaginables et pourtant... je vous livre les premières lignes aujourd'hui du premier roman de Constance RIVIERE : "Une fille sans histoire", publié aux éditions Stock et découvert avec les 68 Premières fois :


Il ne faisait pas particulièrement froid pour une nuit de presque hiver, mais ça ne changeait pas grand-chose pour elle, qu'il pleuve ou qu'il vente, chaque soir, Adèle ouvrait grand sa fenêtre. Elle avait peur de l'air vicié qui s'installe si vite dans les petits espaces, de la poussière, des microbes, ennemis invisibles mais puissants, qui contaminent et détruisent l'organisme insidieusement. Enfant déjà, son père lui avait appris à laisser les fenêtres de sa chambre ouvertes toute la journée et, dès qu'il faisait un peu chaud et humide, à mettre ses peluches au frigo pour tuer les acariens. Elle s'était parfois dit que ça aurait pu lui faire des amis, ces animaux minuscules, mais elle obéissait toujours à son père. Puis c'était devenu une habitude.

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2019-10-12T06:00:00+02:00

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Publié par Tlivres
Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Finitude

Marwan, le narrateur, rentre tout juste de six semaines  de vacances au Portugal. Agrégé d'histoire, il s'apprête à faire sa rentrée des classes quand Capucine, sa compagne, lui annonce qu'elle le quitte. Après quatre années passées à ses côtés, elle en aime un autre que lui. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, c'est à ce moment-là que son père décède. Le garagiste de Clichy, installé rue de Paris depuis une trentaine d'années, lui qui n'a jamais cessé de travailler, s'en est allé à l'âge de 54 ans. Marwan découvre les dernières volontés de son père, se faire enterrer dans son pays, le Maroc. C'est aussi lui que son père a désigné pour l'accompagner dans son rapatriement. Il prend l'avion avec Kabic, le meilleur ami de son père. Il ne sait pas encore qu'au cours de ce  voyage, il découvrira une histoire familiale ponctuée de secrets bien gardés sur deux générations. Plus jamais sa vie ne sera comme avant. 

Olivier DORCHAMPS nous livre un roman intimiste. Il nous fait entrer à pas de velours dans la vie d'une famille d'origine marocaine. Le père et la mère sont de là-bas. Le père a gardé sa nationalité alors que son épouse et les trois enfants, trois garçons nés sur le territoire français, ont été naturalisés. C'est tout en pudeur que l'auteur dévoile une existence tiraillée entre la terre d'origine et celle d'adoption, entre deux langues, deux cultures. Le Maroc, les enfants n'y sont allés que lors de vacances. Marwan se souvient des listes de gadgets qu'ils avaient à emmener pour la famille, il se souvient aussi de la difficulté à communiquer avec les cousins avec lesquels ils ne partageaient que les liens du sang. Quand ils étaient considérés là-bas comme de riches français, Marwan voyait ô combien ses parents luttaient chaque jour pour payer les études. Ali est devenu avocat, Foued en est à sa dernière année de faculté.

Les premières pages déroulent le fil de la vie de cette famille, aujourd'hui parisienne, avec tout ce qu'elle traduit de problématiques d'intégration. Olivier DORCHAMPS montre à quel point il est difficile d'être comme les autres quand vous êtes regardé à jamais à travers le filtre de la différence :


Je ne suis jamais ce que je suis, je suis ce que les autres décident que je sois. P. 100

Ce qui m'a beaucoup intéressée, c'est l'effet de rupture avec ce bain, contraint et forcé, dans un pays que Marwan ne connaît pas, à un moment où la famille est fragilisée par la mort, torturée par la douleur, tenaillée par le manque, déjà. Il y a l'atterrissage en terre étrangère et ce premier étonnement devant les rouages d'une société qui vit autrement :


J’avais oublié qu’au Maroc, il y a toujours un métier dont on ignore l’existence en Occident, soit qu’il a été remplacé par une machine, soit qu’on s’est habitué au self-service. P. 130

J'ai beaucoup aimé l'analyse du rapport au temps aussi, révélée avec un trait d'humour mais qui traduit bien la différence de sensibilité exprimée par les mots :


L'expression en français c'est mieux vaut tard que jamais, Mo.
En français oui, parce que les Français sont obsédés par le temps qui passe. Ici on a tout le temps, inch’allah, mais aucune certitude, alors on dit mieux vaut sûr que jamais. P. 136

A travers les yeux de Marwan, Olivier DORCHAMPS dresse le portrait d'un pays, explique ses codes, son mode de vie, son rapport à la religion, la condition des femmes aussi. L'auteur le fait avec beaucoup de bienveillance, sans jugement aucun.  

