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Articles avec #mes lectures catégorie

2016-04-02T15:08:42+02:00

Les corps inutiles de Delphine BERTHOLON

Publié par Tlivres
Les corps inutiles de Delphine BERTHOLON

Jamais 2 sans 3, c'est ce que dit le proverbe, non ? Et bien, je me mets en 4 (je suis en très grande forme !!!) pour le respecter à la lettre et me replonger, avec plaisir, dans l'univers de Delphine BERTHOLON.


Après "L'effet Larsen" et "Grâce", j'ai enfin mis la main sur "Les corps inutiles" en Bibliothèque !!!


Vous avez été très nombreux à publier sur la toile : Entre les lignes, Les carnets d'Eimelle, Bricabook, Ma collection de livres, Blablabla mia, Clara et les mots, Cultur'elle, L'insatiable Charlotte... et tous les avis sont élogieux. Epoustouflant !


Je ne vais pas dénoter avec ma chronique... Je vais même poursuivre cette chaîne en y ajoutant mon maillon !


Clémence est une jeune fille, elle a quinze ans, c'est la fin de l'année scolaire, il y a une fête organisée entre copains et copines. Après quelques menus arrangements avec la réalité pour convaincre les parents de donner leur accord pour cette sortie exceptionnelle, Clémence prend le chemin de la maison d'Amélie. Insouciante, elle profite de ce moment de liberté. MAIS bientôt résonne une voix :


Ne bouge pas, ne crie pas. Ou je te crève. P. 14


Je ne vous en dis pas plus de ce qui va se passer dans les minutes qui vont suivre, dans les heures, les semaines, les mois, les années... parce que le corps garde la mémoire de tous les instants, et de ceux marqués par une telle violence à un point incommensurable !


Delphine BERTHOLON dédie ce roman au corps, à son hypersensibilité, à sa fragilité mais aussi à sa capacité d'affirmer sa force, sa puissance. Le corps est singulier et donne à voir une personnalité, on imagine très aisément cette jeune fille rousse aux yeux vairons. Mais le corps est aussi composé de mille et une pièces comme autant de pores de la peau. Aller au-delà de l'apparence pour en comprendre ses subtilités, analyser ses symptômes, là commence toute une histoire !


Ce roman de Delphine BERTHOLON aborde une nouvelle fois la dimension mère/fille. Je me souviens encore de "L'effet Larsen", j'avais été profondément émue par la complicité établie par Nola avec sa mère, sombrant dans la dépression. Dans « Les corps inutiles », c'est un tout autre angle qui est pris. Clémence fait de sa mère la responsable de tous ses maux :



Elle lui en voulait, à sa mère.

C'était injuste, mais elle lui en voulait - d'habiter ce quartier où les hommes cherchaient à violer les jeunes filles, lui en voulait de l'avoir fabriquée ainsi, avec cette chevelure rousse et ce regard étrange qui excitait certains. Lui en voulait aussi de ne rien pouvoir dire, obligée de se taire pour garder un avenir, un peu de liberté, un ersatz d'existence. De l'aimer trop, sans la laisser grandir. De vouloir qu'elle soit quelque chose d'autre qu'elle-même, une sorte d'enfant idéale, obéissante, infaillible, fabriquée en tube et activée par télécommande. P. 68


Lorsqu'on est une mère, d'une fille de surcroît, on reçoit une claque magistrale avec ce roman. Alors que chaque mère est persuadée de donner le meilleur pour sa fille, ses preuves d'amour deviennent ici le poison de leur relation. Plus encore, la volonté de sécuriser l'itinéraire de son enfant devient son pire handicap pour se construire lui-même. Il est terrible de se voir reprocher ce qui pourrait paraître a priori comme une chance extraordinaire mais je comprends le propos et, poussé à l’extrême, je m’interroge sur les conséquences du contexte de violence actuel sur la jeune génération de demain. Ce roman est sorti un mois après les attentats de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, il n’en porte donc pas encore la trace indélébile. Depuis, nous avons connu ceux du 13 novembre 2015. Comment, en tant que parent, ne pourrions-nous pas être imprégnés collectivement de ce contexte et le répercuter sur notre progéniture que nous voulons à tout prix protéger ? Mais à quel prix justement, individuel celui-là ? C’est ce que nous fait mesurer l’écrivaine avec talent, sans aucune concession, à l’image de la lame du couteau qui effleure le corps de Clémence.


Ce roman va encore plus loin dans les effets collatéraux. Mère et fille, et plus largement parents/enfant, sont privés du dialogue et se retrouvent dans l'incapacité de mettre des mots sur ce qui s'est passé, alors même que la gravité des faits justifierait à elle-seule d'en parler. Comment aborder la réalité de la vie dans un tel contexte ?


Quoi qu'il en soit, nous étions tous bien protégés d'une chose : la vérité. P. 189

Qu'est-ce qu'un viol ? Qu'est-ce qu'un abus sexuel ? Qu'est-ce qu'une agression sexuelle ? Qu'est-ce que le harcèlement sexuel ? Depuis les actes collectifs, Place Tahrir au Caire en Egypte, à Cologne en Allemagne la nuit du Nouvel An, jusqu'aux actes individuels, personne n'est épargné, les filles comme les garçons, il suffit de s'intéresser à l'Eglise Catholique et aux actes de pédophilie qui ne cessent d'être dévoilés. Nul acte ne doit être négligé ni hiérarchisé, celui qui est le plus grave est celui, me semble-t-il, qui nous arrive, à charge pour l'environnement familial, les amis... d'aider la victime à soigner son âme, et son corps.


Et devant un tel tableau, comment réagir ? Et bien, Delphine BERTHOLON décide d'en rire (mais attention, avec cette écrivaine, le rire est jaune !). La revanche prise sur l'homme, sur les hommes, sur la société toute entière est ingénieuse. Je me suis laissée surprendre et c'est aussi le charme de la littérature, se laisser porter par une issue que l'on n'aurait pas soupçonnée...


Et même si Delphine BERTHOLON s'interroge sur l'humanité :


(Est-on encore un être humain, dans de telles conditions ? C'est quoi d'abord, l'humanité ?) P. 155


C'était déjà une question qu'elle se posait dans "Grâce"... elle lui fait encore un peu confiance en provoquant des rencontres inattendues mais ô combien précieuses sur le chemin de la résilience. J'ai été bouleversée par le personnage du policier et encore par ce jeune homme qui vit dans les arbres ! Vous voulez savoir pourquoi, et bien lisez "Les corps inutiles".


Ce roman est très dense. Chaque fois que j'y repense, j'y retrouve de petits détails qui sont autant de richesses.


Une nouvelle fois, je vais m'en souvenir très longtemps. C'est, je crois, la marque de fabrique des romans de Delphine BERTHOLON !

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2016-03-30T06:25:58+02:00

La dernière page de Gazmend KAPLLANI

Publié par Tlivres

Traduit du Grec par Françoise BIENFAIT et Jérôme GIOVENDO

 

Alors que je suis rentrée de Paris avec une pile de livres dont tous sont aussi attractifs les uns que les autres,


Alors que je pensais ne pas participer au Prix des Lecteurs Angevins/CEZAM parce que non séduite a priori par la sélection,


je suis passée à la Bibliothèque pour déposer les livres que j'avais empruntés (un bon motif non ?) et puis j'ai remarqué un roman, tout seul sur le rayonnage... je l'ai saisi, j'ai survolé la 4ème de couverture (ce que je m'étais promis de ne plus faire !) et je suis tombée sous le charme !



A l'instar de certaines amours, certains pays sont une aberration : ils n'auraient jamais dû exister. Etre né et avoir vécu dans un tel pays procure un désenchantement assez proche de ce que l'on éprouve quand on a gâché sa vie avec une personne qui n'était pas la bonne. P. 9


Cette phrase n'est pas de moi, mais de Melsi, le personnage principal de ce roman. Melsi a 44 ans. Il vient d'apprendre la terrible nouvelle du décès de son père. Il part en car d'Athènes pour rejoindre Tirana en Albanie. Sa mère est décédée quand il avait 19 ans. Il a gardé un terrible souvenir de sa grand-mère reposant sur son lit de mort. Là, c'est un tout autre contexte. Il apprend que son père est décédé à Shanghai. Melsi s'interroge sur l'objet du voyage de son père en Chine. Pourquoi s'y est-il rendu ? de surcroît seul ? Il va progressivement s'approprier l'univers de son père, partir à la découverte de l'histoire des objets qui meublent sa vie. Un mystérieux cahier marron va attirer son attention.


Il n'aura pas fallu plus de 135 pages pour Gazmend KAPLLANI pour captiver la lectrice que je suis. Il faut dire qu'il use d'un certain nombre d'ingrédients dont je raffole :


- l'Histoire : j'avoue ne pas bien maîtriser le passé des Balkans et m'y plonger par le biais d'un roman m'a tout de suite intéressée,


- l'histoire de cet homme, journaliste et écrivain, retourné en Grèce depuis une vingtaine d'années notamment suite à un différend avec son père. Retourné sur les traces de ses origines, Melsi est un descendant d'une famille juive habitant la Thessalonnique que son grand-père, Léon, a décidé de quitter en 1943 avec sa famille, sous de fausses identités, devant la menace des Allemands.


- le sujet de l'immigration : Gazmend KAPLLANNI appréhende sous différentes facettes les conséquences d'une migration transfontalière pour l'être humain. La quête d'identité y compris administrative est une démarche au long cours. L'apprentissage d'une toute nouvelle culture se fait au quotidien notamment avec la maîtrise de la langue dont l'auteur fait l'éloge. Les subtilités linguistiques, lexicales, sont autant de champs d'investigation que les hommes de cette famille explorent avec plaisir. Bien sûr, il y a aussi le déracinement, l'exil, les souvenirs, la mémoire et la transmission aux générations suivantes.


