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Recherche pour “arts au couvent”

2021-02-13T11:56:18+01:00

Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Publié par Tlivres
Interview d'un artiste, Jean-Luc MANIOULOUX

Il y a des rencontres qui s'imposent à vous, c'est certain. 

Tout a commencé avec une promenade rue des Lices et la découverte d'une oeuvre, "Impact", exposée en vitrine de la Galerie In Arte Veritas, pour que, de fil en aiguille, je sois mise sur la voie de Jean-Luc MANIOULOUX.

Fascinée par vos créations, je vous remercie de répondre à mes questions.

Jean-Luc, pouvez-vous nous dire quelques mots de votre itinéraire ?

Après avoir passé ma jeunesse dans le sud de la France, je suis venu à Paris faire des études de publicité. Puis je me suis consacré à l'illustration médicale pendant de nombreuses années au cours desquelles j'ai fréquenté les blocs opératoires des hôpitaux parisiens. Plus tard j'ai été illustrateur dans l'édition avec une prédilection pour la représentation des animaux et de la nature. Depuis une dizaine d'années, je me consacre exclusivement à mon activité d'artiste plasticien.  

Alors, personnellement, je suis restée "scotchée" par l'esthétisme de votre création. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez commencé à décliner le thème de l'impact ?

Cette question m'intéresse car elle m'oblige à mener une sorte d'enquête et à remonter le fil du temps jusqu'à la réalisation, un peu oubliée, d'une toute petite œuvre faite à mes moments perdus, un frelon percutant un carrelage et le fendillant.

Maintenant, à savoir pourquoi j'ai fait ça ? c'est la question que posent aux artistes les trois quarts des gens : "Comment avez-vous eu cette idée ?" question à laquelle je réponds souvent par un "bin, euh, c'est comme ça" lamentable. J'ai parfois expliqué que, tel Claudel, j'avais eu une révélation près d'un pilier de Notre Dame mais ça ne marche pas toujours. En fait, la plupart des artistes ne peuvent pas répondre à cette question. Tout cela relève d'un processus lent et mystérieux qui fait que chacun évoluera dans son propre univers et cela me fascine souvent de voir des artistes creuser et recreuser leur sillon au fil des ans comme une quête en m'apercevant que je fais la même chose après tout.

J'en suis à mon 170e Impact et même s'ils sont tous différents, cela peut ressembler effectivement à une obsession. Ceci dit, si vous allez sur mon site web ou mon Instagram, vous verrez que je ne fais pas que des Impacts.

Vous avez une vraie singularité dans l'association de matériaux et leur mise en scène. Comment en avez-vous eu l'idée ?

Pour la série justement des Impacts, j'utilise du verre ou du carrelage avec des insectes. Les plaques de verre me permettent de jouer sur la profondeur, la transparence et donner cette impression de temps figé, suspendu où la mouche, le bourdon ou les papillons sont surpris en pleine course. Les œuvres sont toujours protégées par des écrins en plexi que je fais réaliser par une société travaillant pour les musées nationaux.
Je délaisse de plus en plus le carrelage à cause de son poids et, en ce moment, je travaille avec du bois brûlé qui est une matière spectaculaire.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans la mise en oeuvre ?

Mes œuvres requièrent beaucoup de minutie et de patience. Lorsque vous voulez qu'une fourmi ou une mouche fasse un certain geste, il ne suffit pas de lui expliquer, il faut pas mal de doigté et, à propos de doigts, j'ai la confirmation que le verre est coupant.

Vous mettez notamment en scène des insectes. Pouvez-vous nous parler de votre rapport à l'entomologie ?

J'adore l'ambiance des cabinets de curiosités, des muséums d'histoire naturelle. À Paris où je travaille, j'habite à côté de la maison Deyrolle, rue du Bac, vénérable institution deux fois centenaire, référence dans le domaine de l'entomologie et de la taxidermie, prestigieux cabinet de curiosité fréquenté par des artistes tels Dali ou André Breton, j'aimais flâner plus jeune dans ses salles et j'ai la chance, à présent, d'y exposer mon travail en permanence.

L'entomologie ce n'est pas seulement épingler des insectes dans des boîtes, c'est prendre conscience de la richesse incroyable d'un monde souvent caché et mis à mal ces derniers temps.

Plus que la technique, est-ce que ces créations ne disent pas aussi quelque chose de notre époque ? N'y a-t il pas un message véhiculé par vos créations ?

Dans une œuvre, chacun trouve l'interprétation qu'il veut.

En France, contrairement aux USA par exemple, le discours passe souvent avant l'œuvre elle-même. Vous avez des galeristes, des critiques d'art, des commissaires d'exposition dont c'est le métier, qui sauront sortir un papier incroyable sur les intentions d'un artiste qui découvre ça en même temps que le lecteur.

Pour moi, le côté graphique, esthétique l'emportera toujours. Cela ne veut pas dire qu'un certain message ne se dégagera pas de l'œuvre.

Il est évident que la série Impact met en scène des insectes brisant systématiquement des objets manufacturés, ampoules, néons, murs de bétons, carrelages ; toutes créations de l'homme. Tout cela était inconscient mais reflète une croyance profonde. Je suis un écologiste convaincu. Les insectes disparaissent à une allure dramatique ! Lorsque, étant jeune, je traversais la France dans ma 4L je me retrouvais à la fin du voyage avec mon pare-brise recouvert d'insectes écrasés, des gros papillons qu'il fallait gratter en pestant. À présent, c'est un véritable crève cœur lorsqu'en plein été, votre voiture est aussi propre à l'arrivée qu'au départ. Vous vous rendez compte ? En si peu de temps ? Un monde vidé de ses insectes faute d'une simple volonté politique. Et ne vous extasiez pas devant un immense champ recouvert d'un blé en herbe d'un vert tendre, ce n'est qu'un désert où toute vie a été détruite par des produits chimiques.