J'ai adoré le personnage de Kabic, ce vieux sage qui guide les pas du jeune homme contraint, malgré lui, à tenir un rôle dans un costume trop grand pour lui. Marwan n'a plus de père, il peut compter sur cet ami pour tracer sa voie :   


Si tu commençais par accepter d’être l’enfant de deux pays, tu te sentirais mieux, en France et ici. P. 164

Dans une intrigue parfaitement maîtrisée autour de secrets qui vont, au fil des conversations, se dévoiler, Olivier DORCHAMPS décrypte les rouages de la mémoire intergénérationnelle, ces empreintes qui se transmettent inconsciemment avec la filiation :


Car la blessure de Mi Lalla, sa hchouma, est un héritage indélébile, une douleur qu’elle nous a transmis malgré elle et qui perdure inconsciemment en chacun de ses petits-enfants. P. 207

Olivier DORCHAMPS nous livre un premier roman dans une plume délicate, poétique, marquée par une profonde humanité, une réussite.

Mesdames les fées, une nouvelle fois, vous avez encore frappé !

Retrouvez mes chroniques :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

L'imprudence de Loo HUI PHANG

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2019-10-08T06:00:00+02:00

Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Publié par Tlivres
Ceux que je suis d'Olivier DORCHAMPS

Parce qu'il y a des romans de cette #RL2019 de septembre qui nous emmènent sur des terres d'origine, celles-là même qui peuvent donner un sens à la vie, je vous livre aujourd'hui les toutes premières lignes du premier roman d'Olivier DORCHAMPS : "Ceux que je suis" aux éditions Finitude, découvert avec les 68 Premières fois :


Il a souvent fait ça ; rentrer tard sans prévenir. Oh, il ne buvait pas et ma mère avait confiance, il travaillait. Il travaillait depuis trente ans, sans vacances et souvent sans dimanches. Au début, c'était pour les raisons habituelles : un toit pour sa famille et du pain sur la table, puis après qu'Ali et moi avions quitté la maison, c'était pour ma mère et lui ; pour qu'ils puissent se les payer enfin, ces vacances ! En embauchant Amine pour les tâches lourdes au garage, il avait souri : non seulement il aidait un petit jeune qu'il connaissait depuis toujours, mais en plus il allait pouvoir emmener ma mère au cinéma, au restaurant, à la mer ; la gâter. Et la vie aurait moins le goût de la fatigue.

Un roman empreint d'humanité, une réussite.

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2019-10-05T06:00:00+02:00

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Publié par Tlivres
L'imprudence de Loo HUI PHANG

Actes Sud

Elle a 23 ans, cette Vietnamienne qui vit à Cherbourg. C’est aussi la narratrice du roman « L’imprudence », elle qui consomme les hommes comme son frère le shit depuis qu’il a fait faux bon à une carrière sportive de haut niveau et que son amoureuse l’a quitté. Son premier voyage au Laos, elle l’a fait à l’âge de 17 ans. Elle est contrainte aujourd’hui d’y retourner, en urgence, pour assister avec son frère et sa mère aux funérailles de sa grand-mère Wàipó. C’est dans ce chamboulement émotionnel et sur sa terre d’origine qui ne l’a pas vue grandir qu’elle va partager des moments d’intimité avec son grand-père, des moments de complicité qui vont la mettre sur la voie de la liberté.

C’est après une deuxième rencontre, fugace mais intense, incandescente physiquement, que la narratrice doit partir au bout du monde, le temps pour elle d’apprivoiser le manque, elle qui passe d’un homme à un autre, regarde les mâles avec des yeux de concupiscence comme personne, assouvit ses désirs sexuels sans s’interroger une seule seconde sur les dangers qui la guettent. Ce roman commence de façon originale. Alors que nous sommes toutes et tous, chaque jour, happés par les violences faites aux femmes mises au jour dans les médias et sur les réseaux sociaux, on en viendrait presque à oublier que des jeunes filles puissent donner leur consentement à des hommes croisés un jour dans la rue pour des pratiques sexuelles ardentes. Et que des hommes puissent les suivre, en toute impunité, sans courir le risque de se retrouver le lendemain impliqué dans une affaire de viol. Mais là, il s’agit d’un roman, d’une fiction, tout y est permis.