Par exemple, Gazmend KAPLLANI évoque les photos de la vie passée comme autant de piliers pour nourrir les souvenirs :


Le fait d'avoir quitté la Grèce sans emporter une seule photo de leur famille contribuait à leur faire oublier cette tranche de leur vie passée. P. 77

Ce roman nous permet de nous poser quelques questions sur la vie de tous ces migrants qui quittent leurs pays avec seulement les vêtements qu'ils portent sur eux. Comment nourriront-ils le souvenir de leur existence d'avant ? Comment surmonteront-ils psychologiquement ce manque, eux et leurs enfants ?


La situation spécifique des femmes immigrées y est également abordée.



Quand à sa mère, elle ne se mêlait absolument pas de ces histoires de rivalité linguistique. Sa langue à elle se réduisait au cliquetis de sa machine à coudre. [...] Sa mère ne sortait d'ailleurs presque jamais. Elle avait appris un albanais approximatif grâce à deux voisines, Meléke et Sabrié, qui étaient devenues ses amis et lui rendaient visite tous les vendredis. P. 79

Ce roman met en exergue la condition féminine et les enjeux d'une activité en dehors du foyer pour favoriser l'apprentissage de la langue. Retenues à domicile pour satisfaire les besoins de la famille, les femmes sont privées de cette émancipation que la maîtrise de la langue peut leur assurer.


Ce roman ne se résume toutefois pas seulement à ses sujets. Il se fait remarquer par la qualité de la plume de son auteur. Gazmend KAPLLANI aime les mots, il joue avec eux, s'attache à trouver celui qui sera le plus juste et suscitera l'émotion de son lecteur. Je souhaiterais d'ailleurs saluer le travail du binôme de traducteurs, peu souvent cité alors que sa qualité est intimement liée la prise en compte des spécificités culturelles. S'identifier à un Grec d'origine albanaise sans jamais y avoir mis les pieds n'y est pas si naturel et pourtant... c'est ce que réussit "La dernière page".


Enfin, j'ai trouvé la construction de ce roman particulièrement ingénieuse. Alors que Mesli doit affronter la mort et accepter le deuil de son père, il découvre un projet de roman, écrit par son père, et dont les passages figurent en lettres italiques, permettant à tout moment de se repérer dans le parcours du narrateur et l'itinéraire de son père. S'entremêlent ainsi 2 époques, les années 1940 et 2010 !


"La dernière page" est assurément un très beau roman historique.

La dernière page de Gazmend KAPLLANI

Je n'en suis qu'à mon 2ème roman de la sélection. Après Kokoro de Delphine ROUX auquel j'avais attribué la note de 7, je vais monter d'un cran et placer "La dernière page" devant avec un 8.

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2016-03-18T07:12:52+01:00

Grâce de Delphine BERTHOLON

Publié par Tlivres
Grâce de Delphine BERTHOLON

Delphine BERTHOLON, j'ai découvert son écriture avec "L'effet Larsen" en novembre dernier et ce roman est gravé à jamais dans ma mémoire pour m'avoir accompagnée les jours suivant les terribles attentats de Paris, il résonne encore aujourd'hui !


J'étais particulièrement tentée de poursuivre la découverte des oeuvres de cette écrivaine et "Grâce" m'a tendu les bras...

Tout commence avec une lettre dactylographiée, dont on ne comprend pas bien son contexte, qui est son destinataire, et ce qu'elle pourra bien induire dans ce roman, mais ce que l'on mesure dans les premières lignes, c'est le manque incommensurable liée à l'absence d'un être cher.


Et puis, il y a aussi un chapitre qui commence ainsi : "Dès que je passai le seuil de la maison, je sus que quelque chose n'allait pas. "


Et enfin, il y a ce que l'on peut appréhender comme un journal intime signé de Grâce Marie Bataille, 7 mars 1981... : "Ce matin, j'ai eu trente quatre ans. Trente quatre ans, et deux gosses."


Vous l'aurez compris, le talent de Delphine BERTHOLON est de tracer l'itinéraire de 3 personnages et de faire en sorte que leurs parcours se croisent très naturellement. Depuis la fille au pair venue de Roumanie, en passant par Nathan, père de 2 jeunes enfants, des faux jumeaux dont la mère est décédée lors de leur naissance, jusqu'à Grâce, la mère de Nathan, cette vieille femme dont les fragilités s'accroissent. Aujourd'hui, nous sommes le 24 décembre, il neige, et les festivités vont bientôt commencer !


Mais ce n'est pas tout, elle va le faire en vous prenant à la gorge dès les premières pages sans jamais pouvoir vous lâcher d'ici la page 356. Thriller psychologique, ce roman se lit en apnée totale. Si vous avez envie de quitter un temps votre environnement familial, professionnel... évasion cérébrale assurée ! Avec du recul, je me dis que la couverture est en totale adéquation avec l'histoire, c'est suffisamment rare pour le signaler. Toute noire, une maison en perspective vue à travers le pare brise d'une voiture... Je vous livre ces quelques détails comme autant d'énigmes à résoudre !


Delphine BERTHOLON a cette capacité à se fondre dans l'intimité de personnages meurtris, des hommes et des femmes anti-héros oppressés par des souffrances terrifiantes, des souffrances liées à des secrets de famille, des non-dits... à des décisions prises à un instant T mais avec des effets dévastateurs susceptibles de se transmettre de génération en génération :


La vie est une suite de choix plus ou moins réfléchis, de hasards heureux ou malheureux, rencontres, bifurcations, prendre à droite, prendre à gauche, mille destins différents à chaque carrefour, et puis des évidences. P. 170

Elle conclut ce très beau roman avec cette dernière ligne


[...] je réintègre, enfin, l'humanité. P. 356


Tout est dit dans la démarche d'écriture de Delphine BERTHOLON !

Lire un roman de cette auteure, c'est être sûr.e d'en garder l'empreinte !

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2016-03-16T07:30:17+01:00

G229 de Jean-Philippe BLONDEL

Publié par Tlivres
G229 de Jean-Philippe BLONDEL

C'est toujours avec beaucoup de plaisir que je retrouve la plume de cet écrivain. Après "Mariages de saison", son dernier roman lu récemment, je me suis lancée dans "G229" sans vraiment savoir à quoi m'attendre... d'ailleurs, je lis de moins en moins les 4èmes de couverture pour ne pas déflorer le plaisir de mes lectures à venir !

G229 est un code spécifique pour identifier la salle de classe n° 229 du bâtiment G, là où un professeur d'anglais enseigne, le narrateur de ce roman.


Jean-Philippe BLONDEL est l'homme des panels ! Il nous brosse le portrait des élèves


[...] des adolescents plus ou moins sympathiques, plus ou moins rebelles, plus ou moins niais, plus ou moins amoureux malheureux chaleureux distants râleurs mal lunés. P. 210/211

mais aussi celui des enseignant.e.s et leur sentiment d'appartenance à l'établissement :


Je sais instinctivement qui je suis, dix-huit heures par semaine, dix mois par an. Ce cadre-là m'est important. Ma place dans le monde. A un moment donné, pour une période donnée. P. 13

Chacun des publics présents dans un lycée y est abordé avec beaucoup d'objectivité et toujours énormément de tendresse, sans jugement aucun. L'écrivain nous dévoile les rouages de cette micro-société et permet d'humaniser chacun.


Parce qu'avant tout, dans un lycée, on vit. P. 206

Je me suis plongée avec beaucoup de plaisir dans l'univers de l'éducation nationale, histoire de me rappeler quelques souvenirs de mon adolescence (c'est certain, vous vous y retrouverez vous aussi à un moment donné !) mais aussi de m'approprier cet environnement professionnel que je ne connaissais pas de l'intérieur, c'est désormais chose faite.


Certains y verront une autobiographie, d'autres un roman. Avec Jean Philippe BLONDEL, vous ne savez jamais mais peu importe, c'est toujours un très bon moment de littérature.

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2016-03-13T20:23:27+01:00

Les Portes de Fer de Jens Christian GRONDAHL

Publié par Tlivres
Les Portes de Fer de Jens Christian GRONDAHL

Au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, j'ai été attirée par la couverture du dernier roman de Jens Christian GRONDALH, auteur danois. Alors même que je ne me souvenais pas avoir lu de billet sur la toile, qu'il ne figurait pas sur ma liste de références, je me suis tout de même laissée tenter...


Nous sommes au Danemark, le narrateur est un lycéen qui vit à Copenhague. Il a une soeur aînée, Kirsten, qui souhaite devenir sage-femme. Il a une petite amie, Lisbeth, juste une affaire de sexe. Et puis, il y a sa maman dont les jours sont comptés, elle est malade d'un cancer. Le narrateur souhaite lire Marx, sa professeure d'allemand, Gudrun, qui a découvert un potentiel chez cet adolescent, va lui confier des travaux particuliers qu'il lui remettra à son domicile, le samedi après-midi. Un jour, il fait connaissance avec la fille de Gudrun, Erika qui étudie la philosophie à Berlin. C'est son premier amour.


Une vingtaine d'années plus tard,il est divorcé et apprécie sa solitude. Il a une fille, Julie, qui vient passer le week-end ponctuellement chez lui. Il est enseignant et il accueille dans sa classe un jeune homme, Stanko, réfugié. Pour rendre service, il va même accueillir le lycéen chez lui quelques jours. Il va apprendre à le découvrir et entretenir une relation particulière avec sa mère, Ivana.