Une de mes œuvres que j'ai appelé "Icare" représente un papillon qui tombe en flamme, foudroyé. Elle émeut beaucoup de visiteurs. 

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Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


L'humanité s'auto-détruit et les insectes, aussi peu qu'il en restera, sauront bien un jour renaître de leurs cendres et, comme "Sisyphe" mon Timarcha tenebricosa si mignon qui roule un morceau de tapisserie, sauront "ranger le décor".

Copyright © JEAN-LUC MANIOULOUX 2018 - Tous droits réservés


On peut trouver cela sombre mais comme beaucoup de pessimistes, l'humour est souvent au rendez-vous et prédomine la plupart du temps dans mes œuvres. On peut considérer cela également comme un message de renaissance de la nature.

La nouvelle série que je consacre aux migrations climatiques met en scène, sur une terre brûlée, des insectes tel ce bousier poussant sa boule, qui prêtent à sourire sur un sujet dramatique s'il en est.   

Dans ma première interprétation de votre création lundi, j'évoquais l'instant figé. Quel rapport entretenez-vous au temps ?

J'avais fait une expo il y a quelques temps, effectivement, intitulée "Ô TEMPS" faisant référence au vers de Lamartine "Ô temps suspends ton vol" car, comme je le disais précédemment, dans mes œuvres le temps semble souvent effectivement suspendu, figé tel un instantané photographique en trois dimensions.

Votre exposition est programmée jusqu'au 21 février prochain sur Angers. Pourquoi Angers ?

La Galerie In Arte Veritas a découvert mon travail et m'a contacté il y a quelques temps. je suis heureux de cette collaboration. Le dirigeant Stéphane DEBOST pratique un vrai travail de galeriste et cet établissement de 600 m2 est une institution à Angers.

Et après ? Vous avez des projets ?

Bien sûr, les temps ne sont pas propices aux projets de toutes sortes et une grande partie de mes collectionneurs sont étrangers et notamment américains, donc absents.

Mais il faut en profiter pour explorer des voies nouvelles et produire. Je vais également entamer une nouvelle collaboration avec une galerie de New York, ce qui est assez excitant.

Pour celles et ceux qui nous lisent, je ne peux que vous inviter à visiter cette exposition absolument remarquable. Infos pratiques : la Galerie In Arte Veritas est située 16 rue des Lices à Angers. Elle est ouverte du mardi au samedi de 10h30 à 19h. Les expositions ouvertes au public en ce moment sont rares. Profitez-en, elle est d'exception !

Merci Jean-Luc pour cet entretien.

Je vous en prie Annie, ce fut un plaisir.

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2018-01-30T07:00:00+01:00

Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Publié par Tlivres
Une verrière sous le ciel de Lenka HORNAKOVA-CIVADE

Alma éditeur
 


Ce livre, je l'attendais depuis longtemps, longtemps, longtemps... en fait, un peu plus d'un an, depuis que j'ai refermé le 1er roman de Lenka HORNAKOVA-CIVADE "Giboulées de soleil" découvert avec les 68 Premières fois et qui fut une révélation, un coup de coeur.

Parfois, lorsqu'un 2ème roman sort, on appréhende un peu. Sera-t-il aussi puissant, aussi fort, aussi bon, que le précédent ? Mais avec cette écrivaine, aucun doute. Il suffit de l'écouter parler pour se rendre compte que chaque mot est juste, qu'il véhicule une pointe d'humour avec une réelle profondeur, qu'il est poétique, romantique, qu'il est le reflet d'un exil, d'intenses émotions...  J'ai eu la chance de rencontrer Lenka HORNACOVA-CIVADE a plusieurs reprises, la dernière fois, c'était à Angers en avril, retour en images !


Et qu'il fut bon de se bloquer un samedi après midi pour le lire d'une traite, "Une verrière sous le ciel" est un nouveau coup de coeur, un bijou de la littérature. Je savais que je ne pourrais pas vous le cacher très longtemps !


Je vous explique :


Ana est une jeune fille. Elle a 18 ans. Elle est en France. Elle est sur le quai de la gare après une semaine passée en colonie de vacances auprès des jeunesses communistes. Elle doit prendre le train qui la remmènera à Prague, là où elle habite. Mais elle ne montera jamais dans le train. Nous sommes le 21 août 1988. Ana va déambuler dans les rues de Paris, visiter le cimetière du Père Lachaise, s'y attarder. C'est là qu'elle va rencontrer Grofka qui va l'accompagner jusqu'au café "La joie du peuple" tenu par Bernard. Il y a quinze ans, Grofka était à la place d'Ana, c'est lui qui l'a hébergée. Il va le faire aussi avec elle. Ana va passer sa première nuit dans le débarras du café, puis, d'autres. Elle va lentement trouver ses repères dans ce huit clôs au gré du passage des clients, les habitués, ceux qui ne manqueraient pour rien au monde le petit café noir du matin. Elle va nouer des relations et un jour, s'autoriser à sortir du bar. De nouvelles aventures s'offrent à Ana, là commence une autre histoire !
Ce roman, vous l'aurez compris, instille le suspens dès les premières pages. Que va devenir cette jeune fille, seule à Paris ? Et bien, Lenka HORNAKOVA-CIVADE va lui imaginer un itinéraire tout a fait singulier. Ana va faire connaissance avec de nouvelles personnes, françaises, elle va lentement apprivoiser leur langue, s'approprier leur mode de vie, découvrir leurs histoires. Chacun occupe une très belle place dans ce magnifique roman. Bien sûr, tout tourne autour d'Ana mais l'écrivaine déroule avec minutie le fil de la vie de chacun, c'est de la pure broderie, tout en finesse, sans jamais laisser de côté la réalité, qui elle, peut se révéler  dure et dramatique.