Une fois le pas décalé, vous ne pourrez plus que suivre la narratrice en terres étrangères qui vous réservent bien d’autres surprises.

J’ai beaucoup aimé la façon de Loo HUI PHANG de traiter de l’exil et de nous éclairer avec les deux faisceaux de la fratrie, celui de la narratrice bien sûr qui a quitté le Laos quand elle n'avait qu'un an, et celui du frère arraché à sa terre vietnamienne quand il avait une petite dizaine d’années. Entre eux deux, il n'y a pas qu'une affaire de genre, il y a aussi une enfance marquée à jamais par un territoire, des codes, un mode de vie !

Elle, dès son arrivée au Laos, elle ressent sa différence.


Au premier regard, cela est prononcé. Je ne suis pas d’ici. Tout le monde le voit. Tout le monde le sait. Je sais que l’on sait. Et cette chose est posée là, entre les autres et moi. P. 100

L’écrivaine explore le jeu de la langue et des conséquences sur la construction des hommes. Après Lenka HORNAKOVA CIVADE dans "La Symphonie du Nouveau Monde", Jeanne BENAMEUR dans "Ceux qui partent" et Beata UMUBYEYI MAIRESSE dans "Tous tes enfants dispersés", c'est au tour de Loo HUI PHANG d'en faire le sujet d'un roman de la #RL2019.


Je me figure ma petite mécanique du langage. Le viet imbibe une partie de mon cerveau, comme un liquide amniotique dans lequel flottent des pensées, des souvenirs repliés. P. 45

Enfin, il y a un magnifique portrait dressé de la grand-parentalité, tant à travers le personnage de Wàipó et de ses relations avec son petit-fils que du grand-père avec la narratrice. Il est question de transmission et quand il s’agit de secrets de famille, alors là, commence une toute autre histoire.

La plume de Loo HUI PHANG est éminemment délicate, sensuelle, émouvante. Elle nous livre un premier roman d’une profonde sensibilité.

Merci les fées des 68 Premières fois pour cette nouvelle très belle découverte.

Retrouvez mes chroniques :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

 

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2019-09-28T06:00:00+02:00

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Publié par Tlivres
Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Editions Autrement

Il est des exils contraints et forcés, et l'irrépressible besoin de retourner sur sa terre d'origine. Dans cette sélection des 68 Premières fois, et sur ce thème, j'ai déjà lu "A crier dans les ruines" d'Alexandra KOSZELYK, une énorme coup de coeur de cette #RL2019, mais au bras de Beata UMUBYEYI MAIRESSE, c'est une toute autre histoire qui va se dérouler sous vos yeux.

Blanche est infirmière. Elle est mariée à Samora, un comptable d'orgine martiniquaise. Elle a un enfant, Stokely. Elle vit en France en famille mais sa terre d'origine la tenaille. Elle est originaire du Rwanda et survivante du génocide des Tutsis de 1994. Une vingtaine d'années après, elle foule le sol qui l'a vu naître, le village de Butare. Elle retrouve les siens, enfin, ce qu'il en reste. Elle engage une conversation avec sa mère, Immaculata, qui elle, n'a pas quitté son pays. Elle est restée prostrée 3 mois dans la cave d'une librairie. Plus un mot ne sort de sa bouche. Quant à Bosco, son frère, ce garçon, différent, il a fait la guerre. Soldat, il est rentré à la maison, torturé à jamais par le fantôme des siens. D'un pays ravagé par la violence des coups, mortels, d'une famille martyrisée par ce qu'elle a vu, entendu, ressenti, il ne reste plus rien du passé de Blanche, ou si peu. C'est pourtant ce qu'elle va tenter de conquérir avec ce retour au pays. Là commence une toute nouvelle histoire.