Vingt ans plus tard, il est à la retraite. Sa fille Julie est maman. Il refuse de fêter ses 60 ans. Il préfère s'offrir un voyage à Rome. Là, une formidable rencontre va lui ouvrir les yeux sur l'art de la photographie.


C'est un très beau roman sur le temps qui passe, sur les vertus de l'ennui et de la solitude. Vous l'aurez compris, les 3 parties du livres sont dédiées à 3 périodes de la vie d'un homme. Personnage très attachant, il est passionné de littérature et préfère s'isoler de la société danoise pour se ressourcer dans les livres, ses plus fidèles compagnons.


Il y a aussi les femmes, à commencer par sa mère qui malheureusement va s'éteindre alors qu'il n'est encore qu'un jeune adolescent. Il y a un magnifique passage sur ses sensations à l'annonce du décès :


Même si c'était attendu, cela arrivait quand même comme une surprise, une chute. Une chute dans un autre temps. On marche sur un sentier au bord de la falaise, soudain, la terre meuble cède et, pendant une fraction de seconde, on parvient à saisir ce qu'est l'abîme avant de retomber sur ses pieds un peu plus bas, et l'on retrouve l'équilibre après avoir chancelé un instant. P. 102

Et puis, il y a celles avec qui il va découvrir l'amour et les déceptions de la vie à 2. Depuis l'adolescence et les aventures d'une nuit sans lendemain, il y a bien eu Maria avec qui il a eu Julie mais le lien au matériel a eu raison de leur union. Et puis quelques autres femmes lui ont succédé avec chaque fois, des sentiments particuliers. Il prend le temps de les interpréter et donne une définition du verbe aimer qui vous donnera à méditer...


Il y a quelque chose de schizophrène dans le fait d'aimer. On converse en nous avec la voix de l'autre, avec l'image de l'être aimé et l'image que l'autre a de nous. On raisonne, on négocie, on vote sur ce qui est juste et judicieux, sur ce qui est bon ou mauvais dans la vie. Ma vie est aussi devenue celle de l'autre. L'autre a également le droit d'être pris au sérieux, il a gagné le droit d'être traité avec raison, et ce qui n'est qu'elle et moi, ce qui est subjectif et arbitraire, devient en mon for intérieur la vérité incarnée. P. 354

Ce très beau roman traite aussi de l'exil, la fuite, la lente reconstruction loin de ses origines, l'appropriation d'une nouvelle langue et de nouveaux territoires.


Il aborde aussi l'école comme un formidable lieu de vie et de développement :


C'était ça dont l'école était capable. C'était un organisme vivant, plein d'expérience accumulée qui était transmise. Un processus incessant qui accompagnait les enfants dans leur métamorphose, les épanouissait et dévoilait ce qu'ils renfermaient, pour les déposer plus loin. Les envoyer dans la vie et, dans le meilleur des cas, les y lancer avec la conscience que l'on naît avec des forces que l'on peut utiliser. Nul besoin de savoir ce qu'elles sont, car on ne le découvre peut-être jamais tout à fait, mais on les sent en soi, et on sait qu'il convient d'essayer. Qu'il convient de continuer à essayer. C'était pour cela que j'étais devenu prof. P. 214

Enfin, la dernière partie aborde la soixantaine, cette période où les repères s'effacent et laissent la place à une nouvelle forme de liberté. La rencontre avec la jeune photographe et la qualité de leurs échanges sont absolument magnifiques, un roman qui finit tout en beauté.


L'écriture de Jens Christian GRONDAHL m'a beaucoup émue. Elle est remarquable pour sa finesse et sa sensibilité. Je n'avais encore rien lu de lui mais je crois que je vais poursuivre mes découvertes avec ses autres romans. J'adore la littérature pour sa capacité à vous surprendre...

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2016-03-11T18:29:46+01:00

Randall de Jonathan GIBBS

Publié par Tlivres
Randall de Jonathan GIBBS

Traduit de l'anglais par Stéphane ROQUES


Vous le savez, je suis une inconditionnelle des chroniques de Gérard COLLARD et récemment, il a présenté un livre tout jaune, le 1er roman de Jonathan GIBBS. En arrivant au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, je l'ai tout de suite repéré !!!


Le narrateur, Vincent, n'a pas revu Justine depuis 2 ans. C'était la femme de Randall, cet artiste peintre britannique, décédé il y a 7 ans déjà. Elle lui a demandé de venir à New York, elle avait quelque chose à lui montrer. Une fois passé le temps des retrouvailles, elle lui présente quelques dessins pornographiques dont Randall est l'auteur. Il ne s'agit là que d'esquisses. Le lendemain, elle l'emmène découvrir les toiles. La peinture à l'huile n'était pas sa technique et pourtant... d'habitude il ne signait pas ses oeuvres, mais là elles le sont... autant d'interrogations qui vont permettre de dérouler le fil de toute une époque, celle des "Young British Artists" tout juste sortis du Goldsmiths College de Londres au début des années 1990.


Le narrateur a côtoyé de très près Randall, il l'a aidé à rencontrer des acheteurs potentiels pour accéder à la notoriété. Il oeuvre aujourd'hui en sa mémoire :


Randall fut mon ami - le meilleur ami que j'aie eu dans cette vie, et que j'aurai sans doute jamais - et si son oeuvre et dans une certaine mesure sa vie doivent continuer de trouver un écho auprès du public après sa mort, alors je veux m'assurer que l'homme que j'ai connu fait partie du souvenir que nous gardons de lui. P. 53

Une des très grandes richesses de ce roman repose dans l'approche d'une oeuvre contemporaine et de ses exigences :


Ne pas interroger le tableau, mais attendre qu'il se révèle. Lui donner le temps de démentir sa première impression, de balbutier et brouiller son récit. Le fixer du regard jusqu'à ce que le tableau cède. P. 234

J'ai beaucoup aimé le passage sur le lien qu'entretient l'artiste avec son oeuvre jusqu'au moment où...


"[...] il n'existe pas d'oeuvre d'art en tant qu'entité autonome, en tant que Ding an sich. Tant qu'elle est dans l'atelier, elle fait encore partie de l'artiste. Quand elle est dans une galerie, c'est une marchandise, un chaudron bouillonnant de valeurs hypothétiques et pourtant indifférenciées, comme le chat dans la couveuse. Quand elle est accrochée au mur chez quelqu'un, ou dans un musée, elle devient une pièce de la collection, et tire plus ou moins son identité de cette collection. Nulle part elle n'existe par elle-même. P. 280

Vous trouverez dans ce très beau roman tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'art contemporain sans jamais oser le demander.


Mais un artiste est aussi un être vivant, ordinaire, il a une vie sentimentale, familiale, il évolue dans un environnement... Avec ce roman, Jonathal GIBBS dresse le portrait d'une jeunesse londonienne des années 90, sombrant dans l'alcool, la consommation d'ecstasy... Il profite de cette opportunité pour aborder le sujet de l'amitié et les liens à la vie à la mort qu'elle peut induire.


Ce roman prend enfin la dimension d'un thriller psychologique avec ces oeuvres cachées, inconnues de tous, des petites bombes tant dans le domaine artistique que pour chacun des individus qui s'y reconnaîtrait dans des positions ô combien provocantes. La veuve et l'ami de toujours porteront-ils au grand jour ces oeuvres d'une qualité incommensurable ? Et si une autre personne connaissait également en partie ce secret ?


Malgré qu'il s'agisse d'un roman relevant de l'exofiction, ce mouvement littéraire particulièrement en vogue aujourd'hui, je me suis laissée portée par le destin hors norme des différents personnages. Finalement, qu'ils aient réellement existé ou non m'importe peu, n'est-ce pas là le signe d'un très bon roman ?


Je crois que Nicole Grundlinger ne me démentira pas...

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2016-03-09T21:09:12+01:00

L'ardoise magique de Valérie TONG CUONG

Publié par Tlivres
L'ardoise magique de Valérie TONG CUONG

Valérie TONG CUONG, je l'ai découverte assez récemment avec la lecture de "Pardonnable, impardonnable". Une lecture choc !


J'étais loin d'imaginer que ce qualificatif pourrait devenir un trait de caractère des oeuvres de cette écrivaine et pourtant... "Deux jeunes filles sont assises sur la rambarde d'un pont. Un train surgit. L'une saute, l'autre pas."

Voilà les 1ères lignes de la 4ème de couverture, tout un programme !


La narratrice, Mina, est encore là pour témoigner. Elle est née de père inconnu et d'une mère alcoolique décédée prématurément à l'âge de 33 ans. Son amie, Alice, elle habitait dans les beaux quartiers, avait tout pour être heureuse, ou presque.


Valérie TONG CUONG aborde ce sujet difficile ingénieusement avec la stigmatisation des territoires. Il y a des quartiers où la précarité sociale sévit et puis ceux où tout est rutilant. Sans nier les réalités des premiers, elle s'attache à déconstruire le modèle bourgeois :


Chez nous, on se tait, c'est tout. On se trompe, on triche, on vole, on souffre et on meurt, mais toujours en silence et avec le sourire. P. 39

Au gré de ce très beau roman, elle nous fait plonger dans l'abîme de l'adolescence, cette période de transition entre l'enfance et l'âge adulte. Alors, quand les repères ne reposent que sur le passé, certains partent avec plus d'atouts que d'autres pour imaginer leur futur.