J'ai adoré le tableau brossé de Jacob et Yacob, deux "petits vieux" : 
 


Si chaque journée au bistro est un opéra, une pièce unique, chantée, jouée, vécue par tous les clients, ces deux-là, en font l'ouverture. Ils connaissent leur rôle, leur partition - être les premiers de la ribambelle des fidèles, ponctuée de visites, irrégulières ou impromptues, de visiteurs qui ne reviendront jamais, d'égarés dans le quartier et de passants du hasard de la vie. P. 42

Le bistro, souvent regardé de loin par celles et ceux qui ne les fréquentent pas, se révèlent de véritables lieux d'interculturalité. Celui de Bernard tout particulièrement :
 


Veinard de Bernard communiste, tu as ton Arabe, tu as ton Juif, Le Russe, une muette, une pute mystérieuse qui ne couche avec personne à ce qu'elle prétend, un artiste de renom et maintenant même une madone portugaise qui se prend pour une bourgeoise... P. 177

mais il n'est peut-être pas unique, j'aime à le penser ! 


Bien sûr, le parcours d'Ana va être semé d'embûches, ses parents lui manquent, elle est seule dans un nouveau pays. J'ai été très sensible à la dimension de la langue et de ses impacts dans les émotions de ceux qui vivent un exil.


Une autre langue m'aide à tenir les larmes à distance, loin, dans le flou. P. 91

C'est un sujet cher à l'auteure qui l'évoque régulièrement. Elle-même a quitté son pays pour adopter la France. C'est en français qu'elle a écrit son 1er roman, un texte qu'elle disait ne pas avoir imaginé d'écrire dans sa langue maternelle qui aurait suscité trop de sensibilité. La représentation des mots est unique, elle est attaché aux territoires, aux hommes et aux femmes, à leurs histoires. L'empathie, la compassion, ne sauraient balayer le poids des mots pour celle ou celui qui a une double culture. Maryam MADJIDI l'évoque aussi avec beaucoup de force dans "Marx et la poupée".


Cet état de fait interpelle quant à l'accueil des migrants aujourd'hui, réel sujet de société. Quelle place donner à la langue d'adoption ? Comment l'enseigner ? Comment faire en sorte de respecter les racines et celles et ceux qui ont quitté leur pays ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre, Lenka HORNAKOVA-CIVADE nous livre ici un éclairage. 
Et puis, Ana va se voir ouvrir les voies de l'art. Elle va poser pour un peintre et sculpteur, Albert, un habitué du café de Bernard, et là, c'est un tout nouvel univers qui va être exploré par Lenka HORNAKOVA-CIVADE. Là aussi, elle est en terrain conquis. L'écrivaine est également peintre et va nous dresser un formidable portrait des relations de l'artiste avec son modèle. 


Le peintre ne s'intéresse pas à son modèle. Il lui est indifférent, il ne s'y attache pas. En ne le considérant qu'à travers son oeuvre, le peintre prend ce que son modèle lui offre, c'est-à-dire tout parfois. P. 120

Ana va incarner ce rôle avec plénitude dans un atelier dont le toit est une verrière, laissant ainsi la place à la lumière, projetant des zones d'ombre sur le corps, une très belle invitation à la création artistique. 
 


L'inspiration, l'aspiration, les grands gestes, larges, ronds, la ponctuation, les silences, les reprises, le crissement du fusain sur le papier. Symphonie en noir de tilleul. Lui, le chef d'orchestre, moi son instrument et son public. P. 109

Impossible de vous quitter sans la référence aux livres. L'auteure nous dévoile un secret très bien gardé, que je ne saurais déflorer bien sûr, qui est d'une profondeur incroyable. Il a le goût d'un acte militant, d'une forme de rebélion contre le régime en place. Alors, quand une relation s'établit avec un certain Monsieur On, le chauffagiste de l'immeuble, je vous laisse imaginer ce qu'elle pourrait augurer. 

La plume de Lenka HORNAKOVA-CIVADE est sublime, je crois que je vais en devenir une inconditionnelle. Il y a des écritures comme ça qui résonnent profondément en vous, celle-là me parle, m'émeut, m'enchante, me bouleverse... Le choix des mots est subtil, chaque phrase devient un brin de poésie, l'histoire prend un contour romanesque. Je ne vais pas vous en dire beaucoup plus sauf que je l'adore !

Ce roman est une perle, un bijou, un trésor.

Dans les toutes dernières pages, j'y ai vu un clin d'oeil fait aux 68 Premières fois :


Dans les contes de mon pays il y a souvent trois fées  qui se penchent sur le berceau du bébé pour lui prédire son destin, lui prodiguent des talents, lui souhaitent une vie de telle ou telle couleur, sous de bons auspices ou au contraire pleine d'embûches. P. 98

Je crois bien que dans la vraie vie nos trois fées ont décelé dans la plume de Lenka HORNAKOVA-CIVADE un réel talent et qu'elles ont bien fait de le dorloter dans le berceau de l'édition 2016. C'est aujourd'hui un très beau bébé qui ne demande qu'à grandir. Il est assuré d'un très bel avenir.

