Mon #mardiconseil, c'est un premier roman sélectionné dans le cadre du Prix du roman Cezam 2020 : "La petite conformiste" d'Ingrid SEYMAN publié aux éditions Philippe REY.
L'autrice sera accueillie la semaine prochaine, mardi 6 octobre à 20h00 à la Médiathèque des Ponts-de-Cé (49).
Vous imaginez aisément que dans le contexte actuel de crise sanitaire il soit nécessaire de vous inscrire au préalable. Alors, n'attendez plus, adressez un mail à mediatheque@ville-lespontsdece.fren indiquant le nombre de places souhaitées.
Vous hésitez encore ? Je crois que la lecture de ma chronique s'impose...
ll y a une semaine, j'ai eu l'immense chance de participer à une rencontre-dédicace organisée dans le cadre du Prix du roman Cezam. Alexis RAGOUGNEAU, l'auteur de "Opus 77" publié aux éditions Viviane HAMY, a passé 3 jours dans la région, il était notamment à l'ENSAM jeudi midi, un pur moment de bonheur.
Il nous a relaté son parcours. S'il a suivi des études universitaires dans le commerce, il a quitté ce registre rapidement pour s'orienter vers le théâtre, d'abord avec des cours en amateur et puis à temps plein. Il a ressenti le besoin de vivre, lui-même, y compris physiquement, les ressorts du théâtre. Il n'y avait ensuite qu'un pas à franchir pour se lancer dans l'écriture de pièces, il l'a fait.
Le roman, s'il lui faisait de l'oeil, il le craignait. Alexis RAGOUGNEAU a donc choisi de se lancer en littérature par la voie du policier qui correspond à un propos organisé, structuré, et donc rassurant. Sont publiés en 2014 "La Madone de Notre-Dame" et en 2016 "Evangile pour un gueux".
Fort du bel accueil réservé par les lecteurs, il choisit de faire le grand saut et d'entrer dans le genre romanesque avec "Niels" et puis récemment avec "Opus 77", tous deux sélectionnés par le jury du Prix Goncourt.
Personnellement, c'est avec "Opus 77" que j'ai découvert la plume d'Alexis RAGOUGNEAU, une pure merveille. Ce roman, c'est d'abord une histoire familiale, celle de Claessens, un chef d'orchestre dont l'auteur taira le prénom, un chef d'orchestre qui use de son pouvoir, tant dans le registre professionnel qu'à la maison, un chef de famille dominant qui a oppressé son épouse, de 20 ans sa cadette, et ses deux enfants, David et Ariane.
Mais ce roman, c'est aussi une formidable opportunité de découvrir la musique, les exigences de l'élitisme, de l'interprétation, la quête du dépassement de soi, de l'excellence et de la perfection.
Alexis RAGOUGNEAU construit avec cette discipline artistique un véritable personnage de roman, il la fait exister ! Pour l'incarner, il choisit le concerto du compositeur russe, Dimitri CHOSTAKOVITCH. Sous la plume de l'écrivain, rien n'est choisi au hasard. Si j'avais pu le soupçonner avec cette lecture, la rencontre me l'a bien confirmé. Dimitri CHOSTAKOVITCH a été interdit de jouer sa musique par Staline en personne, celui-là même qui au lendemain d'un spectacle déclarera : "C'est un petit jeu qui va très mal finir". "Opus 77", c'est un roman de l'enfermement, sujet parfaitement traité.
J'ai beaucoup aimé aller plus loin dans le roman avec cette rencontre précieuse avec l'auteur mais aussi partager un moment avec un homme d'une très grande sensibilité. Il choisit d'écrire sur des registres qu'il connait bien. Celui de la musique résonne avec sa propre vie familiale et ça se sent. S'il écrit divinement bien, il assure également parfaitement le rôle de VRP Il nous a offert un joli moment de complicité, merci à lui pour sa venue et aux organisatrices de cette pause déjeuner hors du commun.
Et puisque l'écrivain, Alexis RAGOUGNEAU, nous a invités à poursuivre la découverte de l'Opus 77 avec l'interprétation de Dvorak. Nous nous quittons en images et en musique, s'il vous plaît !
place à "La petite conformiste" d'Ingrid SEYMAN, un premier roman haut en couleurs publié aux éditions Philippe REY.
Qu'il est bon, le temps d'une lecture, de retrouver son âme d'enfant, sa spontanéité, sa liberté de parole,
Qu'il est bon, le temps d'une lecture, de regarder les adultes se confronter à leurs propres contradictions, et d'en rire !
Dans la famille, je demande la fille. Bonne pioche. C'est Esther, elle est née à Marseille dans les années 1970.
Je demande le frère. Bonne pioche. Voilà Jérémy, le fils cadet, hyperactif, qui vit avec un sparadrap sur un verre de lunette. Il est roux, un brin décalé avec le reste de la famille, et tous les autres enfants de son âge aussi.
Je demande la mère. Bonne pioche. Babeth est secrétaire de Mairie, une fonctionnaire soixante-huitarde.
Je demande le père. Bonne pioche. Patrick, Juif, pied-noir, il est originaire d'Algérie. Il pallie l'angoisse d'une shoah bis à coup de listes qui pourrissent littéralement toute la vie de famille. Ah, une précision, dans cette maison, tout le monde vit nu. L'effet 68 !
Je demande la grand-mère. Bonne pioche. Fortunée elle s'appelle, une vraie prédisposition à la richesse construite avec un magasin de confection à Souk-Ahras.
Je demande le grand-père. Bonne pioche. Isaac, lui s'efface derrière l'exubérance de son épouse.
Voilà un joli portrait de famille qui ne va pas manquer d'être éclaboussé par l'entrée d'Esther à l'école privée. Oui, oui, vous avez bien compris, celles et ceux qui interdisent d'interdire, qui se fichent de la religion, vont finalement inscrire leur fille dans une école catholique, la faute au petit Jérémy que l'école publique ne saurait calmer !
La narration à la première personne à travers les yeux d’Esther est un jubilé de fraîcheur et de vivacité. La petite n'a pas sa langue dans sa poche, elle qui est la seule "conformiste" de la maison et qui questionne tous les faits et gestes des parents et grands-parents, mais aussi ceux des parents de ses amies, des bourgeois capitalistes, un virage à 180° avec l'éducation qu'elle a reçue.
Les engueulades entre eux surgissaient donc comme par magie, à la manière d'un film d'action qu'on aurait pris en cours de route. P. 77
Derrière le côté drôle et ingénu se cache pourtant une face beaucoup plus grave.
Il y a bien sûr le passé lourd de la famille, l'exil lié à la guerre d'Algérie et l'arrivée de cette famille en France. Il y a aussi l'antisémitisme et la crainte absolue de voir de nouveaux faits perpétrés.
Ingrid SEYMAN, dans ce premier roman, croque les clichés à pleines dents et nous livre rien de moins qu’une satire de notre société parfaitement déguisée. La prose est attendrissante et le rythme palpitant.
L'intérêt des Prix littéraires, c'est bien de nous emmener en dehors des sentiers battus. Pari réussi avec cette petite cure de jouvence qui a le mérite de remettre les points sur les i et les barres au t !