Ce roman, c'est celui d'une terre, colonisée, une terre africaine qui a vu l'homme blanc marquer de son empreinte l'homme noir. Et l'indépendance acquise en 1962 ne permettra pas d'effacer les traces à jamais laissées par des années passées sous le joug d'êtres qui se croyaient supérieurs. Là, ils s'agissaient de Belges, ailleurs, c'était les Français. La grande Histoire du Rwanda est marquée à jamais par cette page. 1894-1994, c'est le temps qu'il aura fallu au ver pour contaminer le fruit, un siècle de guerres intestines pour arriver au génocide que l'on connaît, celui qui a fait entre 800 000 et 1 000 000 de morts. 

Ce roman, c'est aussi celui d'une famille, celle de l'écrivaine. A dimension autobiographique, le propos relate un retour aux sources de la femme contrainte à l'exil. Depuis sa plus tendre enfance, sa mère s'évertuait à lui proposer la voie de la France pour réussir dans la vie. Alors, quand la guerre a commencé, elle n'a plus pu reculer.

Toute sa vie, Blanche, et certainement Beata UMUBYEYI MAIRESSE, a été tiraillée entre deux cultures. Son éducation a été marquée par le souci de sa mère de la libérer de son africanité. Elle devait abandonner le kinyarwanda, sa langue maternelle, et  apprendre le français pour pouvoir épouser un homme blanc. L'écrivaine montre à quel point il est difficile de naviguer entre deux registres :


Posséder complètement deux langues, c’est être hybride, porter en soi deux âmes, chacune drapée dans une étole de mots entrelacés, vêtement à revêtir en fonction du contexte et dont la coupe délimite l’étendue des sentiments à exprimer. P. 151

Et puis, s'il n'y avait que les mots. Sa couleur de peau, elle, ne changeait pas, avec cette impression permanente de ne jamais être à sa place, au bon endroit.

Ce roman, c'est encore l'histoire de femmes. J'ai été profondément touchée par la malédiction de la filiation avec cette incapacité, pour Immaculata et Blanche, mère et fille, de mettre au monde un enfant par les voies naturelles comme si la maternité devait les marquer à vie de leur chemin de croix, l'occasion pour l'écrivaine de remettre en question l'instinct maternel, ce petit quelque chose de supplémentaire et naturel qu'auraient les femmes par rapport aux hommes dans leur relation à l'enfant :


L’instinct maternel, ceux qui l’ont inventé ne savent pas ce qu’ils disent, ils n’ont pas la moindre idée, ne sauraient qu’en faire s’ils s’agissait d’eux. P. 36

Et si l'enfant, un garçon, venait rebattre les cartes d'une famille douloureusement marquée par la grande Histoire ! Avec le personnage de Stokely, Beata UMUBYEYI MAIRESSE nous livre un hymne à la vie, un propos lumineux, plein d'espoir, qui prend appui sur la jeune génération pour surmonter les affres du passé et imaginer le fil d'une existence à venir.

La plume est éminemment poétique, je vous en livre un petit condensé :


J’attendais cette question avec la même anxiété qu’au temps d’avant et dans ma tête mes pensées chiffonnées étaient semblables à un drap blanc fatigué de la longue nuit de mon absence, dans les replis duquel je cherchais une aiguille pour reprendre mon travail de mémoire. Mais n’est-ce pas pour cela que j’étais revenue ici, pour tisser une virgule entre hier et demain et retrouver le fil de ma vie ? P. 28

et le style narratif tout à fait remarquable. L'emploi de la seconde personne du singulier permet à l'écrivaine de s'adresser au lecteur, lui faire une place dans la conversation et l'inviter à partager une certaine intimité, un pari audacieux ici parfaitement réussi.

Quant à la chute, elle est juste magnifique !

Merci aux fées des 68 Premières fois que de nous l'avoir proposé dans ce très beau défilé des premiers romans de l'automne 2019.

 

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2019-09-26T18:05:21+02:00

Quand une écrivaine se livre... portrait de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Publié par Tlivres
Quand une écrivaine se livre... portrait de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Très chère Lenka, nous nous connaissons depuis quelques temps maintenant, depuis la sortie de "Giboulées de soleil" en fait.  C'était il y a un peu plus de trois ans. Les fées des 68 Premières fois l'avaient sélectionné comme un premier roman prometteur, elles ne s'y étaient pas trompées.