Ce roman concourt au Challenge de la Rentrée Littéraire organisé par le blog "Aux bouquins garnis" :

comme :

- Les guerres de mon père de Colombe SCHNECK

- Une vie minuscule de Philippe KRHAJAC

- Une longue impatience de Gaëlle JOSSE Coup de coeur

- Tristan de Clarence BOULAY

- Un funambule d'Alexandre SEURAT

- Juste une orangeade de Caroline PASCAL

- Les déraisons d'Odile d'OULTREMONT

- Pays provisoire de Fanny TONNELIER

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2023-02-08T07:00:00+01:00

Quand une autrice se livre... portrait de Marie CHARREL

Publié par Tlivres
Copyright Audrey DUFER

Copyright Audrey DUFER

Marie CHARREL, j'ai découvert votre talent avec votre roman "Les Danseurs de l'aube", un énorme coup de cœur, et puis, le dernier sorti, "Les Mangeurs de nuit", m'a de nouveau transportée.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'accorder un peu de votre temps précieux pour répondre à quelques-unes de mes questions.

Donc, comme je l'évoquais, votre roman, "Les Mangeurs de nuit" publié aux éditions de l'Observatoire, est sorti en librairie tout début janvier. Si vous deviez nous le présenter, qu'en diriez-vous ?

« Les Mangeurs de nuit » évoquent la rencontre entre deux solitaires, Hannah et Jack, au cœur des forêts de Colombie britannique – une rencontre bercée par les mythes et le rapport à la nature. Hannah et Jack ont en commun d’avoir derrière eux un passé difficile, lié aux tourments de l’Histoire. Pour Hannah, il s’agit de l’immigration japonaise en Amérique du Nord, et pour Jack, de la tragédie des Amérindiens. Ils partagent également une même connexion au « monde sensible » et sauront s’apprivoiser grâce à cela, malgré leurs différences. Les légendes sont très présentes au fil du récit, tout comme la figure de l’ours. Elles tissent un lien entre les histoires d’Hannah et Jack.

 

La vue du bureau de Marie CHARREL, là où elle a écrit une grande partie de son dernier roman

 

Ce roman est historique. Il témoigne d'une page du début du XXème siècle de la grande histoire nord-américaine. Nous sommes au Canada dans la province de la Colombie-Britannique. Pourquoi explorer cette migration japonaise ?

Le roman s’est d’abord construit autour de Jack, un « compteur de saumon » : son travail est de remonter les cours d’eau afin de compter - littéralement- les saumons à la haute saison. Ces informations, récoltées par 150 autres comme lui, permettent au autorités canadiennes d’établir les quotas de pêche.

La région où il vit, la Colombie Britannique, est aussi celle où les immigrés japonais ont, durant la Seconde guerre mondiale, été enfermés dans des camps d’internement : suite à Pearl Harbor, le gouvernement, calquant sa politique sur celle des Etats-Unis, redoutait que certains soient des espions à la solde de Tokyo. Il s’agissait bien sûr de simples travailleurs, souvent là depuis deux générations, et relativement peu nombreux… 

Mêler ces deux histoires m’est très vite apparu comme une évidence : la concordances des lieux l’imposait.

La migration, c'était également un thème scruté dans "Les Danseurs de l'aube" avec les Roms condamnés à abandonner leur logement social en Hongrie. Qu'avez-vous à nous dire ?

On réalise souvent a posteriori qu’un thème traverse plusieurs livres ! Sans prétendre que l’histoire ne cesse de se répéter -elle ne le fait jamais à l’identique-, il est frappant de constater que lors des périodes de crise, en particulier économique, c’est sur les immigrés, les étrangers ou les personnes considérées comme telles que les crispations se concentrent. Ils servent de bouc-émissaires, sont ostracisés. Ces résurgences de l’intolérance est terrifiante. L’actualité ne manque hélas pas d’exemples, quel que soit le continent. En la matière, il n’y a aucun progrès, il est impossible d’avoir la certitude qu’une page est tournée pour de bon.

Et puis nous restons sensiblement à la même époque. Que représente pour vous cette période ? Qu'est-ce qu'elle vous inspire ?

Cette période est un concentré de tout ce que la nature humaine est capable de produire en termes d’horreur et de cauchemardesque, mais aussi de courage, de résistance et de don de soi. C’est un terreau romanesque très fort lorsque l’on tente d’ausculter la nature humaine, justement.

D’un point de vue personnel, mon arrière-grand-tante, connue sous le nom d’artiste de Yo Laur, a été déportée à Ravensbrück après une vie de peintre et d’aventurière. Elle a réalisé des dessins dans le camp, qui ont pu être miraculeusement sortis. Nous les avons retrouvés. J’ai tenté de retracer son destin dans un livre précédent (« Je suis ici pour vaincre la nuit », chez Fleuve Editions) et pour ce, j’ai passé énormément de temps dans les archives européennes. Je suis également allée en Allemagne et en Algérie pour enquêter sur elle. Depuis ce livre, cette période m’habite un peu plus fort encore.

 

Le bureau de Marie CHARREL

 

Vous êtes journaliste de profession. Pourquoi opter pour le roman ? Qu'est-ce qu'il permet de plus ou de différent ? Pourquoi pas une biographie des Jumeaux Rubinstein ?

Le journalisme et l’écriture romanesque sont bien sûr des exercices très différents, mais il existe une forme de correspondance entre les deux. Dans le cadre des recherches pour mes livres, j’utilise des méthodes d’enquête parfois comparables à celles du journalisme. Grâce à cela, mes trois derniers romans sont construits sur des faits réels.

J’ai choisi d’écrire un roman où Sylvin Rubinstein apparaît comme un personnage plutôt qu’une biographie pour profiter de la liberté qu’offrent le roman et la fiction : celle d’imaginer son intériorité, les sentiments qui le traversaient, les décrire – ce que l’on ne peut dresser qu’à l’état d’hypothèses dans une biographie -, tout en se basant sur les éléments véritables de sa vie.

J’avais également à cœur d’entremêler son histoire à celle de deux danseurs contemporains, Lukas et Iva, qui partent sur ses traces. Ce, afin d’explorer les échos de l’histoire.

