On poursuit #Noelenpoche avec aujourd'hui "Ceux qui partent" de Jeanne BENAMEUR, un roman publié chez Actes Sud aujourd'hui disponible dans la collection Babel.
Nous sommes en 1910. Les émigrants accostent sur Ellis Island, l'île située aux abords de New-York, la porte d'entrée pour les Etats-Unis. C'est là que les services de l'immigration oeuvrent au quotidien, décidant de l'avenir de celles et ceux qui ont tout quitté pour l'eldorado américain. Parmi les valises et autres ballots, il y a Donato Scarpa, un comédien italien qui brandit Eneide, le texte de Virgile, comme un étendard. Il est accompagné de sa fille, Emilia. Tous deux ont choisi de réaliser les trois semaines de voyage pour vivre libres, loin de ce territoire qui a vu mourir leur femme et mère, Grazia. D'autres n'ont pas eu le choix comme Esther Agakian partie d'Arménie, là où la terreur de la mort sévit. Il y a Gabor, bohémien, et les siens, ces hommes et femmes de la route. La communauté des émigrants vivent ces premiers moments en terre inconnue sous le regard d'Andrew Jonsson, un étudiant en droit qui passe son temps libre à photographier ces êtres en transit. Il immortalise ces instants, rien n'est laissé au hasard, pas même une main passée dans les cheveux, une tête baissée, un regard furtif... il décrypte les émotions de ces hommes et ces femmes qui ont rompu le fil de leurs origines pour vivre une vie meilleure. Certains seront admis à fouler le sol de ce nouveau continent, d'autres pas. Tous attendent d'être jugés, mesurés, auscultés... la file d'attente est longue, beaucoup vont passer cette première nuit en terre étrangère en dortoir, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, à moins que le destin en décide autrement, là commence une toute nouvelle histoire.
Avec ce roman de Jeanne BENAMEUR, outre les personnages éminemment romanesques, ce qui m'a le plus intéressée, c'est le point de rupture, celui qui fait que l'on quitte un territoire pour un autre, que l'on abandonne une langue pour en adopter une autre, que l'on dit adieu aux siens, morts ou vivants... et qui nous fait devenir quelqu'un d'autre.
Le point de rupture, c'est celui qui permet de repousser les limites, celui qui fait passer à autre chose. Il y avait une vie avant, il y aura une vie après. C'est l'intervalle que Jeanne BENAMEUR explore avec une délicatesse infinie à travers un panel de personnages qui tous ont un itinéraire distinct, des parcours de vie différents, mais se verront marqués à vie par cette épreuve, y compris d'un point de vue charnel.
Les mots sont émouvants, les phrases belles et poétiques. Je me suis surprise à glisser régulièrement, une nouvelle fois, des marque-pages comme autant d'étoiles dans un ciel nocturne. Je sors de cette lecture totalement envoûtée par le charme, l'effet Jeanne BENAMEUR !
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