Depuis, il y a eu "Une verrière sous le ciel" et puis, tout récemment "La Symphonie du Nouveau Monde".

Trois romans, trois coups de cœur pour moi ! Tu as accepté de répondre à mes questions aujourd'hui, tu m'en vois ravie ! 

Avant d'aborder cette rentrée littéraire tout à fait sensationnelle te concernant, peux-tu nous parler de ton rapport à l’écriture ? Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ?

Vassily Kandinsky a dit à propos de la peinture qu’elle est une nécessité intérieure. Je trouve que cela exprime parfaitement mon rapport à l’écriture, et à la peinture aussi. Une nécessité fondamentale. 

Dans quel environnement écris-tu ? Une pièce en particulier ? 

Il y a, pour moi, plusieurs temps d’écriture. Les premières notes et les idées, je peux les prendre pratiquement n’importe où, dans une gare, en marchant, sur la terrasse d’un café, j’ai toujours un carnet avec moi. Ensuite, il y a un temps de travail de composition, d’écriture proprement dit, et là, il me faut le calme, la solitude, un certain retrait, quelque chose de presque monacal. Mais pas nécessairement chez moi.

Tes trois romans ont été publiés chez Alma Editeur. Qu’est-ce qui fait que l’on reste fidèle à une maison d’édition ?

Mis à part deux ou trois personnes très intimes, des lecteurs- privilégiés, on fait lire son texte, parfois encore en cours d’écriture, d’abord à son éditeur. C’est une grande chose, alors il faut beaucoup de confiance, une relation tout à fait particulière. Je fais confiance à Alma.

Ton tout dernier roman « La Symphonie du Nouveau Monde » vient de sortir en librairie. Peux-tu nous dire ce qui t'a inspirée ?

Grâce à une rencontre il y a quelques années avec un membre du corps diplomatique tchèque, j’ai entendu, pour la première fois, parler de Vladimír Vochoč, le consul tchécoslovaque à Marseille entre les années 1938 - 1941. Son histoire était passionnante, mais encore plus intriguant était le fait que lui-même et son action, pourtant héroïque, était presque oubliés, en tout cas tout à fait inconnus du grand public. Cette question de la mémoire et de l’oubli, des silences imposés et subis, y compris volontairement, tout cela était déjà la matière très intéressante pour un roman.

Et puis ce personnage de la poupée, une prodigieuse invention. Peux-tu nous en parler ?

Impertinente, perspicace, curieuse, elle est au cœur des événements mais garde une distance qui lui permet de voir et dire des choses. C’est une narratrice idéale. Puis, malgré le fait qu’elle soit une poupée de chiffon, elle possède véritablement un cœur. Et elle prétend même de respirer et d’avoir une âme !

Ce roman "La Symphonie du Nouveau Monde" tient un propos militant. Il concourt au devoir de mémoire notamment d'un homme, pourquoi ?

Les rapports entre l’individu et la grande Histoire m’intéressent profondément. Dans les "Giboulées du soleil", il s’agissait de la transmission entre les générations dans un contexte historique contraignant, "Une Verrière sous le ciel" examine les frontières intérieures de l’individu et celles entre la vérité et la réalité, les illusions et les possibilités.

Le consul Vochoč est actif, engagé, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour infléchir le cours de cette grande Histoire, et il en est conscient.

Le roman mêle la réalité historique et la fiction. En arrière-plan, il y a une réflexion sur la relation entre le pays et la langue, entre la langue et la vérité des êtres. Ils sont tous, à un moment donné, sur cette très ténue limite entre la loyauté et la désobéissance.

Justement, Lenka, dans les trois romans, tu as une approche toute singulière de la langue. Tu écris tes romans dans ta langue d'adoption, le français, pourquoi ?

C’est une expression et un exercice de liberté. Le français me permet d’exprimer avec plus de justesse et précision même l’indicible dans ma langue maternelle. C’est comme la découverte d’un nouveau territoire, de la nouvelle manière d'appréhender, comprendre, sentir et ensuite reformuler le monde.
J’écris aussi en tchèque. Il s’agit souvent des textes plus courts, notamment pour la radio. 