Au reste, il existe déjà une merveilleuse biographie de Sylvin (non traduite, écrite par Kuno Kruse), retraçant son incroyable destin de danseur de flamenco, tueur de nazi travesti pendant la guerre, et ce qu’il a vécu ensuite. Mon roman n’évoque que quelques épisodes du début de sa vie. Il ne vise pas à l’exhaustivité, mais à faire découvrir ce résistant hors du commun en le mettant en scène.

J'imagine que vous réalisez de nombreuses recherches en amont de vos romans. Comment les organisez-vous ?

Oui ! Il y a d’abord une phase assez joyeuse et chaotique où j’amasse énormément de matériau autour du thème qui m’intéresse : livres, ouvrages scientifiques, films, documentaires, articles, interviews…

Je me rends autant que possible dans les lieux évoqués. Pour « Les danseurs de l’aube », je suis allée à Hambourg où Sylvin a vécu pour rencontrer son biographe, puis à Grenade pour mieux comprendre le flamenco. J’avais également déjà visité plusieurs villes évoquées dans le livre lors de reportages, comme Varsovie ou Lisbonne.

Je fais feu de tout bois, je tâtonne et accumule des pages et des pages de notes dans lesquelles je puise lorsque je tiens le fil rouge de l’histoire.

Chez vos personnages, il y a aussi dans ces deux derniers romans quelque chose en commun de l'ordre de la résistance, individuelle (chez vos personnages principaux) et collective (je me souviens de la communauté anarchiste dans le théâtre du Schanzenviertel dans "Les Danseurs de l'aube" et puis là, le mouvement des Bâtisseurs). Pourquoi ? 

Là encore, ce n’est pas de l’ordre du conscient – j’ai réalisé que les personnages ont ce point commun après coup. Ce thème était d’ailleurs déjà très présent dans les livres précédents. Cela tient sans doute au fait que la résistance est l’une des qualités que j’admire le plus. La capacité de dire non. De se battre pour ses valeurs. Je me demande souvent pour quelles raisons certains individus se lèvent un jour pour résister, et pas d’autres. Comment savoir si le moment de le faire est venu ? Si le combat est le bon ? Comment choisir les bonnes armes et ne pas s’y brûler corps et âme ? Doit-on être prêt à tout sacrifier, y compris sa famille ? Ce sont, je crois, des questions que mes personnages se posent également.

Comment créez-vous vos personnages ? Est-ce que dès le début de votre roman vous connaissez leur trajectoire ou bien se construit-elle au fur et à mesure de l'écriture ?

Je m’attache à construire des personnages qui évoluent au fil des pages : il me semble que c’est l’élément essentiel d’un récit romanesque. Qu’ils apprennent, sur eux-mêmes et les autres, qu’ils progressent. Je pose la trame de leur trajectoire avant de commencer à écrire. Et bien sûr, je ne la respecte jamais complètement. 

Et puis, il y a l'art aussi en commun dans ces deux romans. Vous nous offrez de somptueuses descriptions du flamenco dans "Les Danseurs de l'aube", elles sont incandescentes. Avec "Les Mangeurs de nuit", ce sont les contes. Quel rapport entretenez-vous avec les disciplines artistiques ? 

Toutes sont des sources d’inspiration. La peinture est un refuge, littéralement : rien de mieux qu’une heure dans un musée pour expérimenter un voyage intérieur puissant. J’apprécie en particulier les peintres de la première moitié du XXe siècle.

En outre, je ne pourrai pas vivre sans musique. C’est, avec les livres, le meilleur remède face à la brutalité du monde.

En tant que lectrice, j’aime qu’un roman me plonge dans un univers/pays/lieu/métier/ou autre dont je ne connais rien. C’est également ce que je tente modestement d’offrir dans mes romans : dans les deux précédents, une plongée dans le flamenco, puis dans les forêts de Colombie Britannique… Pour y parvenir, je m’immerge intensément moi aussi dans ces univers avant de leur donner vie par écrit. 

Vos deux derniers romans sont publiés aux Editions de l'Observatoire, une maison que j'affectionne tout particulièrement. Comment se passe la phase de (ré)écriture ? 

C’est sans doute le moment le plus intense et excitant dans la vie du livre avant sa publication. Mes deux éditrices, Dana BURLAC et Flandrine RAAB, sont les premières lectrices. Elles soulignent ce qui fonctionne dans le texte, les points forts, mais aussi les faiblesses, les facilités auxquelles le récit cède parfois (les ficelles un peu grosses), les manquements. Leurs remarques sont toujours des suggestions subtiles et intelligentes, jamais directives. Elles aident à aller plus loin, à oser un peu plus encore, à se dépasser. A peaufiner encore le texte par petites touches, jusqu’à avoir la certitude d’avoir donné le meilleur de soi.

J'imagine que vous lisez beaucoup. Pouvez-vous nous présenter votre dernier coup de cœur ?

Il y en a tellement ! Ces derniers mois, « L’été où tout a fondu », de Tiffany McDANIEL, m’a particulièrement marqué, par la force des thèmes qu’il aborde et sa construction implacable. Il évoque l’arrivée d’un garçon afro-américain dans une petite ville des Etats-Unis. Il prétend être le diable et, loin de le regarder pour ce qu’il est – à savoir un garçon pauvre et intelligent -, une partie des habitants, engoncés dans leurs préjugés, vont le prendre au pied de la lettre...      

Je vous retiendrai bien encore mais je dois me résigner. C'est l'heure de nous quitter. Je vous souhaite un immense succès avec votre dernier roman "Les Mangeurs de nuit" et la version poche du précédent, "Les Danseurs de l'aube". Merci, très sincèrement, pour cet entretien.

