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"Enfant de salaud", le tout dernier roman de Sorj CHALANDON figure dans la seconde sélection de l'Académie du Goncourt pour le Prix 2021, l'occasion de revenir sur cette lecture coup de poing de la rentrée littéraire.

Je suis sous le choc d’une telle prose, d’une telle mise en abîme de deux trajectoires.

Tout commence avec la visite de la Maison d’Izieu dans l’Ain, celle qui a accueilli une colonie d’enfants, celle qui les as vus raflés le 6 avril 1944 par la Gestapo. 44 enfants ont été déportés avec les adultes qui s’occupaient d’eux. Le narrateur, journaliste, ressent au plus profond de son corps les vibrations de cette maison. Il repart avec plus de mystères à élucider que de réponses aux questions qu’il se posait à son arrivée. Peut-être que le procès de Klaus BARBIE lèvera le voile sur son lot ignoble de la grande Histoire, à moins que ça ne soit les confrontations avec son propre père qui finissent par l’éclairer…

Dans le registre de l'autofiction, l'écrivain excelle. 

Sorj CHALANDON fait de son histoire personnelle le terreau de son écriture. Il en a besoin. Lui qui a été grand reporter de guerre, qui a écrit sur des sujets d'intérêt général, en revient à son cas particulier. Avec ce 10ème roman, il le dit lui-même, il en aura fini avec ses traitres. Il en aura fini notamment avec son père qui l'a trahi, son père, c'est un salaud pour l'avoir laissé dans l'ignorance, ne pas s'être confié, ne lui avoir rien dit avant de partir.

Mais, dans ce roman, ce n'est pas tant cette histoire personnelle qui m'a intéressée, c'est plutôt la prouesse littéraire, l'exercice qui consiste à faire se dérouler en parallèle deux procès, à jouer avec les temporalités pour permettre à deux réalités de se croiser. 

La narration à la seconde personne du singulier est d'une force redoutable, les mots tranchants, les silences assourdissants, la fin magistrale.

Si je ne lis pas habituellement la sélection du Prix Goncourt, il n'en demeure pas moins que je suis ravie d'avoir découvert celui-là et pense qu'il y a toute sa place.