Traduit de l'italien par Danièle VALIN
Je n'avais encore rien lu d'Erri DE LUCA, cet auteur italien contemporain né à Naples dans les années 1950, avant de lire les éloges d'Hélène Lecturissime et d'Un coin de blog.
Alors, quand j'ai vu "Le jour avant le bonheur" en tête de rayon de ma Bibliothèque préférée, je me suis dit que c'était une véritable opportunité de partir à la conquête de cette plume, et ce fut pour le plus grand plaisir.
Nous sommes à Naples. Don Gaetano, concierge, s'occupe du garçon qui est le narrateur de l'histoire. Enfant orphelin comme lui, Don Gaetano lui apprend tout de la vie. Il l'aide à devenir adulte pour un jour peut être le voir s'envoler du nid...
Ce livre est un magnifique roman initiatique. Le lecteur accompagne le narrateur depuis son plus jeune âge, alors qu'il joue au ballon avec ses copains dans la cour de l'immeuble et qu'il cherche à se distinguer aux yeux d'une petite fille qui habite le 3ème étage. Il y a les épreuves de la vie et la découverte des secrets bien gardés de Don Gaetano, il y a le jeu de la scopa qui établit une relation de complicité entre les 2 hommes, il y a les livres aussi et surtout les pensées des hommes qui ne résistent pas au pouvoir de Don Gaetano. Il l'aide à passer du collectif à l'individuel :
D'abord, ne dis pas tout le monde, ce sont des personnes singulières. Si tu dis tout le monde, tu ne fais pas cas des personnes. On ne peut pas entendre les pensées de tout le monde, mais celles d'une personne à la fois. ... C'est dans la loge, cet été là, que j'appris à reconnaître les locataires. P. 25
C'est un très beau roman aussi sur l'après guerre en Italie, les quelques jours de fin septembre 1943 pendant lesquels les Napolitains se sont rebellés pour se libérer de l'oppression allemande. L'auteur nous montre cette réalité d'une libération imminente mais dont les Italiens se méfient encore. Les Américains sont bien présents mais ils bombardent l'ensemble du territoire, qui finira par être sauvé ? "Le jour avant le bonheur" assure ce devoir de mémoire, il témoigne de ces quelques gestes emplis d'humanité au risque de sa vie, Don Gaetano a caché un juif pendant plus d'un mois chez lui, et des pires exactions sur fond de guerre que tout autorise.
C'est aussi un livre qui montre la nécessité d'une identité pour se construire.
Ses récits devenaient mes souvenirs. Je reconnaissais d'où je venais, je n'étais pas le fils d'un immeuble, mais d'une ville. Je n'étais pas un orphelin de père et de mère, mais le membre d'un peuple. Nous nous sommes quittés à minuit. Je me suis levé de ma chaise grandi, sous mes pieds, une semelle me donnait de nouveaux centimètres. Il l'avait transmis une appartenance. J'étais un habitant de Naples, par compassion, colère et honte aussi de celui qui est né trop tard. P. 128
Il y a également un très beau passage sur l'école :
L'instruction nous donnait de l'importance, à nous les pauvres. Les riches s'instruiraient de toute façon. L'école donnait du poids à ceux qui n'en avaient pas, elle rendait égaux. Elle n'abolissait pas la misère mais, entre ses murs, elle permettait l'égalité. La différence commençait dehors. P. 130
A l'image de ces 2 citations, la plume de Erri DE LUCA est absolument remarquable. Entre justesse et poésie, les émotions sont toujours à fleur de peau.
Une très belle découverte. Je crois que je vais renouveler l'expérience... Vous avez des conseils à me donner ?
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