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2022-12-10T07:00:00+01:00

Quand un auteur se livre... Portrait de Roland BOUDAREL

Publié par Tlivres
Quand un auteur se livre... Portrait de Roland BOUDAREL

Roland BOUDAREL, bonjour. Nous ne nous connaissons que depuis quelques mois, tout s’est joué à partir du moment où ma chronique de « Place Médard » a été publiée sur le blog et les réseaux sociaux. De ce premier roman, un coup de cœur, m’est venue l’idée de vous interviewer. 

C’est parti pour une rencontre, à distance, des plus riches et enthousiasmantes.


Tout d’abord, Roland (je me permets), pouvez-vous, en quelques lignes, nous résumer « Place Médard » ?

Avant toute chose Annie, merci de vous être si bien intéressée à « Place Médard » et de m’accueillir pour ce jeu de questions réponses. 

« Place Médard », c’est le nom d’une place de Quimper où au XIXème siècle, les paysannes des environs viennent vendre le lait de leurs vaches. Gwenn est l’une d’entre elles. Sa vie semble toute tracée pour une existence où on naît, vit, meurt dans le même village, jusqu’au jour où elle rencontre un artiste qui peint son portrait. Gwenn devient alors la victime d’un mari
jaloux qui, pour la punir d’avoir accepté, la marque au fer rouge de la flétrissure. Le destin de Gwenn s’en trouve bouleversé et cet acte indélébile, mais secret, se transmettra de génération en génération. A la suite de Gwenn, « Place Médard » nous permettra d’accompagner les existences de toutes ses descendantes, de la Bretagne à la Toscane, en passant par le Montparnasse des années vingt, l’Algérie, les rives du lac d’Annecy. Tour à tour, cet héritage transgénérationnel deviendra porteur d’espoir, de luttes, de révoltes ou de soumission.


« Place Médard », c’est un premier roman. Où en avez-vous puisé l’inspiration ?

Je portais ce roman depuis 2007, date à laquelle mon épouse avait commencé sa lutte contre un cancer du sein. Les points de tatouage précédant les rayons, la perte de cheveux succédant à la chimiothérapie, furent, pour moi, les déclencheurs de l’histoire où, à l’époque, j’imaginais deux femmes, à un siècle d’écart, confrontées aux mêmes stigmates. Mais je ne pouvais rien faire de cette matière-là qui est restée endormie, jusqu’à ce que je participe sur internet aux Master Class d’Eric Emmanuel SCHMITT en 2019. J’y recueillais désormais la méthodologie et les clefs pour ouvrir la porte. Durant les trois mois de préparation de « Place Médard », je me suis laissé guider par l’inspiration, j’ai lu, écouté de la musique, rêvé, réfléchi, pris des notes … et un matin, j’étais prêt à me lancer avec un plan détaillé pour toute mon histoire.


Le dessin est particulièrement présent dans l’histoire de Gwen. Pourquoi ? Pouvez-vous nous dire qui est Marguerite Marie CHABAY à qui vous rendez hommage ? Que représente cette femme pour vous ?

Le dessin est particulièrement présent dans l’histoire de Gwenn car toute ma vie professionnelle je l’ai passée dans le monde du papier pour terminer, durant une quinzaine d’années, dans l’univers prestigieux des beaux-arts, chez un fabricant de papier célèbre pour sa pochette de dessin. La cellulose et le coton coulent autant dans mes veines que mon propre
sang.


Quant à Marguerite CHABAY, c’est une rencontre extraordinaire, mais a posteriori. Jamais je n’avais entendu parler de cette femme ayant vécu à Quimper, profondément handicapée, mais passant ses journées à dessiner et à illustrer des livres pour enfants.

Et puis, un jour où je cherchais des idées pour la couverture de mon manuscrit, je découvre une illustration de Marguerite CHABAY représentant les laitières de la Place Médard, ainsi que d’autres scènes du début du siècle dans les rues de Quimper. Et là, je suis fortement secoué, car ces images-là, je les avais vues dans mon imaginaire lorsque j’écrivais. Je me sens poussé à tirer le fil de la pelote de laine. Je découvre que les fenêtres de l’appartement où vivait Marguerite CHABAY sont celles que je vois face aux miennes lorsque je suis à Quimper. Je découvre qu’elle a illustré le conte de "La petite fille aux allumettes". Cette histoire-là, je l’ai découverte à six ans lors d’une séquence scolaire, avec un autre intitulé "La Révolte des joujous", celui-là même qui m’a ouvert les portes de l’imaginaire pour me donner l’envie d’écrire…. Marguerite CHABAY est une illustratrice dont les dessins sont aussi charmants, désuets, qu’actuels et inspirants. Elle mérite vraiment d’être reconnue à sa juste valeur. Lorsque j’écrivais « Place Médard », j’avais parfois le sentiment de ressentir près de moi une présence bienveillante qui me guidait pour écrire. Aujourd’hui, j’aurais tendance à penser que sans doute c’était Marguerite CHABAY.


Parlons maintenant des personnages, une lignée de femmes dont vous brossez des portraits EXTRAordinaires, des femmes résistantes. Comment les avez-vous construits ? Est-ce que, dès le début, vous connaissiez leurs parcours ?

Comme chaque chapitre est rédigé par un personnage différent, souvent une femme d’ailleurs, tel un acteur, je me suis immergé dans la vie que je leur inventais. Pour chaque personnage, j’ai construit un dossier où je regroupais une multitude de renseignements physiques, psychologiques, des défauts, des qualités, des habitudes, des peurs, des phobies, des passions. 

