Calmann Levy https://calmann-levy.fr/
La #RL2019 de septembre est désormais une réalité, les rayonnages des librairies croulent sous les nouveautés, à commencer par "Une joie féroce" de Sorj CHALANDON et... "Où bat le cœur du monde" de Philippe HAYAT, une épopée romanesque tout à fait remarquable.
Nous sommes en 1935 dans la ville de Tunis. Darius Zaken est un petit garçon de la communauté juive de hara. Quand une tempête de sable sévit sur la ville, les Arabes, très en colère, s'en prennent aux Juifs qu'ils considèrent responsables de la perte de leurs récoltes et de leur misère. Ils mettent le feu à la librairie du père de Zaken qui mourra dans l'incendie, plongeant l'enfant dans un irréductible mutisme émotionnel. Plus un mot ne sortira de sa bouche, on le lit dans les toutes premières pages. Sa mère, fille de médecins d'origine italienne, nouvellement endeuillée, va se sacrifier pour l'avenir du garçon. Elle va s'inspirer du manuel des signes de l’Institut des Jeunes Sourds de Paris pour contrer le handicap de son fils. Elle va multiplier les petits boulots. C’est lors d'une soirée où Darius vient l’aider à gérer le vestiaire du théâtre qu’il se laisse guider par quelques notes de musiques... la voie d'une nouvelle vie.
Ce roman est un « multicarte » de cette rentrée littéraire.
C’est d’abord un roman initiatique. Tout au long des 429 pages, Philippe HAYAT égrène la vie de Darius Zaken depuis sa plus tendre enfance et la scène tragique de la mort de son père jusqu’à son dernier concert. Toute la première partie a un petit air de « La promesse de l’aube » de Romain GARY sous l’angle d’une relation mère-fils empreinte d’une ambition maternelle trop lourde à porter pour un enfant plongé dans le malheur. La jeune femme, splendide, cultivée, imagine de toutes pièces un nouveau château de cartes familial reposant sur la réussite scolaire du fils qu’elle rêve ingénieur. Mais les choses ne se passent pas tout à fait comme elle le souhaite, la pression va grandissante, Darius n’aura bientôt plus d’autres échappatoire que de partir pour s’émanciper de la toxicité de la pression de sa mère. J’ai beaucoup aimé, personnellement, le personnage de Lou dans son ouverture sur le monde. Elle voudrait être actrice, elle ne réussit pas et pourtant, c’est elle qui va lui offrir sa première clarinette, s’évertuer à le faire dompter son génie… elle agit comme un mentor.
C’est aussi un roman d’aventure. Philippe HAYAT, au bras de Darius, va nous promener à travers les âges (70 ans vont à peu près s’écouler), à travers les continents aussi (parti de Tunisie, il va accéder à l’Europe via la Sicile puis accoster aux Etats-Unis). Le personnage du garçon est éminemment romanesque, l’auteur lui fait vivre une véritable épopée devant laquelle j’ai succombé. J’ai adoré aussi les passages sur ce qu’il est devenu à New-York, sa rencontre avec Dinah, une prostituée noire.
C’est encore un roman historique. J’ai découvert le passé du peuple juif en Tunisie, la libération de la Sicile… plus joyeux même s’il a puisé ses sources dans les souffrances du peuple noir, le jazz.
Là, c’est une véritable fresque historique, une revue du mouvement musical et de ses grandes figures. L’auteur offre l’opportunité à Darius de rencontrer Miles DAVIS, Charlie PARKER… mais ne vous y trompez pas, Darius n’est que le fruit de l’imagination de Philippe HAYAT, c’est peut-être d’ailleurs là le talent de l’écrivain que de nous faire croire en l’existence réelle du personnage alors même qu’il n’est que fiction !
Enfin, la cerise sur le gâteau, Philippe HAYAT nous berce avec délice des notes de musique de la clarinette de Darius, il sublime cette discipline artistique avec ses mots. Je ne suis pas musicienne mais avec ce roman, j’ai eu l’impression de ressentir la puissance de la musique, de vibrer, quoi !
Avec « Où bat le cœur du monde », j’ai découvert la plume de Philippe HAYAT, sensible, fabuleuse, chaloupée, énergique. La narration y est parfaitement orchestrée dans un rythme haletant, je ne me suis pas ennuyée une seule minute ! Il a réalisé d'importantes recherches historiques qui viennent étayer un roman empreint d'une multitude de faits, réels, eux. Quant aux personnages, ils sont très attachants. J'ai un petit faible, je l'avoue, pour les portraits des femmes qui ont compté dans la vie de Darius, des personnes lunaires qui vont de l'avant, repoussent les limites, et lui offrent, chacune à leur manière, la force de l'amour.
Parce que les premières lignes suffisent parfois à vous captiver... un clic suffit !