Un passé plutôt en dessous de la moyenne, mais peut-être un avenir au-dessus. P. 170

Les maltraitances de l'enfance, les non-dits, les absences... prennent une dimension incommensurable et là, filles comme garçons sont à égalité. Les souffrances sont terrifiantes, les sentiments exacerbés dans un ascenseur émotionnel totalement déboussolé. Les issues, elles, sont aussi diverses et variées, à chacun son parcours. Certains décident de résister, d'autres au contraire choisissent de mettre un point final à leur existence, à l'image de ce suicide qui aurait pu être collectif.


Comment continuer à vivre après une telle épreuve ? Comment évacuer la culpabilité ? A qui faire confiance ? Un avenir est-il encore envisageable ?


Pour toutes ces questions, ne comptez pas sur Valérie TONG CUONG qui au contraire, prend le parti de mobiliser son.a lecteur.rice, de l'interroger sur ce qu'il.elle pense. Des paragraphes entiers sont dédiés à toutes les questions que l'écrivaine lui pose, et bien d'autres encore...


Thriller psychologique, ce roman se lit d'une traite, en apnée totale. La chute est totalement imprévisible et ô combien effrayante.


Alors, si vous aussi vous avez envie de le lire, isolez-vous quelques heures, effets garantis !

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2016-03-06T21:12:08+01:00

Les arbres voyagent la nuit de Aude LE CORFF

Publié par Tlivres
Les arbres voyagent la nuit de Aude LE CORFF

Nouveau coup de coeur pour un roman de Aude LE CORFF, son 1er roman en réalité : "Les arbres voyagent la nuit". Mon échappée belle à vélo de la semaine dernière se justifiait donc largement !!!


La plume de cette écrivaine, je l'ai découverte très récemment avec : "L'importun", son 2ème roman qui m'a totalement bouleversée.


Je crains de ne devoir attendre avec beaucoup d'impatience la sortie de son 3ème...


Mais ne nous éparpillons pas, revenons à l'objet de ce billet !

Les arbres voyagent la nuit de Aude LE CORFF

Après l'école, Manon, une petite fille, a récemment pris l'habitude de se plonger dans la lecture d'un livre sous un arbre du jardin public, voisin de son immeuble. Elle y trouve de nouveaux repères avec ses amis, les chats et les fourmis. Manon interpelle Anatole, ce vieil homme qui habite le même immeuble, au 1er étage, et qui l'aperçoit chaque jour, sous son saule. Lui-même est passionné de littérature, il était professeur de français lorsqu'il était en activité. Alors, un soir, il décide de franchir le pas et de partir la rejoindre avec un livre : Le Petit Prince de Saint-Exupéry. De cette rencontre, vont naître de nouvelles relations de voisinage, avec Sophie, la tante de Manon, qui vit au 3ème, et puis avec Pierre, le père de Manon. Tous ensemble, il vont mettre sur pied un projet totalement fou...


Je ne vais pas tergiverser, ce roman est tout simplement magnifique comme d'autres l'ont dit avant moi... Sabine Faulmeyer, Blablamania, Eliane Convert, Gaby, Melly...

C'est d'abord un petit concentré d'interculturalité. Tout y est, des êtres meurtris par l'absence de l'être aimé, une mère pour Manon, une épouse pour Pierre, une soeur pour Sophie, mais aussi un vieil homme qui vit seul, en lutte contre son corps qui s'affaiblit et le regard des gens qui le classent irrémédiablement dans la catégorie des vieux.


Les gens, le considérant diminué à tout niveau, ont l'horrible manie de lui parler comme s'il était sénile. Tous les vieux sont sourds, dans leur esprit. Pourtant, à part quelques acouphènes qui vont et viennent, il n'a aucun problème auditif. Dans ses mauvais jours, il lui arrive de ne pas répondre quand on le traite comme un arriéré. Il laisse l'énergumène se démener dans le vide, pour finir par lui demander d'une voix posée d'arrêter de crier, on n'est pas dans un asile psychiatrique, enfin. P. 110

Il y a aussi le chemin de la résilience, cet itinéraire que chacun parcourt pour surmonter les épreuves de la vie et qui donne de l'espoir. Alors que chaque personnage essaie de surmonter seul la souffrance qui l'obsède, Aude LE CORFF va avoir la formidable idée de permettre la rencontre de tous ces individus, singuliers, pour se lancer dans une aventure collective, totalement imprévisible et ô combien salvatrice. Les êtres humains sont surprenants...


On ne peut jurer de rien avec les gens, même ceux que l'on croit connaître le mieux. P. 244

Mais il y encore ce rapport au passé, à la mémoire des êtres chers, aux souvenirs...


- Dans les moments de nostalgie, je m'immerge dans ces petites choses du passé, c'est tout ce qu'il me reste d'eux.
- Moi aussi, j'ai un tiroir avec des souvenirs très importants que je regarde souvent.
Ils fixent un instant le vide, chacun perdu dans un monde qu'il aimerait retrouver. P. 40

Et puis il y a aussi la littérature comme toile de fond. Impossible de ne pas fondre sur cette passion et les bienfaits des livres bien sûr !


Et puis il y a encore une multitude de parenthèses faites par l'écrivaine sur autant de sujets qui pourraient devenir à eux-seuls l'objet d'un nouveau roman. J'ai été particulièrement séduite par celle dédiée à la Cathédrale de Cordoue, p. 223, site que j'ai eu le plaisir de visiter il y a quelques années. En quelques lignes, elle retrace le passé de ce monument grandiose qui, au fil des siècles, est passé d'un lieu de culte musulman à un lieu de prière catholique tout en gardant les traces de son histoire.


Ce que j'aime enfin chez Aude LE CORFF, c'est sa capacité à induire de nouvelles lectures. Avec "L'importun", j'avais tiré le fil d'anecdotes relatives à l'histoire de Jeanne HEON-CANONNE et poursuivi avec "Les Hommes Blessés à Mort Crient", ce très beau témoignage préfacé par Albert CAMUS.

Avec "Les arbres voyagent la nuit", je crois que le moment est venu de lire "Miracle de la rose", cette autobiographie de Jean GENET. Là, pas besoin de me le procurer... depuis ma visite de l'Abbaye de Fontevraud, il repose sur l'étagère de ma bibliothèque sans avoir jamais trouvé l'opportunité d'en émerger. Désormais, il y rayonne !


Le 15 décembre dernier, je disais de "L'importun" qu'il faisait "partie de ces romans inclassables". "Les arbres voyagent la nuit" le sont également.


A voir quelle énergie met leur auteure à lutter contre les clichés et autres stéréotypes, quel plus cadeau lui faire que de ne pas classer ses romans dans une quelconque catégorie dans laquelle ils seraient à coup sûr étriqués !

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2016-03-02T21:01:35+01:00

Le jour avant le bonheur de Erri DE LUCA

Publié par Tlivres

 

Traduit de l'italien par Danièle VALIN

 

Je n'avais encore rien lu d'Erri DE LUCA, cet auteur italien contemporain né à Naples dans les années 1950, avant de lire les éloges d'Hélène Lecturissime et d'Un coin de blog.


Alors, quand j'ai vu "Le jour avant le bonheur" en tête de rayon de ma Bibliothèque préférée, je me suis dit que c'était une véritable opportunité de partir à la conquête de cette plume, et ce fut pour le plus grand plaisir.


Nous sommes à Naples. Don Gaetano, concierge, s'occupe du garçon qui est le narrateur de l'histoire. Enfant orphelin comme lui, Don Gaetano lui apprend tout de la vie. Il l'aide à devenir adulte pour un jour peut être le voir s'envoler du nid...


Ce livre est un magnifique roman initiatique. Le lecteur accompagne le narrateur depuis son plus jeune âge, alors qu'il joue au ballon avec ses copains dans la cour de l'immeuble et qu'il cherche à se distinguer aux yeux d'une petite fille qui habite le 3ème étage. Il y a les épreuves de la vie et la découverte des secrets bien gardés de Don Gaetano, il y a le jeu de la scopa qui établit une relation de complicité entre les 2 hommes, il y a les livres aussi et surtout les pensées des hommes qui ne résistent pas au pouvoir de Don Gaetano. Il l'aide à passer du collectif à l'individuel :


D'abord, ne dis pas tout le monde, ce sont des personnes singulières. Si tu dis tout le monde, tu ne fais pas cas des personnes. On ne peut pas entendre les pensées de tout le monde, mais celles d'une personne à la fois. ... C'est dans la loge, cet été là, que j'appris à reconnaître les locataires. P. 25

C'est un très beau roman aussi sur l'après guerre en Italie, les quelques jours de fin septembre 1943 pendant lesquels les Napolitains se sont rebellés pour se libérer de l'oppression allemande. L'auteur nous montre cette réalité d'une libération imminente mais dont les Italiens se méfient encore. Les Américains sont bien présents mais ils bombardent l'ensemble du territoire, qui finira par être sauvé ? "Le jour avant le bonheur" assure ce devoir de mémoire, il témoigne de ces quelques gestes emplis d'humanité au risque de sa vie, Don Gaetano a caché un juif pendant plus d'un mois chez lui, et des pires exactions sur fond de guerre que tout autorise.


C'est aussi un livre qui montre la nécessité d'une identité pour se construire.


