Après Frida KAHLO et son "Autoportrait au Collier d'Epines et Colibri", impossible de ne pas consacrer un billet à son amoureux, Diego RIVERA. Tous deux se sont aimés à la folie, ils se sont haïs aussi, l'occasion d'un petit clin d'oeil au roman de Claire BEREST "Rien n'est noir", énorme coup de coeur de la rentrée littéraire de septembre 2019.
Et puisque nous avons décidé de publier chaque jour une toile d'artiste autour du thème du vert, symbole de l'espoir, j'ai choisi de partager avec vous aujourd'hui "La vendeuse d'arums" réalisée en 1942.
Cette toile m'inspire tout particulièrement.
Il y a cette fleur d'arum, une fleur récurrente dans l'oeuvre de l'artiste mexicain, et quand on sait que dans le langage des fleurs elle représente le Désir ardent, emblème s'il en est un de la masculinité et de la fertilité, on peut aisément imaginer l'amour fougueux qu'il vouait à Frida et plus largement, aux femmes.
Cette fleur d'arum, plutôt originaire d'Afrique, est représentée dans une large brassée, comme le signe d'une nature généreuse et d'une économie florissante reposant sur l'activité agricole, la production et la commercialisation des produits, dans laquelle les femmes jouent un rôle très important. J'y vois une reconnaissance des femmes sud-américaines avec les nattes et le châle aux couleurs traditionnelles qui, doté de sangles, leur permet de porter des charges exceptionnelles.
Outre la composition de cette toile, c'est aussi le contraste des couleurs, plutôt chatoyantes et lumineuses, qui me plaît ici.
Parce que c’est le printemps et que nous sommes en confinement, mais que les idées continuent de germer pour se « culturer », le blog s’associe avec Page des Libraires, chaque jour du mois d’avril, pour mettre au devant de la scène un livre et une librairie.
Au hasard, chaque jour, sur les étagères de ma bibliothèque, je prendrai un numéro du magazine de ces dernières années (j’en ai toute une collection !) dans lequel je choisirai un livre que j’ai aimé.
J'en viendrais presque à dire que ce confinement a du bon et je suis sûre que ma grande fille ne me contredira pas !
En fait, elle m'a confié toute une PAL, "des bijoux" m'a-t-elle dit. J'y puise régulièrement quelques perles, à l'image de "Mon ghetto intérieur" de Santiago H. AMIGORENA. Et là, très récemment, elle m'a conseillé de me plonger dans "Colette et les siennes" de Dominique BONA, une gourmandise !
Colette, j'avais abordé sa vie avec la BD "Les apprentissages de Colette" réalisée par notre regrettée Annie GOETZINGER.
Là, c'est sous la plume de Dominique BONA de l'Académie française que je vous propose de (re)trouver Colette, un personnage éminemment romanesque.
Colette a 41 ans. Elle est journaliste. Elle vit dans le 16ème arrondissement de Paris, dans le "chalet" de la rue Cortambert. Mariée à l'âge de 20 ans, elle était alors danseuse de music-hall. Depuis, divorcée, elle est aujourd'hui mariée avec le baron Henry de JOUVENEL, rédacteur en chef du journal pour lequel elle travaille. Sa fille, Bel-Gazou, elle l'a confiée à sa belle-mère. Elle vit en Corrèze. C'est la guerre. Henry de JOUVENEL est mobilisé. Colette en profite pour accueillir trois amies chez elle, trois femmes d'exception avec lesquelles Colette va partager un pan de sa vie. Financièrement privilégiée, évoluant dans une propriété de plus de 3 000 mètres carré, Colette brille dans les salons. De la guerre, elle en mesure le confinement, l'absence de son amoureux, la pénurie de denrées alimentaires. Pour le reste, Colette continue de travailler et de proner haut et fort sa liberté. Elle prendra le risque d'aller jusqu'à Verdun retrouver Henry de JOUVENEL où elle vivra des moments d'une folle passion amoureuse. A la fin de la guerre, malheureusement, l'ardeur du bien aimé se portera pour d'autres femmes, rendant Colette profondément triste. Des aventures, elle en aura, avec plus jeune que soi. Pendant ce temps, Colette écrit. Si les "Claudine" avaient été publiées sous le nom de son premier mari, Henry GAUTHIER-VILLARS dit Willy, elle signe désormais ses romans comme ses chroniques dans la rubrique des Contes des mille et un matins du journal Le Matin. Colette révolutionne le ton.
