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2019-10-05T06:00:00+02:00

L'imprudence de Loo HUI PHANG

Publié par Tlivres
L'imprudence de Loo HUI PHANG

Actes Sud

Elle a 23 ans, cette Vietnamienne qui vit à Cherbourg. C’est aussi la narratrice du roman « L’imprudence », elle qui consomme les hommes comme son frère le shit depuis qu’il a fait faux bon à une carrière sportive de haut niveau et que son amoureuse l’a quitté. Son premier voyage au Laos, elle l’a fait à l’âge de 17 ans. Elle est contrainte aujourd’hui d’y retourner, en urgence, pour assister avec son frère et sa mère aux funérailles de sa grand-mère Wàipó. C’est dans ce chamboulement émotionnel et sur sa terre d’origine qui ne l’a pas vue grandir qu’elle va partager des moments d’intimité avec son grand-père, des moments de complicité qui vont la mettre sur la voie de la liberté.

C’est après une deuxième rencontre, fugace mais intense, incandescente physiquement, que la narratrice doit partir au bout du monde, le temps pour elle d’apprivoiser le manque, elle qui passe d’un homme à un autre, regarde les mâles avec des yeux de concupiscence comme personne, assouvit ses désirs sexuels sans s’interroger une seule seconde sur les dangers qui la guettent. Ce roman commence de façon originale. Alors que nous sommes toutes et tous, chaque jour, happés par les violences faites aux femmes mises au jour dans les médias et sur les réseaux sociaux, on en viendrait presque à oublier que des jeunes filles puissent donner leur consentement à des hommes croisés un jour dans la rue pour des pratiques sexuelles ardentes. Et que des hommes puissent les suivre, en toute impunité, sans courir le risque de se retrouver le lendemain impliqué dans une affaire de viol. Mais là, il s’agit d’un roman, d’une fiction, tout y est permis.

Une fois le pas décalé, vous ne pourrez plus que suivre la narratrice en terres étrangères qui vous réservent bien d’autres surprises.

J’ai beaucoup aimé la façon de Loo HUI PHANG de traiter de l’exil et de nous éclairer avec les deux faisceaux de la fratrie, celui de la narratrice bien sûr qui a quitté le Laos quand elle n'avait qu'un an, et celui du frère arraché à sa terre vietnamienne quand il avait une petite dizaine d’années. Entre eux deux, il n'y a pas qu'une affaire de genre, il y a aussi une enfance marquée à jamais par un territoire, des codes, un mode de vie !

Elle, dès son arrivée au Laos, elle ressent sa différence.


Au premier regard, cela est prononcé. Je ne suis pas d’ici. Tout le monde le voit. Tout le monde le sait. Je sais que l’on sait. Et cette chose est posée là, entre les autres et moi. P. 100

L’écrivaine explore le jeu de la langue et des conséquences sur la construction des hommes. Après Lenka HORNAKOVA CIVADE dans "La Symphonie du Nouveau Monde", Jeanne BENAMEUR dans "Ceux qui partent" et Beata UMUBYEYI MAIRESSE dans "Tous tes enfants dispersés", c'est au tour de Loo HUI PHANG d'en faire le sujet d'un roman de la #RL2019.


Je me figure ma petite mécanique du langage. Le viet imbibe une partie de mon cerveau, comme un liquide amniotique dans lequel flottent des pensées, des souvenirs repliés. P. 45

Enfin, il y a un magnifique portrait dressé de la grand-parentalité, tant à travers le personnage de Wàipó et de ses relations avec son petit-fils que du grand-père avec la narratrice. Il est question de transmission et quand il s’agit de secrets de famille, alors là, commence une toute autre histoire.

La plume de Loo HUI PHANG est éminemment délicate, sensuelle, émouvante. Elle nous livre un premier roman d’une profonde sensibilité.

Merci les fées des 68 Premières fois pour cette nouvelle très belle découverte.

Retrouvez mes chroniques :

A crier dans les ruines d'Alexandra KOSZELYK

L'homme qui n'aimait plus les chats d'Isabelle AUPY

Tous tes enfants dispersés de Beata UMUBYEYI MAIRESSE

 

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