J’ai bâti l’arbre généalogique de cette famille, avec des dates qui réapparaissaient à plusieurs reprises durant ces cent trente années. Pour chaque membre, j’ai mis des photographies de portraits afin de donner vie à tous. Comme je l’ai dit précédemment, au moment de commencer l’écriture j’avais un plan très détaillé, ce qui m’a évité toute panne d’inspiration,
mais mes personnages n’en ont fait qu’à leur tête. Certains ont disparu, d’autres ont gagné une consistance qu’ils n’avaient pas du tout. Lucie, qui était par exemple un personnage pour quelques pages, est devenue un personnage de premier plan. Je peux dire que cette histoire, je ne l’ai pas écrite seul, mais avec mes personnages. Et puis, il y a ce secret que l’on transmet
sans le savoir de génération en génération, c’est un personnage à part entière. Je trouve cela passionnant. Je ne suis pas allé plus loin dans l’analyse car je n’ai pas les compétences pour le faire et je préfère rester romancier plutôt que pseudo-expert. En revanche, souvent j’ai moi-même la sensation d’un déjà vu, d’un déjà vécu, d’une répétition. C’est une situation qui me
parle.


Et puis, il y a ce fils d’Ariane entre toutes ces femmes, leurs seins. Pourquoi ? Quel regard portez-vous sur leur poitrine ? 

Le sein, vous l’avez compris par une de mes réponses précédentes était le point de départ, mais la deuxième étape était ma période ‘ d’incubation «  de trois mois où j’ai construit mon roman. Je suis historien de formation et j'ai réalisé plusieurs recherches universitaires, ce qui me permet d’être familier dans cette démarche du retour aux sources. Je me suis toujours servi de livres que j’indique en bibliographie à la fin du roman. Partant du sein, j’ai lu des ouvrages traitant du sujet. Lorsque je découvre Santa Reparata à Florence, porteuse des mêmes stigmates que Gwenn, c’est du pain béni pour mon roman. Ce sont les scientifiques et leurs ouvrages qui m’ont permis de charpenter tout mon roman.


Il faut dire qu'en guise d'incipit, vous avez choisi une citation de Jacques PREVERT : 


"Sanguine, joli fruit,
Soleil de nuit."


Pourquoi ?

Le hasard ou cette bienveillance qui m’a accompagné durant toute cette écriture. Afin de décompresser durant ma phase d’écriture, les soirs je passe en mode lecture. Je découvre ainsi l’ouvrage de Patrick ROTMAN intitulé "Ivo et Jorge" et consacré à l’amitié entre Yves MONTAND et Jorge SEMPRUN. L’auteur fait référence à ce poème de PREVERT qui fut chanté par MONTAND. Immédiatement, les paroles m’inspirent, me parlent. Je pianote sur internet pour trouver le poème devenu chanson et je l’écoute en boucle jusqu’à ce que l’émotion me submerge avant de devenir celle de mes personnages, Marianne et Carole.

Le choisir comme incipit était une évidence, avec ce fruit qui avait le même nom que cette œuvre rapportée de Florence par le père de Gwenn, « et soleil de nuit « qui était le parfait résumé de la destinée de toutes ces femmes.

J’avais fini la rédaction de « Place Médard » et étais dans la phase de correction, mais il m’a été très facile d’ajouter cette sanguine de PREVERT dans mon histoire, comme la dernière pièce d’un puzzle.


La forme même de votre roman, un roman choral, permet aux différentes voix de résonner ensemble. Est-ce qu'elle s'est imposée à vous ?

Je ne voulais pas me contenter de raconter une histoire sur un siècle. Je souhaitais m’accorder encore plus de plaisir en me lovant dans le corps de tous mes narrateurs. Mon plaisir d’écriture serait ainsi démultiplié par le nombre de personnages pour lesquels je parle.

Ecrire de cette manière-là me paraissait aussi plus enrichissant pour le lecteur car son avis pourrait changer d’un chapitre à l’autre, car tel, ou telle, qu’il avait malaimé, deviendrait différent par la vision d’un autre personnage. La fille attachante pouvait se muer en une mère dérangeante.


Mais ce roman ne serait pas ce qu’il est sans inviter à la table de vos personnes la grande Histoire. Qu’est-ce qu’elle représente pour vous ?

L’Histoire, c’est une passion pour moi. J’ai soutenu un DEA d’Histoire Moderne en 1996 à l’Université de Saint Etienne. Il était consacré à la connaissance de la femme du XIXème siècle à travers l’œuvre des Frères GONCOURT. Sujet récurrent chez moi ! Autant je me laisse porter par mon imagination pour la construction de mon roman, autant je retrouve ma rigueur absolue pour faire en sorte d’être extrêmement précis, sérieux et scientifique dans mes recherches. Max JACOB, par exemple, est en fil rouge dans ce roman. J’ai beaucoup lu à son sujet pour ne pas faire d’erreurs. Lorsque j’ai vu qu’Emile ZOLA était venu à Sainte Marine à l’époque de mon roman, j’ai voulu lui laisser quelques lignes. Et les exemples seraient nombreux.


Parlez-nous de l’écriture. Est-ce que vous vous y exercez depuis votre plus jeune âge ?

J’y pense depuis mon plus jeune âge, incontestablement. Il y a peu, je réfléchissais pour savoir d’où me venait l’envie d’écrire. Comme souvent en effet, cela remonte à l’enfance. En classe, j’étais un petit garçon plutôt discret, secret, qui ne faisait pas parler de lui. Pas vraiment d’amis, ni heureux, ni malheureux. J’étais dans une école de frères maristes et un jour, le directeur nous demanda à chacun d’écrire une histoire, puis de la lire devant la classe. Les plus intéressantes seraient enregistrées pour être lues aux enfants d’une école mariste à Nouméa, en Nouvelle Calédonie. La mienne fut retenue et tous mes camarades de classe m’applaudirent. Pour la première fois, j’étais sur le devant de la scène. Et aujourd’hui, lorsque je reçois des commentaires enthousiastes pour « Place Médard », je retrouve ce bonheur-là. Comme vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est présente dans ce roman, et vous, vous saurez que ce n’est pas un hasard.