Privilégier les sensations et bannir les commentaires, toujours abstraits et ennuyeux. P. 251
Avec son amie, Annie de PENE, également journaliste, auteure de "L'évadée", ces deux femmes donnent de la chair aux mots, elles écrivent avec leur coeur, leur sensibilité, elles témoignent de leurs émotions.
Dominique BONA nous livre une biographie absolument remarquable de Colette et ses trois amies, toutes des femmes éprises de liberté, insoumises, sensuelles et gourmandes, qui vont nourrir des liens de complicité de soeurs et de solidarité de filles pour lutter contre la solitude. J'ai adoré vivre à leurs côtés leurs moments d'euphorie. En quête d'une identité nouvelle, elles cherchent par tous les moyens à EXISTER.
Nul ne saurait brider leur instinct souverain : être soi, par soi-même, voilà ce qu’elles revendiquent. P. 128
Elles se font couper les cheveux courts, elles fument, elles portent des pantalons et laissent tomber le corset. Avant-gardistes dans l'âme, elle s'affranchissent de tout ce qui pourrait les asservir, y compris des enfants. Pour Colette, c'est particulièrement vrai quand le tout Paris est aux mains des femmes, une capitale désertée des mâles partis à la guerre. Parce que Colette, c'est une sentimentale ; quand elle est amoureuse, elle vit sa passion avec fougue et accepte, quand d'autres le refusent, de se plier aux ordres du sexe fort !
Il y a un vent de renouveau qui souffle alors sur la société française. Colette et ses trois amies, Annie de PENE mais aussi Marguerite dite Moreno, comédienne, et Jeanne ROQUES, Musidora dite Musi, en jouissent sans modération.
J'ai été profondément touchée en ouvrant le livre par sa résonance avec ce que nous vivons aujourd'hui, et plus précisément avec l'exode des parisiens, mi-mars, avant que ne soit acté le confinement lié à la crise sanitaire que nous traversons :
"L'heure est aux prises de décisions rapides. Devant la menace d'une avance allemande sur la capitale, beaucoup de femmes, en chefs de famille, préfèrent quitter Paris. On gagne au plus vite la province, dans des voitures pleines à craquer, des valises empilées, ficelées sur les toits. Il arrive que des femmes qui ne savaient pas conduire aient à prendre le volant. Elisabeth, qui a le privilège d'avoir à son service le vieux chauffeur de son père (le duc ne sort plus de chez lui), emmène ses deux filles à Bénerville. Après un trajet de douze heures, elle atteint enfin son refuge, la somptueuse villa normande où elle passe traditionnellement ses vacances et qui porte un nom on ne peut plus décalé, "Mon rêve". "
Ce hasard prêterait à rire si l'heure n'était pas aussi grave : "Nous sommes en guerre".
Et en guerre, la satisfaction des besoins vitaux devient la priorité numéro un. Colette et ses trois amies partagent le plaisir de...
Manger..., elles y attachent une attention particulière dans ces mois de grave incertitude : manger rassure, on se console comme on peut. C’est une manière de se faire du bien, alors qu’on se lève et qu’on s’endort la gorge nouée par tant de menaces obscures. P. 111
Mais sur la pyramide de Maslow, après la satisfaction des besoins physiologiques, Colette et ses amies aspirent à accéder à l'échelon le plus haut, celui de l'accomplissement de soi. Colette et Annie de PENE expriment leur talent dans l'écriture. Musidora, elle, après les Folies-Bergères, convoite le cinéma. Elle connaît le succès avec "Vampires", un film en dix épisodes réalisé par Louis FEUILLADE et sorti en décembre 1916. Elle se lance ensuite dans la réalisation et enfin, dans la production. Elle entraîne dans son sillon Colette qui se consacre à la rédaction des sous-titres, nous sommes au temps du cinéma muet.