Ses récits devenaient mes souvenirs. Je reconnaissais d'où je venais, je n'étais pas le fils d'un immeuble, mais d'une ville. Je n'étais pas un orphelin de père et de mère, mais le membre d'un peuple. Nous nous sommes quittés à minuit. Je me suis levé de ma chaise grandi, sous mes pieds, une semelle me donnait de nouveaux centimètres. Il l'avait transmis une appartenance. J'étais un habitant de Naples, par compassion, colère et honte aussi de celui qui est né trop tard. P. 128

Il y a également un très beau passage sur l'école :


L'instruction nous donnait de l'importance, à nous les pauvres. Les riches s'instruiraient de toute façon. L'école donnait du poids à ceux qui n'en avaient pas, elle rendait égaux. Elle n'abolissait pas la misère mais, entre ses murs, elle permettait l'égalité. La différence commençait dehors. P. 130

A l'image de ces 2 citations, la plume de Erri DE LUCA est absolument remarquable. Entre justesse et poésie, les émotions sont toujours à fleur de peau.


Une très belle découverte. Je crois que je vais renouveler l'expérience... Vous avez des conseils à me donner ?

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2016-02-15T21:27:00+01:00

Mariages de saison de Jean-Philippe BLONDEL

Publié par Tlivres
Mariages de saison de Jean-Philippe BLONDEL

Lire "Mariages de saison" le jour de la Saint-Valentin, original, non ?


Et bien, il faut de tout pour faire notre société, c'est le message que transmet Jean-Philippe BLONDEL avec son excellent dernier roman.


Corentin a 27 ans, il est vidéaste de mariage de mai à septembre. Avec son parrain, Yvan, le meilleur ami de son père, il parcourt la région pour couvrir les "heureux" événements. Il y en a pour tous les goûts : les gens se marient entre hétéros ou homos, en grandes pompes ou bien dans la pure simplicité, pour la énième fois ou pour la première, après seulement quelques années de vie commune ou bien des dizaines, il n'y a pas d'âge et toutes les raisons sont bonnes ! Mais pour Corentin, les choses sont différentes. Toutes ses petites amies ont la même raison de le quitter, lui ! Ces mariages dévorent sa vie privée. Impossible de rencontrer les amis le vendredi soir parce qu'il se lève tôt le samedi matin, impossible aussi le samedi puisqu'il travaille jusque tard dans la nuit... Aurore, comme les autres, abandonnera la partie mais Corentin, lui, que va-t-il devenir ?


Il se lance alors dans un projet audacieux que je ne vais pas vous dévoiler mais qui devient la pépite de ce roman succulent.


Jean-Philippe BLONDEL nous brosse un portrait satirique de notre société à travers ce panel de couples et de leurs familles. Ce qui devrait être un heureux événement pourrait bien être en réalité la 1ère graine du mal... mais l'auteur est délicat, il respecte totalement les choix de chacun. Il se contente de relater les passages à la Mairie, parfois à l'Eglise, les vins d'honneur, les repas et autres soirées dansantes... au gré de plusieurs exemples subtilement choisis pour montrer la grande diversité.


Ce n'est qu'avec le stratège de Corentin que l'auteur va laisser aller son imagination et que le bonbon va devenir fondant !


J'avais découvert la plume de Jean-Philippe BLONDEL avec "Un minuscule inventaire", j'en garde encore aujourd'hui un très bon souvenir. Nul doute que je me souviendrais longtemps de "Mariages de saison" et aussi de cette citation :


Un symbole de liberté, parce que le mariage parfois c'était cela - non pas le début d'un enfermement, mais la conquête d'une indépendance à deux et la certitude de n'être plus seul à faire face aux éléments. Décupler les forces et le courage. P. 183

Ce roman est une véritable gourmandise !

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2016-02-01T07:28:30+01:00

Titus n'aimait pas Bérénice de Nathalie AZOULAI

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Titus n'aimait pas Bérénice de Nathalie AZOULAI

Racine est l'auteur de la pièce de théâtre, Bérénice, écrite à la fin du XVIIème siècle.


Nathalie AZOULAI consacre ce roman à la vie de Racine. Orphelin dès l'âge de 2 ans, il est accueilli dans un Monastère où l'une de ses tantes y séjourne. Son éducation est empreinte bien sûr du poids de la religion dont le jeune homme va vouloir s'émanciper. Erudit, il voue une passion pour le latin et les traductions. A l'âge de 16 ans, il maîtrise 5 langues. Ses fréquentations vont lui faire découvrir un autre décor, comme celui des tavernes parisiennes aux côtés de son cousin. Il se démarque par la qualité de sa prose qui progressivement le rapprochera du Roi de France, le Roi Soleil. Il entrera à l'Académie française. Il deviendra enfin l'historien du Roi qu'il accompagnera dans ses batailles.


Je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec ce roman. Et puis, j'avais lu un avis de Catherine RECHENMAN particulièrement élogieux, alors je me suis laissée tenter...


En réalité, j'ai trouvé ce roman peu enthousiasmant. C'est vrai, je suis désolée mais je n'ai pas eu d'entrain à le lire alors même que j'avais la journée à lui consacrer !


J'ai aimé lire sur le XVIIème siècle, cette période où les arts se développent avec frénésie, qu'il s'agisse de peinture comme de littérature, ou encore d'architecture avec la construction du Château de Versailles.


J'ai apprécié de découvrir les rivalités entretenues par les hommes de théâtre du moment, Molière, Corneille, Racine, rivalisant d'ingéniosité pour séduire le Roi.


J'ai goûté les plaisirs de la création théâtrale, de cette forme de littérature encadrée par les lois du genre.


MAIS

Je n'y ai pas trouvé de suspense, ni de rythme.


En fait, j'ai lu ce roman un peu comme j'aurais lu un livre d'histoire.


Il manque à ce livre le côté romanesque, l'élan des découvertes, une intrigue ou quelque chose qui éveille la curiositié du lecteur pour le tenir en haleine jusqu'à la dernière page.

Dommage, je suis sans doute passée à côté... et vous, vous avez aimé ?

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2016-01-25T07:21:39+01:00

Kokoro de Delphine ROUX

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Kokoro de Delphine ROUX

Kokoro fait partie du Prix Cezam. C'est le 1er roman peut-être d'une longue série que je vais lire... il m'a tendu les bras samedi à la Bibliothèque, je l'ai pris !


Kokoro, c'est un roman à l'image de ce que représente sa couverture, quelques gourmandises à savourer sans modération.


Les parents de Koichi et sa soeur Seki ont disparu dans un incendie alors que leurs enfants n'avaient que 12 et 15 ans. Ils ont construit leur vie comme ils ont pu. Seki est mariée, elle a des enfants, elle occupe un emploi à responsabilité. Koichi se cherche.


Kokoro, c'est un regard porté sur le chemin parcouru par les 2 enfants.


C'est aussi la mémoire des lieux.


C'est enfin la place de la grand-mère pour ces deux êtres en construction. Une grand-mère que l'on voudrait tous avoir ! Je me suis d'ailleurs bien retrouvée dans cette petite phrase :


Et les tiroiRs-fouillis qu'elle entretenait en répétant pour elle-même : Dans ton jardin secret, n'oublie pas un carré pour les mauvaises herbes. P. 77

Kokoro de Delphine ROUX

Chez moi, ce n'est pas un carré mais un jardin !


Kokoro, c'est aussi une forme narrative singulière : des chapitres qui peuvent aller de 3 lignes à 1 ou 2 pages. C'est enfin un très beau texte composé de phrases poétiques, imagées et délicates.


Il est toujours difficile de noter le 1er des 10 livres sélectionnés...


Je vais lui mettre 7. Peut-être gardera-t-il cette place jusqu'en juin 2016...

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2016-01-19T13:20:06+01:00

L'ombre de nos nuits de Gaëlle JOSSE

Publié par Tlivres
L'ombre de nos nuits de Gaëlle JOSSE

Après "Le dernier gardien d'Ellis Island", véritable coup de coeur de l'année 2015, je me suis délectée avec "Nos vies désaccordées" et "Les heures silencieuses".

J'avais noté depuis quelques semaines déjà la parution du tout dernier roman de Gaëlle JOSSE.


Vous comprendrez que je me sois précipitée dans ma librairie préférée le 7 janvier dernier pour mettre la main sur ce qui était déjà une star de la blogosphère ! J'aurais aisément embrassé le libraire quand il m'a tendu l'objet de mes convoitises, à peine sorti des cartons, mais je sais me tenir, j'ai résisté !


Ensuite, il y a cette période pendant laquelle on se réjouit de l'avoir mais on ne veut pas s'y mettre sans avoir, devant soi, quelques heures pour le savourer.

Comme tous les autres livres de Gaëlle JOSSE, nous sommes sur un roman court (196 pages) mais je sais aussi que je relis parfois plusieurs fois une même phrase tellement je la trouve belle, juste, bien écrite quoi !


Samedi dernier, 5-6 heures seule, me voilà installée avec une théière pleine, un plaid, le fauteuil le long de la baie vitrée pour capter chaque rayon de soleil qui va se présenter (petit clin d'oeil à l'auteure, je n'ai pas de chat, moi !), et là, c'est parti...


1er chapitre, nous sommes en Lorraine, à Lunéville exactement, en 1639. Le Maître de la Tour est dans son atelier avec ses 2 apprentis, son fils, Etienne, qui prendra sa succession, Laurent, présent depuis 7 ans et dont le talent ne trompe pas. C'est une toute nouvelle toile qui va prendre forme sous le pinceau de l'artiste.


2ème chapitre, nous sommes à Rouen en 2014. Une femme se souvient d'un amour qui a pris fin, un amour qui s'est terminé sans que tout ait été dit, un amour dont elle a souffert et qu'elle avait semblé avoir oublié.


Je ne vous en dit pas plus. Simplement que c'est une merveille.


