Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

2024-01-04T07:00:00+01:00

Une femme debout de Catherine BARDON

Publié par Tlivres
Une femme debout de Catherine BARDON

Et de 2... coups de ❤️ dans cette rentrée littéraire de janvier 2024. Aux côtés de la création de Cristina SAMPAIO, place au nouveau roman de Catherine BARDON, "Une femme debout", il est publié aux éditions Les Escales. Il sort aujourd'hui en librairie.

Tout commence à Marigot en Haïti. Nous sommes en 1950. Maria Carmen et André vivent dans la misère, chacun dans sa famille, alors même qu’ils ont un enfant ensemble, Petit Louis. Quand un homme étranger fait résonner sa voix dans un haut-parleur pour annoncer au village le recrutement d’hommes et de femmes pour la saison de la canne à sucre en République Dominicaine, Maria Carmen n’hésite pas longtemps. Il faut qu’ils saisissent leur chance d’une vie meilleure. Le baluchon est rapidement fait, un dernier baiser donné au bébé ensommeillé, il restera chez sa grand-mère maternelle le temps de la saison. Les contrôles passés, Maria Carmen et André montent à bord d’un camion bâché. Le couple, promis au paradis, découvrira avec horreur les baraquements destinés aux ouvriers agricoles. Leur nouvelle vie ne fait que commencer !

Catherine BARDON est une formidable conteuse. Je me souviens très bien de ce roman « Les déracinés », un livre qui m’avait transportée.

Là, nous sommes dans la même veine. L’écrivaine a ce talent de brosser des personnages de gens ordinaires. Elle leur donne vie. Le propos est émouvant et lumineux. Dans chacun d’entre eux, elle s’attache à raviver la flamme qui somnole pour en faire un grand feu. Elle met la focale sur ce qu’ils ont de plus fort et audacieux, ce qui leur permet d’affronter les événements, bref de RESISTER.

Ces parcours de vie, elle les façonne pour s’inscrire dans la grande Histoire, là celle de la République Dominicaine qu’elle connaît bien. Catherine BARDON sait allègrement mêler fiction et réalité. Elle relate ainsi les conditions dans lesquelles des haïtiens ont été leurrés par des propriétaires terriens qui les ont exploités par le travail dans les champs, un travail dur qui meurtrit les corps, puis asservis à vie en les endettant à la basse saison. Les familles se sont retrouvées emprisonnées dans un système économique reposant exclusivement sur la cannerie. C’est elle qui offre le lit et le couvert ! Nous sommes à la moitié du XXème siècle.

Vous pourriez vous dire que tout ça est terminé. Et bien non ! Cet esclavage des temps modernes n’a pas affecté une seule génération mais gangréné toutes les suivantes. Là, le propos devient militant. Catherine BARDON dénonce la situation des descendants des haïtiens rendus apatrides depuis 2013 par une décision de la cour constitutionnelle dominicaine touchant 250 000 dominicains.

Vous vous souvenez peut-être de Caroline LAURENT qui, avec « Rivage de la colère », avait révélé au monde entier le sort des habitants des îles Chagos, rendez-vous était alors donné devant la Cour de Justice Internationale de La Haye.

Avec ce roman, l’écrivaine s'inscrit dans le même objectif : mettre sa plume au service des plus faibles. Elle devient le porte voix d’une communauté dont les droits et la dignité sont bafoués. Qu'elle en soit remerciée.

Mais ce livre ne serait rien sans la biographie de Sonia PIERRE, une enfant née dans ce campement de misère, de Maria Carmen et André. Avec l’arrivée d’un missionnaire et l’apprentissage de l’espagnol, la fillette s’émancipe. Le Père Anselme l’aide à accéder au collège. A l’âge de 13 ans, elle lance une manifestation avec les ouvriers de la raffinerie.


L’injustice de leur existence, qui frôlait l’inhumanité, lui apparaissait, évidente. Elle ne voulait pas de ce monde-là. Cultivant son indignation, elle construisait brique par brique le mur de sa révolte. P. 76

A la suite des événements, elle passe une nuit en prison, mais rien ne l’arrêtera. Elle suivra des études universitaires à Cuba. Son mari la soutiendra dans sa volonté acharnée de changer le monde. On lui doit la création en 1983 du MUHDA, le mouvement des femmes dominicaines issues de l’immigration des haïtiens.


Journalistes, avocates, religieuses, elles composaient une vitrine du militantisme féminin à travers le monde. Elles étaient les multiples facettes d’un même combat, celui des opprimées, celui de celles dont la voix peinait à se faire entendre. Chacune à sa façon, dans son coin du monde, s’était dressée pour leur donner un écho. P. 238

Avec ce mouvement, Sonia PIERRE porta le cas d’enfants devant la cour interaméricaine des droits de l’homme. L’arrêt du 8 septembre 2005 rendit justice à l’acquisition de la nationalité. Mais pour combien de temps !

Catherine BARDON s’inscrit dans les pas de cette « Fanm vanyan » (en haïtien, ce terme qualifie une femme combattante, libre...), grande femme, noire, militante promise au Prix Nobel de la Paix. Décédée trop tôt, l’écrivaine lui offre aujourd'hui la voie de la postérité.

« Une femme debout » est un roman fabuleux pour un destin qui ne l’est pas moins.

Le jeu de l’écriture permet le croisement de deux époques, le passé et le présent, qui, dans les toutes dernières pages ne feront plus qu’un. C’est audacieux, c’est parfaitement orchestré.

C’est un coup de ❤️ !

Publicité. Livre offert par la maison d'édition.

Voir les commentaires

commentaires

Girl Gift Template by Ipietoon Blogger Template | Gift Idea - Hébergé par Overblog