Dans tous tes romans, les personnages principaux sont des femmes, émancipées, avides de liberté. Quel message veux-tu transmettre à la jeune génération ?

Aucun. Je propose, je conte des destins. La littérature, à mon avis, suscite plus de questions qu’elle n’apporte des réponses. Moi, je suis libre dans mon écriture, le lecteur dans sa lecture. C’est ça qui est formidable, cette rencontre des deux libertés autour d’un texte, d’une histoire, d’une idée.

Et puis, il y a les arts ! Dans "Giboulées de soleil", tu évoquais la broderie et la littérature, dans "Une verrière sous le ciel", il y avait la peinture et la sculpture, dans ton dernier roman "La Symphonie du Nouveau Monde", il y a la musique. Quel rapport personnel entretiens-tu avec les arts ? Qu'est-ce qui te fascine dans ces disciplines ?

L’art fait partie intégrante de la vie, mais parfois on ne prend pas le temps pour s’en apercevoir, pour l’apprécier, le goûter. Je ne hiérarchise pas les arts, c’est la question de support technique pour essayer de toucher ou d’approcher quelque chose d’essentiel. 

Je disais en introduction que ta rentrée littéraire est on ne peut plus réjouissante. "La Symphonie du Nouveau Monde" figure dans la première sélection du prestigieux Prix Renaudot, un prix que tu as déjà reçu. C'était en 2016, les lycéens avaient salué la qualité de tes "Giboulées de soleil". Comment vis-tu cet engouement pour ton livre ?

D’avoir la reconnaissance de la part de ses paires, c’est bien sûr réjouissant et je l’apprécie énormément. Que les lycéens aient aimé mon premier roman, "Giboulées de soleil", c’était un cadeau précieux. Ce sont des lecteurs exigeants. Je ne peux souhaiter pour "La Symphonie du Nouveau Monde" que le même accueil auprès des lecteurs !   

Comme tu le sais, cet entretien est diffusé en partenariat avec Page des libraires. J’en profite donc pour faire un petit clin d’œil à Bénédicte Férot de la Librairie Tirloy de Lille, Anaïs Ballin de la Librairie L’Écriture de Vaucresson et Lyse Menanteau de la Librairie Le Matoulu de Melle, qui ont rédigé des chroniques de tes romans.

Les libraires sont nos premiers lecteurs « innocents et professionnels », ils découvrent les romans avec leur sensibilité mais aussi avec un œil bien averti et esprit aiguisé.

Ils sont les passeurs des livres et leur regard, jugement et soutien sont primordiaux. Dire simplement « merci  à eux » est peut-être banal, mais ça vient du fond du cœur.

Outre le formidable accueil que t'a réservé le collectif Les libraires ensemble puisqu'il fait partie de leur top 100, l'occasion d'un petit clin d'œil à la Librairie Richer. Quelles relations as-tu avec les professionnels du livre ? 
 

Sans les libraires et les libraires indépendants, le monde du livre serait bien plus restreint et triste. Je suis toujours heureuse de revenir chez des libraires qui m’ont déjà invitée et de rencontrer des nouveaux. C’est d’ailleurs assez magique de constater que chaque libraire apporte à sa librairie une ambiance, un esprit particulier.

Et un grand merci à la Librairie Richer et le collectif Les libraires ensemble !

Petite surprise Lenka, rien que pour toi, une nouvelle jeune libraire qui vient de rejoindre l'équipe Richer te fait un petit clin d'oeil, coup de coeur de Sarah pour ton dernier roman !

As-tu une adresse particulière à nous conseiller ?

J’ai mes adresses préférées, puisque j’ai de la chance de connaître un certain nombre d’excellents libraires. La relation avec son libraire a quelque chose de très singulier. Le libraire est comme un ami. Je souhaite à chacun de trouver cette relation d’amitié singulière. 

Je sais que tu lis beaucoup. Quel est ton dernier coup de cœur ? 

Il y a quelques semaines, j’ai lu le dernier livre de Michèle LESBRE « Le rendez-vous à Parme » que j’ai beaucoup aimé. Puis un roman d’une auteure tchèque.

Que lis-tu actuellement ?
Je suis plongé dans un ouvrage "Les yeux de Rembrandt" de Simon SCHAMA, et je lis aussi le récit de Tibor DERY, "Niki".