C'est un magnifique roman sur la peinture au 17ème siècle, sur la création artistique, sur la nécessité de s'isoler pour pouvoir laisser libre cours à son imagination, créer un univers favorable à l'expression de l'artiste. Les descriptions de l'atelier, l'atmosphère qui y règne, les odeurs qui s'en dégagent, la présence du modèle qui se plie aux désirs de l'artiste pour adopter la posture idéale... sont autant de détails qui m'ont rappelé une oeuvre que j'avais adorée de Tracy CHEVALIER : "La jeune fille a la perle".

Et puis, il y a l'histoire de cette femme, de cet être déchiré dont on soupçonne la lente reconstruction. Un véritable parcours du combattant ! J'ai plongé sans retenue dans son univers, ses souffrances, ses réflexions sur l'amour, l'empreinte de ses souvenirs...


Aimer, c'est aussi garder la mémoire commune de certains lieux. P. 139

Qu'est-ce qui unit ces 2 parcours ? L'ombre de leurs nuits bien sûr, comme le titre le laisse entendre... mais aussi, la passion.


La passion artistique que rien ni personne ne pourrait arrêter tant la création est vive :


Mon oeuvre est plus grande que ne le sont ma personne et ma vie. P. 156

La passion amoureuse aussi qui vous emporte jusqu'à en perdre la raison :


Ta voix comme une flambée, une brûlure, un embrasement, une irradiation. P. 71

L'ombre de nos nuits de Gaëlle JOSSE

Il y a autre chose encore mais que je ne vais pas vous dévoiler !


J'ai beaucoup aimé retrouver l'écriture de Gaëlle JOSSE, son rapport à la langue. Les phrases sont judicieusement travaillées. Elles sont le reflet d'une grande sensibilité. Les mots sont justes, minutieusement choisis. C'est cette quête qui l'unit avec son personnage féminin, cette traductrice :


Je me suis aperçue que les langues et la danse, c'était presque pareil. Danser avec les mots ; créer un autre geste. De la beauté, parfois. Je fais de mon mieux, j'aime ce travail, chercher, errer dans un texte pour la joie d'approcher de temps en temps quelque chose de juste. P. 104-105

Et pour pousser encore plus loin les joies de l'écriture et atteindre la perfection, l'écrivaine fait intervenir une 3ème voix, histoire de jouer un peu plus encore avec les formes narratives, un bijou !


Vous commencez ce roman, impossible de le lâcher. Lisez donc cette phrase, P. 22 :


J'ignore que la tempête m'attend un peu plus loin.

Moi, je ne résiste pas !

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2016-01-17T20:07:27+01:00

Ma vie dans les services secrets de Noreen RIOLS

Publié par Tlivres
Ma vie dans les services secrets de Noreen RIOLS

Qui peut mieux parler de la vie de Noreen RIOLS qu'elle-même !


Personnellement, je suis tombée sous le charme de sa voix chaleureuse, claire, pleine de conviction encore, de Noreen RIOLS lors de son passage à l'émission de Stéphanie DUNCAN du 2 novembre 2014 : "Les femmes, toute une histoire".


Disponible en podcast sur France Inter, je ne peux que vous inciter à l'écouter pour vous mettre en appétit d'un livre : "Ma vie dans les services secrets" qui retrace avec beaucoup de minutie le parcours d'une femme hors norme.


A 18 ans, comme toutes les jeunes filles en Angleterre, les études s'arrêtent. Concours de circonstance, nous sommes en 1940, elle est donc destinée aux usines de fabrication des munitions. Mais Noreen RIOLS, elle, décide de choisir de son avenir. Elle s'inscrit pour participer aux forces armées de Grande Bretagne. 1 premier acte ô combien audacieux de cette femme !


Elle se retrouve au Ministère de la Guerre Economique puis dans les services secrets mis en place par Churchill, le "Special Operations Executive", S.O.E.. Bilingue, elle présente toutes les caractéristiques pour être recrutée. Commence alors une folle aventure au service de la Résistance, Noreen RIOLS intègre la section F du S.O.E..


Elle servira "d'appât" pour tester les agents potentiels sur le départ. Elle transmettra également sur les ondes de la BBC des messages destinés aux Résistants. Les phrases dans lesquelles une couleur était intégrée leur étaient spécifiquement adressées pour faire savoir qu'une opération avait réussi avec la mise à disposition d'hommes, d'armes...

Ma vie dans les services secrets de Noreen RIOLS

Cette autobiographie est particulièrement riche de détails qui, en temps de guerre, prennent une dimension toute particulière, au péril parfois d'une ou de plusieurs vies.


Je pense notamment au passage concernant les agents prêts à partir en mission. Un soin tout particulier était porté aux vêtements.


S'ils avaient été infiltrés en France en portant des habits de coupe anglaise, même après qu'on leur aurait ôté leurs étiquettes d'origine pour y coudre celle des "Galeries Lafayette" ou du "Printemps" à la place, cela aurait pu les trahir. P. 93

Ce sont aussi des agents doubles qu'il convient de se méfier à l'image de Henri DERICOURT qui


travaillait ostensiblement pour le S.O.E., mais aussi pour la Gestapo et l'Abwehr (le Renseignement militaire allemand). P. 103

Noreen RIOLS est la seule femme a avoir participé au S.O.E. et encore vivante aujourd'hui sur les 30 qui ont asssuré la même mission. Elle ne manque pas de rendre hommage aux jeunes mariées et à toutes ces femmes, mères, qui laissaient alors leurs enfants au couvent ou à des proches pour servir le S.O.E.. Elle se souvient de l'une d'elles


Odette SAMSON laissa ainsi ses trois fillettes, dont une à peine âgée de trois ans [...]. P. 124

Noreen RIOLS raconte sa rencontre plus tard avec la fille d'Odette SAMSON qui n'avait que 6 ans à l'époque et qui lui disait alors


Maman, maman, comment peux-tu faire ça ? Comment peux-tu nous laisser ?

et qui plus tard, devenue adulte, dira :

Je suis fière de ma mère et de ce qu'elle a fait. P. 125

Elle retrace aussi cette fraternité qui unifiait les hommes et les femmes par temps de guerre et sa fragilité quand le climat s'apaise


Il y avait le sentiment d'unité que nous éprouvions tous pendant ces années tragiques, lorsque nous nous battions pour la même cause, ce sentiment d'unité s'évaporant malheureusement dès que les hostilités prirent fin. P. 190

Ma vie dans les services secrets de Noreen RIOLS

Elle évoque enfin ses ressentiments à l'égard du Général de GAULLE, lui-même à la tête d'un réseau, le M16. Alors que le régime nazi allemand menaçait leurs peuples, lui et Churchill entretenaient une rivalité malsaine et totalement inappropriée en temps de guerre.

Le Général de GAULLE n'a jamais voulu reconnaître le S.O.E., il vouait plus d'estime pour l'Abwehr et le Renseignement militaire allemand, dit-elle. Surprenant, non ? La guerre terminée, il refusera aux 480 agents de la section F le statut de Compagnons de la Libération.

De ces agents, il faut savoir que 104 ont été exécutés dans des camps de concentration ! Noreen RIOLS rend hommage en annexe à son autobiographie à ces "Agents de la section F qui moururent pour libérer la France". De la P. 321 à la P. 334, elle fait part de leur identité et relate leurs faits jusqu'aux conditions de leur exécution.

J'ai beaucoup aimé lire cette autobiographie, comme celle de Jeanne HEON-CANONE il y a quelques semaines. Ces récits de vie nous en disent beaucoup sur le parcours de ces résistant.e.s qui méritent d'être honoré.e.s à leur juste valeur. Ils.Elles se sont battu.e.s pour notre LIBERTE. C'est une page de notre Histoire dont Noreen RIOLS assure la mémoire.

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2016-01-13T07:21:39+01:00

Avec cette tête-là de François FOLL

Publié par Tlivres
Avec cette tête-là de François FOLL

Gérard COLLARD a encore frappé ! C'est absolument incroyable... quand il présente un coup de coeur avec son amie Valérie EXPERT, à chaque fois j'adhère !!!


Nous sommes à la toute fin du XIXème siècle, c'est en 1899 que naît Joseph GUILLEMIN à Nantes. Son père est boulanger, sa mère vend le pain, et cet enfant naît avec un bec-de-lièvre. Son destin est tout tracé : il sera boulanger, comme son père et son grand-père "Avec cette tête-là" !


Mais c'est sans compter sur une scolarité agitée. Bouc émissaire de l'ensemble des élèves, il se fait maltraiter à l'insu de tous les adultes et dans des conditions odieuses. Entre boucs émissaires, des liens se créent ! David ARAN vient d'arriver. Son physique est singulier :


Petit et plutôt chétif, le nouveau venu avait le cheveu très noir, la peau mate et de grands yeux de myope qui, à travers des lunettes à monture métallique, lui donnaient un air de batracien étonné. P. 51

Au physique s'ajoute un nom de famille difficile à porter : Aran. Les métaphores ne tardent pas à tomber :


Tu pues le poisson, Aran. Dégage ! C'est ma place ! P. 55

Il n'en fallait pas plus pour que ces deux-là unissent leurs forces, à l'école et en dehors. Alors même que l'activité familiale occupe une grande partie des loisirs de Joseph, ses parents l'autorisent à inviter David à la maison, conscients de la solitude vécue par leur fils unique. Commencent alors des allées et venues entre les 2 familles : Joseph découvre un niveau de vie plus aisé, un univers culturel axé autour de la musique, l'expression de sentiments comme jamais il ne s'y était autorisé, excepté avec sa grand-mère aujourd'hui disparue.