Avez-vous chez vous une pièce dédiée ou bien faites-vous partie de ces écrivains qui, comme Alexandra KOSZELYK, ont leur carnet en poche pour y noter tout ce qui vous vient par la tête au fil de vos journées ?

« Place Médard », je l’ai cherché, écrit, corrigé à 100 % dans un bureau de ma maison dans la Drôme.


J’ai lu que vous aviez commencé par d'autres écrits, des nouvelles je crois, et des livres type dictionnaires. Pourquoi ?

Mon premier livre est intitulé "Vitoucha". C’est en effet un recueil de nouvelles qui toutes racontent l’histoire d’un objet monogrammé. Mon deuxième livre fut édité aux Editions Sutton. Je me suis servi de mon mémoire de maîtrise consacré à la fête et aux loisirs dans la région stéphanoise au XIXème siècle. C’était un sujet non encore défraîchi par l’université et mon directeur de recherches craignait l’échec. Ce ne fut pas le cas puisqu’il donna lieu à un livre, embelli par de nombreuses illustrations et un texte plus attrayant qu’un travail universitaire. Le dernier livre est un guide sur la région du Valentinois. J’avais carte blanche pour l’écrire et il devait être largement illustré par mes propres photographies, ce qui me permit ainsi d’assouvir une autre de mes passions.

Pourquoi maintenant la fiction ? Qu’est-ce qu’elle vous apporte de plus, de différent ?

J’aime beaucoup créer, laisser libre cours à mon imagination, donc la fiction est un genre où je me sens à l’aise. C’est une totale liberté, mais j’aime aussi qu’elle puisse trouver certaines aspérités sur la réalité, d’où ce choix parfois de lier mon écriture avec la vérité historique. Je suis très tenté aussi par la rédaction d’une biographie, c’est un genre auquel j’aimerai
m’essayer.


Parlez-nous de votre maison d'édition. Comment ça s'est passé avec Librinova ?

Je ne suis pas déçu par Librinova car pour la conception et l’accompagnement au lancement de « Place Médard », ils ont été chaque fois au rendez- vous. Librinova a toutefois la particularité de proposer « Place Médard » en impression à la demande. C’est un concept vertueux et responsable car on ne produit que ce qu’on vend, ce qui évite le gaspillage. Avec Librinova, le
livre est commandable sur tous les sites, chez tous les libraires, dans toutes les chaînes de magasins. Il faut compter entre trois et sept jours pour l’avoir entre les mains. En revanche, aucune mise d’office en librairie, et comme il n’y a pas de retour possible, les libraires sont frileux et globalement ne jouent pas le jeu. C’est le gros écueil et la plus grosse difficulté pour
« Place Médard ». Cette désillusion est compensée par l’enthousiasme de gens comme vous qui sans me connaître avez lu ce roman, l’avez aimé, l’avez dit, l’avez expliqué. Tous les jours, je reçois des messages enthousiastes de lecteurs qui ont apprécié cette histoire. Le bouche à oreilles a toujours été porteur de réussite. Donc, merci aux internautes, aux organisateurs de salons où les dédicaces sont un moment d’échanges inoubliables, aux médiathèques, aux associations qui ont organisé des rencontres pour parler de « Place Médard ».


Dans votre roman, vous évoquez une formidable bibliothèque, celle de l'Amiral. Dans la vôtre, pourriez-vous nous présenter un ou deux titres qui vous sont chers ?

Je lis beaucoup, mais lentement … donc je pourrais lire plus, mais j’aime écouter les phrases que j’ai lues, noter des citations, aller chercher sur internet un complément… Je flâne. J’ai une bibliothèque bien fournie, car n’ayant pas eu de livres étant enfant, je suis devenu un acheteur compulsif, mais raisonné, car mes achats s’effectuent après de nombreuses recherches.

J’ai des lectures très variées, même si des genres comme la science-fiction ou les policiers ne m’attirent qu’épisodiquement. En 2021, mon livre préféré a été "La carte Postale" de Anne BEREST. J’ai été captivé par cette recherche familiale. En 2022, j’ai beaucoup aimé le livre de souvenirs de l’historien Michel WINOCK, "Jours anciens". L’autobiographie ou la biographie sont des genres que j’apprécie, car ce sont des partages de vies et d’expériences qui m’apportent beaucoup, notamment dans ces instants particuliers où le choix ou l’absence de choix décident de la suite.

Un ouvrage que je mets au-dessous de mes dernières lectures est celui de Joseph KESSEL, "Les mains du miracle", un ouvrage captivant qui témoignage de premières main au cœur du réacteur nazi.


A l'heure de vous quitter, impossible de ne pas vous questionner sur un éventuel second roman . Est-il au travail? Pouvez-vous susciter les convoitises de nos « followers » 

Dois-je vous avouer que « Place Médard » regorge d’indices masqués qui donnent déjà la construction de sa suite ? Dans mon imaginaire, quatre cents pages sont prêtes à être écrites. La seule question est quand ? Maintenant ou intercaler un roman contemporain que je situerai à Gallipoli, dans cette Italie qui m’inspire tant ?

Merci infiniment d’avoir consacré de votre temps précieux à répondre à mes questions. Je vous souhaite le plus beau des succès en littérature. Bravo !

Merci encore un fois à vous, car vous l’avez compris, votre énergie et votre conviction pour faire connaître « Place Médard » sont autant de sources de motivation pour que je continue à le défendre par tous les chemins de traverse.

 

Au plaisir de vous croiser en librairie ou lors d'un salon du livre !

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