Enfin, si tu devais partir t'installer sur une île déserte avec un seul livre dans ta valise. Quel serait-il ?

Alors là, j'hésite entre un dictionnaire et un atlas du monde. Je pourrais prendre les deux ?

Bien sûr, ma chère Lenka !

Quel joli cadeau tu m'as offert, Lenka, en acceptant cette interview. Je suis très touchée et t'en remercie infiniment. Ce moment de presque intimité touche à sa fin. Il ne me reste plus qu'à te souhaiter bonne chance pour les prix littéraires, nul doute que les distinctions pleuvront au cours de l'automne prochain. J'ai déjà hâte d'y être !

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2019-09-24T06:00:00+02:00

L'Imprudence de Loo HUI PHANG

Publié par Tlivres
Photo de l'écrivaine empruntée à Babelio

Photo de l'écrivaine empruntée à Babelio

Parce qu'il y a des livres qui, dans le bal de la #RL2019 de septembre, vous font regarder la société d'un autre oeil, vous offrent ce regard décalé sur l'actualité, place aujourd'hui à "L'Imprudence" chez Actes Sud de Loo HUI PHANG, un premier roman repéré par les fées des 68 Premières fois.

Il est sorti en librairie le 21 août dernier. 

Aujourd'hui, je vous en propose les premières lignes... juste une mise en bouche !


Il y a cinq heures à peine, dans l'intimité fugace d'un escalier, je faisais l'amour avec Florent. Je ne savais pas son nom alors. Juste l'indécent braquage de sa mise polie par son impérative, hurlante, souveraine envie de moi.

C'est mon #mardiconseil !

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2019-09-21T06:00:00+02:00

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Publié par Tlivres
L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Les éditions du _Panseur

Sorti en mars 2019, ce premier roman était passé inaperçu, enfin presque. C'était sans compter sur le  travail inlassable des fées des 68 Premières fois qui ont ce talent de mettre sous les projecteurs des livres qui, aussi petits qu'ils puissent paraître, ont tout de grands.

"L'homme qui n'aimait  plus les chats" fait partie de ceux-là, une fable tout à fait éclairante sur notre monde moderne.

Fermez les yeux et laissez vous porter par la première phrase : "Imagine une île avec des chats."

Nous voilà partis, en terre étrangère, insulaire, un brin onirique, où les hommes vivraient avec des chats, ces animaux de compagnie qui peuvent décider librement de côtoyer l'homo sapiens ou de s'en défaire. Ils n'ont rien à voir avec les chiens, ça non, les chiens, eux, sont tenus en laisse par leurs maîtres. Ils ont besoin qu'on leur serve le repas, qu'on les sorte pour leurs besoins. Les chats peuvent être indépendants, ils se satisfont de ce qu'ils débusquent dans la nature, ils chassent, eux ! Chiens et chats ne font d'ailleurs pas bon ménage, et ce n'est pas d'aujourd'hui, le proverbe date du XVIème siècle et n'a pas pris une ride. Alors, quand les chats disparaissent mystérieusement de cette île chimérique et que l'administration décide de leur offrir des chiens en remplacement, chiens qu'il conviendrait d'appeler chats, il y a ceux qui acceptent et d'autres pas. La morale de cette histoire...

Isabelle AUPY, à travers un propos métaphorique dans lequel elle réserve une place de choix aux animaux, vous l'aurez compris, nous renvoie en miroir ce sur quoi repose notre société aujourd'hui.
Si la dictature par la force tend à disparaître, celle de l'incitation, beaucoup plus insidieuse, tend à se développer de façon sournoise et préoccupante.


Les dirigeants avaient vite compris que pour asservir les gens aujourd’hui, il ne fallait plus la force, il fallait créer le manque et le besoin. P. 62

A travers cette fable des temps modernes, l'écrivaine dénonce les nouveaux modes d'oppression, à chacun de réfléchir à son mode de vie et à ce qui peut nous abrutir, nous couper de nos proches quand des relations avec de soi-disant amis nous accaparent, nous abêtissent. J'aime bien ce terme pour montrer ô combien il peut être facile de perdre son statut d'être cultivé, intelligent, pour sombrer dans la bêtise humaine, celle qui guide les moutons.