Excellents élèves, leur scolarité va être menée en duo jusqu'au lycée. C'est à ce moment-là que la Guerre éclate et que leurs chemins vont se séparer.


Ce roman relate le magnifique parcours initiatique d'un garçon sur lequel s'abattent les déterminismes. Le 1er repose sur la catégorie sociale et l'activité professionnelle à laquelle sa famille ne peut imaginer qu'il échappe. Le 2d correspond au physique, objet de discrimination, y compris au sein de son propre environnement familial.


Avant même cette rencontre avec son ami David, la personne qui va être la plus importante dans l'ambition et l'espérance d'être autre chose qu'un boulanger pour Joseph, c'est sa grand-mère, une femme instruite et cultivée.


[...] s'intéressant à tout et soucieuse de transmettre à son petit-fils non seulement ce qu'elle savait, mais aussi l'appétit de ce qu'elle ne savait pas. P. 12

Ce passage très beau et très juste montre la richesse des apports des grands-parents dans la construction d'un enfant.


Le rapport aux livres qu'entretenait cette femme résonne totalement avec vos réalités quotidiennes, j'en mettrais ma main à couper ! Je pense aussi que je me serai bien entendue avec cette femme !


Les romans étaient le pain quotidien d'Yvonne Guillemin. Elle lisait lentement, prenait des notes, s'instruisait et complétait ainsi, pièce par pièce, un patchwork de connaissances lui permettant non pas de briller dans la conversation, mais parfois de surprendre. P. 49

Avec cette tête-là de François FOLL

Outre les apports de la littérature, François FOLL emmène également son.sa lecteur.rice sur le champ de la musique, des difficultés de son apprentissage mais aussi de la qualité des résultats à force d'entraînement. Le piano est parfaitement en harmonie avec le milieu juif dans lequel évolue David. Et pourquoi pas chez un boulanger ?


Ce roman présente aussi la qualité d'être historique. La 1ère partie reflète les conditions de vie d'une famille d'artisans du début du XXème siècle, la 2de relate tout un pan de notre Histoire, la condition de soldat des tranchées pendant la 1ère guerre mondiale. Ce roman est d'ailleurs dédié au grand-père de l'auteur, vraiment dénommé Joseph et lui aussi rescapé du Chemin des Dames.


Tous ces ingrédients portés par une écriture fluide, romancée, émouvante, donnent une puissance à ce roman exceptionnel. Cerise sur le gâteau, il fait 388 pages, de quoi le savourer à l'envi ! C'est un coup de coeur, assurément !


Merci Gérard !


Je ne résiste pas à partager cette très belle citation... qui donne un sens à la vie !


Les nouveaux ne savaient pas encore ce qu'était pour les rescapés des tranchées le simple fait d'être en vie, de sentir un rayon de soleil sur sa peau, de faire longuement tourner en bouche le liquide sombre d'un mauvais pinard, de déguster un plat chaud de haricots et de patates à la sauce bricolée. Bref, faute d'avoir cotoyé la mort, ils ignoraient le plaisir qu'il y avait à se sentir simplement vivant. P. 253

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2016-01-09T20:14:21+01:00

DestiNation, parcours de migrants en Pays de la Loire

Publié par Tlivres
DestiNation, parcours de migrants en Pays de la Loire

Je suis toujours curieuse de découvrir des parcours de vie d'immigrés notamment à travers des albums comme autant d'outils pédagogiques pour nous aider à faire évoluer notre regard.


L'année dernière, je vous avais présenté la collection "Français d'ailleurs", ces albums illustrés de Valentine GOBY. Avec "Le rêve de Jacek", c'est le mouvement migratoire venu de Pologne dans les années 1930 avec une seule et même direction, le Nord pour travailler à la mine. 30 années plus tard, ce sont les Algériens qui arrivent à Billancourt pour travailler dans l'industrie automobile, "Le cahier de Leïla" relate leur parcours.


Là, il s'agit de découvrir des hommes et des femmes venus d'ailleurs pour travailler en Pays de la Loire sur la base de 8 récits. Ils sont venus de Somalie, d'Angola, de Tchétchénie, du Chili, du Gabon, de Russie... Il y a aussi ces chibanis arrivés à Saint-Nazaire.


Cet album retrace l'histoire de l'immigration comme une composante de l'Histoire de la France. Des Universitaires ont contribué à sa réalisation.


Edité par le Centre Interculturel de Documentation, il est ponctué d'éléments historiques, démographiques comme autant de repères.


Il est illustré par différents auteurs : Nicolas DESIRE-FRISQUE, Didier GARGUILO, Izou, Diane MOREL, Polina, Delphine VAUTE, Yas, Hélène CRUSSON-RIPOCHE.


Légèrement conditionnée par la polémique qui règne autour des nominés du Festival de BD d'Angoulême, je me fais la réflexion que là, ce sont seulement 3 hommes qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage. Les femmes sont au nombre de 5. Tiens donc, y aurait-il des femmes illustratrices ? Mais bien sûr et quel talent !

DestiNation, parcours de migrants en Pays de la Loire
DestiNation, parcours de migrants en Pays de la Loire

Personnellement, j'ai été touchée par les dessins d'Izou aux couleurs chatoyantes, des dessins empreints de féerie et de mouvement. A l'image de ceux de Rebecca DAUTREMER, tiens, encore une femme !


J'ai beaucoup appris à la lecture de cet album et j'aimerais qu'il circule entre les mains d'adultes, d'enfants, pour éclairer chacun sur l'Autre parce que notre regard importe.
Je voudrais citer Amin MAALOUF :

C'est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c'est notre regard aussi qui peut les libérer.

A l'aube de cette année 2016, cette lecture pourrait peut-être nous aider à construire un monde meilleur...

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2016-01-09T13:55:11+01:00

L'analphabète d'Agota KRISTOF

Publié par Tlivres
L'analphabète d'Agota KRISTOF

Encore une référence du café littéraire ! Un tout petit livre, seulement 55 pages, mais d'une très grande intensité.


Il s'agit du 1er récit autobiographique d'Agota KRISTOF, romancière. Vous la connaissez ?


Elle est née en Hongrie en 1935, d'un père instituteur, et d'une mère au foyer. Elle mène sa vie d'enfant aux côtés de ses 2 frères, baignée dans un monde d'instruction.


Elle est passionnée de lecture :


Je lis. C'est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main, sous les yeux : journaux, livres d'école, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recettes de cuisine, livres d'enfants. Tout ce qui est imprimé. P. 5

Son grand-père offre une animation aux habitants du village le dimanche, il demande à sa petite-fille de lire le journal. Il est fier d'elle.


Ses lectures développent son imagination, elle imagine des histoires, écrit des poèmes... jusqu'à l'âge de ses 14 ans. Là, elle entre en internat où seules les filles sont admises. Les règles de vie sont strictes. Elle est loin de ses frères et de sa famille. Elle souffre terriblement du manque de liberté. Alors, pour oublier ses moments de solitude, elle anime les soirées avec des amies en mettant en scène des histoires.


A l'extérieur, et depuis plusieurs années déjà, son pays est en guerre. L'année 1953 est marquée par la mort de Staline, les suivantes le seront par celle de milliers de personnes, 30 000 en Hongrie en 1956.


Mariée avec une petite fille de 4 mois à charge, Agota KRISTOF décide de quitter la Hongrie. Ils franchissent la frontière par le biais d'un passeur. Ils arrivent en Suisse. Elle y trouve un emploi à l'usine. Elle commence à écrire des pièces de théâtre et puis vient le moment de la publication de son 1er roman.


Ce tout petit récit autobiographique est une véritable perle.


Il nous fait toucher du doigt les richesses de la lecture et cette capacité à s'émanciper de son environnement, y compris quand le contexte est grave.


Le titre pourtant nous interpelle : "L'analphabète". En fait, elle aborde avec beaucoup de justesse l'exil, l'apprentissage des langues et cette déchirure lorsqu'elle s'est rendue compte qu'en terre étrangère elle ne pouvait lire, elle qui croyait qu'il n'existait qu'une seule langue dans le monde entier :


Je ne pouvais pas imaginer qu'une autre langue puisse exister, qu'un être humain puisse prononcer un mot que je ne comprendrais pas. P. 21

Elle met aussi des mots sur ce mal du pays, cette force irrépressible des origines. Alors même que leurs conditions de vie se sont améliorées, elle ne vit plus dans un pays en guerre, elle travaille et peut nourrir sa famille, elle a un toit pour dormir. Et pourtant, impossible d'être heureuse.


Comment lui expliquer, sans le vexer, et avec le peu de mots que je connais en français, que son beau pays n'est qu'un désert pour nous, les réfugiés, un désert qu'il nous faut traverser pour arriver à ce qu'on appelle "l'intégration", "l'assimilation". A ce moment-là, je sais que certains n'y arriveront jamais.P. 44

C'est un magnifique témoignage qui nous éclaire une nouvelle fois sur la condition de réfugiés. Malgré la bienveillance, la solidarité des accueillants, jamais rien n'est gagné !


J'ai maintenant bien envie de lire Agota KRISTOF. Vous avez des références à me conseiller ?

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2016-01-05T22:41:17+01:00

N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures de Paola PIGANI

Publié par Tlivres

Quand il m'arrive de manquer de références de livres à lire (je plaisante bien sûr !!!), je fréquente les cafés littéraires...

C'est comme ça que j'ai récupéré celui de Paola PIGANI : "N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures".

Je dois bien l'avouer, j'ai totalement fait confiance aux lectrices qui ne tarissaient pas d'éloge pour ce livre, en ignorant même jusqu'au sujet.