Figures des lettres et des arts, ces femmes donnent à voir une certaine approche de la maternité. Il y a l'amont, leur propre relation avec leur mère. Toutes les quatre ont vécu dans des foyers où la mère incarnait le rôle de chef de famille, une mère puissante, brillante, envahissante aussi. Elles se sont toutes émancipées de ce format. Si elles ne se disent pas féministes, elles n'en affirment pas moins une certaine relation à la filiation. Elles-mêmes se libèrent de leur progéniture.
La maternité est une vraie chaîne. P. 105
Dominique BONA écrit la biographie de quatre femmes, aussi audacieuses qu'impétueuses. "Colette et les siennes" est aussi un livre social qui décrit les modes de vie d'une certaine catégorie de la population. C'est aussi un livre historique qui donne à voir les réalités des années 1910 et des trois décennies suivantes. C'est également un livre féministe qui montre l'évolution de la condition des femmes de l'époque. C'est, de plus, un livre artistique qui relate le développement de la presse écrite et les débuts de l'activité cinématographique. Mais c'est encore beaucoup plus que ça !
Ne sont pas à négliger les qualités de l'écriture de Dominique BONA, élue à l'Académie française en 2013. Elles sont juste parfaites.
Définitivement, "Colette et les siennes" est un bijou. C'est un coup de coeur et ma #vendredilecture ! Un très grand merci à ma fille qui m'a mise sur la voie.
Hasard du calendrier. Dans la chronique de Juliette ARNAUD du 12 avril dernier, il est question de "Colette et Jacques", trois minutes de pur délice, comme la cerise sur le gâteau. Et s'il n'y avait pas de hasard dans la vie...
Parce que c’est le printemps et que nous sommes en confinement, mais que les idées continuent de germer pour se « culturer », le blog s’associe avec Page des Libraires, chaque jour du mois d’avril, pour mettre au devant de la scène un livre et une librairie.
Au hasard, chaque jour, sur les étagères de ma bibliothèque, je prendrai un numéro du magazine de ces dernières années (j’en ai toute une collection !) dans lequel je choisirai un livre que j’ai aimé.
Je me souviens d'un roman truculent, d'avoir ri jaune aussi. J'ai bien peur que le propos satirique de Sophie DIVRY n'ait pas pris une ride !
Pour aller plus loin, je vous invite à retrouver l'écrivaine et Antigone, leur entretien date du 6 avril dernier. J'en profite pour saluer toute l'équipe du Club des lecteurs yonnais !
Poursuivons ensemble nos découvertes artistiques autour du thème du vert, thème de l'espoir en cette période de confinement.
Place aujourd'hui à un formidable cadeau offert par David HOCKNEY, artiste peintre né au Royaume-Uni, à la Directrice artistique du Théâtre du Châtelet, Ruth MACKENZIE.
Le cadeau est pluriel.
Il repose sur dix oeuvres d'art, inédites, réalisées à l'iPad.
La "No. 153" en fait partie, elle a été réalisée le 5 avril dernier. David HOCKNEY célèbre l'arrivée du printemps, en Normandie, tout en beauté.
Le nuancier de verts, chatoyants, donne de la modernité à un tableau qui pourrait s'apparenter aux oeuvres des Impressionnistes. J'aime cette conception avec la juxtaposition de plusieurs plans, l'ombre de l'arbre concourt à lui donner de la profondeur.
Et puis, il y a une lettre, une lettre ouverte qui fait l'éloge de la nature, de l'amour et du réconfort.
A l'art de peindre se joint la puissance des mots. Si d'aventure vous avez quelques minutes devant vous, je vous invite à lire cette lettre dont chacun, chacune, aurait certainement voulu être destinataire. Juste sublime !