Heureusement, dans le troupeau, il y en a de plus éclairés qui, pour sauver leur peau, choisissent de quitter la meute pour trouver leur voie, généralement dans des terres isolées :


Sinon, on était tous des réfugiés comme on dit. Oui, on venait ici trouver refuge, on fuyait le continent parce qu’on n’y arrivait plus, qu’on cherchait un mieux-vivre, un mieux-être, ou pas forcément mieux d’ailleurs. On voulait trouver une manière d’être comme soi, tout simplement. P. 47

La prise de distance avec ses pairs permet de réfléchir à sa propre quête, d'identifier ce qui nous fait vibrer, ce qui nous semble être une priorité. 

Certes, elle peut être territoriale et prise au premier degré, mais la prise de distance peut aussi être nourrie par la littérature. Isabelle AUPY, à travers le personnage du gardien de phare, nous permet de toucher du doigt les bienfaits de la lecture, cette activité intellectuelle qui nous permet d'endosser le costume d'un Autre et, le temps d'un livre, de porter sur la société un regard différent. 


Tout ce qui s’était passé, et tout ce que j’avais pu lire qui y ressemblait, se plantaient comme une graine qu’on ne voit pas encore germer. P. 104

J'ai adoré me laisser prendre au jeu de l'écrivaine, me surprendre à sourire devant certaines situations mais attention, le texte est plus grave qu'il n'en paraît, vous allez rire jaune, en fait ! Dans une plume qui parfois relève d'une construction enfantine, Isabelle AUPY grossit encore le trait, vous pourriez bien finir par pleurer, à moins que vos valises ne soient déjà faites et que votre billet pour une île déserte ne soit déjà pris.

Bravo les fées, vous avez encore frappé, et tout en beauté !

Après "A crier dans les ruines" d'Alexandra KOSZELYK, énorme coup de coeur de cette #RL2019, "L'homme qui n'aimait plus les chats" d'Isabelle AUPY se hisse sur le podium de cette nouvelle saison automnale des 68 Premières fois.

 

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2019-09-19T06:00:00+02:00

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Publié par Tlivres
L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Parce ce qu'il y a des premiers romans tout à fait originaux, qui sortent des sentiers battus et prennent la voie de traités philosophiques,

Parce ce qu'il en est un qui est petit, seulement 122 pages, mais qui a tout d'un grand,

Parce que le talent d'Isabelle AUPY a retenu l'attention des fées des 68 Premières fois,

place aujourd'hui à "L'homme qui n'aimait plus les chats" publié par Les éditions du _Panseur.

Je reviens dans quelques jours avec une chronique complète !

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2019-09-16T06:00:00+02:00

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Publié par Tlivres
Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

Parce qu'il y a des livres qui, dans le bal de la #RL2019 de septembre, nous emmènent en voyage, nous font découvrir des territoires, des hommes aussi, place aujourd'hui à Beata UMUBYEYI MAIRESSE et son premier roman "Tous tes enfants dispersés" publié aux éditions Autrement.

Il est sorti en librairie le 21 août dernier. 

Aujourd'hui, je vous en propose les premières lignes... histoire de vous plonger dans l'atmosphère !


C'est l'heure où la paix se risque dehors. Nos tueurs sont fatigués de leur longue journée de travail, ils rentrent laver leurs pieds et se reposer. Nous laissons nos coeurs s'endormir un instant et attendons la nuit noire pour aller gratter le sol à la recherche d'une racine d'igname ou de quelques patates douces à croquer, d'une flaque d'eau à laper. Entre eux et nous, les chiens, qui ont couru toute la journée, commencent à s'assoupir, le ventre lourd d'une ripaille humaine que leur race n'est pas près d'oublier. Ils deviendront bientôt sauvages, se mettront même à croquer les chairs vivantes, mouvantes, ayant bien compris qu'il n'y a désormais plus de frontières entre les bêtes et leurs maîtres.


Mais pour l'heure, la paix, minuscule, clandestine, sait qu'il n'y a plus sur les sentiers aucune âme qui vive capable de la capturer.

Cette lecture, qui m'a bouleversée je peux le dire, fait partie de la sélection des 68 Premières fois :

Chronique à venir !

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