Et là, surprise ! Quand ce n'est pas moi qui cherche les romans historiques, ils viennent à moi !

Nous sommes dans la région d'Angoulême en novembre 1940. L'ordre est donné par la Feldkommandantur aux sans domicile fixe de rejoindre le camp des Alliés. Alba a 14 ans à l'époque. Sa famille, comme de nombreuses autres, va devoir s'y installer. La sédentarisation devient la règle, les roulottes doivent être mises au rebut et les chevaux vendus. Même le feu est interdit. Pour combien de temps ?

C'est un magnifique roman sur les Tziganes, leurs modes de vie, leurs rites, leurs traditions, leur relation fusionnelle avec Dame Nature, source de richesses. Il retrace cette soif de liberté que seul le mouvement peut assouvir. Il met en valeur la place des femmes parfaitement incarnée par le personnage d'Alba, et plus encore par Rita, cette vieille femme qui fait obéir l'ensemble du clan, hommes, enfants, tous s'y soumettent. Ce roman m'a fait penser à "Grâce et dénuement" d'Alice FERNEY dans cette approche ô combien respectueuse des Tziganes et de leur condition.

C'est aussi un roman qui a le mérite de relater, une nouvelle fois, une page de l'Histoire négligée par les programmes scolaires. Ce roman est écrit sur la base des témoignages d'Alexienne Winsterstein qui a inspiré le personnage d'Alba. 350 Tziganes furent internés au camp des Alliés entre 1940 et 1946. Il s'agit du dernier camp d'internement libéré sur la trentaine qui a existé en France occupée. Au total, ils ont accueilli 6500 hommes, femmes et enfants.

Il traduit le désarroi de ces familles contraintes de se regrouper et de renoncer à leur existence passée :


Durant la toute dernière partie du voyage, ils avancent hébétés comme si on leur avait intimé l'ordre de marcher sur l'eau. De fait, c'est une horde de noyés qui franchit le portail du camp des Alliés ce jour de novembre 1940. P. 37

Il s'attache à décrire leurs conditions de vie. Nous sommes en temps de guerre. La misère, la faim, le froid... guident leurs moindres faits et gestes.

J'ai été bouleversée par cette scène des fêtes de Noël. Une parenthèse avec des femmes belles, lavées, des enfants gâtés avec des sucettes de caramel réalisées dans des cuillères à café, et puis ce spectacle d'ombres chinoises donné par Louis, le père d'Alba. Un très beau moment de fraternité.

Ce roman met le doigt sur le choc des cultures qu'exacerbe ce type de structures. Comme souvent, il y a les dominés et les dominants. Pour les premiers, il s'agit d'imposer à ce peuple une manière d'être, de vivre...


Le camp d'internement se veut être un camp d'éducation où tout le monde doit oublier son mode de vie antérieur, apprendre les joies de la sédentarisation, le plaisir de vivre dans les ersatz de maisons qui se putréfient sur des sols froids et humides, traversés de toutes sortes de rongeurs et d'insectes nocifs, le plaisir d'être coupés de la bienfaisance des arbres, du vent et de la lune. P. 61-62

Pour les dominés, il y a la force irrépressible des origines, des valeurs, des codes, des références, et les déchirements qu'occasionnent l'abandon de ce qui donnait un sens à leur vie, à l'image de leurs animaux...


Leurs chevaux sont leurs ailes, leur puissance, leur signe extérieur de richesse. P. 55

Je fais partie de celles et ceux qui pensent que les livres peuvent nous permettre d'évoluer dans notre relation à l'Autre. Dans le contexte actuel d'afflux de migrants en Europe et plus près de nous, en France, le roman de Paola PIGANI donne indéniablement un éclairage tout particulier sur les écueils de certaines modalités d'intégration. Essayons de ne pas les renouveler !

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2015-12-31T18:16:02+01:00

Le livre des Baltimore de Joël DICKER

Publié par Tlivres
Le livre des Baltimore de Joël DICKER

Autant vous le dire tout de suite, j'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver la plume de Joël DICKER et la construction ô combien singulière de ses romans, un vrai puzzle à reconstituer progressivement au gré de la lecture d'un beau pavé ! 476 pages de bonheur...


Après "La vérité sur l'affaire Harry Queber", Goncourt des Lycéens 2012 et Grand Prix de l'Académie Française, place au roman "Le Livre des Baltimore" !


L'histoire se passe aux Etats-Unis. Il y a 2 familles Goldman. Les Goldman-de-Montclair dont est issu Markus, le narrateur, qui habite dans le New-Jersey et fait partie des classes moyennes. Son père est ingénieur et sa mère vendeuse de vêtements. Les Goldman-de-Baltimore, eux, vivent à Baltimore bien sûr, dans une banlieue huppée. Saul est avocat et Anita médecin spécialisée. Ils ont un fils : Hillel.


Depuis son plus jeune âge, Markus admire les Goldman-de-Baltimore. Il les côtoie régulièrement notamment au moment des vacances, de quoi faire naître des histoires d'amitié, d'amour, des rivalités, des conflits... jusqu'au jour du drame !


Ce roman relate l'histoire d'hommes, de femmes, d'enfants aux parcours initiatiques... d'enfants légitimes, d'enfants adoptés, d'enfants handicapés, de jeunes délinquants...


C'est aussi le portrait de l'Amérique du XXIème siècle dans toutes ses composantes.


Bref, c'est un roman très dense avec une multitude de personnages trouvant chacun leur place grâce au talent de Joël DICKER, un jeune écrivain remarquable.

Vous qui aimez les livres, je suis persuadée que vous serez sensible(s) à cette citation...


Pourquoi j'écris ? Parce que les livres sont plus forts que la vie. Ils en sont la plus belle des revanches. Ils sont les témoins de l'inviolable muraille de notre esprit, de l'imprenable forteresse de notre mémoire. P. 476

Je vous laisse la méditer entre 2 coupes de Champagne !

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2015-12-31T13:33:54+01:00

Sur la plage de Chesil de Ian McEWAN

Publié par Tlivres
Sur la plage de Chesil de Ian McEWAN

Traduit de l'anglais par France CAMUS-PICHON


Après la lecture du dernier roman de Ian Mc EWAN "L'intérêt de l'enfant", j'ai eu envie de retrouver la plume de cet écrivain. Je me suis lancée dans la découverte de "Sur la plage de Chesil" publié en 2008.


En cette fin d'année 2015, je vous propose une présentation originale avec la 1ère phrase de chacun des 5 chapitres qui le composent :


Ils étaient jeunes, instruits, tous les deux vierges avant leur nuit de noces, et ils vivaient en des temps où parler de ses problèmes sexuels était manifestement impossible.


Comment s'étaient-ils rencontrés, et pourquoi tant de timidité et d'innocence chez ces amoureux vivant à une époque moderne ?


Une fois dans la chambre, Florence lâcha la main d'Edward, et s'appuyant à l'un des montants en chêne qui soutenaient le baldaquin, elle se pencha d'abord à droite, puis à gauche, chaque fois avec un joli mouvement d'épaule, pour retirer ses chaussures.


Au cours de la brève année qui s'écoula entre sa première rencontre avec Florence sur St Giles's Street et leur mariage à l'église St Mary, moins d'un kilomètre plus loin, Edward fut souvent invité à passer la nuit dans la grande villa victorienne de Banbury Road.


Elle le regarda s'avancer le long de la grève où sa silhouette n'apparut d'abord, sur les galets de plus en plus sombres, que comme une tache indigo aux contours flous et vacillants, tantôt immobile, tantôt soudain plus proche, telle une pièce de jeu d'échecs poussée en avant de plusieurs cases.

Si vous ne connaissez pas encore la plume de Ian McEWAN, ces quelques citations vous permettront de plonger dans son univers. Les phrases sont longues, toutes en délicatesse, romancées, mais aussi avec régulièrement des effets de balancier qui donnent au récit des capacités à évoluer dans un sens ou dans un autre.

Cette forme narrative, je l'avais également découverte dans "L'intérêt de l'enfant", laissant ainsi la possibilité au lecteur de s'approprier a minima 2 alternatives possibles dans l'évolution de la situation. Je pense qu'il s'agit là d'une signature singulière de l'auteur, mais peut être dois je lire encore d'autres romans pour pouvoir l'affirmer...


L'approche du couple et notamment de sa sexualité semble être également un sujet réccurent. Il ne s'agit pas de décrire les ébats des personnages, Ian McEWAN est beaucoup plus subtil que cela. Les situations, parfois seulement suggestives, sont décrites avec pudeur. Il s'agit plutôt de chercher à savoir si la sexualité est nécessaire à l'équilibre et la pérennité d'un couple. On retrouve d'ailleurs l'idée du balancier avec une approche masculine d'une part, et une approche féminine d'autre part.


Le choix d'une absence de maternité est de nouveau traité. Cette fois ci, le couple est jeune, il a toute la vie devant lui. Il s'est marié en 1962, c'était presque hier, et en Angleterre, c'est à 2 pas de chez nous. Pourtant, la situation aurait-elle pu être la même en France ? Les proppos d'Elisabeth BADINTER dans "Le conflit, la femme et la mère" résonnent de nouveau !


Enfin, dernier point commun entre les 2 romans, la musique est de nouveau convoquée comme un art susceptible d'offrir, à elle seule, évasion et émancipation de la femme.


J'ai beaucoup aimé disséquer la psychologie des 2 jeunes personnages, Florence et Edward, tout en lenteur, pour bien apprécier les attentes de chacun.


Une vie de couple pourrait ne tenir qu'à très peu de chose !

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